• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Cadre méthodologique

3.3 Types de données : instruments

3.3.2 Collecte de données : autres techniques

3.3.2.1 Documenter le processus et la création du récit numérique durant l’atelier - notes et observations filmées

Nous avons documenté le processus de l’atelier grâce à un cahier de notes tenu par l’animateur (la chercheuse principale) et aux enregistrements vidéo pour capter les moments d’échange entre les jeunes (Banks, 2001). Lors des séances individuelles, nous avons décidé, en accord avec les participants, de capter ces moments par enregistrement audio au lieu d’utiliser la caméra vidéo. Certains jeunes se sentaient ainsi plus à l’aise. Le cahier de notes, rédigé par la chercheuse, a permis de documenter la démarche méthodologique de l’atelier et de décrire ce qui se passait ou a été utilisé pour commenter un événement particulier dans le déroulement des séances (Baribeau, 2005). Lorsque le déroulement de la rencontre le permettait, les notes étaient écrites simultanément de manière sommaire, puis elles étaient retranscrites avec plus de détails dans les 24 heures suivant la séance. Dans certains cas, surtout lors des séances individuelles, comme l’accompagnement et l’animation de la chercheuse exigeaient une attention plus soutenue, les notes étaient entièrement transcrites après la rencontre, dans les mêmes délais. Cet outil, complémentaire aux autres instruments utilisés, permettait de rendre compte du contexte de l’atelier, mais aussi des premières intuitions analytiques de la chercheuse en ce qui concerne les parcours des participants. Au total, nous avons dix documents de notes de terrain complétés et une dizaine d’heures d’enregistrement audiovidéo, excluant le groupe de discussion et les entrevues individuelles. De plus, les jeunes pouvaient tenir un journal de bord et prendre des notes quand ils le souhaitaient dans un cahier donné au début de l’atelier. Les jeunes ont eu la possibilité de s’articuler à l’écrit dans un cahier personnel. À quelques reprises, des feuilles ont été distribuées, leur demandant leurs commentaires sur le déroulement de l’atelier et nous permettant de mieux guider et accompagner les jeunes dans le processus de création du RN. Certains jeunes ont décidé de conserver ces notes à des fins personnelles.

3.3.2.2 Groupe de discussion

Malgré l’explosion des nouvelles technologies et des médias sociaux, il faut garder en tête que ce ne sont pas tous les jeunes qui y ont accès quotidiennement ou qui se sentent à l’aise avec l’utilisation de ces outils (Buckingham, 2008). À travers la recherche, l’intérêt est alors de focaliser sur le processus et d’amener les jeunes à interpréter leur production comme leur démarche (Mitchell, 2011). Les différents modes (image, musique, écrit, etc.), d’une manière ou d’une autre, deviennent des outils personnels d’articulation identitaire, mais chacun a un rapport singulier avec les supports audiovisuels et, en tant que chercheur, notre rôle est d’explorer aussi cette relation à travers le discours des jeunes (Guerrero et Tinkler, 2010 ; Pink, 2007). Il faut préciser également que les données recueillies peuvent émerger à la fois du processus de celui qui a créé le produit, mais aussi de ceux qui le regardent. De là l’intérêt d’allouer du temps aux discussions de groupe (Mitchell, 2011).

À la fin de l’atelier, un temps de discussion a d’abord été initié par l’animateur et poursuivi par les participants. La chercheuse, qui joue aussi le rôle d’animateur, a sollicité les jeunes pour dialoguer autour de l’atelier. À cette séance, les productions des récits numériques faites durant l’atelier ont été présentées dans le groupe et brièvement analysées avec les jeunes lors de la discussion en groupe, qui était filmée pour des fins de recherche seulement. Ce temps de discussion a permis de recueillir les impressions des jeunes, de présenter les productions de tous et d’impliquer les jeunes dans l’interprétation des données et dans la forme d’exposition des projets vidéo à la fin de l’atelier. Cette rencontre avait lieu dans un local réservé à l’Université de Montréal. Par ailleurs, au choix des jeunes, nous avons consacré un temps pour la visite de quelques lieux faisant partie des bâtiments de l’Université de Montréal, comme les bibliothèques, les cafés étudiants, une salle de classe, etc.

