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Des programmes d’infrastructures transfrontalières : l’exemple du projet

Section I. L’influence de la coopération transfrontalière et de la règlementation

B. L’approche canadienne par la coopération économique

2. Des programmes d’infrastructures transfrontalières : l’exemple du projet

189. La naissance du Projet. Le projet du Passage international de la rivière Détroit (PIRD), aussi connu sous le nom de Nouveau passage commercial international (NPCI), est un projet binational d'infrastructure frontalière particulièrement vaste et ambitieux le long de la frontière

513 Les Grands Lacs et le Saint-Laurent constituent l'un des plus grands réseaux d'eau douce du monde. C’est plus du quart des réserves mondiales d’eau douce qui sont drainées par ces lacs et ces fleuves. Ces réserves d’eau d’une superficie de plus de 1,6 million de km2 — ce qui correspond à la taille du Québec —, constitue l’essentiel de l’approvisionnement en eau des américains et des canadiens. Les grands lacs et le fleuve Saint-Laurent

514 Portrait global de l’état du Saint-Laurent 2014, Rapport du gouvernement du Québec, n° de catalogue : En154- 53/2014F, bibliothèque nationale du Canada, 2015.

515 JENISH D., « Inland superhighway », Canadian geographic, july/august 2009.

516 Depuis quelques années le Canada met d’importants moyens en oeuvre afin de préserver cet éco-système et ce pôle économique important. À ce titre, le gouvernent souhaite, entre autres, endiguer le problème relatif au rejet d'effluents provenant des systèmes de traitement des eaux usées. Il s’agit ici d’une source majeure de pollution relevant des questions de santé publique. Le gouvernement du Canada et la province de l’Ontario ont, par le biais du Fonds pour l’infrastructure verte lancée en 2009, alloué la somme de 174,5 millions de dollars afin de rénover quatre importantes infrastructures de traitement des eaux usées. Avec un engagement de l’État fédéral à hauteur de 9 millions de dollars et de la province ontarienne à hauteur de 6,5 millions de dollars, l’usine de traitement des eaux usées de Red Rock dans la baie de Nipigon s’est vue retiré de la liste dite des « secteurs préoccupants ». De même pour l’usine de traitement des eaux usées de la ville de Cornwall sur le fleuve Saint-Laurent, dont la rénovation a conjointement été assurée par des fonds fédéraux et provinciaux à hauteur de 18,5 millions de dollars. Enfin, l’usine de traitement des eaux usées de la ville de Woodward ainsi que la municipalité de Halton, au port d’Hamilton, se sont respectivement vues attribuer de 151,5 millions de dollars par les gouvernements du Canada et de l’Ontario. Ces investissements s'ajoutent à la somme de plus de 100 millions de dollars de soutien fédéral déjà engagée dans le cadre d'autres programmes d'Infrastructure Canada, y compris le Fonds Chantiers Canada et le Fonds de stimulation de l'infrastructure, pour des infrastructures de traitement des eaux usées dans ces secteurs. Le gouvernement du Québec oeuvre aussi en matière de rénovation d’infrastructures de rétention d’eau usées. La ville de Montréal compte une centaine d’ouvrages de ce type. Actuellement, le bassin d’eau de Marc-Aurel-Fortin se voit rénové afin d’améliorer la rétention des eaux usées lors de fortes pluies et d'éviter leur déversement dans le milieu naturel. Dans un second temps, ces eaux sont acheminées vers la station d'épuration des eaux usées J.-R. Marcotte pour y être traitées.

entre le Canada et les États‑Unis517. Le projet PIRD / NPCI, qui n’a pas son équivalent518, a pour objectif de soutenir les économies de l’Ontario, du Michigan et de manière plus générale du Canada et des États-Unis. Il permettra d’accroître le commerce et les investissements entre les deux États tout en favorisant l’employabilité des deux côtés de la frontière. En 2012 le Canada et les États-Unis signaient l’Accord sur le Passage entre le Canada et le Michigan, permettant ainsi l’encadrement, la construction, le financement, l’exploitation et l’entretien du nouveau pont publics. Le 14 mai 2015, l’ancien Premier ministre, et le gouverneur du Michigan et la ministre des Transports, ont annoncé que le nouveau pont public reliant Windsor (Ontario) et Détroit (Michigan) sera nommé le Pont international Gordie-Howe.

