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L’échec de l’autolimitation globale du droit public

Section II. Le rapprochement des caractéristiques publiques et internationales du

B. Le principe du caractère spatialement illimité du droit public

2. L’échec de l’autolimitation globale du droit public

134. Si l’autolimitation globale du droit public peut, dans une certaine mesure, se concevoir d’un point de vue théorique (a), elle doit être abandonnée d’un point de vue pratique (b).

a) Le principe d’autolimitation globale du droit public

135. La signification de l’autolimitation. L’autolimitation globale du droit public consiste à laisser volontairement échapper à une juridiction étrangère un contentieux comportant un élément d’extranéité, alors que dans une situation purement interne, ce même contentieux aurait relevé du juge administratif. L’autolimitation globale du droit public consiste pour un ordre juridique à nier l’applicabilité du droit public. A contrario, l’autolimitation globale du droit public ne consiste pas à nier l’administrativité d’une situation juridique bien que certains auteurs pensent le contraire386. En revanche, là où nous rejoignons ces derniers tient à ce que,

385 LOWENFELD A. F., « Public law in the international arena : conflict of law, and some suggestion for their interaction », RCADI, 1979, T. 169, p. 313-445, spec. p. 324.

386 Voire sur cette question LAAZOUZY M., thèse. préc. p.217, pour qui « Cette autolimitation peut comprendre

deux formes aux résultats équivalents. L’ordre juridique peut d’abord nier la nature administrative du problème affecté d’un élément d’extranéité. Il peut également écarter l’applicabilité de l’ensemble du droit public à ce même problème ». Nous sommes uniquement d’accord avec l’auteur sur le second point mains sur le premier. En effet,

la question de l’autolimitation globale de droit publique ne peut se poser que si l’applicabilité du droit public ne ferait - dans une situation purement interne - aucun doute, notamment au regard de la nature administrative du contrat. Si le contrat n’est pas administratif la question de l’autolimitation globale du droit public ne peut pas se

in fine, le résultat est identique387. L'autolimitation globale du droit public n’est concrètement

pas efficiente et l’ordre juridique français est normalement toujours en mesure de conserver ses contentieux en matière de contrats administratifs, même lorsqu'ils comportent un élément d’extranéité.

136. Le droit des marchés publics français ne s'applique pas à un marché public passé et exécuté à l’étranger. Une disposition relative à certains marchés présentant un élément d’extranéité était présente dans le décret prévoyant l’application du code des marchés publics388

sans, pour autant, figurer dans ce même code. Ladite disposition prévoyait que « les marchés

passés en France et exécutés à l’étranger sont soumis à la loi française et donc au code des marchés publics. En revanche, sauf décision des parties de s’y soumettre volontairement, le code des marchés publics ne s’applique pas aux marchés passés et exécutés à l’étranger »389.

Cette idée n’est en réalité pas nouvelle. Une circulaire en faisait déjà état auparavant390 ainsi

que le célèbre arrêt du Conseil d’État : Sieur Lavigne et Le Mée391.

137. Une situation jurisprudentielle d’autolimitation exceptionnelle et isolée : l’arrêt

Société Colas Djibouti. Dans cet arrêt392, le Conseil d'État a été amené à connaître d'un contrat

de marché public pour lequel il n'a pas décliné sa compétence et qui, par suite, selon toute

poser puisque même dans une situation interne le droit public ne se serait pas appliqué à un tel contrat. Dans ce dernier cas, comme nous le démontrerons plus loin, le contrat comportant un élément d’extranéité pourra être jugé par un juge judiciaire ou par un juge étranger car il ne répond pas aux critères classiques de la nature d’un contrat administratif. Dans ce dernier cas, il n’est alors pas nécessaire de s’interroger sur l’autolimitation globale du droit public pour priver le juge administratif d’un tel contentieux. La nature non administrative du contrat l’en prive automatiquement.

387 Le même poursuit, et nous le rejoignons sur ce point : « […] (qu’) il aurait été possible, pour l’autorité

normative compétente, de décider, a priori, soit que les contrats de recrutements d’agents en service à l’étranger sont tous des contrats de nature privée ou qu’ils sont tous soumis au droit privé ». In fine, « (l)e résultat est le même : leur défaut d’administrativité entraînerait l’incompétence du juge administratif » voire ; LAAZOUZY M., ibid, p. 218.

