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2.1. L ES SOURCES DE LA THEORIE BERGSONIENNE

2.1.5. Métaphysique de l’amour, morale et mystique chez Schopenhauer Schopenhauer

2.1.5.2. La refondation morale de Schopenhauer

2.1.5.2.1. La critique des morales classiques

La morale occupe une place centrale chez Schopenhauer, pour qui, la question du mal donne à l’étonnement philosophique une orientation particulière. Il en fait même l’origine de la métaphysique puisqu’elle représente la plus grande inquiétude de l’humanité. Parce que l’expérience prouve que l’être hanté en permanence par l’idée de souffrance et de mort ne peut s’empêcher de s’interroger, le philosophe voit dans cette interrogation une quête existentielle qui n’est rien d’autre que la métaphysique. Analysant l’idée schopenhauerienne de souffrance, son commentateur Christian Ja-diecke l’explicite en ces termes :

« Elle constitue le “ton fondamental’’ des êtres vivants, leur “propriété immuable et absolue’’ :

elle est “pulsion vitale universelle’’, “instinct irrationnel’’ sans but, sans cause, “sans raison’’. Cette volonté anonyme, transindividuelle et anarchique car soustraite au principe de raison, “cet animal sauvage qui n’attend qu’une occasion pour s’enrager et se déchaîner’’ ravage la planète selon Schopen-hauer »156.

Cette description met en lumière l’inhérence de la souffrance à la vie. Partant de là, faut-il croire que le philosophe se résigne face au mal et corrobore-t-il sa fatalité ? Evidemment non, car il demeure convaincu que la morale peut et doit aider l’huma-nité à parvenir au salut. D’après lui, tous les théoriciens de la morale ont échoué dans leur entreprise parce qu’ils n’ont pas pris en compte la véritable essence humaine : la volonté de vivre. Ses devanciers invite plutôt à une négation du vouloir-vivre, raison pour laquelle leur morale ne peut contenir les immoralités ? De là naît son désir de refonder la morale en partant d’une vraie connaissance de la vie, refondation qu’il commence par une critique de toutes les théories morales depuis Socrate, le père de la morale, jusqu'à la philosophie moderne. Il leur reproche de s’appesantir sur la rela-tion entre la vertu et le bonheur. C’est ce qui explique que la morale des Anciens, notamment celles des cyniques et celles des stoïciens, se réduit à une théorie eudémo-niste et celle des Modernes, à une doctrine du salut. Il écrit à ce propos :

« Les Anciens voulaient démontrer l’identité de la vertu et du bonheur : mais ces derniers étaient

comme deux figures qui ne coïncident jamais, quelle que soit la façon dont on les dispose. Les Mo-dernes voulaient lier les deux non pas selon le PRINCIPE D’IDENTITE, mais selon le PRINCIPE DE RAISON, donc faire du bonheur une conséquence de la vertu, en vue de quoi ils devaient cependant recourir ou à un monde différent du monde connaissable, ou à des sophismes »157.

Dans sa critique, Schopenhauer s’arrête aussi sur la morale religieuse qui lui semble plus rationnelle, bien qu’étant inspirée de la foi, comme il le souligne : « Le

peuple considère que la morale est fondée par la théologie, en tant que volonté exprimée par Dieu »158. Même s’il reste critique envers les religions monothéistes qu’il accuse d’exploiter le besoin métaphysique de l’homme, en lui proposant de résoudre la question de la mort et de la souffrance dans le but de l’aliéner, il voit dans les systèmes religieux un fait intéressant pour son argumentation : la notion de volonté divine.

Le désir de refonder objectivement la morale oriente Schopenhauer sur les pas de Kant. Il partage avec lui la conviction que toutes les morales antérieures omettent, dans leur théorie, l’essence de la vie livrée par l’expérience. Pour Kant, derrière la conduite humaine se cache un principe qui la dépasse et qui renvoie à une autre réalité intelligible : les noumènes, idée qu’approuve Schopenhauer dans son commentaire :

« En philosophie le fondement éthique, quel qu’il soit, doit à son tour trouver son point d’appui

et son support dans quelque métaphysique, c’est-à-dire dans une explication donnée du monde et de l’existence en général, car la compréhension vraie et ultime de l’essence intime de la totalité des choses doit nécessairement être liée de très près à la compréhension du sens éthique de l’activité humaine »159.

