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LE PREMIER SHAYKH : ‘ABDESALAM IBN MASHISH

La Tarîqa al-Shâdhilîyya est une des Voies soufies les plus importantes apparues au Maghrib au XIIVème siècle. Elle commence par la rencontre de Abu Hasan al-Shâdhilî et du Shaykh ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh. Grâce au grand succès qu’elle rencontra, elle se diffusa rapidement et donna naissance à de nombreuses Voies annexes, dont la plus importante est la Darqâwiyya. Pour comprendre la genèse de cette Voie, il convient d’examiner la vie de ces deux illustres personnages et de suivre leurs parcours respectifs.

Bien que la Shâdhiliyya porte le nom de Abu al-Hasan al-Shâdhilî, le premier maillon de la chaine qui la constitue est ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh, c’est pourquoi il convient de faire remonter l’origine de cette Voie à ce grand personnage, qui eut sur Abu al-Hasan une influence considérable. René Guénon330, le célèbre philosophe français, dit à ce sujet :

« L'influence spirituelle ou la bénédiction (baraka) est une composante importante dans le soufisme. Cette influence est exercée par un Shaykh, d'où l’existence des différentes Voies soufies et des différentes chaînes de transmission qu'on pourrait définir par des chaînes de transmission de la

325 Ahmad Ibn Muhammad Ibn ‘Abbâd Mahallî Shâfi‘î (m. après 1153 H.), Mafâkhir ‘aliya fî

al-ma'âthir al-Shâdhiliyya, Bibliothèque al-Mujallad al-‘arabî, al-Azhar, Imprimerie al-Fajr al-jadîd, le Caire.

326 Egyptien adepte de la Confrérie Shâdhilîe comme il se désigne lui-même.

327 Shaykh à la Mosquée d’al-Azhar, auteur de nombreux ouvrages sur le soufisme. Lui-même adepte de la Shâdhilîyya. Il est mort en 1978.

328 Maître de conférence à l’Université des sciences humaines de Strasburg qui a écrit un livre sur la tariqa shâdhiliyya intitulé :« une voie soufie dans le monde : la Shâdhiliyya».

329 Professeur à l’université QÂDÎ ‘Iyâd de Marrakech, né en 1948, et auteur de nombreux ouvrages.

330 Voir biographie dans le second chapitre de : Iskandarî, Ibn ‘Ata' Illah al-, Latâ'if al-minan, révision de Abdelhalim Mahmûd, imprimerie Hassân, le caire, 1974, Mahmûd, ‘Abdelhalim, Qadhiat tasawwuf :

al-madrasa al-Shâdhiliyya, le Caire, Dar al-ma`ârif, 1988, p. 11. et voir : Ibn Mashîsh Shaykh Al-Shâdhilî,

bénédiction du Shaykh vers le disciple, qui pourrait devenir lui même un Shaykh et influencera à son tour par sa bénédiction sur ses disciples ». Or, lorsque l’on étudie la filiation de la Voie Shâdhiliyya, telle qu’elle est mentionnée dans de nombreux livres, on constate que le Shaykh Abu al-Hasan, a reçu son enseignement de plusieurs personnes. Parmi celles-ci, on notera la présence de Muhammad ‘Alî Ibn Hirzihim331, dont il voulut recevoir l’enseignement pour bénéficier de sa bénédiction332. Mais celui dont il reçut l’enseignement de façon volontaire en se remettant à sa volonté et à son jugement, c'est-à-dire en compagnonnage et en le prenant pour modèle333, est ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh.

Ahmad Ibn Muhammad Ibn ‘Abbâd al-Mahallî dit :

« il est rapporté qu’il fut initié par les deux Shaykhs Imâms de rite malékite, Abu ‘Abdallah Muhammad Ibn al-Shaykh Abu al-Hasan ‘Ali, connu sous le nom de Ibn Harâzim, et Abu ‘Abdallah ‘Abdesalâm ibn Mashîsh» 334. Et sa chaîne initiatique complète est détaillée dans cette page».335

Abu ‘Abdallah ‘Abdesalâm Ibn Bashîsh était le plus majestueux des Maîtres du Shaykh Abu al-Hasan al-Shâdhilî, et par son éducation il eut l’ouverture spiritelle (fath) et à lui il se référait lorsqu’on lui demandait qui était son Shaykh. Abu ‘Abdallah ‘Abdesalâm Ibn Bashîsh était connu au Maroc sous le nom de Ibn Mashîsh, par l’effet d’un changement d’une lettre de l’alphabet.336

Qui est cet homme ? De qui reçut-il son enseignement ? Comment rencontra-t-il Abu al-Hasan ? Et comment exerça-t-il sur lui une si grande influence ?

