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Les sources de l’évolutionnisme bergsonien : Spencer et Darwin Spencer et Darwin

DE LA VIE A LA PHILOSOPHIE DE L’AMOUR

1.2. L’ EVOLUTION BERGSONIENNE DE LA VIE

1.2.1. Les sources de l’évolutionnisme bergsonien : Spencer et Darwin Spencer et Darwin

1.2.1.1. Spencer

Soulignons d’emblée que Bergson était écartelé entre les deux perspectives phi-losophiques dominant le milieu intellectuel dans lequel il évoluait : la théorie de Kant et celle de Spencer. Il écrit à ce propos : « A l’époque où je préparais mon agrégation, il y avait pour ainsi dire deux camps dans l’université. Celui […] qui estimait que Kant avait posé les questions sous leur forme définitive, et celui qui se ralliait à l’évolutionnisme de Spencer. J’appartenais à ce second groupe »65. Même si le kantisme ne manque pas d’intérêt pour lui, comme en témoignent ses nombreuses références, il porte son choix sur Spencer. Il s’intéresse à la doctrine du philosophe anglais Herbert Spencer, parce qu’il y voit une amorce de son projet d’élaboration d’une philosophie de la vie qui inclut la durée. Il lui semblait que le philosophe anglais présentait une théorie naturelle réhabilitant le temps réel. D’ailleurs sa définition du temps se démarquait distinctement de celle de ses devan-ciers, puisqu’il le présentait comme objet de conscience66, ce qui signifie que le temps spencérien est une réalité pour la conscience, définition qui n’est pas sans rappeler la durée bergsonienne.

Bergson n’hésite pas à se rallier à Spencer, espérant trouver enfin une vraie phi-losophie de la vie dans son évolution temporelle. En effet, compte tenu de sa défini-tion du temps, l’annonce une théorie évoludéfini-tionniste par Spencer laisse déjà entrevoir l’idée d’une théorie de la vie qui dure. Il convient de rappeler ici que le penseur anglais est le premier à donner à sa théorie le nom d’évolution67 qui, jusque-là, ne s’appliquait

65 Cité par BARTHELEMY-MADAULE M. et V. JANKELEVITCH, Bergson adversaire de Kant, Paris, Presses universitaires de France, 1966, p. 2.

66 Cf. SPENCER H., Les premiers principes, traduit par M. E. CAZELLES, 7e éd., Paris, Félix Lacan, 1894, p. 43.

67 Cf. MAZLIAK P., Les fondements de la biologie : le XIXe siècle de Darwin, Pasteur et

qu’aux stades du développement de l’embryon. Spencer entend élaborer une explica-tion satisfaisante, proche de la rigueur de la science et respectant les faits. Ce qui donne à penser que son projet philosophique s’insère dans la vie réelle. Il semble rompre avec la philosophie antérieure en cherchant à comprendre tous les détails de l’univers par l’expérience.

Paradoxalement, il introduit dans son projet une autre condition qui finit par l’éloigner de son objet d’étude. Il propose de refonder d’abord objectivement la con-naissance, se détournant ainsi de l’univers et du réel. N’est-ce pas là un problème épistémologique qu’il introduit dans sa quête ? De fait, il pose des préalables pour rendre objective sa pensée : rechercher d’abord les principes qui sous-tendent cette expérience. Pour lui, une théorie expérimentale ne peut être vraie que si elle est assise sur des principes dérivés de la conscience. Cazelles, dans l’introduction de l’ouvrage

Les principes premiers de Herbert Spencer, laisse entendre que le philosophe anglais « ne veut pas sortir de la conscience, et c’est là qu’il prétend trouver, et sans l’apporter au préalable, l’attestation de cette existence réelle qui supportera sa philosophie »68. Il s’attache au fondement de la connaissance expérimentale qu’il pense tirer de la conscience. Il conclut de sa quête que l’unité de la connaissance est garantie par des principes philosophiques con-servés dans la conscience. Ces principes ne sont pas innés, mais déduits de l’expé-rience subjective, puis expérimentés avant d’être enregistrés dans la conscience. Ces principes d’ordre subjectif se vérifient et deviennent objectifs si une autre conscience parvient au même résultat. Ce processus de vérification de l’objectivité du principe est déjà, à son avis, un critère de vérité que la conscience peut prouver.

