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L’INTERNATIONALISATION DE LA FORMATION DU CONTRAT PUBLIC

PUBLIC

« Un marchand, comme on l'a très bien dit,

n'est nécessairement citoyen d'aucun pays en particulier. Il lui est, en grande partie, indifférent en quel lieu il tienne son commerce,

et il ne faut que le plus léger dégoût pour qu'il se décide à emporter son capital d'un pays à un autre, et avec lui toute l'industrie que ce capital mettait en activité »680

Adam SMITH

270. L’internationalisation de la formation du contrat public prendrait ses racines dans la libéralisation du commerce à l’échelle mondiale. Ce processus s’explique donc - dans un premier temps du moins - par des considérations d’ordre commercial, voire économique pour ses aspects les plus techniques681. Ainsi, d’un phénomène impulsé par les exigences - attendues

ou subies - d’une libéralisation globalisée des rapports commerciaux entre « personnes privées »682, on observe - depuis 1995 surtout - un intérêt croissant des opérateurs économiques

pour les opportunités qu’offre la commande publique internationale683. Si, par la construction

du marché commun, le franchissement des frontières - en matière d’achat public notamment - n’a rien d’inédit au sein de l’Union européenne684, il n’est pas certain que les entreprises

680 SMITH A., Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.

681 JOHNSON H. G., International trade and economic growth, studies in pure theory, ed. London University

Press Book, 1958, p. 235.

682 LAFAY G., Comprendre la mondialisation, Paris, Economica, 1996, p. 37 (jeu des entreprises) et p. 51 (mouvements de capitaux).

683 AUBY J.-B, « L’internationalisation du droit des contrats publics », op. cit., supra note 4, n°8-9.

684 RICHER L., L’Europe des marchés publics. Marchés publics et concessions en droit communautaire, LGDJ, 2009, p. 46, voir aussi sur ce sujet LICHERE F., « L'influence du droit communautaire sur le droit des contrats publics », in AUBT J.-B. et DUTHEIL DE LA ROCHERE J., Droit administratif européen, Bruylant, 2007, p. 389 ; ALBERTON G., « Vers une inévitable refonte du droit français des contrats publics sous l'effet des exigences

françaises aient été préparées à répondre à des appels d’offres internationaux - entendus « hors Union européenne » - et aux enjeux systémiques qui les caractérisent. Si l’intérêt pour le commerce international peut être universellement partagé par certains acteurs, au-delà même de leur pays d’origine, il n’en demeure pas moins que, selon les régions, les mécanismes juridiques et politiques permettant de l’appréhender peuvent, dans une certaine mesure, diverger685. À ce titre, le cas du Canada est particulièrement intéressant en ce qu’il fait face à

une triple spécificité. L’accompagnement et l’encadrement des opérateurs économiques canadiens à l’étranger, et étrangers au Canada686 se matérialiseraient tout d’abord au niveau

macro, c’est-à-dire au-delà des frontières de l’Amérique du Nord687 - puis au niveau mezzo,

c’est-à-dire au sein de l’Amérique du Nord688 - et enfin au niveau micro, c’est-à-dire à

l’intérieur même du Canada689. Quasi simultanément, l’internationalisation de la commande

publique va être rattrapée par l’internationalisation du « droit » de la commande publique. Ces deux processus, indissociables l’un de l’autre, se laisseront happer par une influence circulaire entre normes internationales et normes internes, avec pour objectif de donner un cadre légal commun à des pratiques commerciales s’étant affranchies du principe - fuyant - de territorialité690. Le professeur Jean-Louis HALPERIN soulignait à ce propos que « [l]a

progression de ces règles internationales à la faveur de la libéralisation du commerce

communautaires ? », in Contrats publics, Mélanges en l'honneur du Professeur Guibal, Presses de la Faculté de droit, 2006, t. 1, p. 761 ; BRISSON J.-F., « Le droit au juge dans le contentieux des marchés publics. Dynamisme, dynamiques et limites du droit communautaire processuel », ibid., t. 2, p. 339 ; PERRIN A, “Que reste-t-il de l'autonomie procédurale des États membres ?” (à propos de la décision de la CJCE du 18 juillet 2007, Commission

c. Allemagne), RD publ. n° 6/2008, p. 1661 ; GERARD H., “L'acheteur public et la publicité de marché face au

juge des référés précontractuels et au droit communautaire”, AJDA 2007, p. 1813 ; BRECHON-MOULENES C., “La place du juge administratif dans le contentieux économique public”, AJDA 2000, p.679 ; BOYENGA- BOFALA F., “L'impact des directives-recours sur l'organisation des voies de droit internes et les modalités d'exercice par le juge administratif français de son office (un aspect de l'encadrement de l'autonomie procédurale des États-membres)”, RTD Eur. 2002, p. 499 ; BAZEX M., BOUJEKA A., “Variations sur l'harmonisation communautaire des droits nationaux”, LPA 28 févr. 2002, p. 4 ; FLAMME M.-A., FLAMME P., “À la recherche, avec la commission européenne, d'un contrôle juridictionnel plus efficace de la régularité des commandes publiques”, RFDA 1995, p.600.

