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Chapitre 1 : Problématique

1.3 Projet d’intégration des jeunes réfugiés au Québec dans la construction

1.3.2 Milieu scolaire et son apport dans la construction identitaire: lieu

Depuis les dernières années, spécialement depuis l’instauration en 1998 d’une politique d’intégration et d’éducation interculturelle par le Ministère de l’Éducation au Québec, le sujet de l’immigration, dans le domaine de l’éducation, est incontournable (Armand, 2005 ; McAndrew, 2001). D’ailleurs, il existe une vaste documentation qui porte sur la situation des jeunes issus de l’immigration au Canada, comme au Québec, pour comprendre leur intégration, leur réussite éducative et les difficultés rencontrées dans le milieu scolaire (Benoit, Rousseau, Ngirumpatse, et Lacroix, 2008 ; Kanouté et Lafortune, 2010 ; Kanouté et al., 2008). Par contre, il y a encore peu d’études ciblant uniquement les jeunes réfugiés et leur vécu scolaire au Québec, bien que l’on rapporte que plusieurs vivent des embûches et des difficultés scolaires au cours de leur scolarisation (Gakuba, 2001 ; Uptin, Wright, et Harwood, 2013) et, se traduisant dans leur construction et reconstruction identitaire.

La partie qui suit permettra de rendre compte de l’environnement scolaire et des services d’accueil offerts au Québec aux jeunes immigrants, comme ceux ayant le statut de réfugié. De plus, nous rapporterons les difficultés et les besoins recensés dans la littérature internationale et québécoise à l’égard des jeunes ayant vécu l’exil. Il s’agit de faire état de leur situation

scolaire, nous autorisant à brosser en partie un portrait de leur projet d’intégration puis à comprendre la place de l'école dans la construction identitaire de ces jeunes.

« Les établissements scolaires peuvent offrir l’égalité des chances et des occasions d’avancement en intégrant la diversité au programme d’études, aux méthodes pédagogiques et à l’organisation de la vie scolaire, ainsi qu’en prenant des mesures particulières pour éviter que les différences socioculturelles et les écarts dans les acquis scolaires attribuables à la migration et à d’autres facteurs sociaux ne mènent à défavoriser ou à isoler certains jeunes. » (Kanu, 2009, p. 126)

L’école, avec la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle, est tenue d’offrir des outils permettant l’inclusion scolaire de tous les élèves immigrants, peu importe la catégorie, illustrant ainsi une ouverture sur la diversité (Armand, 2005 ; McAndrew, 2001). De plus, le rôle de l’école au Québec, en tenant compte des trois principes auxquels devrait adhérer le milieu scolaire, est de promouvoir l’égalité des chances, la maîtrise du français et l’éducation à la citoyenneté démocratique dans un contexte pluraliste (Armand, 2011).

À son arrivée au Québec, le jeune de statut réfugié peut faire une demande d’admission dans la commission scolaire la plus proche pour fréquenter une institution scolaire, que ce soit au niveau primaire ou secondaire. En raison de la loi 101 (Charte de la langue française), au Québec, les nouveaux arrivants sont tenus de fréquenter un établissement scolaire francophone public. Dans des conditions exceptionnelles, certains enfants peuvent obtenir l’autorisation d’accéder à un enseignement en anglais. C’est la commission scolaire ou, dans certains cas, directement l’école qui assure le protocole d’accueil et qui effectue un premier entretien (MÉLS, 2014). Une fois inscrit dans une école, une entrevue auprès des parents ou de l’élève directement permet de rendre compte du profil scolaire du jeune. Lors de cette entrevue, le personnel responsable devra recueillir notamment des informations quant aux conditions particulières concernant l’état de santé globale du jeune, le parcours scolaire et le développement langagier. Au besoin, l’accès à un interprète devient très utile lors de cette étape, mais n’est pas systématique, selon le milieu scolaire. Une évaluation est aussi effectuée pour déterminer principalement le niveau atteint en mathématiques et en français. Les renseignements rassemblés permettent de constituer un dossier pour l’élève et d’évaluer ses besoins pédagogiques de même que les recommandations vers des services appropriés. Ainsi, si le jeune ne parle pas français, il devra recourir à des mesures de soutien à l’apprentissage du

