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Du Principe de Coopération en Droit international à l’intégration régionale

CHAPITRE I La coutume internationale

B. Du Principe de Coopération en Droit international à l’intégration régionale

Face à l’hétérogénéité relative à la reconnaissance des principes du droit international, nous remarquons une certaine homogénéité en ce qui concerne le principe de coopération dans la région. La notion de la coopération internationale trouve ses origines après la première guerre mondiale avec la création de la société des nations. Cependant, elle n’a été érigée en tant que principe du droit international que dans la résolution n° 2625/1970 des Nations Unies « déclaration relative

aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la charte des nations unies » ainsi : « le devoir des Etats de coopérer les uns avec les autres conformément à la charte. Les états ont le devoir de coopérer les uns avec les autres, quelles que soient les différences existantes entre leurs systèmes politiques, économiques et sociaux, dans les divers domaines des relations internationales, afin de maintenir la paix et la sécurité internationales et de favoriser le progrès et la stabilité économique internationale, ainsi que le bien-être général des nations et une coopération internationale qui soit exempte de discrimination fondée sur ces différences. »

Les états Sud-Américains adhèrent à ce principe du droit international et vont le revendiquer constitutionnellement d’une telle façon qu’ils vont dépasser le contenu de la coopération pour aller vers une échelle supérieure ; c’est-à-dire l’intégration. Ainsi, en reconnaissant

118 constitutionnellement que la coopération entre les Etats de la région constitue un objectif étatique majeur, ils en profitent pour instaurer une habilitation constitutionnelle pour l’intégration des Etats Sud-Américains.

Bien que cette reconnaissance ne soit dans la plupart des cas, hélas, que purement déclarative, elle ouvre néanmoins la porte aux Etats qui souhaitent faire partie d’une organisation d’intégration régionale (chose faite pour la plupart des Etats de l’Amérique du Sud avec le groupe Andine, Mercosur et Unasur entre autres).

Selon la doctrine de l’Amérique du Sud, l’intégration régionale peut être considérée comme : « Un

processus multidimensionnel au sein duquel se trouvent des initiatives de coordination, coopération, convergence et intégration profonde. Sa portée ne se limite pas seulement aux domaines économique et commercial, mais aussi aux domaines politique, social, culturel et de l’environnement »202.

Si une certaine homogénéité se dégage de la reconnaissance constitutionnelle du principe de coopération dans la région203 qui va s’élargir au sein des Constitutions pour permettre une intégration régionale, elle se limite à des généralités sur le sujet puisque chaque Etat a développé à différents degrés le contenu dudit principe.

Le Pérou a consacré dans l’article 44 de sa Constitution : « Egalement, constitue un devoir de l’état

d’établir et d’exécuter la politique des frontières et de promouvoir l’intégration, particulièrement latino-américaine… ». La Bolivie inscrit dans l’article 10.1 la coopération avec les pays de la

région et du monde comme étant un objectif étatique et dans l’article 265 évoque l’intégration avec la communauté internationale en général, tout en donnant la priorité à l’Amérique latine. L’Uruguay dans le dernier paragraphe de son article 6 consacre: « La République cherchera

l’intégration sociale et économique des états latino-américains spécialement en ce qui concerne la

202NU CEPAL, “La integración regional : hacia una estrategia de cadenas de valor inclusivas”. Periodo de sesiones 35; Lima, Perú: 5 -9 mayo 2014, Pag.23 : « la integración regional es un proceso multidimensional cuyas expresiones incluyen iniciativas de coordinación, cooperación y comerciales, sino también las políticas, sociales, culturales y ambientales”

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protection commune de leur produits et matières premières ». L’Equateur, dès son préambule, fait

référence à son engagement avec l’intégration latino-américaine et dans le numéral 11 de son article 416 précise : « promouvoir prioritairement l’intégration politique, culturelle et économique de la

région andine, de l’Amérique du Sud et de latino-Amérique ».