En somme, Spencer consacre sa réflexion à la démonstration de l’objectivité des principes. Il attribue même à la philosophie le rôle de fonder toutes les sciences, en s’appuyant sur la conscience, c’est-à-dire d’élaborer des principes qui unifient le sa-voir. Telle est la fonction de sa philosophie, comme il le confirme : « Ce sont les éléments

constituants de la conception complète cohérente des choses que la Philosophie a pour but de former »69. D’ailleurs sa philosophie se présente comme un ensemble de principes universels – par exemple : l’indestructibilité de la matière, la continuité du mouvement, la persis-tance de la force et des relations entre forces- principes communs à tous les domaines, de la mécanique aux phénomènes de l’esprit et des sociétés. Tout comme Kant, il détourne la philosophie de l’absolu, parce que le considérant inconnaissable, pour l’orienter vers la recherche de principes. Une fois, les principes biologiques posés, Spencer peut alors élaborer une théorie de l’évolution de la vie. On comprend, dès lors, l’enthousiasme né de l’annonce de sa doctrine évolutionniste.

Bergson s’émerveille en découvrant Les Premiers principes du philosophe anglais, exposé de sa pensée, comme il l’évoque dans L’évolution créatrice :

« Quand un penseur surgit qui annonça une doctrine d’évolution, où le progrès de la matière

vers la perceptibilité serait retracé en même temps que la marche de l’esprit vers la rationalité, où

68 SPENCER H., Les premiers principes, op. cit., p. XVIII. 69 Ibid., p. 247.

serait suivie, de degré en degré, la complication des correspondances entre l’externe et l’interne, où le changement deviendrait enfin la substance même des choses, vers lui se tournèrent tous les regards »70.

L’enthousiasme bergsonien sera cependant de courte durée et alors s’en suivra une déception, car son désir d’entériner certains éléments de la philosophie spencé-rienne le conduit à découvrir sa faiblesse. Son principal constat est qu’en réalité la théorie évolutionniste de Spencer comporte une contradiction, puisqu’elle ne tient pas compte du rôle que joue le temps dans la vie. À l’analyse de l’évolution spencérienne, elle se présente comme un processus d’agrégation et de dissolution de molécules. Son auteur même la définit comme « une intégration de matière accompagnée d’une dissipation de

mouvement, pendant laquelle la matière passe d’une homogénéité indéfinie, incohérente, à une hétéro-généité définie, cohérente, et pendant laquelle aussi le mouvement retenu subit une transformation analogue »71. Sans nul doute cette théorie spencérienne est assimilable au clinamen épi-curien, puisqu’elle se réduit aux mouvements moléculaires qui vont du plus simple au plus complexe par assemblage et dissociation. Dans ce processus, où les molécules perdent leur mouvement et les corps complexes en gagnent, il y a toujours conserva-tion de mouvement et d’énergie. Par conséquent, il n’y a ni perte ni gain, mais une simple conservation. Cette idée se confirme avec l’exemple qu’il donne des sociétés : « Dans les sociétés humaines, le progrès se fait toujours dans le sens de l’absorption des activités

individuelles dans les actions des corps d’état »72. Somme toute, ce mouvement est commun à tous les corps complexes.

Ce processus universel ignore la réalité du temps, ce qui réduit la genèse à un processus mécanique. Autant dire que la théorie de Spencer ne retrace aucune genèse de la matière, puisque cette dernière se meut simplement dans l’espace sans perdre ses qualités. En fait, il propose une interprétation purement théorique de tous les phéno-mènes de l’univers. Deleuze commentant cette théorie met en évidence sa négation du temps quand il fait remarquer que

« l’évolution [spencérienne] est une intégration de matière accompagnée d’une dissipation de

mouvement pendant laquelle la matière [passe] d’une homogénéité incohérente à une homogénéité cohérente » ou plus simplement : c’est le passage d’un état indifférencié à un état différencié, de l’ho-mogenèse à l’hétérogenèse »73.

