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La coopération transfrontalière à objet déterminé

Section I. L’influence de la coopération transfrontalière et de la règlementation

A. L’approche française par la coopération juridique

1. La coopération transfrontalière à objet déterminé

162. L’idée d’une « coopération transfrontalière » n’est pas nouvelle et s’inscrit dans un long processus historique de relations politiques et diplomatiques entre les États (a). Cependant, c’est depuis les années 1980 que des projets transfrontaliers importants se sont concrétisés (b).

a) La naissance de la coopération transfrontalière

446 Par exemple, le 12 fév. 2010, le Canada et les États-Unis ont conclu un accord qui permettra aux entreprises canadiennes de participer aux projets d’infrastructure américains financés en vertu de l’American Recovery and

163. Définition lato sensu. Le dictionnaire Larousse447 définit la « coopération » comme étant

« une action de coopérer, de participer à une oeuvre commune ». La seconde définition donnée par ce dictionnaire est particulièrement intéressante en ce qu’elle sert directement notre propos. La « coopération » serait « une politique d’entente et d’échange entre deux États ». Concernant le terme « transfrontalier », le même dictionnaire le définit comme suit : « Qui concerne le

franchissement d'une frontière, les relations entre pays de part et d'autre d'une frontière ». Il

semblerait que les termes de « coopération » et de « transfrontalier », pris de manière isolée, font indirectement référence à la mise en place, juridique ou pas, d’un « échange entre États ».

164. Définition juridique. La notion et le régime de la coopération transfrontalière ont été consacrés par la Convention de Madrid du 21 mai 1980448, complétés par un premier protocole

additionnel du 9 novembre 1995 et un second protocole du 5 mai 1998. Si, à l’origine, la coopération transfrontalière concernait essentiellement les États449, elle s’est par la suite

étendue aux collectivités territoriales450. Á ce propos, le professeur Mathias AUDIT ne manque

pas de rappeler, dans l’introduction de sa thèse, que la genèse de ce phénomène de coopération se situe dans les rapports entre États et Royaumes451.

165. Une tradition centraliste ancrée. Pour la première fois, les collectivités territoriales se trouvent au centre du dispositif. La longue tradition centraliste et jacobine de la France s’accorde assez mal avec la conviction des rédacteurs de la Convention de Madrid du 21 mai 1980. L’un d’entre eux expliquait que les rédacteurs « sont partis de la conviction que les

autorités locales et régionales ont une vocation naturelle à prendre en charge la coopération transfrontalière au niveau local et que l’on peut en déduire que leur compétence générale pour

447 Disctionnaire Larrousse, éd. 2017, p. 341.

448 Convention sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales du 21 mai 1980, Madrid, 21.V.1980.

449 Des traités internationaux relatifs à la coopération des collectivités ont permis d'organiser ces relations,

principalement en autorisant ces dernières à user d'un droit national spécifique. Des traités bilatéraux, comme l'accord de Rome du 26 novembre 1993 entre la République française et la République italienne, le traité de Bayonne du 10 mars 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne ou bien encore l'accord de Bruxelles du 16 septembre 2002 entre la République française et le Royaume de Belgique, ou bien encore plurilatéraux, comme l'accord de Karlsruhe du 23 janvier 1996 entre la République française, la République fédérale d'Allemagne, le Grand-Duché de Luxembourg et la Fédération Suisse ont organisé entre ces États des relations de coopération.

450 AUDIT M., Les conventions transnationales entre personnes publiques, thèse, L.G.D.J, 2002., p.237.

451 Voir à ce propos : « Ce phénomène est tout d’abord susceptible de concerner l’État lui-même. D’aucuns

s’estiment en effet qu’existent, au côté des traités entre États souverains, des conventions entre plusieurs États, pris comme personnes morales droit public ». M. AUDIT., thèse, op. cit., p. 2.

gérer les affaires communales s’étend aussi au pouvoir de nouer des relations avec les autorités locales et régionales limitrophes »452.

