• Aucun résultat trouvé

Le défi d’un modèle institutionnel supranational

LES ORIGINES DE L’ADAPTATION CONSTITUTIONNELLE SUD- SUD-AMERICAINE AU DROIT INTERNATIONAL

B. Le défi d’un modèle institutionnel supranational

Adriane Lorentz définit ce modèle ainsi : « Dans un organe institutionnel supranational, l’intérêt

commun aux états membres prime sur l’intérêt individuel des Etats. La structure institutionnelle est autonome et indépendante et dispose de fonctionnaires propres. La norme communautaire est dotée du principe de primauté sur la norme interne ainsi que de l’application directe »136. La possibilité de réussir une intégration à l’effigie de l’Union Européenne est possible à condition que la Constitution nationale de chaque Etat prévoit la possibilité d’un transfert encadré de souveraineté. Plusieurs Etats Sud-Américains ont déjà inclus constitutionnellement cette possibilité, ainsi l’article 75 numéral 24 de la Constitution Argentine prévoit la délégation de : « compétences et juridictions à des organisations supra étatiques dans des conditions de

réciprocité et égalité à condition qu’elles respectent l’ordre démocratique et les droits de l’homme ». La Constitution Colombienne prévoit dans l’article 22 : « l’état promouvra l’intégration économique, sociale et politique avec les autres nations et spécialement avec les pays de l’Amérique Latine et les Caraïbes grâce à la conclusion de traités qui avec un soubassement d’équité, d’égalité et de réciprocité créeront des organes supranationaux, et cela même avec l’objectif de conformer une communauté latinoaméricaine des nations. La loi pourra établir des

135 NOLTE Detlef et MIJARES Victor, “ La crisis de Unasur y la deconstrucción de Sudamérica. Periódico el espectador, 23 de abril de 2018. Disponible en ligne:

https://www.researchgate.net/publication/325153950_La_crisis_de_Unasur_y_la_deconstruccion_de_Sudamerica

83

élections directes pour la Constitution du Parlement Andin et le parlement latinoaméricain ». La

Constitution paraguayenne à prévu également un éventuel transfert de souveraineté en précisant dans l’article 145 : « dans des conditions d’égalité avec les autres Etats, nous admettons un ordre

juridique supranational qui assure le respect des droits de l’homme, de la paix, de la justice, de la coopération et du développement politique, économique, social et culturel ».

Bien que la plupart des Etats Sud-américains aient la capacité constitutionnelle d’effectuer un transfert de souveraineté, ils restent fortement attachés au modèle intergouvernemental. Ceci peut s’expliquer car la grande différence entre les deux modèles – supranationaux et intergouvernementaux- réside dans le fait que ces derniers ont un lien de dépendance avec le pouvoir étatique central qui a la faculté de désigner ses représentants. Les organes supranationaux se caractérisent par une représentation directe avec une autonomie exécutive dans leur champ de compétences et ont une totale indépendance des états partis. C’est-à-dire qu’à partir du moment où les Etats membres nomment un représentant, celui-ci ne garde aucun lien hiérarchique avec son Etat d’origine ; il devient un fonctionnaire de l’organisme supranational et doit agir en tant que tel. C’est sans doute l’utilisation du terme « supranational » qui sous-entend une perte indéterminée de la souveraineté qui est à l’origine de cette réticence nationale. Jean-Claude Gautron explique qu’au sein de l’Union Européenne l’expression « supranational » entendue comme : « un

fédéralisme sectoriel ou « fonctionnel » »137 a été progressivement remplacée par des termes plus conciliateurs, car elle a été : « combattue par plusieurs gouvernements et familles politiques en France et en Europe… pour maintenir la souveraineté de l’Etat »138

L’objectif de la supranationalité devrait donc en principe chercher à mettre en place une intégration fonctionnelle ou sectorielle qui ne doit pas se confondre avec une perte indéterminée de souveraineté139. Elodia Almiron Prujet affirme dans ce sens : « les Etats s’incorporent à des entités

137 GAUTRON Jean-Claude, « Droit Européen ». 13e Edition. Dalloz 2009. P. 10

138 GAUTRON Jean-Claude, « Droit Européen ». 13e Edition. Dalloz 2009. P. 10

139 DELAS Olivier, « Vingt ans après : que reste-t-il du modèle communautaire d’intégration ? » In : Revue québécoise de droit international, hors-série décembre 2012. Atelier Schuman 2012. Les 20 ans de l’Union européenne, 1992-2012. P.5 : « Jean Monnet propose alors au ministre français d’affaires étrangères, Robert Shuman, d’intégrer certains secteurs clés -ce qui sera le cas du charbon et de l’acier dans un premier temps- afin d’instaurer des solidarités de fait entre les peuples européens. C’est l’idée du fédéralisme sectoriel. Au fur et à

84

supranationales ou supra étatiques grâce à des liens juridiques, économiques et politiques plus solides et exécutables que les traités internationaux classiques. L’intégration est à l’origine d’une communauté juridique, d’un droit commun propre aux Etats membres, et pour cela ce Droit a une applicabilité directe, immédiate et autonome dans l’ordre interne de chaque Etat. »140

Effectivement, une fois que la supranationalité est mise en place, un nouveau droit naît. Il s’agit d’un droit qui n’appartient pas au droit international mais pas non plus au droit national, en effet, le droit communautaire est composé par les traités constitutifs et le droit dérivé.

