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Le problème de l’immoralité et le besoin de refondation de la morale

DE LA VIE A LA PHILOSOPHIE DE L’AMOUR

1.3. L E PASSAGE DE LA THEORIE DE LA VIE A LA

1.3.2. Les raisons de l’élargissement de la philosophie à la métaphysique de l’amour la métaphysique de l’amour

1.3.2.2. Le problème de l’immoralité et le besoin de refondation de la morale

Le contexte historique permet de mieux saisir la métaphysique bergsonienne de l’amour, mais représente aussi une difficulté pour sa compréhension. Une analyse plus approfondie de ce contexte conduirait aisément le lecteur à s’enliser dans l’histoire, laissant de côté la préoccupation morale du philosophe. Il faut préciser que son in-tention n’est pas de dénoncer les horreurs de la guerre en dressant un tableau noir de son époque, mais d’abord d’exposer sa solution : la morale de l’amour. Pour saisir sa pertinence, nous décrirons sommairement le contexte historique, comme le suggère un de ses commentateurs :

« Cette tendance est nécessaire à sa compréhension mais elle doit être contrebalancée par la

tendance inverse, qui doit permettre de saisir le problème interne qui lui a donné sa force d’insertion dans une situation historique passée, et qui peut encore intervenir dans notre présent »192.

Aussi, pouvons-nous penser que la négligence de la métaphysique de l’amour de Bergson par ses commentateurs trouve sa source dans la trop grande considération de son analyse de l’histoire. Tout porte à croire que sa pertinente analyse des faits historiques a fini par masquer sa métaphysique de l’amour qu’il propose comme so-lution aux crises générées par la situation de 1914 et par anticipation de la guerre de 1939. Pour nous, il est évident que l’ouvrage de 1932 renferme une authentique mé-taphysique de l’amour que les tragédies humaines semblent a priori infirmer. Pourtant, le philosophe reste convaincu qu’un élan d’amour préside à l’histoire aussi tumultueuse qu’elle puisse paraître. Autrement dit, il y a un courant originel de l’amour qui cherche à s’actualiser depuis l’origine de la vie jusqu’à l’homme moderne et, malgré les obs-tacles, les contradictions et les dérives morales, il continue à faire son chemin. Là réside une des originalités de cette métaphysique bergsonienne de l’amour que nous voulons montrer en exposant ce contexte contradictoire.

1.3.2.2.1. Le triomphe de l’immoralité au XXe siècle

Bergson reste profondément marqué par les horreurs de la guerre de 1870 et de celle de 1914. Sans nul doute, le jeune adolescent gardait encore un douloureux sou-venir de la guerre franco-allemande de 1870 qui a enregistré plusieurs milliers de morts, souvenir que ravivait celui de la première guerre mondiale. De fait, après la première tragédie, Bergson demeurait convaincu que l’humanité avait renoncé à de pareilles catastrophes, ce qui explique d’ailleurs sa grande surprise lors de l’annonce de la déclaration officielle de la grande guerre en 1914. Le philosophe décrit cette annonce avec effroi, comme pour dire que c’est à regret qu’il a consenti à cette guerre, bien qu’il ait joué pleinement son rôle d’intellectuel et de diplomate. Il sera d’autant plus surpris par l’ampleur et la longue durée de cette guerre, car il s’attendait à un

192 BOUANICHE A., F. KECK, et F. WORMS, Les deux sources de la morale et de la religion :

combat de moindre envergure et de courte durée. Mais, le sort fut plus funeste qu’il ne pouvait l’imaginer.

En réalité, cette guerre a surpris tout le monde parce qu’elle conjuguait plusieurs facteurs qui la rendaient atypique. Elle intervient d’abord dans un contexte hautement symbolique pour l’humanité et, d’autre part, dans une période glorieuse de l’histoire. Elle éclate dans la première moitié du XXe siècle, siècle qui magnifiait la rationalité scientifique avec la grande révolution industrielle, dans une Europe symbolisant le triomphe de la technique qui est celui de l’intelligence. L’Europe très avancée dans la modernisation (machine, moyens de communication : locomotion, télécommunica-tion, etc.) connaît un grand essor industriel et économique, qui lui vaut sa renommée mondiale, mais plus encore son statut de grande civilisation. Pour le diplomate-philo-sophe, il ne fait aucun doute que les grandes puissances européennes sont parvenues à un degré supérieur dans l’acquisition des connaissances intellectuelles, techniques et culturelles, socle de la civilisation, au moment où elles se livrent à la guerre. D’où la contradiction : comment expliquer que ces grandes civilisations se précipitent de ma-nière irrationnelle dans la pire catastrophe, voire la barbarie ?