166. L’incitation à la coopération. Tout semble avoir été fait pour ne pas contrarier les États qui seront incités à promouvoir la coopération transfrontalière sans y être forcés non plus. La question de la force contraignante de cette Convention se pose légitimement. Si l’incertitude quant à la sanction de l’État en cas d’inexécution subsiste, certains auteurs pensent que la Convention de Madrid ne soumet les États à aucune obligation stricte453. Les rédacteurs de la

Convention placent volontairement les États dans un certain confort par l’utilisation de termes non équivoques. Dans l’article premier de la Convention une idée assez forte se dégage. La partie contractante s’engage « à faciliter et à promouvoir la coopération transfrontalière » de ses collectivités et « s’efforcera de promouvoir » la conclusion des accords et arrangements nécessaires à cette fin454. Le champ d’application de la Convention de Madrid est limité aux

« rapports de voisinages entre collectivités ou autorités territoriales de deux ou plusieurs

parties contractantes », en précisant qu’elle comprend « la conclusion des accords et arrangements utiles à cette fin »455. Il s’agit là de l’affirmation claire de la possibilité pour une

collectivité territoriale de conclure une convention transfrontalière. L’idée selon laquelle « l’étendue et la nature de ces compétences ne sont pas affectées » par la Convention456 ne nous

satisfait pas. S’il ne convient pas de remettre en question le fait que le texte ne porte pas atteinte aux compétences matérielles ou même territoriales des personnes publiques, on regrettera, comme le professeur Mathias AUDIT457, que la Convention ne confère pas aux collectivités

territoriales la possibilité de développer une action internationale et, le cas échéant, de nouer des relations conventionnelles à l’étranger.

b) La coopération transfrontalière à objet unique

452 LOCATELLI R., « La décentralisation de la coopération transfrontalière en Europe. La mise en oeuvre de la

convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales », Pouvoirs, n°19, 1981, p.59-66, spéc. 61.

453 AUTEXIER C., V° « L’action extérieure des collectivités territoriales françaises dans le cadre européen », Rép.

Dalloz, Collectivités locales, vol. IV, chap. I, n°101-103.

454 Cette formulation peut être rapprochée de celle utilisée par l’art. 14 de la Charte européenne des langues

régionales ou minoritaires, signée à Strasbourg le 5 novembre 1992 : « Les parties s’engagent : {…} b) dans l’intérêt des langues régionales ou minoritaires, à faciliter et/ou à promouvoir la coopération à travers les frontières internationales, notamment entre collectivités régionales ou locales sur le territoire desquelles la même langue est pratiquée de façon identique et proche ».

455 Ibid., art. 2§1 in limine. 456 Ibid., 2§1 in fine.

167. Le traité de Canterbery du 12 février 1986 entre la France et le Royaume-Uni relatif au tunnel sous la Manche. Il constitue un exemple éclairant de ce que pourrait être une coopération transfrontalière entre deux États. Il s’agit ici d'un ouvrage international mettant en relation les territoires respectifs de la France et le Royaume-Uni. Comme le rappelle le professeur Stéphane BRACONNIER « Le projet était inédit à plus d'un titre. À sa nature

transfrontalière s'ajoutait le caractère inédit de la connexion territoriale établie (le tunnel fait naître une frontière terrestre entre un pays continental et un pays insulaire, là où n'ont été fixées que des frontières maritimes) ainsi que son importance stratégique et économique manifeste »458. Ce qui semble constituer une forme de « coopération transfrontalière » entre

États devait, pour aboutir, reposer sur la conclusion préalable d’un traité entre la France et le Royaume-Uni. C’est à ce titre que fut signé le 12 février 1986 le traité de Canterbery. Ce dernier, au-delà de la cristallisation de l’engagement des deux États relatif à la réalisation d'une liaison fixe transmanche, prévoyait les différentes modalités de l’exploitation et de la construction de la liaison. Ce projet a contraint les deux États à mettre leur droit interne en adéquation avec l'opération dans le respect du droit international.

168. L’accord du 10 octobre 1995 entre la France et l’Espagne. Il était ici question de construire et d’exploiter une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et l’Espagne reliant la ville de Perpignan à celle de Figueras. Le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Espagne se sont associés sur un tel projet en signant un

accord à Madrid le 10 octobre 1995459. Cet accord semble réunir toutes les caractéristiques

d’une coopération transnationale entre États.