Ce paradoxe se présente à Bergson comme une question à clarifier : pourquoi ce temps, réalité psychologique, ne s’écoule-t-il pas ? De fait, Spencer le décrit comme un mouvement commun à tous les phénomènes, depuis les planètes jusqu’aux pas-sions. Bref, tous les phénomènes vivent le temps de manière indifférenciée, ce qui revient à dire que ce temps universel ne s’écoule pas. Le penseur anglais demeure tributaire du mécanisme, héritage qui émerge au moment inopportun. En effet, sa

70 BERGSON H., L’évolution créatrice, op. cit., p. 362. 71 SPENCER H., Les premiers principes, op. cit., p. 355. 72 Ibid., p. 343.

73 WORMS F. (dir.), Annales bergsoniennes. II, Bergson, Deleuze, la phénoménologie,

philosophie s’inscrit dans le contexte scientifique marqué par le progrès de la psycho-logie et des sciences biologiques qui avaient suggéré l’idée d’une réalité qui dure inté-rieurement, d’un changement qui devient substance même des choses. Cette idée se perçoit mieux si l’on scrute sa conception des réalités psychiques dont il affirme : « Les

phénomènes que nous connaissons subjectivement comme des changements dans la conscience sont connus objectivement comme des excitations et des décharges nerveuses que la science explique main-tenant par des modes de mouvements »74. Il rallie le mécanisme qui est, par ailleurs, à l’origine du déterminisme psychologique que dénonçait Bergson, idée que confirme sa des-cription des fonctions intellectuelles. Chez lui, tous les états et les faits de la cons-cience, se constituant d’un individu à l’autre de la même manière, deviennent «

uni-formes dans leur durée »75. Force est alors de constater que ce réductionnisme psychologique justifie sa négligence de la durée. Ainsi le temps spencérien de la cons-cience devient un cadre vide dans lequel s’accumulent les faits psychiques comme un agrégat d’événements que la science peut étudier. Ce constat nous fonde à croire que la conception du temps et de l’espace chez Spencer n’est pas différente de celle de Kant. Même s’il soutient que les entités spatiale et temporelle affectent la conscience de l’intérieur, elles n’agissent nullement sur elle.

De plus, le philosophe anglais n’est pas loin du scepticisme kantien, puisqu’il considère le cosmos comme « la totalité des manifestations de l’Inconnaissable »76. Une telle définition semble prôner une démission de l’intelligence, puisqu’a priori elle ne peut formuler les conditions d’existence d’un tel cosmos. Même s’il soutient que chaque science peut s’atteler à cette tâche, elle ne parviendra qu’à une connaissance limitée, raison pour laquelle il revient à la philosophie de faire la synthèse de toutes les décou-vertes scientifiques pour reconstituer l’unité du savoir. Rappelons que sa recherche de principes a pour finalité cette unification pour comprendre l’univers dans sa totalité, parce qu’il aspire à une explication générale de l’univers à partir d’un principe commun aux lois physiques, chimiques et biologiques. Parce que chaque science détient une part de vérité, il convient à la philosophie de les unir pour saisir la vérité. Ainsi, lorsque les principes universels de la connaissance seront établis, il suffira de les appliquer à la nature organique. Sa théorie évolutionniste de la nature s’inscrit dans cette logique, car elle représente une synthèse de toutes les sciences de la nature.

En réalité, le penseur anglais entendait répondre à la question suivante : « Quel

principe dynamique, vrai de la métamorphose considérée dans la totalité et dans ces détails, exprime ces relations toujours changeantes ? »77. En réponse à cette question, sa théorie tente de livrer le principe permettant de tracer l’histoire passée, présente et future de tous les phénomènes et modes de connaissance possibles pour la conscience. Pour con-vaincre, référons-nous à sa conception anthropologique lorsqu’il écrit :

74 SPENCER H., Les premiers principes, op. cit., p. 349. 75 Ibid., p. 350.

76 Ibid., p. 247. 77 Ibid., p. 250.

« Le connaître simplement comme homme implique l’inférence des états antécédents, de ses

pre-mières années, de son enfance et de sa jeunesse. Sans doute, on ne connaît pas dans ses détails spéci-fiques le futur de l’homme, mais on le connaît en général ; on sait qu’il mourra, que son corps se décomposera, et ces faits complètent le plan de changement qui s’opéreront en lui »78.