388 Déc. n°2001-210 du 7 mars 2001.

389 Pour une référence à ce texte et à l’idée que seuls les marchés passés en France sont sousis au Code des marchés publics : voire concl. CHAVAUX D., sous TC, 24 avril 2006, SCP de Médecins Reichheld et Sturtzer, AJDA, 2006, p. 2456-2460, spéc., p. 2459. Pour un point de vue divergent selon lequel « il semble […] qu’un marché

public français conclu et exécuté en dehors du territoire national puisse être volontairement soumis à une loi étrangère […] », voire AUDIT M., V° « Les marchés publics internationaux », Livre XIX, Joly Contrats internationaux, 2007, n°56.

390 Circulaire du 3 mai 1998 relative en matière de passation des marchés publics à l’étranger : « [Pour] les marchés passés et exécutés à l’étranger, le Conseil d’État a considéré que le code des marchés publics ne s’appliquait pas de plein droit, mais que l’administration pouvait s’y référer expressément dans le contrat » (JO, 8 mai 1988, p. 6547-6548 ; Rev. crit. dr. int. pr., 1988, p. 622).

391 CE, 3 juillet 1968, Sieur Lavigne et Le Mée, Leb., p. 884 ; concl. BRAIBANT D., AJDA, 1969 p. 253-260. 392 CE, 4 juillet 2008, Société Colas Djibouti, n° 316028, Lebon ; AJDA 2009 p. 430 , note HUL S. ; RDI 2008. 497, obs. BRACONNIER S. ; RFDA 2008. 1123, étude MELLERAY F.

vraisemblance, relevait du droit français393. La haute juridiction a relevé que ce contrat, qui

devait être signé et exécuté en dehors du territoire français, n'avait pas été soumis au code des marchés publics, ni par application de ce code, ni par la volonté de la personne publique. Il n’est pas certain que le rôle du juge revenait ici à vérifier si le contrat devait nécessairement être signé et exécuté en dehors du territoire français. S’il est dit que le contrat « devait être signé

et exécuté en dehors du territoire français », c'est uniquement parce que le contrat obligeait les

parties à agir de la sorte. Le verbe « devoir » n’est à ce titre pas employé de manière anodine. Il semblerait ici qu’il faille uniquement s’assurer que le contrat ait bien été matériellement signé et exécuté à l’étranger afin de préserver le code des marchés publics de certaines situations internationales. Si cette situation paraît surprenante, elle n’est pas nouvelle comme le rapporte l’ordonnance du Roi du 4 décembre 1836 portant règlement sur les marchés passés au nom de l'État, ordonnance dont l'article 13 disposait que ses dispositions n'étaient « point applicables

aux marchés passés aux colonies ou hors du territoire français, ni aux travaux que l'administration se trouve dans la nécessité d'exécuter en régie ou à la journée »394.

138. Une solution justifiée. Le commissaire du Gouvernement a souhaité mettre en lumière dans ses conclusions certaines antinomies395. Ces dernières ne paraissent qu’en partie

justifiées396 et comme le rappelait à juste titre le professeur Fabrice MELLERAY « [o]n ne

saisit ainsi pas pour quelle raison théorique les critères jurisprudentiels du contrat administratif s'appliqueraient aux administrations françaises à l'étranger et non les qualifications législatives. »397. Cela est sans doute dû au fait que la jurisprudence repose

uniquement sur des considérations pratiques et non conceptuelles. Certains propos du Président BRAIBANT datant de 1968 sont à ce titre très parlant et toujours d’actualité : « il n'est pas

possible de soumettre à une réglementation stricte des marchés qui sont passés dans des conditions de fait et de droit très divers ; bien souvent, des dispositions établies en tenant compte des conditions propres à la France ne pourraient s'appliquer à l'étranger, parce

393Etaient en cause la construction d'une trésorerie et la reconstruction du consulat général de France à Djibouti. 394 S. 1837. II. 47.

395 Pour Nicolas BOULOUIS « la conclusion de tels contrats - même s'ils répondent matériellement à la définition

donnée des marchés publics par le code - n'est pas inhérente à l'activité des services publics à l'étranger. Elle s'en détache, ces contrats étant conclus pour les besoins du service et non pas pour l'exécution du service lui-même ».

