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Chapitre 1 : Problématique

1.3 Projet d’intégration des jeunes réfugiés au Québec dans la construction

1.3.4 Expérience traumatisante et son implication dans la construction

À l’heure actuelle, il existe peu de grandes recherches sur l’impact direct du traumatisme sur le parcours scolaire et la construction identitaire d'adolescents ou de jeunes adultes dans un contexte d’exil (Hart, 2009 ; Presse et Thomson, 2007). Tout de même, quelques auteurs soulèvent certains enjeux prééminents qui touchent le fait de vivre une expérience traumatisante, ce que peut s’avérer l’exil (Hart, 2009 ; Rousseau et al. 2006 ; Rutter, 2006). Les expériences du traumatisme chez le jeune réfugié sont rarement limitées à l’expérience de la perte, de la violence ou de la persécution dans le pays d’origine. Au contraire, de multiples

expériences et obstacles, comme ceux mentionnés précédemment, ont un potentiel traumatisant pour le jeune réfugié et sa famille (Hart, 2009). Dans la phase postmigratoire et durant le processus d’intégration, différents éléments peuvent être sources de stress, comme le fait de vivre ou d’être témoin que certains membres de la famille vivent des situations d’exclusion sociale à différents niveaux, de marginalisation économique et de discrimination (Rousseau et al., 2006). « Le traumatisme de l’enfant immigrant et de sa famille peut être plus ou moins important selon leur parcours. Cependant, toute immigration entraîne une forme de traumatisme liée à des pertes et à des changements, parfois voulus, parfois contraints » (Vatz Laaroussi, 2007a, p. 8). L’expérience traumatisante, qu’elle apparaisse avant le départ ou à l’arrivée dans le pays hôte, peut donner lieu à un sentiment de détresse et donc affecter le parcours scolaire du jeune et sa construction identitaire (Vatz Laaroussi, 2007a). Devant les manifestations de détresse, le modèle médical demeure celui privilégié au Canada. Ce modèle, pouvant certes s’avérer pertinent, reste limité, en particulier lorsqu’il se centre sur la normalisation d’une pathologie par la présence ou non du syndrome de stress post- traumatique. Il faut alors rester vigilant quant à la définition très médicale du traumatisme qui est décrit sous la forme d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT), car elle sépare ceux qui présentent tous les critères préétablis du SSPT de ceux qui auraient vécu un traumatisme sans avoir tous les critères apparaissant. Pourtant, une étude, menée par Yehuda et McFarlane (1995), indique que plus de la moitié de ceux qui ont vécu un traumatisme ne montrent pas tous les symptômes du SSPT (Rousseau, 2000). Tel que souligné par Premand (2006), ce genre de modèle axé principalement sur les symptômes « [...] ne rend pas compte de la diversité des réactions ni des stratégies de survie que les enfants réfugiés élaborent (Ferren, 1999 ; Lustig et al., 2004 ; Rousseau, 1995 ; Slodnjak, Kos et Yule, 2002) » (p. 18). Le traumatisme peut également se refléter autrement, peut-être par l’émergence de certaines forces ou des actes qui ne sont pas focalisés typiquement sur une psychopathologie et qui donnent une couleur particulière à la reconstruction identitaire (Rousseau, 2000).

Le syndrome de stress post-traumatique, comme désigné par le DSM-IV, est un trouble anxieux dont les principaux critères sont une exposition à un événement traumatique qui déclenche une réponse de peur intense, d’impuissance ou de terreur, ou même un comportement très agité ou désorganisé (Hart, 2009). Le syndrome se manifeste aussi par des