331

Abu Muhammad Sâlih Ibn Muhammad Ibn ‘Abdallah, est un Shaykh originaire de Fès qui rencontra Abu Hâmid al-Ghazâlî au cours d’un voyage en Orient. Il est mort en 1155.

332 C'est-à-dire pour sa bénédiction uniquement, sans suivre son programme de litanies ( wird). Prendre le wird étant en quelque sorte un acte d’allégeance spirituelle.

333

C'est-à-dire selon une complète relation de Maître à disciple.

334Ahmad Ibn Muhammad Ibn ‘Abbâd al-Mahallî al-Shâfi‘î , al-Mafâkhir al-‘aliya fî al-ma'âthir al-Shâdhiliyya,, p.11, L’auteur de cette livre souligne qu’il s’est beaucoup inspiré de l’ouvrage Durat al-asrâr du professeur Ibn al-Sabbâgh, mais Je n'ai pas trouvé ce livre.

335 Id., p.11.

La position d’Ibn Mashîsh au Maghrib était équivalente à celle de l’Imâm al-Shâfi‘î en Egypte. Il se conformait strictement au Coran et à la tradition prophétique337, ce qui est rapporté par de nombreux auteurs ayant écrit sur la vie de Abu Hasan al-Shâdhilî. Ce dernier dit lui-même de son Shaykh :

« Un homme était venu voir mon Maître et lui dit : "Donne-moi des litanies initiatiques et des formules de dhikr à suivre"338. Le Shaykh se fâcha et lui dit : "Suis-je un Envoyé (Rasul) pour prescrire des devoirs ? Les prescriptions légales sont connues et les transgressions le sont également. Observe-donc les devoirs et garde-toi des interdits. Puis, préserve ton cœur et empêche-le de s’incliner vers ce bas-monde, de s’éprendre des femmes et de succomber aux désirs ; supplée à tout cela par ce que Dieu te donnera en partage. Si ce qu’Il t’octroie est satisfaisant, montre-toi reconnaissant, mais si cela ne l’est pas, sois patient. Enfin, sache que l’amour de Dieu est un pôle autour duquel tournent les bienfaits et une source où se concentrent les lumières des grâces ».

Abu al-Hasan fut émerveillé par le savoir d’Ibn Mashîsh fondé sur le livre saint et la sunna, ainsi que par sa sainteté et ses prodiges. Il dit de lui à ce sujet :

«J’ai vu de ses mains se réaliser de nombreux prodiges»339.

‘Abdesalâm Ibn Mashîsh, de son nom complet, Ibn Abu Bakr Mansûr Ibn ‘Alî (ou Ibrâhîm) al-Idrîsî al-Hasanî Abu Muhammad Nâsik Magrribî, est connu par ailleurs pour une prière dont il est l’auteur et que l’on appelle al-salât al-mashîshiya, ou la prière d’Ibn Mashîsh. Cette prière fut l’objet de nombreuses interprétations et fut commentée de nombreuses fois. Il est né à Jabal al-‘Alam aux abords de la ville côtière de Tétouan. C’est là qu’il mourut en martyr en 1225, tué par un groupe d’hommes envoyés par un personnage pratiquant la sorcellerie et prétendant être un

337Mahmûd, ‘Abdelhalim, Al-madrasa al-Shâdhilîyya al-Hadîtha wa Imâmuha Abu al-Hasan al-Shâdhilî, 1979, le Caire, Dâr al-Kitâb al-Haditha, p.10.

338

Les litanies initiatiques et les formules de dhikr sont ce que l’aspirant reçoit de son Shaykh et qu’il s’emploie à pratiquer régulièrment.

prophète, appelé Abu al-Tawâjîn al-Kattâmî. Il fut enterré dans la montage où il résidait.

Il semblerait que le Maître de ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh était le Shaykh ‘Abderrahman al-Madanî al-‘Attâr, surnommé «al-Zayyat »340, le marchand d’huile, parce qu’il habitait le quartier portant le nom de cette profession à Médine.341 Certains historiens indiquent qu’il est mort à Turgha al-Ghammâriyya, sur le bord de la mer Méditerranée, ville où il était connu sous le nom du Faqîh342 Mulay ‘Abdesalâm. Quant à l’emplacement situé à droite de sa tombe, il s’agit du lieu où il pratiquait ses actes religieux343.