La supranationalité est donc le résultat d’un transfert délimité de la souveraineté qui produit un droit qui lui est propre. Pour utiliser ses compétences et produire le droit, l’organisme supranational a besoin d’un élément essentiel : l’autonomie. Au sein de l’UE, cette autonomie a été affirmée depuis le début de la construction Européenne par La Cour de Justice Européenne.

Dans l’arrêt Van Gen en Loos le juge européen précise : « La communauté économique européenne

constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profil duquel les Etats ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les états membres mais également leurs ressortissants »141 ou encore l’arrêt Costa c/ENEL où le juge affirme : « A la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E a institué

un ordre juridique propre intégré au système juridique des Etats membres lors de l’entrée en vigueur du traité et qui s’impose à leur juridiction. En instituant une communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des Etats à la communauté, ceux-ci ont limité leurs

mesure de ses besoins, la structure proposée absorberait davantage de champs de compétence et de pouvoirs d’action ».

140 ALMIRON PRUJET Elodia, “ Las múltiples dimensiones de la integración regional: la esencia de los sistemas supranacionales e intergubernamentales”. Revista de investigación en Ciencias sociales y humanidades ACADEMO. Julio- Diciembre 2017. Vol 4 No.2 p70.

85

droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes »142

Cette affirmation d’autonomie ne doit pas être unilatérale. En effet, au sein de la jurisprudence de chaque Etat membre de l’Union Européenne, nous trouvons la reconnaissance faite par les juges nationaux de l’autonomie de l’ordre juridique communautaire. A titre d’exemple, Juan Anon Calvete cite une décision du juge constitutionnel espagnol, ainsi : « le Tribunal constitutionnel

Espagnol dans l’arrêt STC 215/2014 du 18 décembre précise que l’intégration dans l’UE suppose un certain degré de transfert de souveraineté et de limitation dans les facultés de l’Etat, ce qui est acceptable à condition que le droit européen soit compatible avec les principes fondamentaux de l’Etat social et démocratique du droit établi par la Constitution. Il réitère que la suprématie de la Constitution est compatible avec les régimes d’application qui accordent une primauté applicative aux normes d’un ordre juridique autre que national. Ce qui est prévu par l’article 93 CE »143

142Arrêt de la Cour du 15 juillet 1964. Flaminio Costa contre E.N.E.L. Demande de décision préjudicielle: Giudice conciliatore di Milano - Italie. Affaire 6-64. Disponible en ligne :

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A61962CJ0026#MO

143 ANON CALVETE Juan, “Primacía del derecho de la Unión Europea (a propósito de la STC 232/2015, de 5 de noviembre”. Artículos doctrinales. Noticias jurídicas 23 de febrero de 2016. Disponible en ligne:

http://noticias.juridicas.com/conocimiento/articulos-doctrinales/10895-primacia-del-derecho-de-la-union-europea-a-proposito-de-la-stc-232-2015-de-5-de-noviembre/

86 CONCLUSIONS PREMIERE PARTIE

Bien qu’après leur indépendance, les Etats sud-américains craintifs des Etats développés, ont souhaité créer un droit international propre à la région, ils se sont rapidement aperçus de l’impossibilité de se couper du monde et de l’impérieuse nécessité de s’ouvrir et sur tout participer dans la scène internationale.

Cette ouverture a été faite grâce à une mise en place des principes démocratiques communs à tous les Etats sud-américains qui ont su évoluer d’une simple démocratie électorale à une démocratie citoyenne grâce à laquelle le peuple peut non seulement élire mais aussi décider. Bien que cette évolution se soit produite à des degrés différents, dans tous les Etats objet de la présente étude la démocratie, que ce soit représentative ou participative fait partie de la Constitution comme un soubassement juridique et en tant que tel elle est protégée par la juridiction constitutionnelle. La stabilité sociale qui a apporté la démocratie a permis aux Etats de mettre en place une ouverture économique et commerciale avec le monde, cette phase d’ouverture a impliqué une mise en question sur le concept de souveraineté, notamment quand les Etats ont voulu profiter de la globalisation pour établir une intégration régionale ; cependant, leur attachement à une conception archaïque de la souveraineté a empêché et empêche actuellement que tous les projets d’intégration régionale approfondie aboutissent. Des lors, malgré plusieurs projets d’intégration régionale en théorie à caractère supranational, nous pouvons constater que l’existence des processus d’intégration à caractère intergouvernementale.

87 DEUXIEME PARTIE

Documents relatifs