Le déroulement de cette séance s’est effectué comme suit : invités à retourner dans la salle réservée à cet effet, nous avons d’abord présenté le plan de la séance, en nous assurant qu’il convenait à tous. Tout en mangeant, les jeunes étaient conviés à une activité de tempête d’idées menant à une discussion concernant, entre autres, l’intégration sociale et scolaire. Plus exactement, cinq affiches inscrivant les mots (en espagnol), choisis auparavant par les jeunes lors de discussions, « réussite », « intégration », « école », « identité » et « futur » étaient

disposées sur un mur de la salle. À tour de rôle, et avec des crayons de couleurs différentes, les participants devaient écrire des mots ou des expressions qui illustrent ce qu’ils pensent en lien aux termes présentés. Par la suite, en groupe, les jeunes étaient sollicités pour expliquer certaines de leurs réponses et pour partager leur avis sur ces mots.

S’ensuit du visionnement des RN de chacun. À ce moment, et pour chacune des vidéo, le jeune notait individuellement sur une feuille ce qui l’interpellait du RN et une phrase qui le résume, selon lui. Une feuille bilan a aussi été distribuée aux jeunes recueillant leurs impressions et leur expérience générales dans l’atelier. Certains semblaient démotivés à l’idée de devoir écrire à nouveau, cette feuille pouvait donc être remplie à la maison et remise lors des entretiens individuels. Néanmoins, nous avons décidé de faire un retour parlé sur l’atelier et de recueillir les commentaires globaux de tous les participants sur les points positifs ou négatifs, selon eux, du processus derrière la réalisation d’un RN. De plus, les jeunes ont été encouragés à réfléchir au mode de présentation en sélectionnant le lieu, le temps et les types de productions à exposer, dans un contexte choisi par eux, selon ce qu’il était possible de faire. Par exemple, les jeunes pouvaient décider de présenter seulement leurs projets à leur famille, dans le cadre d’une soirée porte ouverte au centre communautaire affilié, ou le vendredi soir, lors des groupes de discussion CASA, ce qui a été privilégié par les participants. Trois jeunes ont voulu présenter leur projet de RN au groupe CASA et deux autres jeunes ont décidé de ne pas le présenter. La présentation des trois projets RN a eu lieu le 27 juin 2014 dans le sous-sol de l’Église où se déroulent les rencontres du groupe CASA. Évidemment, un espace d’exposition personnelle pouvait s’ajouter plus tard, au choix des jeunes. À cet égard, une jeune participante nous a contactés à l’automne 2015 pour nous indiquer qu’elle voulait présenter son récit numérique dans le cadre d’un projet scolaire. Les jeunes ont pu conserver une copie de leur RN et peuvent ainsi prendre la décision au sujet de sa diffusion, au moment où ils le désirent et selon la plate-forme souhaitée. En aucun cas, la diffusion ne devra contrevenir aux modalités des formes de consentement de tous et celle-ci devra respecter le choix des jeunes.

3.3.2.3 Entrevues semi-dirigées individuelles et présentation du schéma d’entrevue En plus des activités proposées lors de l’atelier vidéo, deux entretiens individuels semi- dirigés ont été effectués avec chaque participant, d’une durée d’environ 60 à 120 minutes chaque, et captés sur support audio. Ce type d’entretien demeure un instrument très prisé dans les recherches de type exploratoire et pour mener des formes narratives autour de l’expérience subjective, car il permet d’approfondir les concepts importants pour le chercheur, tout en laissant une flexibilité pour l’émergence d’idées qui n’étaient possiblement pas envisagées par l’intervieweur chercheur (Baribeau et Royer, 2012 ; Boutin, 1997 ; Deutsch, 2008 ; Schensul, Schensul, et LeCompte, 1999).