396 Cette distinction nous paraît toutefois ici peu convaincante car utilisée en dehors de son contexte classique de mise en oeuvre (Elle sert habituellement pour déterminer si un contrat est administratif ou de droit privé (V. par ex. T. confl., 21 mai 2007, SA Codiam, Dr. adm. 2007, n° 100, note MENEMENIS A.). Il suffit d'ailleurs de songer au cas des marchés de service public pour en mesurer les limites. Conclure des marchés est une des modalités de l'action administrative.

397 MELLERAY F., « La qualification juridique des contrats conclus à l’étranger par des personnes publiques françaises », RFDA 2008, p. 1123.

qu’elles seraient incompatibles avec la législation locale, ou parce qu'elles seraient mal adaptées à la situation de fait ; il est donc nécessaire de laisser dans ce domaine une certaine souplesse à l'action administrative (...) en opportunité, il n'est pas souhaitable d'étendre aux marchés passés à l'étranger, sans adaptation, une réglementation conçue pour les marchés passés en France »398.

b) L’abandon de l’autolimitation globale du droit public

139. Si un contrat administratif conclu et exécuté à l’étranger peut, dans certaines hypothèses, être soumis aux circulaires marchés et concessions (⍺), la référence aux critères permettant la qualification du contrat administratif reste particulièrement pertinente (ß).

140. Un contrat administratif conclu et exécuté à l’étranger : la référence au cahier des clauses administratives générales rend applicable le code des marchés publics. La proposition d’un principe d’autolimitation globale du droit public n’a pas résisté au juge administratif qui a tranché un litige399 né d’un contrat conclu et exécuté à l’étranger en

application du Code des marchés publics400. Dans cette affaire, les parties s’étaient référées au

cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvés par le décret du 21 janvier 1976. C’est normalement l’applicabilité du code des marchés publics qui rend logique et efficace la référence au cahier des clauses administratives générales, et non l’inverse. Pourtant, les parties ne semblent pas avoir souhaité soumettre leur contrat au code des marchés publics. Finalement, il y sera soumis de plein droit et cette solution nous satisfait401.

398 BRAIBANT D., concl. sous CE, 3 juill. 1968, Sieur Lavigne et Le Mée, Leb., p. 884 ; AJDA, 1969, p.255. 399 CE, 28 septembre 2001, Entreprise de construction et de prestations de services, Leb., p. 442.

400 Dans cette affaire, la mission française de coopération et d’action culturelle auprès de l’ambassade de France en Mauritanie a confié à une entreprise dont le siège social est fixé dans cet État, par un contrat conclu le 26 mai 1997 à Nouakchott, la construction d’infrastructures sportives et socioculturelles dans différents sites de Mauritanie. Le décompte général du marché ayant été contesté par l’entreprise mauritanienne, c’est uniquement au regard du Code des marchés publics que le litige a été tranché.

401 On notera encore qu’aucune référence n’est faite à la Convention de Rome du 19 juin 1980, pourtant applicable ratione temporis et qui aurait très probablement conduit à l’applicabilité de principe du droit (privé) mauritanien. Les mêmes remarques peuvent être formulées à propos d’une autre affaire (CE, 7 avril 1999, Société d’études et

entreprise d’équipements, inédit, 189328 ; CE, 7 mars 2005, Société d’études et entreprise d’équipements, inédit,

n°241666) relative à un contrat conclu et exécuté à Djibouti le 26 mai 1992 avec une entreprise locale : le Conseil d’État vise le Code des marchés publics mais pas la Convention de Rome.

141. La signature du contrat administratif à l'étranger n'est pas nécessairement un choix. Le fait de signer un contrat administratif à l’étranger n’est pas nécessairement un choix et peut s’imposer à l’administration. La Cour administrative de Bordeaux ne l’a pas entendu ainsi dans un arrêt Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon402 et considère que le marché

n’avait pas à être « nécessairement » signé à l’étranger. En l’espèce, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon avait fait exécuter un marché d’entretien d’un navire en dehors du territoire français (à Terres-Neuves-et-Labrador au Canada), pour des raisons au demeurant légitimes de limitation des délais d’exécution des prestations et des coûts, au regard de l’indisponibilité de moyens sur place et à la proximité géographique du territoire avec les côtes canadiennes403. C'est à ce titre que les parties n'ont pas souhaité se soumettre au code des

marchés publics. Les critères caractérisant un contrat administratif sont bien réunis,404 mais ce

n'est pas pour ce motif que la Cour administrative d’appel a imposé la soumission au code des marchés publics. Elle a considéré que le marché signé à ville de Québec aurait pu l’être à Saint- Pierre-et-Miquelon. Selon elle, aucune circonstance ne justifie ce choix. Le juge administratif apprécie donc l’opportunité du lieu de la signature. Ce raisonnement ne convainc pas. Il aurait