français, offert par le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport16. Dans ce cas, l’élève reçoit des services d’apprentissage du français, soit dans une classe d’accueil, dans une classe ordinaire ou dans une classe d’accueil pour élèves en situation de grand retard scolaire (MÉLS, 2014, p. 11). « Le temps de fréquentation des classes d’accueil varie selon les élèves. [...] l’enfant pourrait intégrer la classe ordinaire en cours d’année scolaire [...] L’intégration à la classe ordinaire peut être progressive et partielle, selon les matières » (TCRI, 2014a, p. 4). Le jeune est donc placé dans une école primaire ou secondaire, selon son âge et son niveau scolaire atteint et, si nécessaire, suivra des cours de francisation. Pour les jeunes de plus de 18 ans, des cours de francisation sont aussi offerts pour ceux dont la langue maternelle n’est pas le français. Ces cours, d’une durée moyenne de 300 heures, proposent un cadre d’apprentissage des compétences linguistiques de base (TCRI, 2014b).

L’école est tenue de mettre en place des pratiques favorisant l’inclusion scolaire des jeunes réfugiés, permettant de soutenir une construction identitaire positive. Bien que cela ne devrait pas incomber uniquement aux enseignants des classes d’accueil, ce sont davantage ceux-ci qui sont interpellés par les principes d'intégration, se retrouvant parfois dépassés par les exigences (Armand, 2013). Par ailleurs, pour diverses raisons, certains remettent en question le système des classes d’accueil fermées, surtout adopté dans les écoles secondaires à Montréal, versus l’insertion totale ou partielle dans la classe ordinaire (De Koninck et Armand, 2012a). Ces classes peuvent faire en sorte de creuser un fossé, réel ou symbolique, entre les élèves d'accueil et ceux de classe ordinaire. De plus, puisque les élèves des classes d'accueil fermées sont parfois isolées du reste de l'école, les liens sont plus difficiles à tisser et la transition vers la classe ordinaire par la suite peut s'avérer plus compliquée. Or, dans d'autres cas, les classes d'accueil fermées fournissent des ressources bien adaptées aux jeunes issus de l'immigration et permettent donc de mieux répondre à leurs besoins. À cet égard, peu de recherches témoignent de l'apport ou des répercussions de l'accueil dans les classes fermées versus d'insertion partielle sur la construction identitaire des jeunes de statut réfugié.

Pour bien des jeunes qui arrivent au Québec à l’âge de 16 ans ou plus, le centre d’éducation des adultes (CEA) est la première institution fréquentée du système scolaire québécois (Steinbach, Vatz Laaroussi et Potvin, 2015). « Les élèves qui terminent leur francisation ou ceux qui sont trop âgés pour obtenir leur diplôme d’études secondaires dans une école secondaire sont souvent dirigés vers un centre d’éducation des adultes » (TCRI, 2014b, p. 11). En 2011, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et

immigrantes (TCRI) a présenté un mémoire au gouvernement du Québec portant une analyse

de la situation de groupes immigrants, comme les jeunes immigrants nés à l’extérieur du Canada, dont les adolescents et les jeunes adultes réfugiés. Il est notamment souligné la surreprésentation des jeunes immigrants nés hors Canada âgés de 16 à 24 ans dans les centres de formation générale aux adultes (FGA). De plus, il est souligné que ce genre de centre a initialement été instauré pour combler les besoins d’adultes d’origine québécoise, principalement en ciblant les décrocheurs scolaires ; il peut donc y avoir une mésadaptation pour les jeunes n’appartenant pas à ce groupe (TCRI, 2011a). Cette difficulté à s'adapter au nouveau milieu scolaire et le manque de ressources adéquates dénoncé peuvent faire obstacle à une construction et reconstruction identitaire stable. Comme rapporté par Steinbach, Vatz Laaroussi et Potvin (2015, p.107):

« [...] il serait important que les jeunes réfugiés arrivés au secondaire puissent bénéficier d’une continuité de services, d’une articulation des programmes, d’accompagnement et de passerelles facilitant la transition entre les deux secteurs (jeunes et adultes). Par ailleurs, il est indispensable de prendre en compte les réalités migratoires, familiales, scolaires, identitaires et sociales des jeunes adultes réfugiés dans l’évaluation de leurs dossiers et de leurs acquis. »

