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Les sole executive agreements

CHAPITRE III Le jus cogens

LES METHODES DE FORMATION DU DROIT CONVENTIONNEL SELON LES CONSTITUTIONS SUD-AMERICAINES

A. Les sole executive agreements

Quelques Constitutions sud-américaines ont choisi d’établir expressément une liste énumérant les domaines qui peuvent ou qui ne peuvent pas faire partie des sole executive agreements. C’est le cas de la Constitution Péruvienne qui consacre dans l’article 56 une liste précise des domaines réservés à l’approbation du congrès, c’est-à-dire les traités sur : 1. Les droits de l’homme. 2. La souveraineté ou intégrité de l’état. 3. La défense nationale 4. Les obligations financières de l’état qui doivent toujours être approuvées par le congrès avant la ratification du Président de la République. Également doivent être approuvés par le congrès les traités qui créent, modifient ou suppriment des taxes, ceux qui exigent la modification ou dérogation d’une loi et ceux qui nécessitent des mesures législatives pour son exécution ».

Cet article est complété par l’article 57 qui consacre : « le Président de la République peut conclure ou ratifier traités ou adhérer à un traité sans l’approbation préalable du congrès dans les matières qui ne font pas partie de l’article précédent ».

De ce fait, la Constitution péruvienne permet au pouvoir exécutif de disposer des compétences exclusives dans l’ordre interne pour conclure des traités.

Le Tribunal Constitutionnel du Pérou a réitéré cette position à plusieurs reprises en affirmant : « il

découle de la Constitution péruvienne que les accords à forme simplifiée, sont des accords internationaux sur des matières propres au pouvoir exécutif, telles que les accords sur les taxes, commerciaux, d’investissement, de services ou de libre circulation des personnes, services et marchandises entre les pays…ainsi, au Pérou, les traités peuvent être de nature législative s’il y a

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intervention du congrès et de nature administrative quand l’engagement émane exclusivement du pouvoir exécutif »263.

L’article 161 de la Constitution de l’Equateur consacre, à l’égal de celle du Pérou, une liste limitative des traités qui sont soumis à l’approbation législative : « le congrès national approuvera

ou désapprouvera les traités suivants : 1. Ceux sur la matière territoriale ou les frontières, 2.ceux qui consacrent alliances politiques ou militaires, 3. Ceux qui engagent le pays en accords d’intégration, 4. Ceux qui octroient à un organisme international ou supranational l’exercice de compétences dérivées de la Constitution ou de la loi. 5. Ceux sur les droits et devoirs fondamentaux des personnes et sur les droits collectifs, 6. Ceux qui portent sur un engament à effectuer, modifier ou une dérogation à une loi ».

La Cour Constitutionnelle de l’Equateur a été saisie par un recours d’inconstitutionnalité contre « l’accord entre le gouvernement de la République de l’Equateur et le gouvernement des Etats

Unis d’Amérique, concernant l’accès et l’usage des installations de la Base militaire Equatorienne à Manta ». En effet, les requérants affirmaient que compte tenu de sa nature, cet accord ne pouvait

pas être conclu sous la forme d’un accord simplifié mais sous la forme d’un traité solennel. La cour a débouté les requérants en affirmant : « les traités qui doivent être approuvés par le

congrès national, avec un examen préalable de constitutionnalité, sont exclusivement ceux qui portent sur un sujet énuméré à l’article 161 de la Constitution. Les requérants affirment que le sujet de l’accord contesté fait partie des ceux contenus dans l’article 161, car l’accord concerne une alliance politique et militaire en matière territoriale. Mais il n’existe au sein de l’accord contesté aucune abandon du territoire national en faveur d’un autre état… il ne contient pas non plus une alliance politique ou militaire, mais un accord de coopération entre deux états avec la finalité spécifique de combattre les stupéfiants…en conséquence, l’accord contesté n’a pas besoin d’approbation préalable du congrès »264

263 Tribunal Constitucional de Peru, “Proceso de inconstitucionalidad, 40 congresistas de la Republica (demandante) contra el poder ejecutivo (demandado).EXP. No. 00002-2009-PI/TC” Sentencia del pleno jurisdiccional, 5 de febrero del 2010.

264 Cour Constitucionnelle de l’Equateur, “Arrêt No. 012-2001-TP” Registro oficial 6 de febrero del 2001 suplemento.

161 A la différence des deux Constitutions précédentes, la Constitution Vénézuélienne n’établit pas une liste des matières exclues des accords à forme simplifiée, mais une liste énumérant les matières qui peuvent en faire partie.

L’article 154 de la Constitution Vénézuélienne consacre : « les traités conclus par la République

doivent êtres approuvés par l’assemblée Nationale avant la ratification du Président ou Présidente de la République, à l’exception de ceux qui concernent des obligations préexistantes de la République, ceux qui appliquent les principes expressément reconnus par la République, ceux qui exécutent des actes ordinaires des relations internationales ou ceux qui permettent d’exercer les facultés que la loi octroie expressément à l’exécutif national ». Cet article, en ce qu’il consacre

l’exception à l’usage des traités solennels à : « ceux qui appliquent les principes expressément

reconnus par la République », a permis au Président Vénézuélien Hugo Chavez Frias dans

l’exercice de ses pouvoirs de conclure « l’alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique

– traité de commerce des peuples »265 avec Fidel Castro, le 14 décembre 2004, en opposition à la proposition de « Zone de libre-échange des Amériques » formulée par les Etats-Unis.

