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Chapitre 2 : Cadre conceptuel

2.3 Synthèse, questions et objectifs de recherche

La mise en forme de ce chapitre a permis de soulever les assises conceptuelles de notre projet de recherche : l’identité, l’accueil de la voix des jeunes, la narration et le récit numérique ainsi que la multimodalité. Ancré dans la théorie de l’identité de Holland et al. (1998), le processus de l’identité est vu comme une construction et reconstruction continuelle médiatisée dans et par la pratique : les activités quotidiennes, les mouvements socioculturels et historiques, les discours et institutions sociopolitiques, les conditions socioéconomiques, etc. Les jeunes réfugiés peuvent se situer, à travers les enjeux et écueils que peut générer le processus migratoire de l’exil pour toute la famille, dans des circonstances et des contextes d’opportunités ou de blocage dans leurs parcours migratoire et scolaire, dû au statut juridico- légal, aux motifs de départ, au sentiment d’autosuffisance bafoué, aux préjugés systémiques, par exemple. Parce que le jeune n’est pas une reproduction passive de son milieu, ce cadre

19 Repéré à : http://lcclc.org/index.php/fservices

conceptuel permet de concevoir les jeunes réfugiés, au centre de notre étude, comme actifs et créateurs de leur identité, mais aussi situés dans des contextes socioculturels et pouvant être historiquement intériorisés. Cette conception, comme fil conducteur de la thèse, motive la nécessité d’accueillir la voix des jeunes dans l’expression de leur vécu, ce qui nous mène à l’utilisation de formes narratives et, particulièrement, du récit numérique. D’une part, la production d’une narration peut nous informer sur plusieurs dimensions de l’identité de jeunes ayant vécu l’exil en portant une attention sur les moments prémigratoires et postmigratoires. L’intention n’est pas de centraliser notre attention sur une dimension de l’identité. Par ailleurs, Bucholtz et Hall (2005), tels que cités par Newcomb (2010, p. 12), soulignent que « from the

perspective of the analyst, it is not a matter of choosing one dimension of identity over others, but of considering multiple facets in order to achieve a more complete understanding of how identity works » (Newcomb, 2010). C’est une relation dialectique entre les relations avec

l’Autre, la construction de soi et les artefacts des mondes socioculturels à travers le temps. Dans un cadre d’atelier usant de techniques autour de la narration menant spécifiquement à la création d’un récit numérique, nous voulons rendre visible leurs perspectives et leurs réalités et, dans ce sens, leurs mondes figurés, leur positionnement et leur construction de soi à travers le dialogue créé avec ces jeunes. Essentiellement portées sur la voix de groupes marginalisés, des recherches d’orientations ethnographique et critique se sont tournées vers des approches multimodales dans lesquelles le jeune est invité à se raconter pour refléter à la fois son identité et ses conditions sociales (Cammarota, 2011 ; Curwood et Gibbons, 2010 ; Guerrero et Tinkler, 2010). Usant du récit numérique, nous nous appuyons sur ces approches pour aborder le contenu sémiotique. Les études sur la littératie multimodale soulignent entre autres l’apport des divers modes d’expression dans la construction d’un message à transmettre par la pluralité des sens évoqués et la complexité sémiotique qui peut s’en dégager (Dagenais, 2012 ; Lebrun et al., 2012). Ce courant d’études, en concordance avec notre approche, est envisagé dans « [...] une pratique sociale historiquement et culturellement située et l’envisage comme un ensemble de pratiques multiples, possiblement multilingue et multimodal, dont la composition peut varier selon le contexte » (Budach et Patrick, 2011, p. 37). Notre intention est de créer un atelier participatif visant la voix des jeunes qui aboutit à la création d’un récit numérique où plusieurs activités sont proposées, telles que : un collage autoportrait, des exercices d’écriture,

des tempêtes d’idées, un scénarimage, etc., et des entrevues individuelles. Nous nous attardons à la fois à l’expérience narrative, qui s’inscrit dans l’atelier participatif, et au récit numérique. À l’instar des défis auxquels peuvent se heurter les jeunes réfugiés, notamment au cours de leurs expériences migratoires et scolaires, le projet de recherche suivant porte son attention sur la construction identitaire de ces jeunes. À ce titre, nous cherchons à comprendre la construction et la reconstruction identitaires des jeunes ayant vécu l’exil en se penchant sur leurs parcours migratoire et scolaire, à l’intérieur d’un atelier de récit numérique. Sachant que notre motif est d’accorder une place à la parole de jeunes réfugiés, il nous paraît tout indiqué de constituer le projet de recherche autour d’un espace de dialogue, de l’expérience narrative sous diverses formes. En l’occurrence, nous nous sommes intéressée à l’identité de jeunes réfugiés au Québec, dans la région montréalaise, par l’entremise d’un atelier à l’intérieur d’un programme hors scolaire déjà existant, qui a servi, en partie, à la fois de lieu de recrutement et de collecte de données.

Les trois objectifs de recherche sont les suivants :

1. Impliquer les jeunes dans un projet participatif à l’intérieur d’un atelier menant à la réalisation d’un récit numérique.

2. Documenter la construction identitaire sous l’angle de leurs parcours scolaire et migratoire.

3. Documenter et examiner, avec eux, la construction identitaire à travers la création de leur récit numérique, développé autour de leurs parcours migratoire et scolaire.

Dans le cadre d’un espace qui vise la voix de jeunes réfugiés, ancrée dans leurs vécus migratoire et scolaire, les deux questions de recherche suivantes seront explorées :

1. Comment la construction identitaire, qui comprend les mondes figurés, le positionnement et la construction de soi, est-elle exprimée à travers la narration de leurs parcours migratoire et scolaire ?

2. Comment prend forme la construction identitaire (constituée et reconstitué par les mondes figurés, le positionnement et la construction de soi) dans le récit numérique (processus et produit) portant sur leurs parcours migratoire et scolaire ?

La réalité des jeunes, particulièrement en contexte migratoire, embrasse plusieurs nuances et l’intérêt de faire de la recherche avec ces jeunes vient notamment du fait qu’ils sont bien situés pour comprendre leur propre condition (Clark, 2011). En somme, la conceptualisation de l’identité, dans ce projet de recherche, est envisagée comme un mouvement jamais achevé où le jeune est actif (self-author) et placé mutuellement en relation complexe avec l’Autre, dans des contextes socioculturels et des formes institutionnelles. Nous portons un regard sur l’expérience narrative et le récit numérique dans le cadre d’un atelier participatif et nous examinons, dans ce contexte, comment les jeunes expriment leurs mondes figurés, leur positionnement et leur construction de soi. Nous nous attardons à comprendre ce que le jeune vit en tant que réfugié, qu’adolescent ou jeune adulte, et qu’apprenant.

Ce chapitre a permis de dresser les fondements conceptuels de notre recherche. Dans le prochain chapitre, nous décrirons le cadre méthodologique qui expose les moyens entrepris pour mener notre projet de recherche.