Les jeunes réfugiés de 16 ans et plus peuvent côtoyer ces établissements quand ils n’ont pas terminé leurs études secondaires dans leur pays d’origine ou lorsqu'ils doivent obtenir des équivalences de formation dans différentes matières scolaires, principalement en français. Les études faites auprès des jeunes se retrouvant dans les centres d’éducation des adultes restent limitées. Par contre, une étude exploratoire de Potvin et Leclercq (2011), posant un regard sur les trajectoires sociales et scolaires de jeunes issus de l’immigration en formation générale aux adultes à Montréal, montre que plusieurs nouveaux arrivants, dont les jeunes réfugiés de plus de 15 ans, entrent directement à l’éducation des adultes, même si ces jeunes ne possèdent pas un degré scolaire suffisant (Potvin et Leclercq, 2011). L’étude reposait sur une analyse

documentaire et sur plus d’une centaine d’entrevues semi-dirigées, dont la majorité était faite auprès de jeunes volontaires issus de l’immigration, mais aussi auprès de mentors et d’enseignants. Cette étude exploratoire ne ciblait pas directement et uniquement les jeunes de statut réfugié, mais les auteurs soulignent que des trajectoires témoignaient d'un vécu migratoire particulier. Les jeunes, dont fait mention l’étude, sont souvent identifiés comme étant en difficulté scolaire. Ils seraient dirigés vers ces établissements, bien que cela puisse devenir problématique pour eux, notamment parce que l’adaptation au mode de fonctionnement de ce type de système scolaire peut devenir contraignante (Kanouté et Lafortune, 2011 ; Potvin et Leclercq, 2011). Un tel placement de ces jeunes dans ce cadre scolaire les positionne académiquement, mais aussi socialement et peut avoir des effets sur leur construction identitaire dans leur phase postmigratoire. Le secteur d’éducation des adultes demeure une structure dont l’organisation est spécifique et bien différente de celle des écoles secondaires, par exemple, en offrant un encadrement andragogique, moins de services de soutien pédagogique et psychosocial personnalisé facilitant la transition scolaire et en ayant une population nettement plus diversifiée en ce qui a trait à l’âge. Même si certains jeunes atteignant 18 ans peuvent toujours fréquenter une école secondaire en raison d’un retard scolaire important ou d’une situation exceptionnelle, les jeunes de plus de 16 ans sont la plupart du temps orientés systématiquement vers le secteur d’éducation des adultes (Potvin et Leclercq, 2011).

1.3.2.1 Difficultés et besoins reconnus dans l’expérience scolaire

« L’expérience scolaire est bien plus qu'un processus par lequel les jeunes font l'apprentissage de connaissances disciplinaires. L'école est une institution qui contribue à la socialisation […] en favorisant la construction de l'identité [...] l'identité passe par le développement d'un sentiment d'appartenance à divers groupes sociaux signifiants pour l'individu » (Pilote, 2003, p. 37).

En matière d’adaptation scolaire et sociale des jeunes réfugiés, bon nombre d’études attirent notre attention sur les défis de taille à surmonter pour ces jeunes. Il reste que les écrits qui portent spécifiquement sur les élèves de statut réfugié au Québec sont plutôt restreints. En ce qui concerne le rendement scolaire, peu de données illustrent l’ampleur du phénomène de retard scolaire ou de sous-scolarisation, précisément chez les élèves ayant vécu l’exil au

Québec. De plus, plusieurs études font état des retards scolaires qu'accusent ces élèves sans toutefois expliciter les critères spécifiques qui permettent de définir ces retards; s'agit-il d'échecs scolaires répétés dans une seule matière, d'une diminution drastique et prolongée du rendement scolaire dans toutes les matières, d'un décalage scolaire entre l'élève et ses camarades ou compare-t-on les résultats actuels avec ceux du pays d'origine?

Au Québec, les données concernant la réussite ou l’échec scolaire considèrent surtout l’ensemble des jeunes d’origine immigrante, en faisant plutôt une distinction entre les élèves de première génération et ceux de deuxième génération (Mc Andrew et al., 2008). Autrement dit, en ne détenant pas les informations concernant le statut d’immigration des élèves dans les écoles québécoises, parce que parfois non demandées ou cachées, il n’est pas évident d’identifier les élèves réfugiés parmi les autres élèves immigrants, et il devient alors difficile de comparer les résultats scolaires de ces deux groupes (Thibault, 2012). Cependant, malgré l’absence de données chez ces jeunes, plusieurs auteurs reconnaissent que le contexte singulier entourant l’exil peut représenter un nombre important de facteurs de risque compromettant leur cheminement scolaire et leur construction identitaire au fil de leur parcours scolaire (Hart, 2009).