Son enthousiasme pour Kant sera cependant de courte durée, puisque celui-ci se contente de la spéculation pure pour dégager le fondement moral. Il critique cette démarche, en faisant remarquer que « le principe éthique se présente chez KANT comme un principe transcendantal ou métaphysique tout à fait indépendant de l’expérience et de ce qu’elle nous apprend »160. Parce que Kant ne considère pas la réalité comme telle, il se contente d’établir des lois morales déduites a priori de la raison et non de l’expérience pratique. Sa conception erronée de la réalité a aussi abouti à une interprétation erronée de la métaphysique de la nature et de toutes les lois qui en dérivent, notamment la loi mo-rale. Comme le souligne Schopenhauer, l’impératif kantien n’est pas déduit comme un fait de conscience, puisque Kant écarte le vécu psychologique dans l’expérimenta-tion de l’efficacité de cet impératif. Il établit une fondal’expérimenta-tion formelle qui ne s’appuie ni sur l’expérience empirique, ni sur la volonté, ni sur des conditions objectives exté-rieures, mais simplement sur l’universalité de la loi. En somme, c’est le décalage entre théorie et pratique dans sa conception métaphysique de la nature qui constitue la source d’erreur dans la morale kantienne.

Cette démarche kantienne a désorienté les théoriciens postérieurs. À l’instar de plusieurs philosophes, Schopenhauer tentera de partir de l’expérience pour refonder

157 Ibid., p. 99.

158 Ibid., p. 95. 159 Ibid., p. 91. 160 Ibid., p. 99.

la morale, car la spéculation seule ne permet pas d’atteindre le principe moral. Cette première critique schopenhauerienne d’ordre méthodologique se double d’une autre critique axée sur la notion de nécessité absolue. Bien qu’il accorde à Kant le mérite de rompre la corrélation entre la vertu et le bonheur établie par la morale traditionnelle, Kant reste encore redevable à son héritage théologique. Pour lui, il ne fait aucun doute que les notions de loi, de prescription, de devoir et de commandement que le philo-sophe de Königsberg insère dans sa théorie, sans les déduire de l’essence de la nature humaine, trouvent leur origine dans le « décalogue mosaïque »161. Il s’est contenté de les transposer dans sa morale sans démonstration pratique. Par conséquent, elles doivent être éliminées du raisonnement puisque la logique veut qu’« un concept qui ne peut

témoi-gner d’une autre origine que de celle-là ne saurait s’immiscer sans plus dans la philosophie éthique, mais doit être expulsé jusqu’à ce qu’il soit attesté et introduit par une preuve légitime »162.

Aux yeux de Schopenhauer, cette influence de la religion n’est pas spécifique à Kant, mais à toute la philosophie morale post-kantienne, ce qui explique qu’elle se présente comme un ensemble de prescriptions et de devoirs plus ou moins éloigné de son essence. Si la morale doit être, selon lui , une « métaphysique de la conduite humaine,

c’est-à-dire de ce qui s’étend au-delà de l’existence phénoménale pour toucher à l’éternité, ce qui a été reconnu par tous les peuples, toutes les époques et toutes les doctrines religieuses, ainsi que par tous les philosophes »163. Les théories morales modernes sont assimilables à un ensemble de commandements qui font appel à un devoir impliquant une punition ou une récom-pense. Il faut souligner que cette morale s’appuie au fond sur l’intérêt personnel, puisque l’homme obéit suivant son aspiration, ce qui en fait une morale utilitaire. Pour Schopenhauer, il serait plus juste de dire que cette morale moderne porte une valeur égoïste.

