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QUATRIEME PÉRIODE: LE SOUFISME ET LA TARIQA AL-SHÂDHILÎYYA:

La Tarîqa al-Shâdhilîyya a été fondée par Abu al-Hasan al-Shâdhilî (mort en 1258 / 656 H.) qui était disciple de Mulay Abdesalâm ibn Mashîsh, l’un des plus grands Shaykhs du soufisme marocain à l’époque des Ta'ifas. Al-Shâdhilî a tenté d’adopter

73 Id., p. 171.

74 Qablî, Qirâ'a, p. 90. 75 Miftah, Al-Tayyar, p. 174.

une démarche spécifique à sa Tarîqa qui a trouvé sa place parmi la multitude des Turuq, Ta'ifas et courants soufis actifs au Maghrib et au Machriq (Orient) à son époque. Son essai a donné naissance à plusieurs idées qui ont abouti finalement à ce qui deviendra par la suite la Tarîqa al-Shâdhiliyya. Il y a un consensus de tous les spécialistes pour considérer celle-ci comme étant une école de l’Imâm al-Ghazâlî et de ses Shaykhs, connus pour leur opinion du juste milieu77. La Shâdhiliyya est considérée aussi comme une renaissance de l’enseignement de l’école Ghazâlîenne, ou comme une réforme78 de cette école, étant donné que cette dernière a dévié par rapport à ses principes fondateurs.

Certes, la Shâdhiliyya avait des spécificités dans son enseignement79, tels que ses « Awrâd » (litanies initiatiques), ses « adhkar » (invocations) et ses « ahzab » (oraisons) instaurés par al-Shâdhilî et suivis par ses adeptes80. De même, son originalité réside dans la cérémonie du pacte où le disciple prend l’enseignement du dhikr auprès du Shaykh, et se caractérise par la façon de s’asseoir, la tenue vestimentaire et l’usage du chapelet. Cependant, ces caractéristiques ne sont pas les signes principaux qui la distinguaient des autres. Ce qui caractérisait fondamentalement la Shâdhiliyya81 a été rapporté par le Shaykh al-Shâdhilî lui-même dans sa parole devenue célèbre :

« Je jure par Dieu que cette Tarîqa est originale et que ce que j’y ai mis n’a été apporté par aucun parmi ceux qui m’ont précédé »82.

77 Najjâr, Âmir, al-Turuq al-sufiya fi misr : nach'atu-ha wa nudhumu-ha wa ruwwâdu-ha, Dar al-ma`ârif, Le Caire, 1983, p. 224. Saghir, Abdelmajid , min târîkh tasawwuf maghribi, ishkaliyat islah fikr

al-sufi fi al-qarnayn 18 wa 19, productions de Dar al-âfâq El-Jadida, 1988, p. 31. L’auteur précise que l’Imâm

al-Shâdhilî a accordé de l’importance à l’enseignement des livres : La revivification des sciences de la religion, de l’Imâm al-Ghazâlî, Al-mawâqif wa al-mukhatabat du Shaykh Muhammad Ibn Abdeljabbar Nafri,

Qaût al-qulûb de Abu Talib al-Makki et al-Shifa' de Qâdî ‘Ayyad. Hawat, Al-rawda, p. 332.

78 Saghir, min târîkh al-tasawwuf al-maghribi, p. 31 sv.

79 Comme l’a précisé Shaykh Ahmad Zarrûq, La Shâdhilîyya est basée sur cinq principes : la piété, l’observance de la Sunna, le contentement vis à vis de Dieu, et la remise confiante en Dieu.

80 En plus des prières et des invocations, le Shaykh al-Shâdhilî a écrit des oraisons. Citons parmi les plus célèbres : al-fath, al-bahr, al-ayat, al-birr connue sous le nom de hizb al-kabir ou hizb al-Shaykh. Les textes de ces oraisons sont citées dans le livre de ‘Abdelhalim Mahmûd, Qadhiat tasawwuf : madrasa

al-shâdhilîyya, Dar al-ma`ârif, Le Caire, 1988, pp. 121-155.

