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SON ENTREE DANS LA VOIE DES SOUFIS :

Sidi Mubarak sentit que son fils avait acquis une maturation spirituelle et une détermination, il le maria et lui apprit les litanies initiatiques (Awrad) de la Tarîqa al-Nasiriyya, malgré son jeune âge, car il n’avait que 14 ans. Ces litanies étaient les invocations rituelles de sidi Ibrâhîm. Avant cela, quand il était enfant, au cours de ses voyages, il avait appris certaines litanies de bénédiction (Tabarruk) de sidi Ma' al-‘Aynayn qu’il avait rencontré avec son frère Muhammad al-Basîr585 -ce qui fut confirmé par son fils Sidi Muhammad al-Mustafa al-Basîr et son petit fils Abdelhadi al-Basîr586. Sidi Ibrâhîm attendait avec impatience l’apprentissage des Awrâd soufis, et disait :

«Un matin, mon père m’a appris les Awrâd Nasiris qui étaient ses Awrâd rituels, j’étais très content car j’avais très soif de ce savoir authentique, je

583 Id., p. 20. 584 Id., p. 21.

585 Basîr, al-Ightibat, p. 21

les faisais tout le temps, matin et soir, et je me sentais à l’aise quand j’étais tout seul, en train de méditer».

Sidi Ibrâhîm apprit les Awrâd en 1884/1301587, année de son retour du Sahara qui coïncidait avec l’arrivée du Shaykh Nasiri Haj ‘Abdesalâm Ibn Muhammad Ibn Abu Bakr à Talînt, lieu de rassemblement des tribus des Ulad Jarrar. Sidi Brahim raconte: «Je n'avais jamais pensé obtenir le wird de sa part cette fois-ci, malgré mes visites passées »588.

En effet, sidi Mubarak était parti, en compagnie de son fils sidi Ibrâhîm, à la rencontre de ce Shaykh. Après avoir effectué des visites dans les tribus des Aït Ba ‘Amran, sidi Mubarak demanda à son fils d’apprendre aussi les Awrâd Nasiris de ce Shaykh589. C’est ainsi que Sidi Ibrâhîm devint Nasiri comme la plupart des gens de Souss590. Dix ans plus tard, en 1893/1311591, sidi Ibrâhîm renouvela son allégeance à la Tarîqa al-Nasiriyya en allant voir le Shaykh Ma’ al-‘Aynayn592, se contentant de l’enseignement de ce dernier593. A son tour, Sidi Ibrâhîm enseigna les Awrâd Nasiris594 à ses disciples595 jusqu’en 1903/1321 H. Il parlait avec son père des Saints et des hommes droits ; le père dit :

« J’espère pour toi mon fils que je resterais en vie jusqu’à ta rencontre avec le Shaykh vivant, afin que tu puisses obtenir ce que je veux pour toi », Sidi Ibrâhîm répondit : « Ce Shaykh vivant est le Shaykh Ma' al-‘Aynayn, et s’il faut le visiter plusieurs fois, je le ferais », le père dit alors : « Non, ce n’est pas Shaykh Ma' al-‘Aynayn ». Alors le fils crut qu’il

587 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 110. 588 Id., pp. 110-111.

589 Basîr, al-Ightibat, p. 16.

590 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 110.

591 Les Jirariyun sont entrés dans le Souss à l’époque de la dynastie des Mérinides au début du 8ème siècle et se sont installés à Oued Noun, Ifrane, Ras al Oued et Tiznit ; aujourd’hui, ils sont moins nombreux. On les trouve dans la région de Tiznit : Soussî, al-Ma‘sul, vol. 19, p. 148 ; Benabdallah, Ma‘lamat, p. 48.

592 Les Soussîs n’ont connu que la Tarîqa al-Nasiriyya entre le début du 12ème et la fin du 13ème siècles de l’hégire, à l’époque de l’introduction de la Tarîqa al-Darqâwiyya : SOUSSÎ, al-Ma‘sul, vol. 1, pp. 264-265. 593 Id., vol. 12, pp. 110-111.

594 Id. vol. 12, page 117.

595 Après leur rencontre, le Shaykh sidi ‘Ali al-Ilighî ordonna à sidi Ibrâhîm d’enseigner les Awrâd darqawis à ses compagnons auxquels il avait enseigné les Awrâd Nasiris.

s’agissait du Shaykh al-Kettani à Fès, le père répondit : « Non », ce qui plongea le fils dans la perplexité, aussi le père lui dit : « Reste avec moi, à mon service, jusqu’au jour où Dieu te permettra d’aller le rencontrer. Tu auras tout ce que je veux pour toi, et tu acquerras une place remarquable parmi tes contemporains »596.

