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SA NAISSANCE ET SA CROISSANCE :

Ibrâhîm al-Basîr est né en 1870/1287 H., à la Zaouïa de son père sidi al-Shaykh Mubarak al-Basîr à Lakhsas dans le Souss et y grandit. Sidi Mubarak accordait une grande importance à la science et aux érudits ; il était connu pour ceci dans le Souss et le Sahara, au point que les Ulamâ’ demandaient son avis pour certaines questions, ce qui a été décrit par sidi Ibrâhîm al-Basîr, racontant que deux Ulamâ’, Sidi Husayn Bibis566 et sidi Muhammad Akrari l’historien567, avaient des points de vue différents sur

565 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 100 ; Basîr, al-Nazr, p. 185.

566 Al-Husayn fils de ‘Umar fils de Lahcen fils de ‘Ali, sa famille est très connue sur le nom de : Bibis. C’était un grand professeur dans les écoles du Souss, et est mort en 1339 : Soussî, al-Ma‘sul, vol. 8, pp. 135-141 ; Akrari, Muhammad Ibn Ahmad Ibn Muhammad, Rawdat al-afnan fi wafayat al-a‘yan, p. 170.

une question dans le domaine de l'astrologie568, et lui demandèrent d’aller voir son père pour avoir son avis, ce dernier leur fournit la solution569. Sidi Mubarak avait une vénération et un grand respect envers les ‘Ulamâ’ et disait souvent :

« Qui sont les Saints, sinon les Savants ? »570.

Il était en contact permanent avec les Ulamâ’, les Saints, et les soufis571, très actif pour répandre les sciences et les connaissances.

C’est grâce à lui que l’école de Sidi ‘Ali Usa‘id a été construite à Lakhsas572 au moment où il n’y en avait pas dans la région.

Sidi Mubarak payait des professeurs qualifiés pour l’éducation de ses enfants573 dont la plupart avaient appris le Coran et quelques poèmes(motone fiqhia).. Par contre, sidi Ibrâhîm n’a pas acquis la formation nécessaire à cause du grand attachement à son père574 ; ceci est une habitude, répandue au Maroc, qui constitue un obstacle dans l’apprentissage de l’enfant.

567 Son nom est Muhammad Ibn Ahmad Ibn Muhammad Akrari, historien Soussî célèbre, auteur du célèbre : Rawdat al-afnan fi wafayat al-a‘yan. Il est orginaire de la région de Idusmal et était connu par sa science et ses fatwa ; il est mort pendant le mois de Ramadan en 1939. Sa biographie figure dans l’introduction de son livre, p. 9. Soussî, al-Ma‘sul, vol. 13, p. 265.

568 Le Shaykh sidi Mubarak Basîr était un homme de science et un juriste de renommée.Voir Soussî,

al-Ma‘sul, vol. 12, p. 97.

569 Id. 570 Id.

571 Le Shaykh sidi Mubarak al-Basîr était en relation avec Hasan Ibn Ahmad Tamgdeshti, Shaykh de la Tarîqa al-Nasiriyya à Tamkrut. Il était Nasiri et son Shaykh dans cette Tarîqa était Muhammad Ibn Ahmad Wa‘ziz al-Sba‘i de la région d’Azaghar. Il s’est attaché à la Tarîqa de sidi Abu ‘Abbas Ahmad Tamkadshti et le

Shaykh Sidi Mas’oud Ma’dari qui était aussi Nasiri. Sidi Mubarak avait aussi de très bonnes relations avec

d’autres Shaykhs et érudits, parmi lesquels, citons Shaykh Ma' al-‘Aynayn et sidi Sa‘id Ibn Hammu Ma‘dari. Sidi Mubarak visitait souvent la ville de Illigh, capitale de la famille Hachim descendante de Sidi Ahmad Ibn Musa qui avait une relation conviviale avec la famille al-Basîr depuis l’époque de sidi Hachim, mort en 1240, et sidi Ibrâhîm al-Basîr (le grand-père). La famille Hachim a consacré une maison spéciale pour sidi Mubarak. Les relations avec les gens pieux, les Savants et la grande place qu’occupait ces gens dans la vie de sidi Mubarak ont permis à ce dernier de figurer parmi les hommes célèbres de Souss et du Sahara, comme l’affirme al-Mukhtar al-Soussî dans al-Ma‘sul. Voir aussi : Basîr, al-Nazr, pp. 162-185.

572 Une des anciennes écoles de Souss, située à Lakhsas dans la tribu d’Aït Ba‘amran : Soussî, al-Mukhtar al-,

Madaris Souss al-‘Atiqa, p. 98.

573 Sidi Mubarak était aveugle, il avait six enfants, dont l’ainé Sidi Muhammad qui était aveugle comme son père, Sidi Ibrâhîm le fondateur de la Zaouïa de Bani ‘Ayat, et 4 filles, dont deux étaient aussi aveugles : Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 100.