81 Najjâr, al-Turuq, pp. 227-248.

82 Fâsî, Muhammad al-Mahdi al-, Mumti’ al-asma' fi dhikr al-jazûlî wa tuba` wa malahumâ min atba’ Fâs, 1313 H., p. 4.

Cela signifie que la Shâdhiliyya se distinguait des autres Turuq d’Orient et du Maghrib de son époque. Elle a écarté de son enseignement la philosophie, qui noie les gens dans les hypothèses et les suppositions, l’éristique, le courant des Ta'ifas qui a exagéré dans l’ascétisme et le fanatisme83.

Ceci montre que la Shâdhiliyya est une tentative dans le soufisme qui a essayé d’être fondatrice dans cette strate de l’islam. Elle a ainsi rejeté la philosophie, mais son enseignement théorique ne se distingue pas des autres courants de l’école philosophique andalouse-orientale, car elle considère que c’est l’islam qui offre cet enseignement théorique comme l’a souligné le Shaykh al-Ghazâlî et ses Maitres. La Shâdhiliyya a rejeté aussi le courant de la «rahbàniyya» (monachisme) privilégié par les Ta'ifas, mais elle a proposé un courant alternatif avec comme base l’observance de la pratique de la première génération de soufis, à tous les niveaux : dans la parole, les actes et les états spirituels. C’est ce qui lui a permis d’être une Voie de cheminement spirituel et comportemental de premier plan.

Je fais ici une remarque très importante : al-Shâdhilî a évité d’écrire des livres comme ce fut le cas de l’Imâm al-Junayd, le Shaykh des fondateurs des premières Voies soufies. Al-Shâdhilî n’a pas écrit de livres non pas par omission ou incapacité, mais selon un principe84 qui se résume par cette réponse qu’il donnait lorsqu’on l’interrogeait à ce sujet :

« Mes livres, ce sont mes compagnons »,

d’où l’importance du cheminement dans la Voie Shâdhiliyya. De plus, l’appel du Shaykh al-Shâdhilî à une union des pratiques soufies, aurait permis d’effacer les divergences entre les Voies soufies de son époque. Ce message était particulièrement adressé aux adeptes de chaque Tarîqa et de chaque Ta'ifa, et aux musulmans plus généralement, car pour lui le soufisme existe au-delà de toute appartenance et son enseignement correspond aux opinions de la majorité musulmane. Ceci nous amène à nous interroger sur les raisons de cet appel à

83 Saghir, Min târîkh tasawwuf, pp. 28-31. Parmi ces taïfas, on connait, Amghâriyya, Sâlihiyya, al-Hahiyya, al-Aghmatiyya et d’autres.

84 Shâdhilî, Abdellatif, Al-Tasawwuf wa al-mujtama’, Namadij min al-qarn al-`ashir al-hijri (Le soufisme et la société) productions de l’Université Hasan II, Casablanca, 1989, p. 152.

l’union. Est-il du à l’effondrement de la dynastie des Almohades au Maghrib et de la dynastie des Abbassides en Orient, aux guerres sanglantes entre sunnites et chi‘ites, aux attaques des mongols et des croisades en terre d’islam ?85

L’Imâm al-Shâdhilî était cohérent en rejetant l’idée de construire des Zaouïas ou des Ribâts rattachées à sa Tarîqa. Il se contentait de se réunir avec ses compagnons dans les Mosquées86 comme les autres musulmans pour souligner l’importance de l’union des musulmans et du symbole de la Mosquée dans cette unité dans les moments difficiles qu’a connus la communauté musulmane. C’est ainsi que al-Shâdhilî a beaucoup travaillé afin que son enseignement englobe cette dimension d’unité. Il a combattu toute mouvance négative qui rabaissait les aspirations des musulmans et gaspillait leur temps et leurs efforts. Il appelait au « tawakkul » (remise confiante en Dieu) en lieu et place du « tawâkul »87 (paresse), et il demandait à ses disciples de travailler pour gagner leur vie au lieu de mendier en vivant d’aumônes et d’offrandes88. De même, il appelait au renoncement (zuhd) dans ce bas-monde sans recourir au dépouillement (tajarrud), à l’ascèse (taqashuf), au port de vêtements rapiécés et au monachisme (rahbaniyya)89. Al-Shâdhilî a préféré l’invocation du cœur à l’invocation de la langue et aux longues réunions consacrées à la « danse » extatique (hadra) et à l’oratorio spirituel (sama’). La « khalwa » (retraite spirituelle) pour le disciple shâdhilî était un moyen symbolique de contempler la majesté divine, et le Shaykh al-Shâdhilî a limité cette pratique à un moment précis de la nuit. Elle se différence ainsi de la « khalwa » qui amène le disciple à s’éloigner des gens, à l’isolement dans les cavernes et à la pérégrination (siyâha) dans les déserts90. La modération prônée par al-Shâdhilî le mena jusqu’à recadrer « l’ivresse de l’extinction en Dieu » (sukr al-fana’). Les premiers disciples de la Shâdhiliyya étaient davantage en état de sobriété (sahw) qu’en état d’« ivresse spirituelle », ce qui leur permettait de