Contrairement à cette morale, Kant trouve plus de faveur aux yeux de Schopen-hauer, car il a réellement saisi le principe qui fonde la moralité, c’est-à-dire l’idée d’une force impulsive capable d’agir sur la volonté. « Il s’agit, écrit-il, de la LOI DE MOTIVATION, une forme de la loi de causalité, c’est-à-dire la causalité médiatisée par la connais-sance »164. C’est dire que le principe moral renvoie à une force stimulante capable d’in-citer la volonté humaine à une bonne action ; en ce sens, elle peut être considérée comme une cause. Cette loi de causalité mise en évidence par Kant doit être démon-trée à partir de l’expérience. Pour ce faire, il suffit de s’appuyer sur l’expérience hu-maine, d’examiner les actes individuels, les faits politiques et religieux à travers les-quels se manifeste la loi morale, comme il le confirme : « On ne saurait admettre sans

preuve l’existence de lois MORALES indépendantes de préceptes humains, d’institutions d’État ou de

161 Ibid., p. 103.

162 Ibid.

163 Ibid., p. 104. 164 Ibid., p. 102.

doctrines religieuses »165. Cette démarche expérimentale conduit à la source de toute mo-ralité et à l’essence de la vie.

Dans sa refondation, Schopenhauer opte pour la synthèse qui consiste à partir des phénomènes pour remonter à la source, quand il explique : « En partant d’une

mé-taphysique donnée et supposée vraie, on parviendra par une voie SYNTHÉTIQUE au fondement de l’éthique : le fondement serait alors construit par le bas, et l’éthique trouverait donc un appui solide alors construit par le bas »166. Le philosophe allemand s’appuie particulièrement sur la religion. C’est là un point de convergence avec Bergson qui intègre aussi la religion dans sa théorie, mais contrairement au philosophe allemand, il reste bienveillant à son égard. Schopenhauer apprécie particulièrement la notion de volonté divine que la re-ligion propose comme fondement théologique de sa morale. Par analogie, il admet que la Volonté de vivre suffit comme principe moral. C’est, du moins, ce que laisse entendre sa remarque : « On tente bien au contraire d’authentifier la loi révélée en tant que volonté

de Dieu en démontrant qu’elle s’accorde avec nos idées morales naturelles, en faisant alors appel à elles comme à ce qu’il y a de plus immédiat et de plus certain »167. Cette démarche analogique lui semble rationnelle et préférable à celle de la philosophie du moyen-âge qui, selon lui, a transposé la théologie dans la philosophie en l’appuyant sur des données reli-gieuses. Pourtant, personne ne conteste la rationalité de cette philosophie et c’est en usant de ce même procédé que les philosophes contemporains ont élargi leur morale à la religion pour asseoir leur fondement moral.

Même s’il se sert d’elles dans sa morale, Schopenhauer reste critique à l’égard des religions monothéistes. Il les voit comme une supercherie qui fait croire à l’homme l’idée d’une existence immortelle dans l’au-delà. Sur cette promesse, elles adossent leur moralité n’ayant pour but que de détourner l’homme de la Volonté de vivre. Il leur préfère d’ailleurs le brahmanisme et le bouddhisme qu’il considère comme étant « la religion originaire et familière de notre propre peuple dont on sait que les racines sont

asia-tiques »168. Pourquoi un tel enthousiasme pour ces religions orientales ? Schopenhauer paie-t-il sa dette de reconnaissance si l’on sait qu’étant jeune, en proie aux délires, il avait trouvé son chemin de salut dans ce mysticisme oriental ? Bien que cette filiation avec l’Asie paraisse problématique, cette religion l’autorise à faire de la volonté le fon-dement moral.