Malgré la complexité de l’homme, Spencer le réduit aux phénomènes biolo-giques. Cette manière de connaître l’homme, le philosophe l’applique à tous les êtres inertes et vivants. De ce fait, pour lui, connaître un objet c’est connaître son histoire naturelle de sa naissance à sa mort. Une telle conception des choses débouche inéluc-tablement sur une théorie évolutionniste. Or, souligne Spencer, il serait prétentieux de s’engager dans une telle entreprise sans connaître tous les éléments sensibles qui manquent à la chaîne des espèces et les états futurs de cette chaîne. D’où son change-ment d’orientation, en assignant à la philosophie la tâche de dégager les lois permet-tant de résoudre ces manques, c’est-à-dire des lois qui unifient les changements suc-cessifs des espèces dans le passé comme dans le futur. Ainsi Spencer introduit des lois déterministes pour expliquer l’évolution des espèces. Parce qu’il nie la réalité du mou-vement extérieur, il se borne « à ce moumou-vement interne et à la matière qui le possède »79. Ce qui traduit une négation du temps généalogique commun à tous les êtres. Résumons en disant que penser l’évolution de la nature selon Spencer revient à penser ses prin-cipes.

Son disciple déçu, Bergson, ne manque de s’indigner devant cette incohérence spencérienne : « Mais comment la philosophie de Spencer, doctrine d’évolution, faite pour suivre le

réel dans sa mobilité, son progrès, sa maturité intérieure, avait-elle pu fermer les yeux à ce qui est le changement même ?»80. À ses yeux, le seul mérite qui revient à Spencer c’est sa prétention à faire la genèse de l’univers et du devenir même s’il n’est pas parvenu à sa fin parce qu’il n’a pas su remonter et redescendre le cours du flux universel. Son erreur vient de sa méthode, car au lieu d’appréhender la réalité dans son évolution et sa durée réelle, il la reconstruit symboliquement. Il la décompose en molécules qu’il assemble et décompose. Bergson critique cette démarche de manière imagée :« La réalité sous sa

forme actuelle ; il la brise, il l’éparpille en fragments qu’il jette au vent ; puis il « intègre » ces frag-ments et en dissipe le mouvement ».81 Ainsi, il élimine la durée en fragmentant le mouve-ment, avant de procéder à sa reconstitution, ce qui explique aussi sa réduction de la réalité psychologique en idées abstraites.

Dans son ambition de réhabiliter la durée dans la pensée de la vie, Bergson ne se décourage pas pour autant. Parce que, Spencer propose un évolutionnisme mécaniste analogue à celui de Darwin, pour saisir l’origine même de ce mécanisme biologique, il remonte au chantre de l’évolutionnisme : Darwin.

78 Ibid., p. 252.

79 Ibid., p. 254.

80 BERGSON H., La pensée et le mouvant, op. cit., p. 5. 81 BERGSON H., L’évolution créatrice, op. cit., p. 364.

1.2.1.2. Darwin

Charles Darwin demeure incontournable dans l’évolutionnisme à cause de sa théorie transformiste qui a bouleversé l’histoire de la vie. Ici, nous avons choisi de faire abstraction des débats sur la question de cette paternité qui reviendrait, selon certains, à Jean Baptiste Lamarck plus qu’à Darwin. Même si ce dernier s’est inspiré des travaux de ses précurseurs, il faut admettre que sa témérité scientifique, l’ayant poussé à mettre à jour une conception révolutionnaire de la vie et de l’homme que ces devanciers hésitaient à formuler explicitement, lui a valu le statut de père de l’évo-lutionnisme. De fait, ses recherches ont abouti aux conclusions qui ont bouleversé les conceptions classiques du vivant. Ces conceptions d’ordre religieux et mythique con-sidéraient comme fixe la création des espèces. La possibilité d’apparition de nouvelles espèces et de variations de ces espèces demeurait donc inconcevable.