En plus de la méconnaissance à l’égard du portrait scolaire de ces élèves de manière générale, un rapport de recherche publié par la TCRI, en 2015, fait remarquer l’absence d’uniformité en ce qui concerne les services octroyés :

« Les résultats de l’enquête menée [...] révèlent que dans les régions d’accueil des jeunes réfugiés, les modèles de regroupement et d’intégration des élèves immigrants en situation de grand retard scolaire varient selon les commissions scolaires, les écoles, et parfois même au sein d’une même école. Les services de francisation sont aussi très variables d’une région à l’autre. Il n’y a pas de modèle idéal, et les défis sont grands. » (TCRI, 2015, p. 15)

Un rapport de 2013, sur la situation des jeunes réfugiés en milieu scolaire de cinq provinces au Canada, commandé par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, rappelle que les familles et élèves réfugiés ont des besoins particuliers et que le manque de ressources à différents niveaux dans l’intégration scolaire peut alimenter les difficultés et les retards scolaires (Bisson et Ahouansou, 2013).En Australie, mais également en Nouvelle-Zélande, où le nombre d’élèves réfugiés augmente d’année en année dans les

écoles, les intervenants scolaires constatent le retard scolaire et la sous-scolarisation de plusieurs enfants et adolescents réfugiés (Hamilton, Anderson, Frater-Mathieson, Loewen, et Moore, 2005 ; Taylor et Sidhu, 2011). Ces retards scolaires sont parfois expliqués par la marginalisation que ces jeunes subissent lorsqu’ils arrivent dans des pays d’asile de transit, entre leur pays d’origine et le pays d’accueil, ou par une longue période passée dans les camps de réfugiés. À ce sujet, « le handicap scolaire demeure plus marquant pour les élèves de familles réfugiées relativement aux itinéraires migratoires tourmentés par des conflits sociaux, souvent ponctués d’étapes de vie dans des camps de réfugiés » (Bahi et Piquemal, 2013, p. 112). En plus d’être un frein au développement éducatif, les conditions prémigratoires d'instabilité et la sous-scolarisation peuvent devenir un facteur d’exclusion sociale pour ces jeunes réfugiés; un enjeu pouvant s'interposer dans leur construction identitaire. Tout en considérant les difficultés liées au passé scolaire du jeune, un ébranlement identitaire peut s'intensifier par le sentiment de rupture réelle ou symbolique entre le vécu prémigratoire et postmigratoire (Papazian-Zohrabian, 2013). Des tensions identitaires après la migration peuvent faire partie du processus de tout jeune issu de l'immigration, mais seraient exacerbées chez le jeune au statut de réfugié, surtout attribuables aux motifs qui sous-tendent le départ forcé de la famille et au risque du trauma (Fantino et Colak, 2001; Lee, 2016). L'interruption de la scolarisation ou l'exposition à des situations violentes lors de la phase prémigratoire apparaissent comme des facteurs ciblés pour expliquer les conflits identitaires de ces jeunes. Au Québec, un rapport portant sur les élèves immigrants en situation de grand retard scolaire, publié par le Ministère de l’Éducation du Québec (2002), a révélé que les élèves accusant des retards scolaires plus sérieux provenaient dans la plupart des cas de régions où le contexte sociopolitique était empreint d’hostilité ou secouées par la guerre (Armand, 2005 ; MEQ, 2002). Ces élèves sont plus susceptibles d’avoir subi des interruptions majeures de leur scolarisation ou de n’avoir jamais fréquenté d’école en raison des tensions sociopolitiques du pays d’origine (Armand, 2005 ; MEQ, 2002). Ces conditions sont plus fréquemment associées au vécu des jeunes réfugiés. Selon ce même rapport, ces élèves se retrouvent souvent dans une position d’incompréhension face au système scolaire et arrivent difficilement à s’adapter au mode de vie de l’école ; ces situations peuvent avoir des conséquences négatives sur leur motivation et leur estime de soi en tant qu’apprenant (MEQ, 2002).

Les élèves n’ayant pas été en contact avec une forme de scolarisation semblable à celle du pays hôte sont davantage à risque de vivre divers problèmes d’apprentissage, surtout s’ils n’ont pas eu l’occasion de développer leurs compétences en littératie dans leur pays d’origine ou à travers leur trajet migratoire.