Avant le commencement officiel de l’atelier à l’hiver 2014, nous avions prévu d’effectuer la première entrevue plus tôt dans l’échéancier. Finalement, au fur et à mesure que les rencontres de l’atelier se déroulaient, nous avons convenu qu’il était plus approprié de réaliser les deux entrevues un peu plus tard. Cela nous laissait plus de temps pour établir une relation d’aisance entre nous, puis les jeunes participants pouvaient se concentrer pleinement sur leur récit numérique jusqu’à son aboutissement. Les deux entretiens ont été réalisés avec les jeunes après le groupe de discussion, entre mai et juillet 2014. D’abord, un entretien a été effectué pour chaque jeune immédiatement après la réalisation du récit numérique, pour colliger, notamment, des données quant à leurs expériences autour de leurs parcours migratoire et scolaire. Un autre entretien a été réalisé plus tard pour discuter, entre autres, de leur participation au projet et faire un retour sur leurs parcours ainsi que sur leur récit numérique. Ces entretiens se sont déroulés à la fois en français et en espagnol, selon le désir des jeunes participants. Le schéma d’entrevue suivant présente les grandes lignes du contenu de ces entretiens. Aussi, un guide d’entrevue plus détaillé est présenté en annexe (D). Ce guide d’entrevue a été lu et relu avant chaque passation d’entrevue, donnant lieu à une meilleure aisance de la part de l’intervieweuse, pouvant ainsi ressembler davantage à un échange qu’à une entrevue stricte et formelle. Par ailleurs, nous pouvons constater que le nombre de questions du canevas d’entrevue en annexe est plutôt grand considérant notre intention de conduire une entrevue semi-dirigée et non une entrevue dirigée. À cet égard, les questions écrites ont principalement servi de repère pour l’intervieweuse, afin de s’assurer que nous

abordions et couvrions les thématiques voulues, sans toutefois nous y restreindre, et nous autorisant aussi des passages sinueux. Ainsi, nous n’avons pas forcément suivi le guide de manière linéaire et méticuleuse, mais les questions nous permettaient, à certains moments, des relances. Puisque les entrevues ont été menées en deux temps, ce guide d’entrevue détaillé nous aidait aussi à identifier ce qui pouvait nous paraître manquant lors de l’écoute de la première entrevue, avant de conduire à la seconde.

Schéma d’entrevue

Le guide d’entrevue est subdivisé en plusieurs thématiques (se référer à l’annexe D pour voir les questions formulées). Chaque segment du guide d’entrevue est lié à une thématique précise ciblant des composantes de notre cadre conceptuel, comme le vécu scolaire et les défis au cours du parcours migratoire. Toutefois, les thématiques peuvent s’imbriquer une dans l’autre au cours des deux entretiens et d’autres peuvent ressortir au fil de l’entretien, liées au processus de construction identitaire.

Première entrevue (premiers segments de questions) - Exercice ligne de temps, présentation, parcours migratoire et scolaire

Cette première partie de l’entrevue comporte essentiellement des questions pouvant dresser le profil sociodémographique du jeune, son trajet migratoire ainsi que sa scolarité. Il s’agit de comprendre notamment comment le jeune a perçu son arrivée au Québec et de l’amener tranquillement à formuler les raisons entourant le départ de son pays d’origine. En continuité avec la première partie de l’entrevue, les questions émises permettaient au jeune de s’exprimer sur les possibles défis d’intégration vécus, lors de son arrivée et jusqu’à maintenant, mais également sur ce qui l’a aidé à travers son processus d’établissement au Québec. Nous avons également questionné le jeune sur ses pratiques transnationales, à savoir s’il prend contact avec sa famille élargie ou d’autres personnes de son entourage qui vivent à l’extérieur du Québec, et quelles formes et significations prennent ces liens transnationaux. Toutes ces informations soutiennent la constitution des profils des répondants. Chaque participant a également été invité à tracer son parcours sur une ligne du temps. Des questions à l’égard de leurs parcours scolaire et migratoire ont guidé les jeunes tout au long de la réalisation de cette

ligne du temps. Sur une affiche, une ligne de temps a été dessinée avec des points de repère dans le temps (passé, présent, futur). Le participant disposait de l’affiche avec un axe pour représenter une ligne du temps. À l’aide d’un crayon marqueur et de post-it, il devait identifier les événements suivants :