Un autre illustre élève de Abdesalâm Ibn Mashîsh est Abu Muhammad Sâlih Ibn Sa‘îd Ibn Yansâran al-Mâjirî. Les origines de cet homme remontaient à la tribu des Bani Mâjir, eux-mêmes appartenant à la tribu des Bani Umaya. Il vécut de 550 à 630 (de l’hégire). Il voyagea en Orient où il passa vingt ans et où il étudia sous la direction de certains élèves de Abu Madyan. Il est le fondateur de la Confrérie al-Mâjiriyya, de Safi, laquelle est également appelée «al-Doukkâlîyya » ou Confrérie «al-Hajaj»344.

Si je mentionne ce personnage et quelques faits concernant sa vie, c’est que de nombreuses personnes intéressées par le sujet qui nous concernent ne le connaissent pas ou ne le comptent pas parmi les élèves de Ibn Mashîsh. C’est le cas de l’auteur du al-Mutrib bi mashâhîr Awliyâ' al-Maghrib, qui dit :

«Mawlana ‘Abdesalâm n’eut pas de compagnon ou d’élève, à part le pôle, Abu al-Hasan al-Shâdhilî,».

Hasan Jallâb dit à ce sujet :

340

Il est mort en l’an 548 de l’hégire. Ziriklî, al-, Al-‘A‘lâm, t.4, p.294.

341

Hâmîm, Noûh, Awrâd al-Tarîqa al-Shâdhilîyya, Dâr al-zuhd, 1997.

342 Savant en jurisprudence.

343 Talîdî, al-Mutrib t.3, p.93.

344

C’est ce que rapporte Tâdilî, auteur du Tashawwuf. Ce fait est également mentionné par l’auteur de

al-Mu‘zî. On pourra consulter également l’ouvrage de Jallâb, Hasan, Muhammad Ibn Sulayman al-Jazûlî,

« Il ne faut pas oublier l’apport majeur de ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh aux Voies soufies du Maghrib. Après avoir été élevé au sein d’une famille chérifienne remontant à Idrîs 1er dans la région des tribus des Bani ‘Arûs, au nord du Maroc, il voyagea en Orient où il demeura près de vingt ans. Il eut là l’occasion de rencontrer de nombreux Shaykhs, en particulier celui qui devint son Maître, ‘Abderrahmân al-Madanî al-Zayyât, premier maillon de chaine initiatique dite « chaîne des lumières », (silsilat al-anuâr). Il rentra ensuite dans son pays pour enseigner et se consacrer à la dévotion. Il fut tué entre 1225 et 1227345 ».

L’élément le plus important concernant cette question est la rencontre entre Abu al-Hasan et ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh. Après que l’Imâm al-Shâdhilî eut compris l’importance de s’intégrer dans le courant soufi, il n’eut plus qu’une chose en tête : partir pour l’Orient, qui était considéré comme le haut lieu de la dévotion et de l’adoration à cette époque, pour y trouver le Maître vivant et pleinement réalisé, comme il est d’usage de dire. Lorsqu’il arriva à Baghdâd, et qu’il y rencontra le Maître des Maîtres soufis dans cette région, Abu al-Fath al-Wâsitî346, il avait fait le premier pas de sa quête. En effet, par Voie d’inspiration spirituelle et de grâce divine, rapporte l’histoire, le Shaykh ordonna à l’Imâm al-Shâdhilî de retourner dans l’Occident arabe dont il était venu, lui indiquant qu’il était venu chercher le « pôle » en Orient alors qu’il l’avait laissé derrière lui, dans son pays. Il quitta Bagdad sans attendre et rentra chez lui pour y chercher le pôle. On lui indiqua qu’un homme se consacrait à l’adoration dans une grotte sur la montagne et qu’il s’appellait ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh. Peut-être était-ce, lui dit-on, le pôle qu’il cherchait.

‘Abd al-Mun‘im Qindîl relate cet événement :

« Abu al-Hasan gravit la montagne péniblement et arriva finalement à la grotte où régnait un silence total. Il s’arrêta un moment pour observer l’endroit et il ne trouva rien de plus qu’un puits dans lequel scintillait une eau claire à quelques mètres de la grotte… Il s’approcha d’un pas hésitant et lança un salut à qui se trouvait à l’intérieur.

345

Jallâb Hasan, al-Jazûlî , Al-Haraka al-Sufiya fî al-Maghrib, p.86.