Cette discussion fut un tournant dans la vie de sidi Ibrâhîm ; il dit :

«Cette discussion fut la source d’une élévation de mon aspiration spirituelle (himma), et détermina ma recherche du Shaykh, autre que sidi Ma' al-‘Aynayn, qui me donnerait une éducation spirituelle (tarbiya), et me permettrait d’acquérir le maqam sacré, exhaussant le voeu que mon père ne cessait de faire597 ».

Depuis cette conversation, sidi Ibrâhîm attendait la rencontre avec ce Shaykh et ne cessait de le chercher. A propos de cet état de perplexité (hayra) et d’attente, sidi Ibrâhîm disait :

«Depuis ce jour, je n’arrivais plus à dormir ou à manger, je me mis à l’écart et j’ai commencé à le chercher en permanence, c’était ma seule occupation. Je visitais de temps en temps les tombeaux des Saints et j’y restais longtemps à prier et demander au Prophète, par l’intermédiaire du haut rang de ces Saints, de m’aider à trouver ce Shaykh, et dès que je croisais quelqu’un, j’espérais qu’il allait m’indiquer où il se trouvait598 ».

Sidi Ibrâhîm resta dans cet état jusqu’en 1906/1324 H. Son père l’ayant envoyé à Tamjat Aït Brim où il rencontra le juriste (faqih) Belkhayr Tiaki599, un des compagnons du Shaykh Muhammad Ibn Mas‘ûd Ma‘dri600, Sidi Ibrâhîm lui demanda

596 Il y a plus de détails à propos de cette conversation dans : Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 117 ; Basîr, al-Ightibat, p. 51; Basîr, Zaouïat Sidi Ibrâhîm, p.36.

597 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 117. 598 Basîr, al-Ightibat, p. 37.

599 Il s’agit de Balkhayr Ibn Salem Ibn Mahd Tiaki, son origine est de Timjat de la tribu Abrim, il prit la Tarîqa al-Darqâwiyya du Shaykh ‘Ali al-Ilighî, il est mort en 1376. Voir biographie dans : SOUSSÎ, al-Ma‘sul, vol. 12, pp. 202-206.

600 Il s’agit de Muhammad Ibn Mas‘ud Ibn Muhammad Ma‘dari Buna‘mani, mort le 18 mars 1330, l’un des célèbres soufis de la famille Ahl Mas‘ud. Voir biographie dans : SOUSSÎ, al-Ma‘sul, vol. 13, p. 5.

des nouvelles des fils de ce Shaykh, le faqih lui répondit : « Ah ! Ces grands Savants étaient déviés par un Darqâwî de la montagne, il les a sortis de la Tarîqa al-Nasiriyya et a changé leur état spirituel (hâl) »601 .

Lorsque sidi Ibrâhîm entendit cela, son cœur battit très fort et il se dit : « Le Shaykh Muhammad Ibn Mas‘ûd Ma‘dri et ses fils sont des grands ‘Ulamâ’ et des bienfaiteurs, ils ne peuvent suivre qu’un grand homme602 ». Il partit donc, de suite, voir son père pour lui raconter cette nouvelle ; le père fut très content et dit en pleurant : « C’est mon souhait en ce qui te concerne, il faut que tu le rejoignes au plus vite603 ».

Sidi Ibrâhîm voulut voyager immédiatement, mais il faisait nuit ; il raconta que ce fut la nuit la plus longue de sa vie604. L’aube arriva, Sidi Ibrâhîm salua son père et ses enfants et partit à la rencontre de sidi Haj ‘Ali al-Ilighî al-Soussî. Il rassembla sept de ses disciples et un guide et ils prirent la route ; il avait l’intention ferme de suivre ce Shaykh tel qu’il était. Au cours du voyage, sidi Ibrâhîm dit à ses compagnons:

«Nous allons rencontrer un grand Shaykh, et même s’il est un esclave, nous lui accorderons tout le respect et la révérence qu’il mérite, et s’il est dans un état de très grande richesse, avec des serviteurs et des vizirs qui nous repoussent, nous le respecterons et ne critiquerons pas son état, car les initiés (‘ârifin) ont des états variables et celui qui veut connaître Dieu par leur intermédiaire ne doit pas prendre en considération ces états605 ».