517 Ce passage frontalier entre Windsor-Detroit est reconnu comme le corridor frontalier le plus emprunté en Amérique du Nord et est desservi par quatre infrastructures existantes que sont le Pont Ambassadeur, de propriété privée, le Tunnel Détroit-Windsor (propriété conjointe des villes de Détroit et Windsor, le Tunnel ferroviaire de Michigan Central Railway (Propriété de Borealis Infrastructure et le Canadien Pacifique) et le traversier pour camions Detroit-Windsor, de propriété privée).

518 Le projet du futur pont Champlain est important mais difficilement comparable avec le projet Windsor-Détroit car il se situe sur l’île de Montréal et n’est donc pas transfrontalier. En revanche, il constitue un axe privilégié en matière de commerce avec les États-Unis car il est directement relié à l’autoroute 15 N et se trouve à seulement 64 kilomètres de la frontière américaine. Les enjeux économiques de la construction de ce pont dépassent aussi les seuls intérêts canadiens puisque des entreprises états-uniennes participent au projet. Ouvert à la circulation depuis le 28 juin 1962, le pont Champlain, de par son usure et sa vétuisté, nécessitait des travaux importants justifiant la construction d’un nouveau pont. En avril 2015, le gouvernement du Canada a sélectionné le consortium « Signature sur le Saint-Laurent » pour la conception, la construction, le financement et l’entretien du pont qui devrait être terminé d’ici décembre 2018. Le projet comprend la construction du nouveau pont Champlain de 3,4 kilomètres, un nouveau pont pour L’île-des-soeurs de 470 mètres, l’élargissement de l’autoroute 15, l’amélioration des bretelles de la route 132 et de l’autoroute 10 sur la Rive-Sud menant au pont. Le projet inclut aussi des mesures de surveillance et d’atténuation environnementales rigoureuses afin de protéger l’environnement naturel avoisinant, des caractéristiques et une qualité architecturale venant enrichir le paysage montréalais, contribuant au statut de corridor en tant que principale porte d’entée pour Montréal, un corridor réservé au transport en commun et une piste multifonctionnelle sécuritaire et accessible pour les piétons et les cyclistes. Si le coût total de la construction est estimée à 2,15 milliards de dollars, de nombreux sous-traitants étrangers devraient intervenir en faisant un projet urbain d’envergure internationale. De nombreuses entreprises québécoises, participeront au projet (Béton Bourgeois concernant la préfabrication des pièces nécessaires aux trois passes à poissons migratoires situées sur la jetée ouest de l’Ile-des-Soeurs, Béton Préfabriqué du Richelieu (BPDR) pour les éléments préfabriqués des jetées temporaires, Béton Préfabriqué du Lac (BPDL) pour la préfabrication de pièces liées aux piles des approches, au pylône principal et au tablier du pont, Bisaillon Transport pour le service du camionage, Camille Blais et Fils pour l’installation de palplanches et de pieux, Canam pour la fabrication de la superstructure en acier des approches du nouveau pont (plus de 4000 tonnes) et du pont de l’Ile-des-Soeurs (5100 tonnes) à partir de leurs installations au Québec et aux États-Unis. Notons aussi la présence des entreprises Chenail pour la fourniture d’asphalte, Everest Equipment Company pour la fourniture de moules pour les éléments préfabriqués, Gravel Auto pour la fourniture de véhicules de chantier, Groupe Ocean pour la location et l’opération d’équipements maritimes, Grues Guay pour la location de grues et non opérées, Hewitt Équipements pour la fourniture d’équipement lourd, notamment chargeuses et excavatrices, Lafarge pour la fourniture de béton et de pierres concassée et Strongo pour la fourniture de différents types de grues), tout comme d’autres entreprises canadiennes (Bauer interviendra en matière d’opérations liées au forage des pieux, Ford Canada fournira des véhicules de chantier, MMM Group proposera ses services en matière d’ingénierie pour la conception de la portion autoroute du projet et Norseman fournira les super dômes (abris temporaires). Les entreprises américaines participeront aussi activement à la construction du pont Champlain, mettant en exergue l’intérêt transfrontalier (Interviendront les entreprises International Bridge Technologies concernant les services d’ingénierie pour la conception du pont, North American Steel (NAS) pour la fabrication de 5000 tonnes d’armatures en acier inoxydable, Robishawconcernant les barges sectionnées et transportables sur route et TY Lin pour les services d’ingénierie pour la conception du pont.).