85 Al-Shâdhilî disait : « Si on récitait le hizb al-bahr à Bagdad, celle-ci ne serait pas envahie par l’ennemi ». Margoliouth, Mot : schâdhilite, Da-irat al-ma`ârif al-Islamiya, tome 13, p. 2. L’auteur affirme que le rôle de l’Imâm al-Shâdhili fut déterminant pour affronter les croisades en Egypte à l’époque des Ayyubiyin. Darniqa, Muhammad Ahmad, safahat min jihâd al-sufiya wa al-zuhhad, Jross Press, Tripoli (Liban), 1994, pp. 74-76. 86 Depont et Copolani, Les confréries religieuses musulmanes, Alger/Jourdan, 1897, p. 447. Margoliouth, Mot :

schâdhilite, tome 13, pp. 59-60.

87 Hawat, al-rawda, pp. 331-332. Fâsî, Abdelhafid al-, Al-turjuman al-mu’rab `an ash-har furu’al-Shâdhilîyya

bi al-maghrib, p. 7.

88 Fâssi, Abdelhafid al-, Al-turjuman, p. 7. Najjâr, al- Turuq, p. 224.

89 Iskandarî, Ibn ‘Ata' Illah al-, Latâ'if al-minan, révision de Abdelhalim Mahmûd, imprimerie Hassân, le caire, 1974, p. 160. Hawat, Al-rawda, p. 547. FÂSÎ, Al-turjuman, p. 8. Najjâr, al-Turuq, pp. 228-229. Darniqa, Muhammad Ahmad, Al-Tarîqa al-Shâdhilîyya wa a`lamuha, Institut universitaire des études, édition et distribution, Beyrouth, (Liban), 1990, p. 46.

vaquer à leurs occupations mondaines91. Pour lui, « toute personne respectueuse de ses obligations religieuses et évitant le péché sera un mutasawwif (aspirant soufi)»92. C’est ainsi que l’image du Shaykh « al-kâmil » (parfait) a changé ; ce n’est plus l’image du gnostique philosophe, comme Ibn Sabi`in, ou celle du pieux ascète, tel que Abu Ya’za, mais plutôt le « sâlik » (cheminant) attaché à la tradition prophétique, comme al-Shâdhilî. Grâce à ce nouveau modèle, la Shâdhiliyya a rassemblé autour d’elle les différentes catégories sociales et elle a donné au soufisme une dimension populaire, alors que ce courant n’avait concerné que l’élite durant une longue période. Elle avait des pratiques simples qui ne demandaient pas une grande culture religieuse et a réussi à convaincre les juristes sunnites ; ainsi de nombreux ascètes soufis ont rejoint la Voie Shâdhiliyya au Maroc. Al-Shâdhilî disait que c’étaient là les propos de son Shaykh, Mulay ‘Abdesalâm Ibn Mashîsh.