Ceci montre que sidi Ibrâhîm était un grand soufi, au fait des règles du soufisme, car il était un Shaykh de référence dans la Tarîqa al-Nasiriyya. Cependant dès qu’il entendit parler du Shaykh al-Ilighî, il se transforma en un simple disciple606. Il dit à ses élèves :

601 Id., vol. 12, p. 118. 602 Id.

603 Id., p. 119 ; Basîr, al-Ightibat, p.40. 604 Id.

605 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 121. 606 Id., pp. 121, 125, 126.

« Dès aujourd’hui, je ne suis plus votre Shaykh, je vous demande de témoigner devant Dieu que j’ai offert mon âme à ce Shaykh et que je suis son fidèle serviteur607 ».

Il ne cessa de répéter ces propos durant tout le voyage afin que ses compagnons sussent son intention608. En répétant ces propos, Sidi Ibrâhîm apprenait à ses disciples les règles de compagnonnage du Shaykh et préparait sa rencontre, en précisant qu’un vrai disciple est celui qui n’a pas de vouloir ni de pouvoir à part celui de son Shaykh. Il citait ces paroles de sidi Abdelqâder al-Jîlânî :

Sois comme un mort entre les mains du laveur,

On te remue dans tous les sens et tu n’es qu’obéissance .

Arrivés à la Zaouïa le 11 Moharram 1906/1324609, les voyageurs descendirent de leurs bêtes et marchèrent, respectant ainsi le maqam du Shaykh. Sidi Ibrâhîm raconte, à propos de leur rencontre avec sidi ‘Ali al-Ilighî :

« Nous étions en train de parler lorsque le Shaykh apparut du côté sud de la Zaouïa. Nous le saluâmes, et il nous demanda, avec une voix grave et un visage sévère : « De quelle tribu êtes-vous ? ». Je répondis : « De Lakhsas ». Le Shaykh dit alors : « Que voulez vous? ». Je répondis : « Nous sommes ici pour que vous nous montriez Dieu ». Le Shaykh rétorqua : « Que dis-tu ? Tu veux connaître ton Seigneur ? Tu as grandi jusqu’à ce que ta grande barbe puisse être une corde pour ton cheval, et tu me dis ne pas connaître Dieu ? ». Je répondis : « Je jure par Dieu, je jure par Dieu, je jure par Dieu, nous sommes venu ici pour que vous nous montriez Dieu et que vous nous transmettiez votre enseignement ». Sidi Ibrâhîm poursuit : « Le Shaykh nous fit entrer dans la Zaouïa, et nous accomplîmes ensemble la prière de Maghrib. Puis il s’en alla ». Le muezzin m’appela, et nous montâmes tous les deux dans une chambre en

607 Id., p. 121; Basîr, al-Ightibat, p.44.

608 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 121.

609 Voir, pour plus de détails sur ce périple : SOUSSÎ, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 119 ; Basîr, al-Ightibat, p.44 ; Basîr, Zaouïat Sidi Ibrâhîm, p.28-29.

haut de la Zaouïa. Il me présenta un plat de nourriture avec un gros morceau de viande et du pain, puis il me laissa seul. Je ne pouvais pas manger puisque le Shaykh n’était pas satisfait de nous et j’avais peur de ne pas réaliser mon souhait. Je descendis à la Mosquée où j’avais laissé mes compagnons puis je m’assis et restai ainsi jusqu’à l’aube. Après avoir accompli la prière de salutation de la Mosquée (tahiat al-masjid), j’entendis quelqu’un frapper des mains et je me retournai pour voir. C’était le Shaykh qui me faisait signe pour le rejoindre. J’allai à lui et il me demanda : « Qu’est ce que tu m’as dit hier à propos de ton souhait ? ». Je répondis : « Je suis venu vous voir pour que vous me montriez Dieu ». Il voulut savoir ce qui m’ammena à vouloir connaître Dieu ? Je lui dis que mon père me répétait souvent qu’il fallait suivre l’éducation d’un Shaykh vivant. Puis j’ajoutai : « Lorsque je dis à mon père que j’avais entendu parler de vous, il me dit de venir à vous et de ne pas vous quitter ». Lorsque je compris que le comportement de sidi al-Haj al-Ilighî envers moi était une épreuve pour savoir ma vraie intention, je lui dis que j’étais venu à lui comme sidi Abu al-Hasan al-Shâdhili avait fait avec Mulay Abdesalâm Ibn Mashish. Le Shaykh me demanda alors : « Et comment est-il allé à lui ? ». Je répondis : « Il est allé à lui en rejetant sa science et ses oeuvres ». J’avais à peine fini ma phrase, qu’il cria : « ALLAH ! ». Il se mit debout et je sentis ses larmes tomber sur ma main, puis il me dit : « Sois le bienvenu ». Son comportement changea, et il discuta avec nous avec douceur. Il prit ma main en me disant : « Donnes-moi ta main pour que je t’apprenne mes Awrâd (litanies initiatiques) ». Il m’ordonna par la suite de donner ces Awrâd à mes compagnons. C’était ainsi sa permission (idhn) pour que je puisse les transmettre moi-même. Sidi al-Mahdi, Ibn sidi Muhammad, Ibn sidi Blyla, Ibn sidi Ibrâhîm al-Basîr fut le premier élève de sidi Ibrâhîm al-Basîr dans la Tarîqa al-Darqâwiyya610.