En conclusion, pour Schopenhauer, ses prédécesseurs sont divisés sur la ques-tion du fondement moral, parce qu’ils ont ignoré l’essence humaine. Aussi se sont-ils égarés en cherchant ce fondement soit dans une idée, soit dans la conscience morale, soit dans un autre principe. En prônant la rupture avec les systèmes philosophiques et religieux, il entend proposer une vraie morale fondée sur un principe métaphysique déduit de l’existence réelle : la Volonté de vivre

165 Ibid., p. 103.

166 Ibid., p. 92. 167 Ibid., p. 95. 168 Ibid.

2.1.5.2.2. La Volonté de vivre comme fondement moral

Notons d’abord que Schopenhauer distingue le principe du fondement. Par prin-cipe, il entend « l’expression la plus courte et la plus concise pour désigner la conduite qu’elle

prescrit, ou, si elle n’a pas la forme impérative, la conduite à laquelle elle attribue une valeur propre-ment morale »169. Quant au fondement, il renvoie à la raison d’être de l’obligation, de la recommandation, de l’éloge ou de la vertu. C’est cette raison ou source que tente de dégager sa théorie morale. Etant donné que cette source est intérieure à l’homme, elle découle de la connaissance qu’il possède de son essence. Parce que celle-ci coïncide avec l’essence universelle, l’homme n’y accède que par intuition. Chez le philosophe de la Volonté, la méthode intuitive permet d’une part de distinguer la vraie connais-sance des représentations offrant une vision multiple des phénomènes, vision qui n’est qu’une illusion. D’autre part, elle permet de saisir l’essence des phénomènes ou la chose en soi qui se cache derrière les phénomènes. Ainsi, la connaissance intuitive ouvre tous les univers clos et favorise le passage d’un monde à l’autre, des phéno-mènes aux nouphéno-mènes, des choses à leur essence, du sensible au transcendant, de l’in-dividu à l’universel, du moi à autrui, ce qui en fait, selon l’expression schopenhaue-rienne, “des vases communicants”.

L’apport de la méthode intuitive demeure considérable dans sa morale, parce qu’ouvrant au fondement de l’éthique qu’il résume dans ce précepte : « TEL individu

[qui] se reconnaît immédiatement lui-même, reconnaît sa vraie nature, dans un AUTRE »170. Qu’est-ce à dire, sinon que la connaissance intuitive dévoile l’unité des êtres, lorsqu’elle parvient à leur vraie nature qui demeure unique. En utilisant l’intuition sensible, chacun peut remonter à cette essence commune à lui et aux autres, source de toutes les vertus. Le philosophe précise justement que c’est « la conception du rapport

entre moi et le moi d’autrui, qui se trouve au fondement des actions d’un caractère bon »171. L’homme qui découvre et accepte cette nature commune, respecte et sert l’autre de manière désintéressée. Nous dirons même que cet homme voit l’autre comme une part de lui-même dont il doit prendre soin.

Au nom de leur appartenance commune à la même nature, tous les hommes sont obligés en conscience d’à accomplir leurs devoirs envers autrui. Ainsi, de cette appar-tenance commune naît toute moralité dans les actes et les relations. Si cette concep-tion est ignorée, elle engendre des effets néfastes. En d’autres termes, toute idée de différence de nature entre les individus devient source d’immoralité. Le philosophe déclare à ce propos : « L’égoïsme, l’envie, la haine, la persécution, la dureté, la vengeance, la joie

maligne, la cruauté font appel à la [dernière] conception »172. Ce qui revient à dire que l’ignorant devient un méchant et un orgueilleux nourrissant des sentiments d’hostilité et de ja-lousie, tandis que l’homme rationnel cultive la bonté en entretenant des relations ami-cales avec les autres.

169 Ibid., p. 117.

170 Ibid., p. 236. 171 Ibid., p. 232. 172 Ibid., p. 237.

De là, retenons que l’amour et la haine sont des conséquences de la connaissance ou de l’ignorance du principe d’individuation, car l’une ou l’autre influence positi-vement ou négatipositi-vement les actes, les caractères et les sentiments de l’individu. Si l’homme est tourné vers lui-même, il vit de manière égoïste, tandis que s’il accepte cette appartenance commune, il demeure ouvert et solidaire des autres. Cet homme bon sera enclin à la sympathie, à la générosité et, donc, à l’amour. Une telle attitude lui procure le bonheur, puisqu’il contribue à l’unité de l’essence humaine. Comme le laisse entendre la conclusion schopenhauerienne, « de là naît cette profonde paix intérieure

et cet état d’âme tranquille, serein, satisfait, en vertu duquel tout son entourage se sent bien »173. Ce bonheur s’intensifie davantage quand il étend sa bonté au plus grand nombre, même à ses ennemis. Là, son mérite devient incommensurable car, aux yeux du philosophe, le meilleur homme est celui qui « rend le bien pour le mal »174.