574 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 109 ; Basîr, al-Ightibat, p. 10 ; Basîr, Abdelhadi al-, Zaouïat Sidi Ibrâhîm ;

Après la mort de sa femme, Sidi Mubarak fut conscient du déficit de connaissance de Sidi Ibrâhîm, et l’envoya sidi Ibrâhîm, en 1879, avec son grand frère sidi Muhammad, qui voyageait beaucoup. Il confia à ce dernier son éducation, la perfection du comportement, l’apprentissage de la langue arabe et l’acquisition d’une expérience de la vie. La destination de leur voyage était les maisons de Rgibat à Saqiet al-Hamra'575. Au cours de ce périple, Muhammad al-Basîr se consacra à lui transmettre une éducation spirituelle et physique. Sidi Ibrâhîm disait :

« Mon frère m’éduquait, et me demandait de marcher à pied afin de développer ma force physique ; il m’ordonnait souvent de descendre du chameau et de marcher à pied, et ainsi j’acquis une force corporelle considérable comparée à celle des sahraouis. Je suis arrivé à monter sur un chameau au galop »576.

De plus, lors de l’éducation de son frère, Sidi Muhammad a ciblé le côté comportemental, en lui montrant les bonnes manières, la façon de s’assoir et le comportement dans une assemblée. Sidi Ibrâhîm disait :

« Mon grand frère me demandait de me lever si j’étais allongé ou que je dormais sur le ventre. Il me demandait de corriger ma position si je laissais mes pieds allongés ou que j’étais allongé sur le dos selon les coutumes des Sahraouis. Il me demandait de m’assoir, les pieds croisés, face à la qibla. En respectant les instructions de mon père et de mon grand frère, j’ai acquis un comportement convenable. Mon frère était vraiment un bon instructeur, mais il était parfois sévère, car il me demandait de marcher pieds nus sur de longues distances tandis que lui était en selle et me disait, ou me rappelait, un enseignement577 ».

L’éducation du grand frère concernait aussi la pratique religieuse et le dhikr. Sidi Ibrâhîm disait :

575 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 109 ; Basîr, al-Ightibat, pp. 10-11. 576 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 109 ; Basîr, al-Ightibat, p. 13. 577 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, pp. 109-110 ; Basîr, al-Ightibat, p. 13.

« Avec la bénédiction de sa compagnie, sidi Muhammad, qui n’arrêtait jamais le dhikr, a semé cette graine dans mon cœur depuis mon enfance »578 ;

il disait aussi :

« Grâce à sidi Muhammad, j’ai acquis un grand maqam (station spirituelle) ; il avait une grande grâce, était détaché de la vie d’ici bas, silencieux et humble, en permanente méditation, il parlait avec sagesse et était doué d’une intelligence lui permettant d’être juste. Dieu lui a fait don d’une clairvoyance et d’un dévoilement spirituel (kashf) certain »579.

Pour compléter son apprentissage, le grand frère n’a pas négligé le côté éducatif, puisqu’il avait peu appris à la Zaouïa à cause de sa proximité de son père. Il lui apprit les différentes sciences de la religion : le Hadith, l’exégèse du Coran, les biographies des prophètes et des Saints. Cet apprentissage se faisait souvent après la prière du subh et du dhikr qui la suit, après la prière de al-‘Asr et entre la prière du Maghrib et et de l’Icha'. Sidi Muhammad suivait de près l’apprentissage de son frère et lui demandait souvent s’il avait compris telle ou telle règle ou s’il avait appris tels ou tels vers580. Le choix du Sahara était sans doute intentionné parce que sidi Mubarak connaissait les caractéristiques du désert, qui est un lieu de réflexion, loin des occupations de la vie ordinaire et adéquat pour la méditation.

Sidi Ibrâhîm a souligné que ses voyages au Sahara, qui avaient duré cinq ans, lui avaient permis d’acquérir une grande expérience dans la connaissance des gens et de leur personnalité581. Ces voyages étaient aussi l’occasion de rencontrer des ‘Ulamâ’ célèbres, des bienfaiteurs, qui ont contribué aussi au perfectionnement de sa personnalité582. Les soufis préconisent le voyage pour l’éducation. Le père de sidi Ibrâhîm l’envoya deux fois en voyage, la première pendant une période de trois ans, de 1296 à 1299, et la deuxième pendant deux ans, car il estimait que sidi Ibrâhîm n’avait pas acquis l’enseignement nécessaire durant son premier voyage. Lorsque

578 Soussî, al-Ma‘sul, vol. 12, p. 110. 579 Basîr, al-Ightibat, p. 14

580 Id., p. 14. 581 Id., p. 17. 582 Id., p. 15.

sidi Ibrâhîm fut de retour en 1884/1301 H., son père fut très content de lui, il remarqua que son fils avait changé. Il était motivé par le dhikr, respectueux des règles de bienséance dans l’assemblée, silencieux et pieux.

C’est ainsi que sidi Mubarak commençait à parfaire l’éducation de son fils ; il l’insultait sans raison et le traitait de tous les noms pour mesurer sa patience583. Sidi Ibrâhîm disait :

« Mon père voulait voir la réaction de mon ego ».

Cependant il réussit brillement l’éducation de l’ego, car sa réponse aux provocations de son père était le silence. Il ne ripostait jamais et restait calme, attendait que son père finissât sa prière pour aller le voir et lui demander pardon en lui embrassant la tête584. Sidi Ibrâhîm avait acquis un maqam élevé qui allait lui permettre d’avoir une grande responsabilité envers Dieu.