190. L’Autorité du Pont Windsor-Détroit. Ce partenariat public-privé est géré par l’Autorité du Pont Windsor-Détroit (APWD). L’APWD est une société d’État sans but lucratif créée en 2012. Elle relève du Parlement par l’entremise du ministre de l’Infrastructure et des Collectivités. Ses capitaux sont détenus à 100% par le gouvernement du Canada bien qu’elle soit structurée comme une entreprise privée. Ses missions sont la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien du nouveau pont entre Windsor (Ontario) et Detroit (Michigan). L'APWD aura, entre autres, la responsabilité de surveiller les travaux de construction ainsi que l'exploitation du nouveau passage tout en fixant et percevant les droits de péages. Bien que l'APWD soit dirigée par un président-directeur général (PDG) elle est régie par un conseil d'administration dont les membres sont nommés par le gouverneur en conseil, à la suite d'une recommandation par le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités.

§II. L’influence de la règlementation internationale sur la notion de partenariat

public-privé

191. Il semblerait que l’externalisation des missions des administrations ait été anticipée et souhaitée par de grandes organisations internationales comme l’OCDE. Elle aurait incité certains pays à innover en matière de montages contractuels. L’exemple des partenariats publics-privés (PPP) traduit cette évolution, en France comme Canada. Si le modèle des PPP français s’est inspiré, dans une large mesure, des Private Finance Initiative (PFI) en Angleterre519, il convient tout de même de recontextualiser et relativiser cette influence.

Recontextualiser d’abord, car si la France s’est inspirée des PFI, c’est avant tout parce qu’elle évoluait au sein d’un phénomène plus ample d’internationalisation économique et juridique520,

la poussant à innover. Les pays les moins développés, étant restés à l’extérieur du phénomène d’« internationalisation du droit »521, ne se sont pas directement inspirés des PFI. Relativiser

ensuite, car s’il n’est pas nié que la France ait calqué son modèle de PPP sur celui des PFI, il convient de rappeler que les anciens METP français faisaient preuve d’importantes similitudes avec les PFI. De plus, le modèle de PFI anglais a été développé au Royaume-Uni à l’aide de

519 LICHÈRE F., « Les partenariats publics-privés ou la seconde vie de Franck Lloyd Wright », in LICHÈRE F.,

Partenariats public-privé : rapport du XVIIIe congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Bruylant,

2011, p.2.

520 LICHÈRE F., « Du droit comparé et du droit tout court », AJDA 2004 : « Qui ne voit pas pourtant la prégnance

des évolutions du droit engendrées par le phénomène de globalisation ? », p. 2017.

spécialistes français des contrats publics522. Il s’agirait alors d’une internationalisation du droit

couplée d’une influence circulaire entre droits étrangers (A). Au Canada, l’internationalisation de la notion de contrat public s’est problématisée différemment. Si le recours à l’externalisation est courant au Canada, la difficulté se situe moins dans l’harmonisation de la notion de PPP entre les provinces et l’État fédéral523 que dans la mise en oeuvre technique de ce nouveau

montage contractuel (B).

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