Il est difficile de définir le premier prédicateur de la Shâdhiliyya au Maroc après Abu al-Hasan al-Shâdhilî (m. 1258/656 H.), mais on peut dire qu’elle s’est propagée au Maroc très tôt. En effet, selon Ibn `Atâ' Allâh al-Iskandarî93, des disciples, comme par exemple Abu al-Hasan al-Saqalli, qui avait atteint la station des Saints véridiques (siddiqin), et ‘Abdallah Jaybi, qui était un grand Saint, ont voyagé de l’Égypte vers le Maroc du vivant de Abu al-Hasan al-Shâdhilî. Parmi les autres arguments qui confortent la présence ancienne de la Shâdhiliyya au Maroc, on trouve des narrateurs d’oraisons de l’Imâm al-Shâdhilî dès la fin du XIIIe siècle (VIIe siècle de l’hégire) comme Abu al-Hasan al-Zarwili (mort en 1320/719 H.)94. De même, quelques versions historiques mentionnent que l’Imâm al-Shâdhilî a laissé au Maroc, avant son départ pour l’Egypte, des disciples ayant atteint la station des Saints et des Véridiques95.

Cette présence de la Shâdhiliyya au Maroc est restée confinée à des milieux restreints. D’après les récits de Lisan Al-Din Ibn Al-Khatib (m. 1375/776 H.) et d’Ibn Qunfud (m. 1386/787 H.), qui étaient des narrateurs d’oraisons de la Shâdhiliyya, on ne trouve pas de trace de la présence d’une Tai'fa Shâdhiliyya au Maroc96.

91 Manali Ziyâdî, Muhammad Ibn Ali al-, Dawhat al-bustan wa nuzhat al-ikhwan fi manâqib al-Shaykh ‘Ali Ibn

Abderrahman, Bibliothèque nationale, Rabat, N° 2339, p. 18.

92 Id. p. 46.

93 Iskandarî, Latâ'if, p. 164. 94 Miftah, Al-Tayyar, p. 191 .

95 Fâsî al-Fihri, Muhammad al-Bachir al-, Qabilat bani Zarwal, imprimé à Ifriqiya chamaliya tiqniya, Rabat, 1962, p. 51.

On peut dire, donc, que celle-ci était alors connue au Maroc mais qu’elle ne l’a été auprès du grand public qu’à la fin du XIVe siècle97. En revanche, elle s’est répandue en Andalousie98 bien avant cette date. Ceci nous amène à nous interroger sur les raisons de ce retard au Maroc. Pour répondre à cette question, je commencerai par une contradiction se rapportant au Shaykh Abu ‘Abdallah Muhammad ibn Ibrâhîm al-Nafzi, connu sous le nom de Ibn `Abbad al-Fâsî (m. 1390/792 H.) ; il a fait l’exégèse du livre des sagesses de Ibn`Ata' Allâh al-Iskandarî et comptait parmi les Shaykhs de la Shâdhiliyya les plus actifs au cours du XIVe siècle, avec son compagnon de la Voie Abu Zakariyya Yahya al-Sarraj99. Néanmoins, on ne trouve pas ces deux noms dans la chaîne de transmission de la Shâdhiliyya au Maroc et il est légitime de se poser la question suivante : ces deux Shaykhs célèbres avaient-ils reçu l’autorisation (idhn) pour être des éducateurs spirituels de la Tarîqa al-Shâdhiliyya, ou bien avaient-ils des méthodes d’éducation spirituelle différentes de celles de l’éducation classique (tarbiyya al-istilâhiyya) qui obligeait les disciples au compagnonnage d’un Shaykh et à l’appartenance à un Ribât et donc à une Voie donnée ?

Je penche pour la deuxième supposition parce que Ibn `Abbad et ses semblables, malgré qu’ils étaient des narrateurs d’oraisons de la Shâdhiliyya et qu’ils avaient reçu l’enseignement de la Tarîqa de Abu al-Hasan al-Shâdhilî, ils n’avaient pas suivi la Voie des Ta'ifas, et plus particulièrement ils n’avaient pas de Ribâts ni de Zaouïas, et avaient préféré le combat intérieur contre l’ego (mujâhada), sans le compagnonnage d’un Shaykh100, en respectant toutefois l’esprit de la Shâdhiliyya. Ainsi, celle-ci est restée cloitrée au niveau des Savants et loin de la masse populaire.

On ne trouve aucun récit chez les historiens faisant référence à la Tarîqa al-Shâdhilîyya au Maroc durant le XIVe siècle (VIIIe siècle de l’hégire). Cependant, il existe d’autres Saints marocains qui constituent des maillons forts dans la chaîne de transmission de la Shâdhiliyya au Maroc dans laquelle ne figurent ni le nom de Ibn `Abbad ni ceux de ses contemporains.