346 Récit de sa relation avec Abu al-Fath al-Wâsitî, voir: al-Mafâkhir al-‘aliya fî al-ma'âthir al-Shâdhiliyya, p.12. Abu al-Fath al-Wâsitî est mort à Alexandrie vers 632 de l’hégire ; le Shaykh Ahmad al-Badawî lui succéda.

‘Abdesalâm Ibn Mashîsh lui retourna son salut, mais lorsqu’il voulut entrer, le Shaykh l’interrompit dans son élan : "Lave-toi avant d’entrer !" Abu al-Hasan, qui était en état d’ablution, s’étonna de cette demande et se dit intérieurement : "Quoi ? Dois-je refaire mon ablution ? Pour quelle raison ?" Il retourna sur ses pas et descendit jusqu’au puits. Il se lava et procéda de nouveau à son ablution… Il revint alors voir le Shaykh, mais celui-ci s’exclama : "Repars et lave-toi !" Abu al-Hasan rebroussa chemin une seconde fois et alla se laver à l’eau du puits. Lorsqu’il se présenta de nouveau, Ibn Mashîsh lui sourit et lui dit : "Ne t’ais-je pas demandé de te laver avant d’entrer ?" Son hôte était embarrassé, car il ne comprenait pas ce que voulait lui dire le Shaykh. Il demeura un instant perplexe, puis une pensée vint éclairer son esprit. Elle lui révéla que Ibn Mashîsh ne voulait pas qu’il se lave à l’eau du puits pour débarrasser son corps d’une quelconque souillure, car s’était là l’ablution des adeptes de la science exotérique, et Abu al-Hasan demeurait toujours en état d’ablution. Ce qu’il voulait lui signifier c’était la nécessité de se laver à l’eau de la vérité, afin de nettoyer son âme, son cœur, son esprit, ses émotions et ses sens, de toute chose afférente à ce bas-monde, de sorte qu’il se présente à lui allégé de tout, même de sa science et de sa connaissance… Le Shaykh voulait refaçonner l’intérieur d’Abu al-Hasan.

Abu al-Hasan se représenta devant la grotte, et là, Ibn Mashîsh alla à sa rencontre et lui dit :

"Bienvenue à ‘Alî Ibn ‘Abdallah Ibn ‘Abdeljabbâr ; bienvenue à celui dont la filiation remonte jusqu’à l’Imâm al-Hasan, petit-fils de l’envoyé de Dieu. Ô ‘Ali, tu es monté jusqu’ici et t’es présenté à nous indigent, dénué de ta science et de tes bonnes œuvres ; te voila enrichi dans ce monde et dans l’autre…". Il demeura avec son Maître à la montagne et fut le témoin durant ce temps de miracles saisissants et invraisemblables. Ainsi, Abu al-Hasan séjourna-t-il avec Ibn Mashîsh quelques jours au cours desquels il puisa largement de sa science, puis il aspira à connaître le nom suprême de Dieu, celui qui garantit, à celui qui l’emploie, d’être exaucé. Mais il craignait d’en faire la demande au Shaykh. Il relate lui-même à ce sujet :

"J’étais assis un jour en face de lui. Il tenait un jeune enfant entre ses mains. La pensée me vint alors de l’interroger au sujet du nom suprême. A ce moment, le jeune enfant se leva, posa ses mains autour de mon cou et me dit : 'Abu al-Hasan, tu désires questionner le Shaykh au sujet du nom suprême, or, en fait, tu es toi-même ce nom : le secret du nom s’embrase dans ta poitrine' ".

Ibn Mashîsh lui sourit et déclara : "L’enfant t’a répondu à notre place".

Puis il lui demanda de prendre congé »347.

Ce sont là les éléments de la vie de ce Shaykh que nous avons pu réunir. L’important étant de montrer que les débuts de la Voie al-Shâdhilîyya al-Darqâwiyya se situent dans le Maroc actuel. La plupart des ouvrages abordant la biographie de ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh, ne font que rapporter les informations des ouvrages précédents sans y ajouter rien de nouveau ; le plus grand nombre étant des manuscrits en dépôt dans les bibliothèques marocaines, à l’exception de l’étude approfondie et documentée qu’a réalisée le Shaykh ‘Abdallah al-Talîdî al-Maghribî348

sur ce sujet, dans son livre, al-Mutrib bi Mashâhîr Awliyâ' al-Maghrib, et l’important livre du spécialiste M. Eric Geffroy sur la tariqa shâdhiliyya intitulé : « une voie soufie dans le monde : la Shâdhiliyya».349