En effet, vu leur développement intellectuel et l’ampleur des immoralités dans laquelle elles se démènent, il y a un réel paradoxe. Selon lui, il n’y a pas de commune mesure entre le triomphe intellectuel et la catastrophe dans cette Europe devenue le théâtre de conflits interminables qui ont laissé derrière eux des maux indescriptibles (hécatombes humaines, pertes matérielles considérables, souffrances infâmes dont l’humanité ne se relèvera pas de sitôt). Cette situation laisse croire que l’humanité a perdu la raison ou a franchi la limite irréversible de l’atrocité, puisqu’elle a réussi à mettre son industrie au service du perfectionnement des armes, transformant ainsi la guerre de 1914 en une guerre chimique et technologique, ce qui explique la cruauté des armes, l’atrocité de la mort et les souffrances morales des survivants de cette guerre dont le bilan moral reste dramatique. Les dégâts humains et matériels dépassent de loin ceux des précédentes guerres. Les populations sont ravagées par les armes, la misère et les épidémies. Au final, cette guerre, sans vainqueurs ni vaincus puisque de part et d’autre les conséquences sont les mêmes, reste une catastrophe humaine

Dans cette analyse ce n’est pas tant l’historique de la guerre qui nous intéresse, que les idéologies ayant nourri les tensions internationales. L’enjeu idéologique se des-sine clairement ave la configuration géopolitique. Pour Bergson, cette guerre traduit l’apothéose de l’égoïsme, c’est-dire la volonté de s’affirmer, de confirmer sa supréma-tie en Europe et d’étendre sa domination à l’extérieur. De plus, l’obstination des bel-ligérants renforce ce sentiment d’orgueil. En toute logique, vu le lourd bilan moral et le coût matériel très élevé, l’humanité devait renoncer et arrêter instinctivement la guerre dès ses débuts. Mais le désir de dominer et de se venger l’emportait sur la raison. De ce fait, les fronts de combat se multipliaient dans le monde et la guerre se généralisait, puisque les grands empires mettaient à contribution leurs colonies afri-caines et asiatiques. Ce calvaire généralisé semblait de plus en plus interminable.

L’irrationalité, dénote Bergson, s’étend jusqu’aux motifs des guerres. Lorsqu’on prend du recul, il devient évident que le motif avancé pour le premier conflit n’est que

la partie visible de l’iceberg. De fait comment expliquer qu’un événement ponctuel : l’assassinat de l’archiduc de Habsbourg François-Ferdinand et de son épouse en juin 1914 à Sarajevo soit considéré comme principal motif d’une guerre mondiale ? Certes, on peut consentir que cet incident diplomatique puisse opposer l’Autriche, la Bosnie et la Serbie, puisqu’elles sont directement impliquées, mais quant à déclencher une guerre entre les grands empires européens et engager 72 pays, cela confirme l’impli-cation d’autres enjeux.