97 Id. p. 191. Muhammad Kably affirme que la Shâdhiliyya est restée dans le nord du royaume à cette époque : Kably, Société, … p. 373.

98 Miftah, Al-Tayyar, pp. 162, 191.

99 Ammar, Ali Salem, Abu al-Hasan al-Shâdhilî, imprimerie d’Egypte, 1952, p. 2. Miftah, Al-tayyar, p. 20. Kably, Société, p. 305.

A la tête de cette chaîne, on retrouve les Saints de la Ta'ifa Al-Rajrâjîyya101 comme on le voit ci-après :

Abu al-Hasan al-Shâdhilli

Abu al-`Abbas al-Mursi Abu ‘Abdallah al-Maghribi Ahmad al-Qurafi

`Anus al-Badawi Abu al-Fadhl al-Hindi

Abu Zayd Abdarrahman Wa-Ilyas al-Rajrâjî Abu ‘Uthman Said al-Harthnani al-Rajrâjî

Abu ‘Abdallah Amghâr al-Sghir

Cette liste de noms montre les maillons de la chaîne de transmission de la Tarîqa al-Shâdhilîyya en Orient et au Maghrib, ainsi que la forte présence des pôles de la Ta'ifa Rajrâjîyya. On peut citer le Shaykh Abu ‘Uthman Sa‘id Harthnani al-Rajrâjî, le Shaykh du Ribât Akuz ou Ribât Ratnana, 102le Shaykh Abu Zayd

101 Chafchawni, Muhammad Ibn `Askar, Dawhat nâshir li mahâsin man kana bil-maghrib min mashayikh

al-qarn al-`ashir, révision de Muhammad Hajji, Dar al-maghrib lita'lif wa at-tarjama wa an-nashr, Rabat, 1977,

pp. 3-4. FÂSÎ, Mumti’, p. 9.

Kadiri ‘Abdesalm Ibn Tayeb al-, al-maqsad al-ahmad fi ta`rif bi sayyidina Ibn ‘Abdallah Ahmad, imprimé à Fès, 1932, pp. 105-106. Dans son livre, al-Kadiri authentifie cette chaîne de transmission. Cependant, il y a une remarque concernant le Shaykh Abdarhman al-Rajrâjî connu sous le nom de Abu Zayd Abderrahman wa-Ilyas Rajrâjî. L’auteur de Sayf maslul s’est basé sur un arbre généalogique rapporté par Abu al-Walid ibn Ruchd pour fixer la date du décés du Wali al-Rajrâjî en 855 / 241 H., ce qui correspond à une période de quatre siécles avant la mort de l’Imâm al-Shâdhilî.

Rajrâjî Sa‘idi, ‘Abdallah Ibn Muhammad , Sayf maslul fi man Ankara `ala RAJRÂJÎyin suhbat

al-rasûl, impression de al-ma’had ach-cha`bi al-Islami, Essaouira, 1987, pp. 85-87. Je pense que l’auteur de Sayf al-maslul s’est trompé en considérant que Abderahman al-Rajrâjî était un descendant direct du

compagnon du Prophète, Sidi ‘Isa Bukhbiya. Au cours du XVIe siècle/Xe H, le soufisme jazûli-shâdhilî a= =connu son apogée et on commença à chercher et à valoriser les tombes des Saints. Sidi Muhammad Ibn ‘Abdallah Ghazwani, troisième pôle de la Tarîqa jazûlî yya (après son fondateur Abu Sulayman al-jazûlî , et le successeur de celui-ci, ‘Abdelaziz al-Tabba’) a découvert les tombes de Mulay Abdesalam Ibn Mashîsh et de sidi Abderrahman al-RAJRÂJÎ. Kanouni, Muhammad al-, Jawahir al-kamal fi tarajim al-rijâl, Imprimerie al-`arabiya, Casablanca, 1356 H., tome 1, p. 96. Lhioui al-Hasani, Tahar, Hisn al-assalam fi

abnay Mulay Abdesalam, Dar al-thaqafa, Casablanca, 1978, p. 391.