Le Brésil, dans le paragraphe unique de l’article 4 affirme : « La République Fédérative du Brésil

cherchera l’intégration économique, politique, sociale et culturelle des peuples de l’Amérique Latine, avec l’objectif de la formation d’une communauté latino-américaine des nations ».

L’argentine, dans l’article 75 numéral 24 mentionne : « approuver des traités qui délèguent

compétences et juridiction à des organisations supra étatiques dans des conditions de réciprocité et d’égalité et qui soient respectueuses de l’ordre démocratique et des droits de l’homme. Les normes émises dans ce contexte ont une hiérarchie supérieure aux lois. » .

Le Venezuela dès son préambule consacre la consolidation de l’intégration latino-américaine comme une priorité de l’Etat et dans l’article 153 fait référence à l’importance de : « l’intégration

latino-américaine et des caraïbes, avec l’objectif de créer une communauté des nations pour protéger les intérêts économiques, sociaux, culturels, politiques et de l’environnement de la région

». Dans la Constitution Colombienne, nous trouvons plusieurs articles consacrés à l’intégration régionale ; son préambule fait référence à l’objectif de : « promouvoir l’intégration de la

communauté latino-américaine » et dans le dernier alinéa de l’article 9 : « …également , la politique des affaires étrangères de la Colombie sera orientée vers l’intégration latino-américaine et des caraïbes » ; également dans l’article 217 : « l’état promeut l’intégration économique, sociale et politique avec les autres nations et spécialement avec les pays de l’Amérique latine et des caraïbes au travers de la conclusion de traités sur des bases d’équité, égalité et réciprocité ; créé des organismes supranationaux, et compris ceux qui seront nécessaires pour conformer une communauté latino-américaine des nations. »

La Constitution du Paraguay ne limite pas l’intégration à la région de l’Amérique Latine, car son Article 145 précise : « La République du Paraguay, dans des conditions d’égalité avec d’autres

Etats, admet un ordre juridique supranational qui soit garant des Droits de l’Homme, de la paix, de la justice, de la coopération et du développement, dans le domaine politique, économique, social et culturel ».

120 II. le rôle du juge constitutionnel dans la reconnaissance des principes du droit

international

Bien que les Constitutions Sud-Américaines n’évoquent pas tous les principes du droit international mais une liste sélective de ces principes, et que la vocation principale de ces principes est, au regard de l’article 38 du statut de la C.J.I, d’être appliqués dans la sphère internationale, il existe, -compte tenu l’internationalisation croissante du droit- un certain nombre « d’emprunts » par les juges nationaux aux principes généraux du droit international.

Face à l’ambiguïté ou à l’absence d’énoncés constitutionnels, la position du juge à l’égard du droit international non conventionné, et tout particulièrement aux principes propres du droit international, est déterminante pour établir plus clairement le statut du droit international non conventionné dans l’ordre juridique interne. Bien que le réflexe « naturel » du juge soit d’écarter l’application de principes propres au droit international dans l’ordre juridique interne, nous pouvons constater une certaine évolution à ce sujet et notamment quand il s’agit de résoudre l’application des traités dans l’ordre juridique interne.

Bien qu’il n’existe pas de liste exhaustive, les principes propres du droit international ont été codifiés en partie dans l’article 2 de la Charte des Nations Unies, ainsi que dans la déclaration sur les principes du droit international en lien avec les relations d’amitié et à la coopération entre les états, en conformité avec la Charte des Nations unies. Ainsi, nous avons pu établir deux positions des Juges sud-américains : une position de reconnaissance large des principes propres du droit international et une position de reconnaissance restreinte des principes propres du droit international.