Depuis cette rencontre, sidi Ibrâhîm devint un des proches compagnons de sidi ‘Ali al-Ilighî al-SOUSSÎ qui lui donna la permission absolue dans la transmission de son

610 Voir, pour plus de détails sur cette rencontre : Basîr, al-Ightibat, pp. 45-46 ; Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, pp. 122-125 ; Basîr, Zaouïat Sidi Ibrâhîm, pp. 29-34.

enseignement. Ceci a été cité par le Shaykh al-Ilighî dans une lettre envoyée à sidi Muhammad Ibn Mas‘ud où le Shaykh décrivait l’état de sidi Ibrâhîm :

« Sidi Ibrâhîm Ibn Mubarak al-Basîr al-Regîbî est venu nous voir en étant prêt, avec sa lanterne dont la mèche était propre, trempée dans de l’huile limpide ; je n’ai fait qu’approcher la lumière et la lanterne s’est allumée. Nous l’avons embrassé et lui avons donné la permission de partir, c’est vraiment une lumière in shâ'a Allah »611.

C’est une affirmation de Shaykh quant à l’éducation complète de sidi Ibrâhîm qui n’avait pas besoin d’un Maître éducateur, car il était sain dans sa réflexion et dans son comportement, aussi le laissa-t-il partir dans son état.

Avant de se quitter, le Shaykh lui apprit le Nom unique (ism al-mufrad), et lui demanda de le répéter 17 fois en en visualisant les lettres, puis ils parlèrent longuement du monde des âmes jusqu’à atteindre des états spirituels élevés.

A la fin, sidi al-Shaykh al-Haj ‘Ali al-Ilighî demanda à sidi Ibrâhîm d’attendre sa permission pour voyager vers Sbuya à Ba‘amrana pour rencontrer les disciples de la région et montrer aux gens le droit chemin612.

SES RANDONNEES SOUFIES :

Lors de la rencontre de Sidi Ibrâhîm avec son Shaykh, ce dernier lui demanda s’il connaissait le Sahara, Oued Nun et Sbuya, il lui répondit qu’il connaissait ces régions. Le Shaykh sidi al-Haj ‘Ali était content d’entendre cela et lui demanda de s’apprêter à faire des randonnées dans ces régions dès qu’il recevrait un disciple de sa part pour l’aider dans cette mission.

Au moment de son départ, il lui donna une lettre qu’il devait porter à sidi Muhammad Ibn Mas‘ud Ma‘dri, doyen de l’école Buna‘mania et disciple, lui aussi, de sidi al-Haj ‘Ali al-Ilighî. Dans cette missive, sidi ‘Ali approuvait l’état et l’éducation de sidi

611 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 126 ; Basîr, al-Ightibat, p. 57. 612 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, pp. 124-125 ; Basîr, al-Ightibat, p. 53.

Ibrâhîm. Quand sidi Muhammad la lut, il fut très content et lui dit que les disciples voulaient le voir puisqu’il venait de chez le Shaykh. Pour cette rencontre, ils se donnèrent rendez vous à la campagne Igrar dans la région de Aglu. Lors de la réunion, sidi Ibrâhîm eut une grande ouverture spirituelle (fath) pendant le dhikr à tel point qu’il évanouit. Il dit :

« Avec la bénédiction de mon Shaykh, j’ai obtenu une grande récompense en une courte durée613 ».