En effet, selon le pouvoir exécutif vénézuélien, cet accord développe le principe de coopération internationale, prévu à l’article 152 de la Constitution. Sainz Borgo affirme à ce sujet : « la

coopération constitue un des principes fondamentaux de l’action extérieure de l’état vénézuélien à l’égal de l’intégration régionale et ces deux principes font partie de l’accord ALBA … en conséquence cet accord n’a pas besoin d’approbation législative»266.

L’opposition vénézuélienne a présenté un recours devant le Tribunal constitutionnel pour solliciter la nullité de l’accord pour deux raisons majeures : absence d’approbation législative et préjudice financier pour le Venezuela. Le tribunal a rejeté le recours en affirmant : « cette salle considère

qu’il n’y a pas les preuves nécessaires pour affirmer que l’accord de coopération entre les républiques de Cuba et du Venezuela a dû être soumis à l’approbation de l’assemblée

265 ALBA-tCP

266 SAINZ BORGO Juan Carlos, “ El derecho internacional y la constitución de 1999”. Caracas, Serie: trabajo de ascenso Nro. 6, Universidad central de Venezuela. 2006.

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nationale…et en ce qui concerne les éléments sur le désavantage du Venezuela, cette salle ne peut pas les évaluer car ils ne sont pas de son ressort … » 267

Bien que la Constitution Bolivienne ne consacre pas d’article sur les accords à forme simplifiée, la loi 401 sur la conclusion des traités du 18 Septembre 2013, consacre dans son article 10 : « [les traités simplifiés] sont des traités qui portent sur les compétences exclusives de l’organe exécutif

et qui, compte tenu de leur matière, n’ont pas besoin d’approbation législative, ils entrent en vigueur dès leur signature » et l’article 11 : « dans les traités simplifiés, la conclusion est faite seulement avec la négociation, l’adoption et l’authentification du texte. Ils ne sont pas soumis à ratification268. Leur entrée en vigueur est conditionnée aux clauses du propre traité ».

En dépit d’une liste exhaustive des matières qui peuvent faire l’objet d’un sole executive agreement , la loi prévoit dans son article 8 les matières réservées aux traités formels ou solennels : « le droit

communautaire, les droits de l’Homme, les questions des frontières, l’intégration monétaire, l’intégration économique structurelle, le transfert des compétences à des organismes internationaux ou des organismes supranationaux dans le cadre des processus d’intégration, les accords à caractère économique commercial et les autres matières désignées par la Constitution et les normes en vigueur ».

267 Tribunal supremo de Justicia, “Exp No. 02-0416” Sala Constitucional. MP Jose M. Delgado ocando, Arrêt du 20 de febrero del 2002.

268 En Bolivie la procédure d’adoption ou approbation d’un traité par le pouvoir législatif est dénommé ratification et non approbation comme est le cas dans les autres Etats objet de la présente étude. a ce propos Paul Reuter précise dans son ouvrage introduction au droit des traités : « En effet, chaque droit national peut définir à son propre usage les termes qu’il emploie et le fait effectivement ; mais le droit international est également obligé de se servir de certains termes en définissant leur signification ; il s’ensuit que le même terme peut être pris dans un sens différent en droit international et dans un droit constitutionnel déterminé (art. 2, § 2 CV). Cette situation peut engendrer certaines confusions et l’idéal serait d’inventer, à l’usage du droit international, un vocabulaire propre. Mais cette voie qui a été suivie (par exemple en inventant sur le plan international des termes nouveaux et neutres comme « acceptation ») ne peut garantir la séparation des deux vocabulaires, car au bout d’un certain temps, les règles nationales peuvent recourir à ce même vocabulaire en le déformant. C’est ce qui se passe en fait et il est inévitable qu’il en soit ainsi, car il ne peut y avoir de cloison étanche entre le droit interne et le droit international, l’un et l’autre sont appelés à s’adapter mutuellement l’un à l’autre par une pratique qui enregistre les nécessités de la vie internationale en s’imposant simultanément à tous deux »

163 La doctrine bolivienne s’accorde à affirmer que les matières qui en sont exclues de cette liste peuvent faire l’objet d’un accord simplifié de type sole executive agreement .

La Constitution Colombienne ne prévoit pas d’article général sur les Sole executive agreements. Elle prévoit uniquement trois cas d’exception à la règle de l’approbation législative du traité. Seul un cas sur ces trois cas exceptionnels peut être considéré comme un véritable Sole executive

agreements : celui consacré à l’alinéa 6 de l’article 189 qui préconise : « ce sont des compétences du Président de la République en qualité de chef de l’état, chef du gouvernement et suprême autorité administrative de : 6. Veiller à la sécurité extérieure de la république en défendant l’indépendance et l’honneur de la nation ainsi que l’inviolabilité du territoire, déclarer la guerre avec la permission du sénat ou le faire sans cette autorisation pour résister à une agression étrangère, et conclure et ratifier les traités de paix, de tout ceci un rapport immédiat sera fait au congrès ». Cet article permet donc potentiellement au président Colombien de déclarer la guerre

sans accord du sénat et exclut les traités de paix de l’approbation législative.

Les deux autres cas d’exception ne peuvent pas être considérés comme appartenant à ce type d’accords simplifiés car ils nécessitent, pour que le Président puisse conclure un traité, de le soumettre au préalable à l’approbation du sénat et/ou au Conseil d’état. Il s’agit des traités portant sur la circulation des forces militaires étrangères sur le territoire de la République et les traités portant sur la circulation des navires ou avions de guerre sur l’eau ou dans le territoire national269.

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