« Des enfants qui n’ont pas eu de contact (ou très peu) avec l’écrit n’ont pas pu développer pleinement la conscience des différentes fonctions de l’écrit et mesurer l’ampleur du pouvoir, dans différents secteurs de leur vie, de la maîtrise d’habiletés de haut niveau, comme la lecture critique ou la maîtrise du discours argumentatif à l’écrit. [...] en raison de la profusion d’informations à gérer au quotidien et des exigences d’adaptation rapide induites par un monde du travail en mutation, le développement de conduites de lecteur et de scripteur experts constitue un élément déterminant de la réussite scolaire, personnelle et professionnelle. » (Armand, 2005, p. 443)

En plus des difficultés d’apprentissage de toutes sortes, les jeunes réfugiés sont plus à risque de subir des changements fréquents d’une institution scolaire à l’autre ou de transferts à l’intérieur même de l’école, en changeant de classe (Hart, 2009 ; Lamothe-Lachaîne, 2011). Ces changements réguliers peuvent être vécus avec quiétude, mais peuvent aussi provoquer un plus grand stress face à l’école et un désintérêt à cultiver un sentiment d’appartenance envers son milieu (Bash et Zezlina Phillips, 2006 ; Taylor et Sidhu, 2011). En peu de temps, il peut s’avérer difficile pour le jeune de s’adapter et de prendre connaissance de son environnement, de telle sorte qu’il puisse difficilement se définir face à son milieu. En d’autres mots, le jeune réfugié nouvellement arrivé à l’école est en perte de repères et il se retrouve dans une situation où en créer d’autres peut devenir compliqué. Il peut dès lors se situer dans un contexte de double stress d’acculturation, pour reprendre les termes de Berry, Phinney, Sam, et Vedder (2006) et de Kanouté (2007). Ce sont tous des défis notables susceptibles d'entraver la stabilité identitaire.

Outre les difficultés recensées par plusieurs auteurs, et malgré l’intérêt accordé à l’intégration scolaire des élèves issus de l’immigration, certaines lacunes persistent à l’égard des jeunes réfugiés (Hurley, Medici, Stewart, et Cohen, 2011). Des défis persistent de part et d’autre, notamment dans les programmes de formations des maîtres, qui sont parfois jugés insuffisants pour répondre aux besoins, ou au niveau des approches interculturelles parfois déficientes. Les informations concernant la situation scolaire des jeunes réfugiés demeurent encore limitées

dans la littérature au Canada, comme au Québec (Kirk, 2002). Il ne s’agit pas uniquement d’un manque de services d’accompagnement à long terme, mais aussi d’accès aux études. Par ailleurs, une enquête longitudinale auprès d’immigrants du Canada a souligné que parmi les tâches d’intégration (recherche d’un logement, insertion dans le marché du travail, accès aux soins de santé et poursuite des études), celle reliée à la poursuite des études est l’une des plus estimées par les nouveaux arrivants. Pourtant, elle est aussi celle où le taux de participation est le plus bas, comparativement aux autres tâches du processus d’intégration. Comme rapporté dans l’enquête, la catégorie des réfugiés représente la plus grande proportion de ceux ayant indiqué avoir connu des difficultés d’accès :

« Parmi les catégories d’immigration, les réfugiés étaient les plus susceptibles de déclarer avoir eu des difficultés d’accès aux études (27 %), alors que les immigrants de la catégorie du regroupement familial étaient les moins susceptibles de déclarer avoir des difficultés (14 %) quatre ans après l’arrivée. »17

Malgré l’importance attribuée à la maîtrise du français et de la progression quant à la mise en place de mesures de soutien linguistique dans les écoles, peu d’efforts sont mis sur les autres difficultés d’apprentissage pour les jeunes réfugiés. Certains critiquent même l’accent prédominant mis sur l’apprentissage de la langue, au détriment des autres besoins éducatifs ou des autres défis identitaires qu’affrontent ces jeunes à travers leur parcours scolaire (Rutter, 2006 ; Taylor et Sidhu, 2011). Pourtant, l’école est pour plusieurs de ces jeunes un lieu significatif d'intégration qui permet d’aller à la rencontre de la société d’accueil et, à court terme comme à plus long terme, de jouer un rôle fondamental dans leur construction