 Année de naissance ; départ du pays d’origine ; pays transit, s’il y a lieu ; arrivée au Québec ;

 Années et villes des écoles fréquentées (niveaux primaire, secondaire, préparatoire, centre d’éducation aux adultes et/ou CÉGEP/autre école spécialisée, université)

Puis, avec des post-it, les jeunes devaient repérer les événements qui ont représenté les défis les plus importants à leurs yeux. Aussi, ils pouvaient rajouter d’autres événements importants, positifs comme négatifs, qui font partie de leur parcours.

Occasionnellement, la ligne de temps était réutilisée pour approfondir des réponses émises ou pour préciser certaines informations quant aux parcours des jeunes. Certains participants pouvaient jeter un coup d’œil sur leur ligne du temps pour visualiser leurs parcours tout au long des entretiens.

Première entrevue (segments de questions 3 et 4) - Vécu scolaire, processus d’inclusion scolaire, les espaces éducatifs et les relations avec les pairs

Le but de cette partie d’entrevue est de comprendre le parcours scolaire et les expériences reliées à la scolarisation, que ce soit à l’école ou ailleurs, chez le jeune. Il s’agit aussi de s’attarder à comment le jeune perçoit son environnement scolaire ici, au Québec, et comment il le compare avec son vécu dans son pays d’origine. Ce volet de l’entrevue met aussi l’accent sur les relations avec les pairs, les performances académiques, les sentiments face aux mondes social et scolaire, la motivation, la présence ou non de discrimination, etc. Une petite partie de cette entrevue est aussi consacrée au retour sur la production individuelle du collage d’images. Quelques questions sont posées pour amener le jeune à interpréter sa propre production et à formuler oralement ce qu’il a voulu exprimer.

Deuxième entrevue (segment de questions 5) - Identité, projection et bilan de l’atelier ainsi qu’un retour sur le récit numérique

Ce volet d’entrevue représente pratiquement toute la deuxième entrevue et rassemble plusieurs sous-thématiques. Les questions contribuent à appréhender une partie de sa construction identitaire et ses mondes figurés, c’est-à-dire qu’elles sont formulées de manière à comprendre comment le jeune se perçoit et aussi comment il envisage son futur, à court terme et à plus long terme. Les questions permettent aussi de faire verbaliser le jeune sur son positionnement à l’égard de son origine culturelle, mais aussi de son statut de réfugié dans son parcours. Lorsque nécessaire, cette deuxième entrevue a aussi permis de faire un retour sur certains aspects à aborder ou à clarifier de la première entrevue. De plus, une portion de cette entrevue a pour but de faire un retour sur les projets de chaque jeune. L’objectif est d’orienter le jeune à réfléchir sur son récit numérique en le guidant par quelques questions comme :

 Peux-tu me décrire ta réflexion derrière les photos que tu as prises et ce que ça signifie pour toi ? / La musique ? La vidéo ? Etc. ; Quel message voulais-tu faire passer ?  Est-ce qu’il y a autre chose que tu voulais mettre ?

 Comment te sentais-tu en faisant la vidéo et en revoyant ta vidéo ou celle des autres ? Etc.

Finalement, les jeunes ont été invités à écrire trois choses à retenir selon eux au sujet des jeunes réfugiés. Si désirés, les jeunes pouvaient prendre le temps d’y penser davantage et me l’écrire par courriel ou lors d’une autre rencontre.