De là, naît le fixisme, courant qui s’étend de la philosophie classique à la science. Celui-ci dominera l’histoire de la pensée pendant une période relativement longue, avant d’être relégué au second plan par l’évolutionnisme, pour resurgir au XXIe siècle ce qui demeure surprenant. En effet, cette doctrine fixiste réapparaît aux États-Unis sous une nouvelle formule : le créationnisme82 soutenu par un courant religieux en un siècle où la laïcisation semble prendre le dessus sur la religion. Cette doctrine mène sur le plan éducationnel une bataille ouverte pour sa reconnaissance comme théorie scientifique à insérer, au même titre que les autres disciplines scientifiques, dans les programmes scolaires. C’est cette tradition fixiste que remet en cause Darwin et avant lui Lamarck, puisqu’en 1809 déjà ce dernier élaborait une théorie évolutionniste, évé-nement que Cazelles rapporte en ces termes :

« Quand Lamarck dérivait les deux règnes, végétal et animal, de la matière brute par

l’inter-médiaire de substances gélatineuses formées dans les cours d’eau, et qu’il rattachait le règne animal rangé en série à la monade terme spontanément engendrée, il expliquait la production et la transfor-mation des êtres vivants par un concours de circonstances extérieures et de mouvements intérieurs »83.

Il faut admettre en toute objectivité que les travaux du naturaliste français restent marquants dans l’évolutionnisme, même si la paternité officielle est attribuée à Charles Darwin. Parce que ce dernier est arrivé à prendre du recul par rapport à la conception fixiste de manière scientifique, affrontant les railleries de ses contemporains, le mérite lui est concédé. Pourtant, au moment où il s’embarquait à bord du Beagle, le navire d’exploration qui lui permit de faire le tour du monde et de collecter les éléments de sa théorie, lui-même était imprégné du fixisme. Il redescend converti au terme de son voyage, après une étude scientifique des espèces qu’il publia en 1859 dans son chef-d’œuvre L’Origine des espèces. De son étude, il ressort que l’adaptation des êtres vivants à leur milieu explique la naissance de nouvelles espèces. Celles-ci sont issues les unes des autres selon les lois de la sélection naturelle, effet de la lutte pour la vie. Parce que

82 Cf. ARNOULD J., Dieu versus Darwin: les créationnistes vont-ils triompher de la

science ?, Paris, Albin Michel, 2007.

la nature condamne les individus, y compris l’homme, à vivre dans une rivalité atroce à cause de l’insuffisance de la subsistance, les êtres vivants doivent lutter en perma-nence pour leur survie.

Cette théorie de la descendance avec modification des espèces impose une nou-velle définition de l’homme qui a fait couler beaucoup d’encre. Ce qu’on retient de sa théorie c’est la filiation entre l’homme et le singe que l’on interprète à tort ou à raison. Dans la logique darwinienne, l’homme est défini comme un animal supérieur, ayant atteint un degré plus élevé que ses pairs animaux, bien que soumis aux mêmes lois biologiques. Il demeure évident que la supériorité de l’homme ne fait aucun doute. Par contre, son principe biologique applicable à tous les vivants prête confusion, étant donné qu’il réduit la vie à un mécanisme d’où découle l’homme au hasard d’un pro-cessus. Autrement dit, si dans la lutte pour la survie imposée par les conditions d’exis-tence, ce sont les individus les plus forts ou les plus ingénieux qui l’emportent, rien ne prédestine l’homme comme grand vainqueur de la vie. Pourtant, selon le natura-liste, il le devient grâce à l’intelligence qui lui permet de produire des stratégies et arts pour surpasser ses cousins-animaux. On comprend dès lors pourquoi Darwin affirme qu’« on ne peut mettre en doute la haute importance des facultés intellectuelles, puisque c’est à elles

que l’homme doit principalement sa position prééminente dans le monde »84.

Toutefois, cette supériorité de l’homme peut être remise en cause, car Darwin n’établit qu’une différence de degré et non de nature entre lui et les autres animaux.

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