Il faut reconnaître que cet incident a offert l’opportunité aux grandes puissances de rendre manifeste leurs antagonismes maintenus jusque-là en sourdine. Elles ont profité de l’occasion pour transposer leurs conflits d’intérêts, qui provoquaient de plus en plus d’antipathie, entre les deux blocs. En fin de compte, chacun des principaux belligérants avait ses propres motifs pour prendre part au conflit. Toutefois, le plus éminent motif reste l’ambition allemande manifestée dans son projet hégémonique, c’est-à-dire sa volonté de domination politique, économique, militaire et navale, voire industrielle. La France, quant à elle, désirait laver l’affront de 1870 et récupérer les territoires d’Alsace et Lorraine, encore sous occupation allemande. Et, même si l’his-toire les retient comme principaux belligérants, l’Allemagne et la France avait des alliés qui désiraient aussi solder leur propre compte. Les vieilles querelles entre l’Autriche-Hongrie et la Russie, entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont aussi refait surface, ce qui explique la formation de la Triple-entente (Allemagne, Autriche-Hongrie et l’Italie) et la formation de l’Alliance (France, Grande-Bretagne et Russie). En somme, retenons que plusieurs questions ont dressé les unes contre les autres : la guerre de 1870, le partage des mers, de l’Empire Ottoman et des colonies d’Afrique, etc., cha-cune défendant ses propres intérêts et son honneur, tout en cherchant à s’imposer comme maître souverain. Parce que l’expansion de l’industrie engendre une concur-rence dangereuse entre ces empires, chacun cherche d’autres partenaires économiques pour écouler sa production et bénéficier d’autres ressources premières pour alimenter son industrie.

Bergson voit justement dans cette concurrence l’une des causes de la guerre entre les puissances européennes qui regardent vers la même direction (Orient et Afrique). En fait, certains empires présents sur ces continents depuis des siècles sont sommés par leurs protagonistes de redistribuer plus ou moins équitablement les colonies et les voies maritimes, ce qui n’est pas sans désagrément car chacun désire protéger ses propriétés. De là, naissent les rivalités politiques, économiques et militaires. Dans ce contexte précis, il semble que chaque empire se prépare en permanence à la guerre, en renforçant sans cesse sa puissance militaire avec des armes de pointe et des flottes navales bien équipées, et en développant des stratégies et des formations plus perfor-mantes. L’auteur des Deux sources qualifie tous ces grands investissements pour la guerre de pires déviations de l’humanité en général et de l’intelligence en particulier. À ses yeux, l’homme a perdu le mouvement originel de la vie, son élan vital, qui l’a fait advenir à l’existence, pour tracer sa propre voie. Il va même plus loin en affirmant que l’humanité a simplement perdu de vue sa destinée, l’amour universel, qu’elle

rem-place par l’orgueil et l’amour de soi. Le recours à la violence pour renforcer sa puis-sance économique et protéger ses intérêts, le désir d’étendre sa suprématie sont autant de motifs irrationnels qui poussent les hommes à s’entretuer, parce qu’ils ignorent leur appartenance, leur origine et leur destinée communes. Or, s’ils ne renoncent pas à leur instinct de domination, ils risquent de s’anéantir mutuellement. Ce risque de-vient plus imminent à l’aube de la seconde grande guerre, c’est ce que Bergson a com-pris lorsqu’il démissionna de la politique pour revenir à la philosophie morale.

1.3.2.2.2. L’urgence de remédier définitivement à la guerre

Bergson semble bousculé par les tensions internationales persistantes au lende-main de la première guerre et par l’imminence d’une seconde guerre, vu que les ins-tances internationales créées au lendemain de la première guerre pour les prévenir s’avèrent impuissantes. L’éventualité d’une seconde guerre n’est plus à écarter, si l’on se réfère à la configuration géopolitique du monde après 1918. Entre le camp des vainqueurs et celui des vaincus, la tension demeure vive, puisque ces derniers plani-fient leur vengeance, pendant que le camp des vainqueurs cherche à maintenir sa do-mination.

En regroupant en son sein d’anciens belligérants sans mettre fin à leurs diffé-rends, la SDN semblait fondée sur un volcan endormi. Cette organisation ne manquera pas d’être fragilisée par les tensions entre nations. Il faut dire qu’elle restait tributaire de la géopolitique mondiale, ce qui rendait son impartialité problématique. Philippe Soulez résume l’ambiguïté de son fondement avec concision :

« En proclamant de grands principes, les Organisations internationales reconnaissent « en

principe » la nécessité de surmonter le « différend » qui installe les peuples dans leur opposition. Mais comme cette proclamation est faite par des États souverains et que la définition même de la souverai-neté est de refuser toute instance judiciaire contraignante extérieure à l’État, la proclamation reproduit au niveau des signataires le différend qu’elle veut surmonter »193.