comportements d’évitement, rappelant le traumatisme, et l’effet de réviviscence persistante de l’événement traumatisant (Rousseau, 2000). Dans une perspective qui va au-delà du modèle médical, ces symptômes peuvent évidemment faire partie du traumatisme, mais « [...] doivent être pensés tels que perçus et construits dans un contexte et une culture spécifiques qui donnent un sens à ce qui s’est passé, influencent les formes d’expression que va prendre la souffrance et proposent des avenues de reconstruction » (Rousseau, 2000, p. 191). L’empreinte du traumatisme peut se former tant dans l’univers du jeune que dans l’univers familial. Ce ne sont pas que les expériences du pays d’origine qui peuvent devenir sources de trauma. À travers le parcours, les jeunes réfugiés peuvent faire face à de nombreuses expériences potentiellement traumatisantes comme la pauvreté, la séparation familiale et de la communauté, la persécution, l’intimidation, le racisme, l’incertitude face à son statut juridique (Hamilton et al., 2005 ; Hart, 2009). Ces problèmes n’appartiennent évidemment pas qu’au contexte de l’exil, mais les jeunes réfugiés sont susceptibles d’y être exposés à des niveaux extrêmes. Les traumatismes chez les jeunes peuvent affecter leur efficacité et leur fonctionnement à l’école à différents degrés. Cela peut se traduire par une difficulté à maintenir des relations entre pairs, un manque d’assiduité dans la classe, des pertes de mémoire et de concentration fréquentes, qui généralement affectent négativement le rendement scolaire de façon directe (Hart, 2009 ; Papazian-Zohrabian, Rousseau, Roy, Jose Arauz, et Laurin-Lamothe, 2015). Certaines études, faites aux États-Unis, ont révélé le lien direct entre l’exposition à la violence organisée chez les jeunes et les mauvais résultats scolaires, les tendances dépressives et la difficulté à gérer ses émotions ainsi que des comportements agitateurs en salle de classe (Hart, 2009). En raison de ces comportements et des effets sur le fonctionnement cognitif et affectif, ces jeunes sont plus à risque d’être victime d’intimidation. De manière générale, l’exposition à la violence peut affecter le fonctionnement social de l’enfant au cours de son parcours scolaire et donc aussi sa construction identitaire. Pour conclure, plusieurs écrits ont documenté les obstacles de toutes sortes, que ce soit sur le plan scolaire ou psychosocial, auxquels les jeunes réfugiés doivent faire face et le fait qu’ils peuvent se retrouver défavorisés sur différents pans à travers leur processus d’établissement dans le pays hôte (UNESCO, 2009). Divers facteurs peuvent expliquer les obstacles que vivent les jeunes réfugiés, notamment parce qu’ils ont un accès plus limité à certains services

réservés aux nouveaux arrivants et que les institutions scolaires sont moins bien préparées dû à leur méconnaissance du vécu de ces jeunes (Adams et Kirova, 2007). Certains auteurs ont par ailleurs indiqué que ces jeunes sont plus à risque de vivre des situations de discrimination, d’exclusion scolaire et ainsi d’être désavantagés dans leur parcours éducatif global (Hart, 2009 ; Taylor et Sidhu, 2011 ; Van Ngo et Schleifer, 2005). D’autres études ont fait directement référence au cheminement scolaire en indiquant que les élèves réfugiés sont nettement plus à risque de vivre des échecs et des abandons scolaires lorsqu'ils ont vécu une expérience de trauma (Collins, 2012 ; Mosselson, 2006). Les raisons entourant le projet migratoire ainsi que la situation à leur arrivée dans la société d’accueil, qui révèle une précarité économique pour plusieurs familles réfugiées, illustrent aussi, à un moment ou à un autre, un manque de soutien pour mener à terme leur processus d’intégration, ce qui peut également affecter la réussite éducative globale des jeunes réfugiés et leur identité (Hart, 2009). Aussi, notons que certaines recherches examinent le processus migratoire et leur vécu scolaire de manière linéaire ou en ne s’attardant qu’à une seule période de leur projet migratoire (Montgomery et Lamothe-Lachaîne, 2012 ; Montgomery, Mahfoudh, Rachédi, et Stoetzel, 2010). Pourtant, il faut comprendre que le phénomène de l’exil est complexe et qu’il fait généralement ressortir une hétérogénéité des cas (Adams et Kirova, 2007). Les jeunes arrivant au Canada ne traversent pas tous les mêmes épreuves, n’ont pas les mêmes trajets migratoires et ne fuient pas leur pays pour les mêmes raisons, et il en va de même pour leurs parcours scolaires. Certains ont fait l’expérience d’un système scolaire semblable à celui du Québec, tandis que d’autres se retrouvent devant une situation préoccupante d’incompréhension face aux pratiques éducatives privilégiées dans la société d’accueil (Armand, 2005). Partant de ces constats, il s’avère nécessaire d’explorer le vécu, par un intérêt porté sur l'identité dans une perspective de construction jamais figée, de ces jeunes en s’attardant à leur singularité, et ce, par la création d’un espace qui vise leur voix.

1.4 Accueillir la voix des jeunes: point d'ancrage dans la