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La généralisation de la solution proposée par l’arrêt Tegos

Section II. Le rapprochement des caractéristiques publiques et internationales du

2. La généralisation de la solution proposée par l’arrêt Tegos

123. Une nouvelle impulsion. La jurisprudence Tegos opère un basculement dans le raisonnement du juge, donnant par la suite naissance à une série d’arrêts, dont parfois l’absence de publication dessert en partie notre propos358. S’étant accordé sur l’internationalité du contrat,

l’arrêt Tégos donne ainsi naissance à deux lignes jurisprudentielles distinctes l’une de l’autre : les contrats internationaux à caractère public, mais non administratif359 et les contrats

354 ARRIGHI DE CASANOVA J., conclusion, RFDA 2000, p. 841.

355 Voir TC, 22 octobre 2001, Mmes Issa et Le gouy ; Rec. CE, p.752 ; D 2001, IR, p.3396 ; AJFP 2002, p.15. 356 CE, 30 mars 2005, SCP de Médecins Reichheld et Sturtzer ; Rec. CE, p.128 ; AJDA 2005, p.1844, note AUDIT M., ; JCP 2005, I, p.145, n°9, chron. BOITEAU C. ; Contrats et Marchés publ. 2005, p.18, comm. ZIMMER W.. Sur les suites de cette affaire, voir : TC, 24 avril 2006, SCP de Médecins Reichheld et Sturtzer ; AJDA 2006, p.2456, concl. CHAUVAUX D., ; RFDA 2006, p.1077 ; CE, 10 janvier 2007, SCP de Médecins Reichheld et

Stutzer ; AJDA 2007, p.168, obs. E. Royer.

357 TC, 22 octobre 2001, Mmes Issa et Le Gouv ; Rec. CE, p. 752 ; D 2001, IR, p.3396 ; AJFP 2002, p.15 ; Dr.

adm. 2002, comm. R. S. ; RFDA 2002, p. 426.

358 Une partie relativement conséquente des arrêts portant sur la question du rapport entre internationalité et administrativité du contrat n’ont pas fait l’objet d’une publication. Si nous le regrettons, nous comprenons aussi qu’un tel phénomène reste marginal en ce qu’elle ne mobilise qu’à la marge l’intérêt des juridictions administratives. Si nous nuançons l’intérêt d’un arrêt au regard de la nature de la publication dont il fait l’objet (solution publiée ou non, au Recueil ou seulement mentionnée au tables), nous avons fait le choix d’étudier aussi les arrêts inédits pouvant renfermés des considérations intéressantes sur ces questions encore marginales. 359 Sur ce point, nous nous distinguons de l’appellation faite par le Professeur Malik Laazouzy, thèse. pré. p.142, qui les nomme « contrats internationaux à caractère privé » parce qu’ils ne sont pas administratifs. Selon nous, le fait qu’un contrat international ne soit pas administratif ne le rend pas forcément privé. Il peut répondre à un besoin public sans pour autant remplir les critères du contrat administratif, surtout lorsqu’il est a fortiori international. Les arrêts traitant des contrats d’une telle nature sont les suivants : CE, 19 janvier 2000, Gopar, inédit, req. n°179454 ; CE, 9 février 2000, Mme Boyer, Tables, p. 892 ; CE, 19 avril 2000, Peta, inédit, J.-D. 2000-06030 ; CE, 28 juillet 2000, Mmes Issa et Le gouy, inédit, req. n°204025 ; CAA Paris 5 décembre 2000, Toussaint, Rev.

internationaux à caractère public et administratif360. Plusieurs arrêts viendront, par la suite,

préciser les contours de l’incompétence du juge administratif concernant la soumission d’un contrat à un droit étranger. Si l’arrêt Tégos écarte le contrat qui n’est « en aucune façon régi par le droit public français », les limites d’une telle position nécessiteront des éclaircissements, notamment en ce qui concerne l’incompétence du juge administratif pour connaître de l’« application »361 ou de la « rupture »362 d’un tel contrat.