169. L'accord du 29 janvier 2001 entre la France et l'Italie. Le projet Transalpin franco- italien est une autre illustration de ce que pourrait être une coopération transfrontalière entre États. En 1996, la France et l’Italie ont décidé, pour un montant de 11 milliards d'euros, de réaliser 200 kilomètres de voies ferrées entre les villes de Lyon et Turin. Par un accord du 29

458 BRACONNIER S., « Partenariats publics-privés internationaux », Fascicule 647, JurisClasseur Contrats et

Marchés publics, Lexis Nexis, mise à jour le 3 mai 2016.

459 Les engagements des deux États sont de trois ordres : arrêter le choix d'une section internationale de la liaison construite et exploiter par un concessionnaire (art. 2.1), conforter la liaison en garantissant le raccordement au réseau européen standard de la section internationale et enfin mener à bien l'ensemble des procédures juridiques et administratives pour faire aboutir le projet (art. 3), ce qui passe notamment par la mise en place d'une commission intergouvernementale ad hoc chargée de lancer la mise en concession (art. 5).

janvier 2001460 la France et l’Italie se sont engagées à construire ensemble les ouvrages de la

partie commune franco-italienne allant de Saint-Jean-de-Maurienne à Bussoleno. Pour la partie française, la maîtrise d'ouvrage a été confiée à Réseau Ferré de France, alors que la maîtrise d'ouvrage italienne a été confiée à Rete Ferroviaria Italiana (Réseau Ferré italiens). La partie commune franco-italienne a été confiée en 2001 à une société spécialement constituée pour ce projet ; Lyon-Turin-Ferroviaire (LTF). Le financement du projet est mixte, mais l’essentiel vient de sociétés d'autoroutes et de partenaires privés appelés au projet dans le cadre d'un partenariat public-privé. En 2013 est votée par le parlement français une loi concernant la réalisation d’une nouvelle ligne ferroviaire entre les deux villes461. En décembre 2014 le choix

a été fait de constituer un « Promoteur public » qui endosserait la responsabilité opérationnelle de ce nouveau projet transfrontalier462. L'article 7 de l’accord du 30 janvier 2012 relatif à la

nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin a donné lieu a interprétation sous forme de lettres gouvernementales publiées le 20 juin 2016463. Cet échange de lettres vient notamment apporter

des précisions sur le partage des rôles et responsabilités entre, d'une part, le « Promoteur public Tunnel Euralpin Lyon Turin » et, d’autre part, la Commission des contrats464 La société TELT

(Tunnel Euralpin Lyon Turin) a procédé le mercredi 21 juin 2017 à Lyon, au siège de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, au lancement officiel des 81 appels d'offres de la future liaison Lyon- Turin465.

2. La coopération transfrontalière à objet indéterminé

460 Déc. n° 2003-1399 du 31 décembre 2003 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, signé à Turin le 29 janvier 2001.

461 Loi n° 2013-1089 du 2 décembre 2013 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon–Turin.

462Arrêté du 23 décembre 2014 portant approbation de la décision de Réseau ferré de France de céder ses parts dans la société par actions simplifiées (SAS) Lyon Turin ferroviaire (LTF) à l’Etat en vue de la mise en place du Promoteur public ayant la responsabilité opérationnelle du projet de section transfrontalière de la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, NOR : DEVT1430282A.

463 Déc. n° 2016-820 du 20 juin 2016 portant publication de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à l’interprétation de l’article 7 de l’accord du 30 janvier 2012 pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon–Turin (ensemble une annexe), signées à Paris le 19 novembre 2015 et à Venise le 8 mars 2016, NOR : MAEJ1614679D.

464 Déc. n°2016-820, op. cit., « Monsieur le Ministre, cher Graziano, Paris, le 19 novembre 2015, Au nom de mon

Gouvernement, j’ai l’honneur de vous proposer, en annexe de la présente lettre, une interprétation de l’article 7 de l’Accord du 30 janvier 2012 pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin afin de clarifier le rôle et les responsabilités respectives, d’une part, de la direction du Promoteur public Tunnel Euralpin Lyon Turin (ci-après « TELT SAS »), placée sous la responsabilité du directeur général, assisté en particulier de son directeur juridique, et, d’autre part, de la Commission des contrats, dans l’objectif de confirmer que cette dernière constitue une instance de contrôle externe. ».

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