402 CAA Bordeaux, 17 décembre 2015, Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 13BX0348617. 403 La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a acquis, en 2009, le navire Le Cabestan pour assurer, moyennant un trajet d'une heure, la desserte de passagers entre l'île de Saint-Pierre et l'île de Miquelon ainsi que la liaison entre Saint-Pierre et le port canadien de Fortune, sur Terre-Neuve. Selon le plan d'entretien, ce navire devait faire l'objet, en 2013, d'une visite quinquennale en cale sèche ainsi que d'une révision importante des moteurs. La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a passé à cette fin plusieurs marchés dont l'un concernait l'entretien des moteurs et boîtes de vitesse du navire. Ce marché de prestations de services était composé de deux lots, le lot n° 1 concernant le retrait et la réinstallation des moteurs, boîtes d'engrenage et raccords du navire, et le lot n° 2 portant sur, notamment, le transport des moteurs jusqu'à l'usine accréditée, leur entretien, la réalisation d'essais et assorti d'une offre de garantie. A l'issue d'un appel d'offres, le lot n° 2 a été attribué à la société canadienne Wajax Systèmes de puissance. Par une délibération en date du 14 décembre 2012, le conseil exécutif de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a autorisé son président à signer les documents attribuant le lot n° 2 du contrat d'entretien des moteurs et boîtes de vitesse du navire Le Cabestan à la société Wajax Systèmes de puissance. Le contrat a ensuite été signé, à Québec, en exécution de cette délibération. Il prévoit une exécution du marché, en cale sèche, à Saint-Jean de Terre-Neuve. La motivation du choix de Saint- Jean de Terre-Neuve comme lieu d'exécution du contrat tenait, selon la collectivité, à la circonstance que, ne disposant pas d'une cale sèche adaptée à la réalisation de la visite d'inspection du navire, cette visite obligatoire devait s'effectuer sur ce territoire canadien, de telle sorte que les prestations de révision envisagées dans le marché devaient être réalisées concomitamment sur ce même territoire afin de limiter, dans le temps, l'immobilisation du navire et, par suite, l'organisation de dessertes de substitution et préserver ainsi la continuité de la desserte maritime et donc la continuité territoriale.

404 Il s'agit d'un contrat administratif en ce qu'il comporte des clauses exorbitantes du droit commun inhabituelles dans un contrat de droit privé (sur cette notion, v. CE, ass., 26 févr. 1965, n° 65549, Société du vélodrome du Parc

des Princes, Lebon 133 ), notamment en ce qui concerne le droit permanent de visite et de contrôle de

l'administration (CE 8 juin 1965, Da Fonseca ; T. confl. 20 juin 2005, n° 3446, Société hôtelière guyanaise c/

Centre national d'études spatiales, Lebon ; AJDA 2005. 1700 ; T. confl. 15 mars 2010, n° 3755, Dumontet c/

Commune de Vallon-en-Sully, Lebon ; AJDA 2010. 586 , et 1079 , note DREYFUS J.-D., ; CE 19 nov. 2010, n° 331837, Office national des forêts c/ Girard-Mille, Lebon ; AJDA 2011. 281 , note DREYFUS J.-D., ; et 2010. 2242 ; AJCT 2011. 141, obs. CLAMOUR G.), et la possibilité de résiliation unilatérale au bénéfice de l'administration (CE, ass., 26 févr. 1965, Société du vélodrome du Parc des Princes, préc. ; T. confl. 5 juin 1999, Union des groupements d'achats publics), prévues respectivement aux points 11 et 15 du contrat.