La sortie de l’Allemagne de la SDN semble justifiée par cette apparente contra-diction, parce qu’elle voulait s’affranchir des principes qui, selon le Reich, l’oppressent dans une injustice que ladite société voulait combattre. Elle démissionne de celle-ci pour suivre son propre projet politique, c’est-à-dire son ambition d’afficher sa supré-matie absolue, cette fois-ci fondé sur une autre idéologie, celle de la “race aryenne’’ prônée par le nazisme. Ce dernier l’entraînera dans une folie meurtrière que Bergson qualifiera de pire barbarie de l’histoire humaine. Philippe Soulez nous en livre un com-mentaire détaillé :

« C’est tout un ensemble de comportements de cruauté que vise Bergson et que le nazisme va

reproduire, ceux des Assyriens qui d’ailleurs s’en vantaient : extermination, déportation, raffinement des supplices, bellicisme outrancier, terreur et pour finir autodestruction. La célébration de l’horreur est bien digne d’être relevée : Hitler, comme on le sait, ce qui explique les archives retrouvées, avait

193 SOULEZ P., Bergson politique, 1. éd., Paris, Pr. Univ. de France, coll.« Philosophie d’aujourd’hui », 1989, p. 313.

songé à faire graver sur la pierre des temps modernes, autrement dit la pellicule cinématographique, les massacres perpétrés »194 .

On comprend mieux pourquoi l’arrivée du parti nazi au pouvoir confirmait la crainte bergsonienne. Cette montée de l’impérialisme porte un coup dur à la SDN et ravive la tension internationale. Ce qui explique que même si son dernier ouvrage Les

deux sources de la morale et de la religion a été rédigé avant la seconde guerre, l’analyse de

la politique internationale, que Bergson y livre, laisse transparaître sa claire vision de l’éventualité d’une autre guerre qui se profilait déjà à l’horizon si rien ne se faisait pour l’éviter. Après relecture de la guerre de 1939-1945, nous ne pouvons, à la suite des éminents commentateurs bergsoniens, qu’être surpris par l’analyse géopolitique du philosophe qui en 1932 déjà prévoyait ces atrocités. Bien qu’il n’ait pas assisté à la fin de cette guerre, parce qu’emporté par la mort en 1941, ses craintes furent confirmées. L’histoire lui donna raison quand il envisageait l’idée d’une morale plus efficace pour éviter le pire. Si nous pensons aux persécutions nazies qui, selon lui, incarnent la plus grande dérive morale de l’humanité, nous comprenons davantage son souci quand il invitait l’humanité à s’aimer. Comment expliquer l’intuition quasi prophétique du phi-losophe français ?

Loin d’être devin, son sens élevé d’analyse et son immersion dans la réalité poli-tique lui ont permis de déduire l’éventualité de la guerre. En tant que membre-fonda-teur de la SDN dans laquelle il a assuré durant trois ans la présidence de l’Office inter-national de la coopération intellectuelle, il était bien placé pour comprendre les principes de ladite société. Les fonctions exercées dans ces instances lui ont permis de maîtriser les stratégies, les fondements et les enjeux qui entourent cette guerre. À cela, s’ajoute son expérience sur le terrain de diplomate et de conseiller politique. De son analyse de la politique internationale, il tire une conclusion à tournure métaphy-sique : la cause de la guerre est plus idéologique qu’économique ou politique. Aussi demeure-t-il persuadé que la guerre invite à repenser le fondement des relations et le sens de la vie, raison pour laquelle sa solution doit être d’abord métaphysique. En termes plus précis, elle doit partir d’une connaissance des vrais principes de la vie et de l’action humaine, objet exclusif de la métaphysique.