685 JACKSON J. H., DAVEY W., Legal problems of international economic relations materials and text on the

national and international regulation of transnational economic relations, ed. Michigan University Press, The

Sumner and Laura Foster Library, 1986., p. 219

686 MOCKLE D., « Mondialisation et État de droit », op. cit., supra note 3. p. 275.

687 Au niveau politique, l’Amérique du nord comprend le Canada, les États-Unis et le Mexique. Au niveau géographique, le Mexique fait partie de l’Amérique centrale ; voir à ce sujet les travaux de Mark PURCELL, plus spécifiquement son article intitulé « Pushing the boundary : state restructuring, state theory, and the case of U.S.- Mexico border enforcement in the 1990s », Political Geography, vol. 24, issue 2, Feb. 2005, pp. 211-235. 688 Ibid., incluant donc uniquement le Canada, les États-Unis et le Mexique.

689 Il s’agit là du Gouvernement fédéral du Canada et des provinces canadiennes, pris chacun individuellement, puis conjointement par l’articulation de leurs mécanismes respectifs.

690 MUIR WATT H., ; « la territorialité est une notion largement chimérique » ; « la territorialité est un concept

extrêmement fuyant », in « Actes – droit comparé et territorialité du droit : défis et enjeux », in Droit comparé et territorialité du droit, Un cycle de conférences du Conseil d’État, Tome 1, Droits et Débats, Conseil d’État, 2017,

international est très largement reconnue, de même que leur capacité à s’appuyer aussi bien sur les normes nationales (à commencer par la liberté laissée à la volonté des contractants dans chaque ordre juridique) que sur des conventions internationales »691. Tel un retour de

bâton, les ordres juridiques nationaux devront intégrer - en fonction du degré de contrainte de la norme en question - cette règlementation internationale, ou du moins se l’approprier. De nouvelles problématiques surgissent alors avec une intensité inégale selon les États, comme en France et au Canada en l’occurrence. C’est peut-être alors là - précisément - que l’intérêt de l’approche comparative réside. Comme le précisait le professeur Mireille DELMAS-MARTY « une des fonctions du droit comparé est peut-être de résister à des processus d’intégration qui

seraient trop contraignants et trop déstabilisants pour l’ordre national »692, rappelant ainsi les

craintes qu’exprimait jadis KANT à propos de la paix perpétuelle : « un État à gouvernement

mondial serait le pire des despotismes »693. L 'émergence d’un droit transnational de la

commande publique ou d’un jus commun des contrats publics serait alors rendue possible, principalement par la phase de formation du contrat public. Cette dernière, occupant une place de premier ordre dans la règlementation internationale - tant au niveau de la passation (chapitre I) que du contenu du contrat (chapitre II) attirerait vers elle - telle la « matière » avec ses atomes - les systèmes nationaux, participant ainsi à une harmonisation normative à l’échelle mondiale. Ainsi, ce bouleversement et cette réorganisation des flux et dynamiques du droit n’ont de meilleures illustrations que celle qu’en donna, pour un tout autre sujet, le célèbre physicien Richard P. FEYNMAN. Concluant magistralement dans ses Feynman Lectures on

Physics694, il rapporte, telle une allégorie de l’internationalisation de la formation du contrat

public et des rapports qu’elle entretient avec les ordres juridiques internes, que « toutes les

choses sont faites d’atomes (de molécules), petites particules en agitation incessante, s’attirant mutuellement à petite distance les une des autres et se repoussant si on cherche à trop les rapprocher »695.

691 HALPERIN J.-L, Profils des mondialisations du droit, Dalloz, 2009, p. 241.

692 DELMAS-MARTY M., « Actes – droit comparé et territorialité du droit : défis et enjeux », in Droit comparé

et territorialité du droit, Un cycle de conférences du Conseil d’État, Tome 1, Droits et Débats, Conseil d’Etat,

2017, p.36.

693 KANT E., Eléments métaphysiques de la doctrine du droit, Essai philosophique sur la paix perpétuelle, supra note 1.

694 FEYNMAN R., LEIGHTON R., SANDS M., The Feynman lessons, ed. California Institute of technology, 1961-63.

695 Ibid., « Électromagnétisme I&II » qui recoupent le deuxième volume de l'édition Américaine, éd. Boxed set,

Chapitre I. La passation du contrat public renforcée par

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