été préférable de ne pas soumettre ce contrat au code des marchés publics. C'est en cela qu’est approprié le raisonnement du rapporteur public pour qui « […] sans que puisse être utilement

invoquée la circonstance que la signature et l'exécution du marché à l'étranger relèvent d'un simple choix du pouvoir adjudicateur, la circonstance que le conseil exécutif de la collectivité qui a pris la délibération a son siège sur le territoire français et la circonstance qu'aucune contrainte objective n'aurait rendue nécessaire la réalisation des prestations en cale sèche à Saint-Jean de Terre-Neuve, le code des marchés publics n'était pas applicable au marché en litige. ». Enfin, il est regrettable que la Cour administrative d'appel de Bordeaux n’ait pas suivi

la position du Conseil d'État qui avait eu à trancher un cas similaire405 et dans lequel il avait

considéré qu'un contrat n'est pas soumis au code des marchés publics dès lors qu'il a été conclu à l'étranger pour être exécuté hors du territoire français, sans s'interroger sur le point de savoir si le contrat devait nécessairement être signé à l’étranger. Dans l’arrêt Société Pro 2C, le contrat restait tout de même soumis aux grands principes de la commande publique. Pour le Conseil d’État « ce contrat, s'il n'est pas soumis au code des marchés publics dès lors qu'il a été conclu

à l'étranger pour être exécuté hors du territoire français, est cependant soumis aux principes de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats et à la règle de transparence des procédures qui en découle ». Le Conseil d’État précisera qu’il s’agit en

l’espèce d’un contrat de nature administrative, car les clauses du cahier des charges prévoient le « contrôle » de l’Administration ainsi que la « résiliation unilatérale ». Il opère de facto une déconnexion entre la qualification du contrat administratif et sa soumission au code des marchés publics.

142. La soumission au code des marchés publics en référence aux critères jurisprudentiels de qualification du contrat administratif : l’exemple d’un contrat tacite. L'arrêt Institut

européen d'archéologie sous-marine406 confirme que les critères jurisprudentiels permettant de

qualifier un contrat administratif sont parfaitement applicables aux contrats conclus et exécutés à l'étranger, en l'espèce en Égypte. Après avoir identifié un contrat tacite, le juge considère qu'il

405 CE, 29 juin 2012, Société Pro 2C, n° 357976, Lebon ; AJDA 2012. 2420, étude LAAZOUZI M. ; RDI 2012. 560, obs. BRACONNIER S.

406 CE 25 juill. 2008, Institut européen d'archéologie préventive, req. n° 304172, AJDA 2008. 1519, obs. M.-C. de Montecler.

est administratif407, appliquant implicitement, mais probablement la jurisprudence

Grimouard408.

143. La qualification jurisprudentielle au profit de la qualification législative. Un contrat signé et exécuté à l’étranger, même s'il est administratif, n’a pas à être soumis aux ordonnances relatives aux marchés publics du 23 juillet 2015 et aux concessions du 29 janvier 2016 en raison du lien territorial trop distendu avec la France et de la prédominance du caractère international du contrat, à moins que les parties aient tout de même souhaité soumettre le contrat public au droit français. En dehors de ce cas, la soumission au droit français des marchés publics et des

407 Les « contrats non écrits », bien que moins fréquents en droit administratif qu'en droit privé dans la mesure où la forme écrite est souvent exigée par les textes en matière administrative, sont soit tacites ou bien verbal. L'hypothèse ici concernanait la forme tacite. L'Institut français d'archéologie orientale du Caire (IFAO), établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel basé au Caire, et l’Institut européen d'archéologie sous-marine (IEASM), association de droit français dont le siège est à Paris, avaient travaillé ensemble lors de fouilles réalisées dans le port d’Alexandrie. L'association était titulaire de permis de fouilles exclusifs mais à cause d’une urgence en lien avec un projet de construction d'une digue, les autorités égyptiennes avaient demandé à l'IFAO de participer aux opérations. Cette « collaboration » entre les deux personnes morales françaises n'a toutefois été matérialisée par la signature d'aucun contrat. Ce sera la conclusion d'une convention expresse entre l'IFAO et une société privée qui sera à l’origine du litige. L'IFAO avait cédé les droits de propriété intellectuelle concernant la campagne de fouilles à une société chargée de les valoriser. Cette opération est contestée par l'IEASM qui s'estime, sur la base de ses droits de fouilles, seule titulaire desdits droits. L'association saisi le juge judiciaire pour que l'IFAO lui communiqueles documents recueillis dans le cadre des fouilles. Elle a

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