Lui-même, dans sa pensée morale, cherche à comprendre l’origine de cette im-moralité découlant d’une idéologie, illusion humaine qui pousse les hommes au com-bat, puisqu’a priori ce n’est ni la nature, ni une divinité qui est à l’origine du mal. Son analyse le conduit à la conviction que l’immoralité vient de la ruse de l’homme, plus précisément de son intelligence qui dispose de la capacité de le tromper en lui faisant prendre des illusions pour des vérités. Ainsi considère-t-il l’idée d’inégalité naturelle entre les hommes, argument majeur des idéologues, comme une illusion intellectuelle à l’origine des tragédies. C’est en ce sens qu’il définit l’illusion comme une perception, une croyance « à laquelle nous donnons notre adhésion »195, capable avec la même vitalité

194 Ibid., p. 305‑ 306.

195 FRANÇOIS A., C. RIQUIER, A. FENEUIL, et G. WATERLOT, Annales bergsoniennes. VIII,

d’engager le moi dans les deux sens contraires à la vie, d’où l’importance de lutter contre les illusions. Pour y arriver, il faut les confronter à l’expérience permettant de vérifier leur objectivité.

La capacité de la raison à démasquer les illusions, mêmes celles à l’origine des guerres, pousse Bergson à accorder plus de confiance à la raison qu’aux armes dans la résolution des conflits. Cette conviction l’animait encore quand il invitait le Congrès mondial juif à s’adresser à la conscience universelle face à la montée de la persécution nazie :

« Que peut-on faire pour lutter contre la marée montante de l’antisémitisme ? Une seule chose

à mon avis : que les Juifs s’adressent à la conscience du monde. Que les Juifs en appellent à la civilisation. Que la voix des juifs résonne à travers le monde entier. Pas seulement pour le salut des Juifs, mais pour éviter que la honte absolue de la barbarie antisémite ne déshonore la civilisation dans son entier »196.

Cette déclaration confirme non seulement l’efficacité du jugement de la raison contre les illusions, mais aussi sa capacité à toucher la conscience morale et à la con-vaincre pour sauver l’humanité. Le philosophe attribue ainsi à la raison un double pouvoir, celui de susciter la barbarie ou de l’arrêter, que l’homme peut utiliser suivant ses préoccupations et ambitions. En se livrant à la barbarie, l’humanité remet en cause sa suprématie, elle qui est seule capable de dompter sa nature instinctive et, par con-séquent la barbarie. À l’inverse, si elle oriente son intelligence vers la morale, alors elle participe à la cohésion sociale et à l’amour de ses frères en humanité. Or, les guerres récurrentes dans l’histoire témoignent du contraire : l’homme semble promouvoir la destruction de ses semblables au nom d’idéologies mortifères. Bergson l’accuse de dévier l’intelligence, faculté d’adaptation pour la survie de l’espèce humaine, en la met-tant au service de la mort lorsqu’il fabrique des armes sophistiquées destinées à tuer massivement. Devant cette dérive humaine, comment ne pas s’émouvoir et chercher des solutions pour y mettre fin ?

De toute évidence, cette solution doit être d’ordre moral. C’est d’ailleurs ce qu’ont compris toutes les sociétés en élaborant une morale pour contrecarrer les pen-chants déstabilisateurs de l’homme. Or, malgré les différentes morales sociales et re-ligieuses répertoriées dans l’histoire, l’humanité continue à se livrer aux actes immo-raux. Comment alors expliquer la persistance de l’immoralité dans la vie ? cela relève-t-il d’une faiblesse des théories morales ou d’une obstination de l’humanité ? Ou en-core faut-il croire que l’immoralité est inscrite dans la nature humaine comme un sup-plice qu’elle doit porter, à l’instar de Sisyphe condamné à rouler éternellement sa pierre sur le flanc de la montagne, sans jamais parvenir à s’en débarrasser ?

Ce sont là les questions auxquelles doit répondre Bergson dans sa réflexion, ce qui explique l’élargissement de sa métaphysique à la morale. Après moult hésitations, il élabore sa morale de l’amour.

196 Discours de Bergson cité par Soulez dans SOULEZ P., Bergson politique, op. cit., p. 309.

C

ONCLUSION

L’historique de la pensée de celui que nous pouvons nommer “le philosophe de l’amour” nous conduit d’abord à la redécouverte de la rigueur philosophique. En pro-posant une métaphysique positive qui seule peut livrer une connaissance objective de la réalité dans sa mobilité, Bergson s’oppose à toute science et toute métaphysique réduisant l’homme à une réalité statique et immuable. Dans cette métaphysique, il

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