Après ce premier voyage au Sahel qui avait duré quelques jours, il revint voir le Shaykh al-Ilighî qui réitéra sa demande pour que sidi Ibrâhîm voyage à Sbuya et, d’abord, d’attendre l’arrivée du disciple qui l’aiderait. Au moment de le quitter, il demanda à sidi al-Haj al-Ilighî la permission de transmettre la Tarîqa à son père. Le Shaykh la lui accorda et lui offrit un chapelet à l’intention de son père, sidi Mubarak. Sidi Ibrâhîm raconte :

« Je saluai mon père et lui demandai de me tendre la main, puis je lui enseignai mes Awrâd et lui donnai le chapelet ; il fut très content du cadeau. C’est ainsi que le père était devenu le disciple de son fils614 ».

De cette histoire, on pourra tirer deux conclusions sur cette Tarîqa ; la première est que l’on peut transmettre les Awrâd par un intermédiaire, la seconde c’est qu’il est possible que le fils transmette l’enseignement à son père, et vice versa. Sidi Mubarak transmit le savoir de la Tarîqa al-Nasiriyya à son fils qui, à son tour, lui transmit celui de la Darqâwiyya.

Après quelques jours, le disciple envoyé par sidi ‘Ali Ilighî arriva, il s’agissait de al-Hasan Ibn Sakhi Tuhali Ragaybi615, et ils prirent le départ pour Sbuya.

RANDONNEE SOUFIE DE SBUYA :

613 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 127 ; Basîr, al-Ightibat, pp. 57-58. 614 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 133 ; Basîr, al-Ightibat, p. 60. 615 Voir biographie dans : Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, pp. 157-160.

Le choix de cette région, par le Shaykh, n’était pas un hasard, car il savait que dorénavant cette région allait avoir de bonnes relations avec la famille al-Basîr, du fait du travail qui allait être fait616. Dès leur arrivée dans cette région, les habitants se montrèrent accueillants et hospitaliers. Sidi Ibrâhîm disait :

« On est sorti de la Zaouïa en invocation en direction de Sbuya, les habitants nous firent un accueil grandiose et nous offrirent des cadeaux de grande valeur ainsi que des plats somptueux et des habits luxueux617 ».

Cet accueil ne plut pas à sidi al-Hasan, son compagnon, qui sopposa farouchement à ce genre de cadeaux et demanda à sidi Ibrâhîm de s’opposer à cette extravagance et de se vêtir d’habits rapiécés, de se contenter du minimum de nourriture et de vêtements et, donc, de s’opposer aux habitudes des gens. Sidi Ibrâhîm lui répondit: « J’avais eu, moi-même, l’intention de me vêtir pauvrement après avoir vu les disciples de sidi ‘Ali al-Ilighî, mais après avoir parlé avec sidi Muhammad Ibn Mas‘ud al-Ma‘dari, Savant et disciple ascète, celui-ci me convainquit de rester comme j’étais puisque le Shaykh n’avait pas corrigé ma façon d’être ; ce disciple m’apprit qu’il fallait rester en l’état dans lequel j’avais rencontré le Shaykh, sans essayer autre chose, car ce dernier a la solution pour soigner et corriger l’ego (nafs) de chacun618 ».

Sidi al-Hasan n’était pas convaincu de ces arguments et ne cessait de contrarier sidi Ibrâhîm au point qu’il se sépara de lui et alla voir le Shaykh al-Ilighî pour lui parler de l’état de sidi Ibrâhîm619. Le Shaykh lui posa plusieurs questions :

«Est-ce que sidi Ibrâhîm appelle les gens à la Voie de Dieu ? Est-ce que les gens l’écoutent ?». Sidi al-Hasan répondit : « Oui ». Le Shaykh posa une autre question : «Lorsque Sidi Ibrâhîm demande aux gens qui ont commis des pêchés de se repentir, acceptent-ils ou refusent-ils ? ». Sidi al-Hasan répondit : « Ils acceptent ». Le Shaykh reposa encore une question : «Est-ce que sidi Ibrâhîm dort tout seul ?» Sidi al-Hasan répondit : « Non, nous dormons ensemble ». Le Shaykh Ilighî lui demanda alors : « Est-ce que sidi

616 Basîr, al-Ightibat, p. 62.

617 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 129 ; Basîr, al-Ightibat, p. 62.

618 Basîr, al-Ightibat, p. 91 ; Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 129 ; Basîr, Zaouïat Sidi Ibrâhîm, p. 46. 619 Basîr, al-Ightibat, p. 64 ; SOUSSÎ, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 129.