Abderrahman Wa-Ilyas al-Rajrâjî, enterré à Chichaoua103, qui est le père du célèbre Shaykh soufi sidi Al-Husein Mul al-bab, tous deux descendants de sidi ‘Isa Bukhabia l’un des sept compagnons Rajrâjîyyin104. On raconte que sidi Husein Mul al-bab était disciple dans le Ribât de Akuz, qui se trouve non loin de sa Zaouïa, sur l’autre rive du fleuve Tensift. Al-Tâdilî (mort en 627 ou 628 H.) a signalé que ce Ribât était une base des Rajrâja105. En considérant ce qui est dit par al-Tâdilî et ce qui est rapporté sur le Shaykh sidi Husayn Mul al-bab al-Rathnani qui a vécu au VIIIe siècle de l’hégire, on peut dire que ce Shaykh et son père avaient une relation avec le Ribât de Akouz106. Muhammad al-‘Abdi al-Kanuni 107 a précisé dans son livre que la Tarîqa de sidi Abu Zayd al-Rajrâjî était Shâdhiliyya. Quelques références précisent que « sidi Abu Zayd est resté à la Mecque durant vingt ans avant de prendre l’enseignement de la Shâdhiliyya par le biais de Abu al-Fadl al-Hindi qui l’a reçu du Shaykh A‘anous, lui même disciple de Abu al-‘Abbas al Qurafi, disciple de Abu ‘Abdallah al-Maghribî, disciple de Abu al-Hasan al-Shâdhilî. »108. On rapporte que la Tarîqa al-Shâdhilîyya a été réintroduite au Maroc grâce à sidi Abu Zayd dans la Zaouïa al-Rajrajiyya, dans la région de Chichawa109.

La chaîne de transmission de la Shâdhiliyya comporte aussi le nom d’un des grands Shaykhs de la famille Amghâr : Abu ‘Abdallah Amghâr al-Sghir, Shaykh du Ribât de Tît au début du XVe siècle (IXe siècle H.) et petit-fils du Shaykh Abu ‘Abdallah Amghâr al-Kbir. Le nom de sidi ‘Abdallah al-Sghir est souvent cité avec le nom de Abu Sa`id ‘Uthman al-Harthnani qui est enterré dans sa Zaouïa sur les rives du fleuve Tensift. On sait que le Shaykh al-Harthnani Sa‘id est Shâdhili puisque il était disciple de sidi Abu Zayd Wa-Ilyas al-Rajrâjî ; nous pouvons donc dire que le Shaykh Abu ‘Abdallah Amghâr est Shâdhili110. Selon les références bibliographiques, le Shaykh Abu ‘Abdallah al-Sghir est le père spirituel du rénovateur de la Tarîqa al-Shâdhiliyya, le Shaykh sidi Abu ‘Abdallah Muhammad Ibn Sulayman al-Jazûlî, mort en 1464 (870 H.). Ce dernier est resté dans le Ribât de son Shaykh, sidi Abu ‘Abdallah al-Sghir, pendant

103 Rajrâjî Sa‘idi, Muhammad, Zawaya rajrâja wa ishâmâtihâ : zawaya Iqlim asafi, magazine Amal, N° 19-20, 2000, pp. 145, 152.

104 Rajrâjî Sa‘idi, Abdallah Ibn Muhammad Ibn al-Bachir, Sayf al-maslul, pp. 42-43, 90-9.

105 Rajrâjî Sa‘idi, Muhammad, Rajrâja wa târîkh al-maghrib, p. 75. Imprimerie Rabanite al-maghrib , Publications de la Société de recherche et de documentation et de publication, Safi, 2004.

106 Rajrâjî, Zawaya, p.152.

107 Kanouni, al-yaqoûta al-wahhâja, p. 103. 108 Rajrâjî, Sayf, p. 255.

109 Rajrâjî, Zawaya, p. 152.

110 Chafchawni, Muhammad Ibn `Askar, Dawhat, pp. 3-4. FÂSÎ, Mumti` p. 9. Qadiri, Abdesalam Ibn Tayeb al-,

une période de quatorze années sans jamais le quitter, jusqu’à ce qu’il eut la