121 A. Une reconnaissance mitigée des principes propres du droit international par la

jurisprudence nationale

Parmi les dix Etats objet de notre étude, peu sont ceux qui font référence aux principes généraux du droit international dans leur jurisprudence et dans le cas contraire, la reconnaissance de ces principes est pour dire le moins limitative. Ainsi, la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle colombienne établit une liste presque exhaustive des principes qui sont reconnus en Colombie :

« Les difficultés associées à la définition de « principe de droit international » ont amené des problèmes à l’heure d’identifier les principes qui font partie de cette catégorie. Malgré cela, la doctrine s’accorde à inclure, parmi d’autres, le principe d’égalité souveraine entre les Etats, le principe de bonne foi et le principe « pacta sunt servanda ». Dans le droit constitutionnel colombien, l’application des « principes du droit international » a une portée encadrée. En effet, l’article 9° de la Constitution politique conditionne la reconnaissance des principes du droit international à ceux qui sont « acceptés par la Colombie ». De cette façon sont exclus de cette reconnaissance tous les principes objet d’un refus colombien […]. La jurisprudence de cette Cour a identifié les principes du droit international qui conformément à l’article 9 de la Constitution sont reconnus par la Constitution Nationale. En ce sens, nous pouvons citer le principe de bonne foi, le principe d’interdiction de la guerre pour résoudre les conflits internationaux, le principe de la résolution pacifique des conflits, le principe de l’égalité souveraine des Etats, le principe du respect à la souveraineté nationale des sujets du droit international, le principe de la non intervention, le principe de l’immunité souveraine des Etats -extensible aux organisations internationales-, le principe de réciprocité et certains principes du droit des traités, en particulier le principe « pacta sunt servanda » »204

Bien que la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle Colombienne soit limitative, lorsqu’elle reconnaît les Principes généraux du droit international, elle n’hésite pas à en faire usage pour justifier ses décisions. Ainsi, dans sa décision du 24 janvier 2001, la Cour Constitutionnelle affirmait : « les principes du droit international qui préconisent la solution pacifique des conflits

externes et qui consacrent comme un devoir de tout Etat de ne pas recourir en première instance

204 Corte constitucional colombiana, “Arrêt C- 269/14 control jurisdiccional de tratados aprobados por el congreso y no ratificados por Colombia” Arrêt du 2 mai 2014.

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à la menace ou à la force sont pleinement applicables au conflit interne colombien, car ce sont des règles de conduite qui impliquent l’interprétation des droits et des obligations constitutionnelles »205. En partant d’un principe du droit international, la Cour a donc déclaré constitutionnelle la loi 418/1997 en précisant que : « les organes politiques ont une large marge

discrétionnaire pour concevoir les mécanismes de solution pacifique des conflits ». et l’exercice

de cette faculté doit être réalisé en accord avec le texte constitutionnel mais aussi avec les principes essentiels du droit international.

Contrairement au juge constitutionnel colombien, le juge Argentin a une très riche jurisprudence sur la reconnaissance du droit international non conventionnel mais elle reste toutefois très ambiguë, car elle ne dissocie pas la coutume internationale des principes généraux du droit. Arturo Pagliari fait un résumé de la position de la Cour Suprême argentine face au droit international non conventionné ainsi: « La cour a soutenu à maintes reprises, en conformité avec

l’article 118 de la Constitution, que la coutume internationale et les principes généraux du droit sont d’application directe, au sein de sa jurisprudence »206.

Cette affirmation nous permet de conclure que la jurisprudence argentine ne prête pas une attention particulière aux PGD du droit international. La question de l’existence ou non d’un régime particulier octroyé par la jurisprudence à ces principes n’est dès lors pas résolue.

Au Chili, la reconnaissance prétorienne est encore assez timide. Ce sont les juges nationaux qui vont d’une reconnaissance générale à une reconnaissance ponctuelle. Ainsi, la Cour d’appel de Santiago reconnait largement ces principes en affirmant : « les principes du droit international sont

d’application générale, ils ont une évidente suprématie dans le droit public contemporain et comblent le silence des lois ».207 Tandis que la Cour Suprême Chilienne va opter pour une reconnaissance particulière d’un des principes en précisant que toute interprétation des traités :

205 Cour Constitutionnelle Colombienne, « Arrêt C- 048/01 Demanda de inconstitucionalidad contra el articulo 8(parcial) de la Ley 418 de 1997 » Arrêt du 24 janvier 2001.