Je tiens à signaler par ailleurs que le Shaykh ‘Abdesalâm est considéré comme l’aïeul de la plupart des Sharîfs marocains. Il allie en cela la noblesse de la lignée et celle de l’ascendance spirituelle de la Voie al-Shâdhiliyya. Un musem (fête annuelle)

347 Relation de sa [fameuse] ablution rituelle et de sa pratique du Nom Suprême (Ism al-A‘dham) voir : Ibn ‘Abbâd al-Mahallî al-Shâfi‘î, al-Mafâkhir al-‘aliya fî al-ma'âthir al-Shâdhiliyya, p.13 ,Abdelmun‘îm

Qindîl, Abu al-Hasan al-Shâdhilî za‘îm al-hayat al-rûhiya fi al-qarn asadis ‘ashar, pp. 11-20, le Caire, nahdat misr, 1993.

348Savant marocain contemporain, versé dans les sciences du Hadith, qui a adapté les sunan, de l’Imâm

al-Tirmidhî et le Shifâ' du Qâdî ‘Iyâd. Il est également l’auteur d’autres ouvrages. 349

Une voie soufie dans le monde : la Shâdhiliyya, actes du colloque organisé par E. Geoffroy à la Bibliotheca Alexandrina en avril 03. Paris, Maisonneuve & Larose, 2005, Livre en 544 pages, 31 contributions, les articles sont en général assez courts, une dizaine de pages en moyenne, organisés en quatre parties : 1) La genèse et les débuts de la Shâdhiliyya, 2) La Shâdhiliyya à l’époque médiévale (XIIIe-XVIe siècles) : Égypte – Maghreb, 3) La Shâdhiliyya à l’époque moderne, 4) Aspects contemporains : Monde arabe – Le reste du monde – Occident.

se tient autour de son tombeau tous les ans. Les familles chérifiennes le comptant dans leur parenté, ainsi que les adeptes des diverses Confréries shâdhilies, affluent à cette occasion. En somme, cet Imâm s’est illustré par sa haute stature en matière de religion, ainsi que par sa bénédiction et ses prodiges. J’entends souvent les savants de nos contrées déclamer ces vers :

Par le secret d’Ibn Mashîsh tes vœux conçois,

Car, ainsi, tous seront comblés, si grands qu’ils soient !

‘Abdesalâm Ibn Mashîsh vivait sur la montagne dite « al-‘Alam », loin de toute construction et de tout village, et plus loin encore de la ville et de la civilisation. Il était donc, comme il apparaît, négligé et inconnu. Il n’avait pas de Zaouïa officielle ou de partisans attachés en propre et il ne pouvait donc se faire connaître de sorte que les gens lui rendissent visite et reçoivent son enseignement. De plus, ces régions montagneuses bédouines ne regorgeaient pas de savants préoccupés d’écrire et de consigner l’histoire des hommes. Ceux qui se préoccupaient de ces choses, peu nombreux de surcroît dans le Maghrib occidental, étaient des citadins et ne connaissaient rien de ces régions en raison de leur éloignement des villes et des routes reliant celles-ci entres elles.

Si la fameuse révolte d’Ibn Abî Tawâjin (le prétendu prophète et sorcier) n’avait pas eu lieu près de Tétouan et si la nouvelle du meurtre du Shaykh, qu’il avait perpetré, ne s’était répandue, Ibn Khaldun n’en aurait pas fait mention dans son livre al-‘Ibar350. ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh est donc mort en martyr en 1125, ou un peu après cette date. L’illustre historien Ibn Khaldun, relate :

« Il fut tué sur la montagne al-‘Alam par un groupe d’hommes envoyés par Ibn Abî Tawâjin al-Kattâmî, le sorcier prétendant à la prophétie ». C’est en raison de la prétention de ce dernier à la prophétie que les armées de Ceuta marchèrent sur lui alors qu’il se trouvait chez les Bani Sa‘d. C’est là qu’il fut tué. Concernant les circonstances de la mort de ce tyran, connu pour sa turpitude et son

350 Talîdî, al-Mutrib, p.106.

habitude de violer les filles du peuple, nous savons qu’un jeune homme habillé en femme lui fut présenté comme cadeau. Il le tua avec un couteau quand il fut introduit chez lui. Sa révolte eut lieu en 625.

On dit d’autre part, qu’Ibn Abî Tawâjin, en plus d’être un sorcier et un prétendu