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La structuration de la nature administrative du contrat international à

Section II. Le rapprochement des caractéristiques publiques et internationales du

B. L’administrativisation du contrat à caractère public influencée par sa nature

2. La structuration de la nature administrative du contrat international à

152. L’intégration des normes internationales. Comme le soulignaient les professeurs Denis LEMIEUX et Pierre ISSALYS concernant l’AMP et le chapitre X de l’ALENA relatif aux marchés publics : « L’importance économique de tels accords ne peut être négligée et ceux-ci

ont nécessairement des impacts qui se font ressentir à divers niveaux dans le droit interne »428.

La multiplication des contrats internationaux à caractère public impose un dialogue entre diverses entités régulatrices qui dépasse les frontières canadiennes429. Concernant le rôle de ces

entités dans un contexte d’internationalisation de la commande publique les professeurs Denis

423 PATERSON R., BAND M.N., International Trade and Investment Law in Canada, EDITEUR, 2e éd., 1995. 424 ARBOUR J.-M., PARENT G., Droit international public, op. cit., p. 536-555.

425 Selon ISSALYS P., LEMIEUX D., L’action gouvernementale, Précis de droit des institutions administratives, Yvon Blais, 2009 ; « L’on ne saurait, alors, négliger l'impact sur la définition de l'intérêt public qu'auront des

ententes telles que l'ALENA, les accords de l'Organisation mondiale du commerce, de même que l'Accord intergouvernemental sur le commerce intérieur ».

426 Ibid.

427 Selon, toujours, ISSALYS P., et LEMIEUX D., op. cit., supra note 425 p. 212 : « Toutefois, on ne pourra

échapper aux normes de l'OMC que pour des motifs d'ordre public. Similairement, l'intérêt public peut constituer un facteur d'exemption à l'Accord de libre-échange nord-américain mais il ne le deviendra effectivement qu'une fois justifié en regard des circonstances ».

428 ISSALYS P., LEMIEUX D., op. cit., supra note 425, p. 212, Chapitre 13 : « Le régime du contrat administratif », VIII ; Bilan critique.

429 COURCHENE T.J., « Grappling with mobility : the role of the State as a regulator of financial institutions »,

LEMIEUX et Pierre ISSALYS ajoutaient : « Celles-ci [les entités régulatrices], en effet,

doivent désormais, dans le but d'éviter des conflits potentiels, s'enquérir de la réglementation prévalant ailleurs, et faire converger leurs propres normes en considération des réalités extérieures. Il serait en effet fort déplorable que certaines transactions soient vouées à l'échec en présence d'incompatibilités législatives résultant de la discordance des textes divers devant lesquels elles doivent répondre de leur légalité »430. Ces transactions économiques

transfrontalières par le biais, entre autres, des contrats internationaux à caractère public au Canada, ont eu comme principal effet l’émergence d’organismes supranationaux. Leur principale mission étant d'inciter les diverses entités de réglementation nationale à une coopération optimale entre elles431.

153. L’exemple de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (O.I.C.V). L’O.I.C.V. est un organisme supranational offrant des services spécialisés de conseils, notamment en matière de commande publique internationale, dans le but de participer à l’harmonisation des politiques des diverses commissions membres. L’O.I.C.V. élabore des directives permettant d’encadrer et de réguler les marchés de valeurs mobilières. Elle encourage aussi la coopération internationale entre les régulateurs de marchés financiers432. Rééquilibrant

ainsi les aspects « publics » et « internationaux » du contrat, elle place la « commande publique » au centre, faisant de l’élément d’extranéité une donnée. Elle participe ainsi au glissement de la notion, au Canada, de « contrat international à caractère public » à celle de « contrat public à caractère international ».

154. L’internationalisation des accords interprovinciaux. Certains auteurs reconnaissent que « L'impact des accords internationaux sur le droit interne est donc considérable et affecte

de façon substantielle le régime des contrats administratifs. L’exclusion des administrations provinciales et des sociétés d'État – dont les marchés publics sont importants – de même que celle de plusieurs types de contrats relativise cependant l'effet réel de ces accords »433. Les

provinces et municipalités canadiennes ne passent que peu de - ce qu’il convient d’appeler désormais - « contrats publics à caractère international ». C’est ainsi que l’administrativisation

430 ISSALYS P., LEMIEUX D., supra note 425, p. 212, voir le Chapitre 2 sur la « Théorie du pouvoir discrétionnaire ; Assujettissement du pouvoir discrétionnaire à l'ordre international ».

431 GUY G., « L'impact de l'internationalisation sur les modes d'intervention de l'État : le rôle de l'État en tant que régulateur des institutions financières », dans Actes du 42e congrès annuel de l'Institut d'administration publique

du Canada, 1990, p. 331.

432 PRADA, Conférence annuelle de l'O.I.C.V., 28 mai 2008. 433 ISSALYS P., LEMIEUX D., op. cit., supra note 425. p. 212.

du droit des contrats à caractère public se ferait à deux niveaux. Le premier niveau serait exclusivement local, avec le développement de règles permettant d’encadrer des contrats dits « publics » essentiellement provinciaux et municipaux. L’autre niveau serait supra-provincial, mais infrafédéral avec la conclusion d’accords entre provinces. Ces derniers s’inspireraient de règles issues d’accords internationaux (type ALENA) visant la conclusion de « contrats publics à caractère international ». Comme par une sorte de rebond, les règles encadrant ce type de contrats auraient influencé l’élaboration d’accords interprovinciaux434. L’Accord sur le

Commerce Intérieur (ACI)435 est un exemple d’intégration de normes internationales à l’échelle

provinciale. Toutes les provinces canadiennes ont signé cet accord. On notera que les obligations en matière d’appel d’offres sont similaires à celles contenues dans l’ALENA436.