124. La nature des considérants. Il convient de souligner que les principes généraux posés par des considérants de l’arrêt Tégos ont dû parfois être mis en perspective avec des cas très précis soulevant la question de la qualification363. Les arrêts postérieurs à l’arrêt Tégos

réutiliseront ce même principe lorsque la question de la juridiction compétente se posera au regard du droit applicable364. Dans d’autres cas, le principe concernera uniquement un contrat

de travail365. À l’évidence, la question se rattachait systématiquement à un « contrat de travail

conclu par l’Administration à l’étranger »366. La question de la restriction de la portée de ce

principe à ce seul type de contrat se pose alors367.

125. L’arrêt SCP de médecins Reichheld. L’arrêt du Conseil d’État du 30 mars 2005 SCP de

médecins Reichheld, permet une sortie du principe posé par l’arrêt Tegos de la seule sphère des

adm., 2002, p. 426 ; Dr. adm., mai 2002, p.29, obs. R.S ; CE, 29 juillet 2002, Marianne X., inédit, req. n°235575

; CE, 16 mai 2003, Emmanuelle X., inédit, req. n°236639 ; CAA Paris 24 février 2004, Anita X., inédit, req. n°00PA03019 ; à propos de recrutement : CAA Paris 7 décembre 2000, Ministre de l’intérieur c/ Mme Gire, Tables, p. 893, Rev. fr. dr. adm., p. 505 ; Dr. adm., 2001, n°4, p. 30-31, obs. V.H.

360 Plus traditionnellement il s’agit ici de contrats s’inscrivent dans un contexte international mais dont le caractère administratif est avéré : CE, 23 juin 2000, Perrini, inédit, req. n°176359 ; CE, 29 décembre 2000, Noronha, inédit, req. n°197927 ; CE, 11 juillet 2001, Dupuis, p. 362 ; CF Pub, décembre 2001, p. 29, obs. GUYOMAR M., ; CE, 13 février 2002, Bizeau, Tables, p. 808 ; CE, 7 juillet 2004, Min. Taff. Étrangère c/ Collery-Morsil, inédit, req. n°252605.

361 CE, 28 juillet 2000, Mmes Issa et Le gouy, inédit, req. n°204025 ; CAA Paris 5 décembre 2000, Toussaint, Rev.

fr. dr. adm., p. 505-506.

362 TC., 22 oct. 2001, Mmes Issa et Le gouy, Bull. p.29, n°20, D., Som., p.822, Rev. fr. dr. adm.,2002, p. 426 ; Dr.

adm., mai 2002, p.29, obs. R.S.

363 TC, 22 oct. 2001, Mmes Issa et Le gouy, préc.

364 CE, 9 fév. 2000, Boyer, Tables, p. 892 : « Considérant que le juge administratif français n’est pas compétent

pour connaitre d’un litige né de l’exécution d’un contrat qui n’est en aucune façon régi par le droit français ».

365 TC, 22 oct. 2001, Mmes Issa et Le gouy, préc. : « Le juge administratif, juge d’attribution en matière de contrat

international de travail, n’est pas compétent pour connaître des litiges nés de l’exécution et de la rupture de contrats qui ne sont pas régis par la loi française et dont la connaissance appartient au seul juge judiciaire en vertu des règles de conflits de Lois et de compétence juridictionnelle ».

366 Voir AUDIT M., « Les contrats de travail conclus par l’Administration à l’étranger », Rev. dr. int. pr., 2002, p. 39-69.

367 LEMAIRE S., Les contrats internationaux de l'Administration, Dalloz, 2005. Pour l’auteur, seuls les contrats de travail conclus par l’Administration sont concernés.

contrats de travail conclus avec l’Administration368. Il était question ici de la légalité de deux

conventions conclues par l’hôpital de Wissembourg, établissement public. La première convention signée le 14 septembre 1999 entre l’hôpital et un cabinet de radiologie concernait l’acquisition et l’exploitation d’un appareil médical369. Le 10 décembre 1999, une seconde

convention portant sur les conditions d’utilisation par les radiologues avait été conclue avec l’hôpital et un cabinet de radiologues français. En attendant que la juridiction administrative se prononce sur sa légalité, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Strasbourg, après avoir été saisi par l’hôpital, a sursis à statuer. Le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré ces conventions illégales en précisant qu’il s’agissait de contrats administratifs. Saisi en appel, le Conseil d’État s’est déclaré incompétent pour statuer sur les deux conventions. Seule la convention du 14 septembre 1999 sera analysée ici370. Le Conseil d’État souligne la commune

volonté des parties de soumettre ce contrat au droit allemand. La haute juridiction relève à ce titre une clause de choix du droit allemand ainsi qu’une clause attributive de compétence aux juridictions allemandes. C’est ainsi que le Conseil d’État décline sa compétence pour apprécier la légalité de cette convention en rappelant le principe selon lequel « le juge administratif

français, juge d’attribution en matière de contrat international, n’est pas compétent pour apprécier la validité d’un contrat qui n’est en aucune façon régi par le droit français »371.