206 PAGLIARI Arturo, “Derecho internacional y derecho interno. El sistema constitucional argentino”. Ars Boni et Aequi ano 7 No. 2, 2011p.25

123 « doit être éclairée par le principe fondamental de la bonne foi, qui oblige les parties à appliquer

le traité d’une façon raisonnable afin que son objectif puisse être atteint »208

Cette reconnaissance ponctuelle des PGD du droit international se retrouve également dans la jurisprudence brésilienne. En effet, le juge brésilien reconnaît des principes tels que le pacta sunt

servanda ou encore le principe de réciprocité ainsi : « La première observation à faire, donc, est celle de constater que nous sommes devant un document produit dans le contexte de négociations multilatérales que le Brésil a adhéré et ratifié. De tels documents, qu’ils prennent la forme de traités, de conventions ou d’accords, présupposent leur exécution de bonne-foi par les États signataires. C’est ce qui est exprimé par l’ancien adage Pactise sunt servanda. Appliquer cet adage est ce qui permet la coexistence et la coopération entre des nations souveraines dont les intérêts ne sont pas toujours les mêmes. Les traités et autres accords internationaux prévoient dans leur propre texte la possibilité de retraite d'une des parts contractantes…Actuellement (…) la convention est un engagement international de l’Etat brésilien qui est en vigueur et de ce fait son exécution s’impose…Le retard dans la réalisation du contenu de la convention par les autorités administratives ou judiciaires du brésil aurait des répercussions négatives dans la sphère des engagements pris par l’Etat brésilien, en raison du principe de réciprocité…209

Nous trouvons également une reconnaissance prétorienne brésilienne des principes de coopération, et le principe de bonne foi : « Par conséquent, il semble clair que la possibilité d'éliminer l'application de normes internationales par le biais d'une législation dérogeant à un traité, y compris aux niveaux des États et des municipalités, est en retard par rapport aux exigences de coopération, de bonne foi et de stabilité du scénario international actuel et , sans aucun doute, doit être examiné par notre Cour. Le texte constitutionnel admet la prépondérance des normes internationales sur les normes infra-constitutionnelles et renvoie clairement l'interprète à différentes réalités normatives face à la conception traditionnelle du droit international public »210

208. Corte Suprema de Justicia, “ affaire solicitud de extradición de Alberto Fujimori” Rol 3744-07, Arrêt du 21 septembre 2007.

209 STF, “Argüiçao de Descumprimento de Preceito Fundamental ADPF 172”. Arrêt du 10 juin 2009.

124 La jurisprudence Equatorienne reconnaît ponctuellement certains principes du droit international, en particulier du pacta sunt servanda, mais présente une particularité : la relativisation de ce principe avec la reconnaissance de la clause sic stantibus : « le principe pacta sunt servanda prévoit

l’exécution de traités qui ont été dument conclus et qui deviennent loi pour les parties et cela implique une exécution complète du traité, car il est contraignant pour les parties qui doivent l’exécuter de bonne foi. En vertu de ce principe d’origine coutumière qui est consacré dans l’article 26 de la Convention de Vienne sur les droits des traités, aucune des parties ne peut invoquer de dispositions de son ordre juridique interne pour justifier la non-exécution du traité. Existent des exceptions à ce principe, à savoir : l’impossibilité physique d’appliquer le traité, l’impossibilité morale d’exécuter le traité car cela mettrait en danger l’existence d’un des Etats parties ; la clause sic stantibus et la rupture unilatérale […]. Le principe, pacta sunt servanda, sur l’intangibilité des traités, cesse d’être applicable pour ainsi laisser la place au principe rebus sic stantibus aussi dénommé principe de révision des traités, qui s’applique dès qu’il y a un changement dans les circonstances de la conclusion du traité d’une telle intensité ou d’une telle nature qui met fin au traité »211

B. Une réticence certaine à l’usage et à la reconnaissance des principes généraux du droit

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