Ces similitudes s’observent aussi avec d’autres accords provinciaux437. L’administrativisation

du contrat à caractère public au Canada s’observe donc à de nombreux niveaux, mais pour des raisons différentes. La multiplication des « contrats publics à caractère international » et leur règlementation semblent, dans une certaine mesure, avoir joué un rôle non négligeable dans l’administrativisation de la notion de contrat à caractère public au Canada, permettant ainsi d’utiliser désormais le terme de « contrat public ».

434 Alors mêmes qu’ils n’ont pas vocation à encadrer la conclusion de contrats publics à caractère international avec les provinces canadiennes.

435 L'ACI vise à réduire les barrières commerciales au Canada en ce qui concerne les personnes, les biens, les services et les investissements. L'objectif du chapitre sur les acquisitions de l'ACI est d'assurer un accès égal aux marchés publics pour les fournisseurs canadiens afin de contribuer à un contexte de transparence et d'efficacité. Bien que la portée de la couverture soit limitée aux fournisseurs canadiens, tout ce qui peut être considéré comme fournisseur canadien fait l'objet d'un débat considérable., voir à ce sujet Canada (Attorney General) v. Northrop

Grumman Overseas Service Corp (2008), 293 DLR (4th) 335.

436 Les obligations de l’ACI sont les suivantes « a) reciprocal non-discrimination provisions to protect canadian

supplier from barrières to trade; b) procédural rules aimed at ensuring equal access to all canadian suppliers; c) prescribed methods for issuing a tender call; d) the specific types of information that must be included in all tender calls ».

437 Voir à ce propos l’Atlantic Procurement Agreement entre le Nouveau Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle Écosse et l’Île du Prince Edward, l’Accord entre le Québec et le Nouveau Brunswick et l’accord entre le Québec et l’Ontario.

Conclusion du Chapitre premier

155. Les caractéristiques essentielles du contrat public et l’internationalisation du droit : le temps de l’indifférence. À l’origine, dans le cas de la France, comme dans celui du Canada, le caractère ou la nature - selon les cas - public et international du contrat évoluaient, l’un par rapport à l’autre, dans une parfaite indifférence. C’est d’ailleurs le seul point commun entre ces deux systèmes juridiques, qu’a priori, tout oppose. Le contrat public à caractère international en France sera avant tout administratif alors qu’au Canada il sera avant tout international, justifiant l’expression de « contrat international à caractère public ». Ils sont au moins, dans les deux cas, « contrat ». Il convenait de partir de ce postulat pour comparer les rapports qu’ils entretenaient, l’un et l’autre, avec le phénomène d’internationalisation du droit. Deux conceptions diamétralement opposées se sont alors fait face. Le caractère international du contrat public en France prenait en considération la finalité de l’acte, c’est-à-dire l’obligation qu’à l’administration d’assurer l’intérêt général438. A contrario, le caractère public du contrat

international au Canada devait être traité dans un rapport d’égalité entre l’Administration et son cocontractant, la première n’ayant aucune prérogative spécifique « ipso iure » sur le second439

438 NOGUELLOU R., STELKENS U., Droit comparé des contrats publics/Comparative law on public contracts,

op. cit., supra note 14, p.11.

et dont l’« efficience économique » prévalait. D’un point de vue scientifique, l’enjeu de la comparaison était de taille, surtout dans le cas de la France « où l’on est assez brutalement

passé du droit comparé comme moyen de célébrer le droit administratif français au droit comparé comme vecteur de sa remise en cause »440.

156. Les caractéristiques essentielles du contrat public et l’internationalisation du droit : le temps du rapprochement. La multiplication des « contrats publics à caractère international » a eu pour effet un double rapprochement. Le premier est relatif au caractère et à la nature publique et internationale du contrat au sein d’un même système juridique. Ce rapprochement se produit à la fois au Canada et en France, mais de manière différente. On assisterait ainsi à une administrativisation du contrat international à caractère au Canada donnant naissance à un « contrat public » dont l’élément d’extranéité deviendrait une simple caractéristique. En France, on assisterait à une internationalisation du contrat public à caractère administratif donnant ainsi naissance, comme au Canada, au « contrat public à caractère international ». Sans parler à ce stade d’harmonisation, une première forme de « dialogue » semble possible entre deux systèmes juridiques restés pendant longtemps isolés l’un de l’autre.

157. Les caractéristiques essentielles du contrat public et l’internationalisation du droit : le temps de la cohabitation. Les questions posées par le phénomène que l’on constate partout de développement du contrat public sont, sinon identiques, du moins très proche d’un système juridique à un autre441, pour preuve le cas de la France et du Canada. Ces questions concernent

le même sujet : « le contrat », ainsi que ces deux compléments : l’« élément d’extranéité » et son origine « publique ». Les trois cohabitant, de manière plus ou moins harmonieuse, dans un contexte de mutation de l’action publique, rarement remis en cause, et donnant récemment naissance à un phénomène que certains auteurs nomment la « globalisation du droit »442. Le

« contrat public à caractère international » aurait désormais l’ambition de devenir une catégorie à part entière, libérée de l’emprise des systèmes juridiques qui, après avoir refoulé son existence, doivent apprendre à composer avec lui.

440 MELLERAY F., L’argument de droit comparé en droit administratif français, Bruylant, 2007, p.16.

441 AUBY J.-B., « Les problèmes posés par le développement du contrat en droit administratif comparé », in

Mélanges Michel Guibal, Tome I, 2006, p. 411.

Chapitre II. Les caractéristiques spécifiques à certains contrats

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