À l’opposé, celui qui vit dans la méchanceté et la haine reste à plaindre à cause de son ignorance. Mais, un simple regard intuitif lui suffit pour passer du sentiment de haine à l’amour car, souligne le philosophe, s’il « pouvait pénétrer de son hostilité son

adversaire le plus détesté et accéder jusqu’au tréfonds de celui-ci, c’est lui-même qu’il découvrirait, à sa propre surprise »175. C’est dire que l’intuition le conduirait à la découverte, au fond de l’autre, d’une nature identique à la sienne, ce qui le dissuaderait de le haïr.

De ce qui précède, il ressort que l’homme peut être motivé dans ses actes par des intentions perverses aussi bien que par de bonnes intentions. Ce qui permet de déduire que le fondement moral se trouve dans l’intention qui sous-tend l’acte, comme l’affirme Schopenhauer : « Je considère au contraire que c’est l’INTENTION SEULE

qui décide si une action a une valeur morale ou non, si bien que cette action peut être condamnable ou louable selon l’intention »176. Ainsi, le discernement de l’intention animant la volonté, permet de déterminer le sens moral de l’action.

Dans la morale schopenhauerienne, si l’égoïsme et la pitié révèlent la qualité mo-rale, seule la pitié engendre une vraie moralité, c’est-à-dire des actes qui visent le bien d’autrui. Il reste convaincu que la pitié « s’est révélée être la seule source d’ACTIONS NON ÉGOISTES »177 auxquelles il attribue exclusivement une valeur morale. En somme, la pitié de l’autre, qui trouve son fondement dans l’unité de nature entre tous les indivi-dus, fonde toutes les vertus dont les plus essentielles sont la justice et la charité. Tout bien accompli de manière désintéressée n’a pour motif que de mettre fin à la détresse de l’autre assimilable à une part de soi, puisque la connaissance intuitive supprime toute illusion de supériorité ou de différence entre les hommes.

L’homme moral n’est inquiété ni par la souffrance, ni par la mort, parce que son existence se prolonge dans celle des autres. Conscient de cette unité de la vie, il est

173 Ibid. 174 Ibid., p. 238. 175 Ibid., p. 237. 176 Ibid., p. 115. 177 Ibid., p. 231.

prêt à se sacrifier pour les autres, parce que persuadé qu’il continue de vivre, même mort, à travers eux. En ce sens, l’homme qui donne sa vie pour sa patrie mérite encore plus d’éloge, comme l’exprime Schopenhauer : « Celui qui affronte la mort pour sa patrie

s’est délivré de l’illusion qui limite l’existence à sa personne : il étend sa nature à ses compatriotes »178, car il vit à travers tous ses concitoyens. En un mot, seul l’homme conscient de son appartenance commune peut vouloir le bien de tous les hommes jusqu’à mourir pour eux.

En conclusion, la morale de Schopenhauer trouve sa source dans la nature, puisque tous les êtres humains possèdent en commun la Volonté de vivre qui consti-tue leur essence. Cette communauté d’essence les oblige, en conscience, à s’aimer et à s’entraider pour le bien commun. Une telle conscience morale ne peut être impulsée de l’extérieur, mais uniquement de l’intérieur. L’échec de la morale traditionnelle qui propose des règles et des lois vient de l’ignorance de la connaissance intuitive qui seule permet de déduire un fondement moral à partir de la nature humaine. Cet échec a conduit Schopenhauer à concilier l’essence humaine et la morale, faisant de l’essence humaine le fondement de la morale.

De ce point de vue, Bergson se rapproche de Schopenhauer. Ils conviennent que les théoriciens de la morale ont pour première tâche de saisir cette essence humaine,

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