368 CE, 30 mars 2005, SCP de médecins Reichheld et Sturtzer, Leb., p. 129, AJDA, 2005, p. 1844-1846, note AUDIT M., ; JCP, 2005, I, p. 145, n°9, chr. BOITEAU C. ; Contr. MP, n°2005, p. 18, obs. ZIMMER W., : « si le

juge judiciaire peut avoir à connaitre, en vertu des règles de conflits de lois et de compétence juridictionnelle, d’un litige relatif à un contrat soumis à une loi étrangère, le juge administratif français, juge d’attribution en matière de contrat international, n’est pas compétent pour apprécier la validité d’un contrat qui n’est en aucune façon régi par le droit français ».

369 Il ressort des conclusions du commissaire du gouvernement (inédites) que l’hôpital, par la convention du 11 septembre 1999, s’était engagé à fonder avec ses cocontractants « une société de droit civil allemand aux fins

d’acheter et d’exploiter un appareil » radiologique. À noter que le Conseil d’Etat fonde uniquement sa décision

sur l’articulation entre l’internationalité et l’administrativité du contrat, sans s’intéresser à la nature même du contrat. Le raisonnement du Conseil d’État n’est d’ailleurs aucunement gêné par la présence au contrat d’une personne publique étrangère.

370 Le Conseil d’État considère que la convention du 10 décembre 1999 n’est pas un contrat administratif car le cocontractant ne participe pas à l’exécution d’une mission de service public et le contrat ne comporte pas de clause exorbitante de droit commun.

371 Suite à cet arrêt du Conseil d’État du 30 mars 2005, l’affaire a été renvoyé devant les juridictions judiciaires. Après que ces dernières aient décliné leur compétence, le Tribunal des conflits a été saisi pour trancher la question. Pour le Tribunal des conflits, la juridiction administrative est bien compétente (TC, 24 avril 2006, SCP de

Médecins Reichheld et Sturtzer, Rev. fr. dr. adm., 2006, p. 1077, AJDA, 2006, p. 2456-2460., conclu.

CHAUVAUX D. Le Tribunal des conflits se demandent si « l’établissement hospitalier français pouvait

légalement conclure la convention initiale, notamment au regard des dispositions de code de la santé publique ».

Or, « une telle question préjudicielle ressortit à la compétence de la juridiction administrative ». Voire sur cette question de légalité, l’épilogue de l’affaire devant le Conseil d’État (CE, 10 janvier 2007, SCP de Médecins

Reichheld et Sturtzer, AJDA, 2007, p.168, obs. ROYER E.) qui ne fait plus aucune référence aux problèmes relatifs

aux droit international privé en raison du « recadrage du litige opéré par le Tribunal des conflits » (concl. inédites du commissaire du gouvernement DEREPAS L., sur CE, 10 janvier 2007, SCP de Médecins Reichheld et Sturtzer préc.). Si, suite à l’intervention du juge répartiteur, la question de la nature du contrat ne se pose plus en terme identique, l’intérêt de l’étude de l’arrêt du Conseil d’État du 30 mars 2005 demeure pertinente au regard du raisonnement du juge administratif concernant le choix du droit applicable et du juge compétent.

L’arrêt SCP médecins Reichheld apporte la preuve que le raisonnement dégagé dans la jurisprudence Tégos est en mesure de dépasser le seul champ des contrats de recrutement à l’étranger d’agents contractuels de l’Administration. C’est alors que le professeur Mathias AUDIT s’est demandé « si l’on ne doit pas désormais considérer que la soumission au droit

français est devenue un critère général de compétence, tant juridictionnelle que législative, de l’ordre administratif à l’endroit des contrats internationaux conclus par les personnes publiques »372. Cette remarque implique de mesurer la soumission du contrat au droit français.

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