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Le domaine de l’intervention parlementaire

CHAPITRE III Le jus cogens

LES METHODES DE FORMATION DU DROIT CONVENTIONNEL SELON LES CONSTITUTIONS SUD-AMERICAINES

B. Les prérogatives du pouvoir exécutif conditionnées à l’attribution du pouvoir

I. Le domaine de l’intervention parlementaire

Au sein des Constitutions Sudaméricaines, l’approbation des traités internationaux par le pouvoir législatif est réservée aux traités dénommés par la doctrine comme « les traités solennels ». Ce type de traités peut être défini comme résultant d’un acte complexe où par mandat constitutionnel le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif doivent impérativement intervenir afin de bénéficier d’une pleine validité. Ainsi, l’intervention du législatif est déterminée exclusivement par la rationae

materiae.

Pour déterminer les matières qui feront l’objet d’un traité solennel et celles qui feront l’objet d’un traité simplifié, les Constitutions Sud-Américaines ont mis en place deux types de système, celui dénommé par la doctrine comme le système de listes : les listes positives et les listes négatives. Ces listes sont définies par Antonio Brotons ainsi : « les catégories de traités qui ont besoin de

l’autorisation ou de l’approbation parlementaire sont énumérées dans un système de listes positives …les listes négatives énumèrent les types de traités qui n’ont pas besoin de l’intervention parlementaire pour être conclus »310. Le deuxième système, beaucoup plus ambigu, résulte d’une pratique constitutionnelle adoptée comme solution face à un silence constitutionnel sur le sujet.

310 BROTONS Antonio, “La autorización parlamentaria de la conclusión de los tratados internacionales : el problema de la calificación”. 32 R.E.D.I Madrid, 1980. Pag 123

189 A. Une intervention Parlementaire soumise au système de listes constitutionnelles

Au sein des Etats sud-américains, seuls le Pérou et l’Equateur ont choisi d’inclure au sein de leur Constitution une liste positive de domaines où l’intervention parlementaire est obligatoire pour conclure un traité. Ainsi, la Constitution Equatorienne consacre dans l’article 120 : « l’Assemblée

Nationale aura les attributions suivantes : approuver ou désapprouver les traités internationaux le cas échéant » et énumère, au moyen d’une liste taxative, les traités qui compte tenu leur nature

doivent impérativement être soumis à l’approbation interne de l’assemblée nationale. Ainsi, l’article 419 précise : « la ratification ou la dénonciation des traités internationaux requerra

l’approbation préalable de l’Assemblée Nationale dans les cas suivants : 1. Matière territoriale ou de limites frontalières. 2. Etablissement des alliances politiques ou militaires. 3. S’il y a un engagement de légiférer, de modifier ou d’abroger une loi. 4. S’il fait référence aux droits et garanties établis par la Constitution. 5. S’il engage la politique économique de l’Etat établie au sein du Plan National de Développement aux conditions d’institutions financières internationales ou d’entreprises transnationales. 6. S’il engage le pays dans des accords d’intégration et de commerce. 7. S’il attribue des compétences propres relevant de l’ordre juridique interne à une organisation internationale ou supranationale.8. S’il engage le patrimoine naturel et spécialement l’eau, la biodiversité et son patrimoine génétique »

L’adoption du système de listes au Pérou n’est pas une nouveauté. En effet, la Constitution de 1979 avait déjà établi le système négatif dans l’article 104 en octroyant la faculté au Président de la République de conclure et ratifier des traités sans l’approbation préalable du législatif dans les domaines où il avait la compétence exclusive.

L’ambiguïté de la formulation de cet article a engendré des problèmes d’interprétation car, au sein de la Constitution péruvienne, les domaines exclusifs du président de la République n’étaient pas clairement définis. Guillermo Fernandez Maldonado nous dit à ce propos : « lesdites matières

-celles qui étaient censées être du ressort exclusif du Président de la République- n’étaient pas du tout exclusives du Président, car il s’agissait de matières qui entraient dans le champ d’action du congrès. Par exemple, la capacité règlementaire qui est une faculté du pouvoir exécutif mais

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contrôlé par le parlement »311. Dans un souci de clarté, le constituant de 1993 a décidé de basculer du système négatif au système positif conformément aux termes de l’article 56 qui précise : « les

traités doivent être approuvés par le Congrès avant leur ratification par le Président de la République, chaque fois qu’ils portent sur : 1. Des Droits de l’homme, 2.La souveraineté ou unité de l’Etat. 3. La défense nationale, 4. Des obligations financières de l’Etat. Les traités qui créent, modifient ou suppriment doivent aussi être approuvés par le Congrès ; ceux qui exigent une modification ou une abrogation d’une loi et ceux qui requièrent des mesures législatives pour son exécution ».

Ce système positif qui a priori paraît clair est critiqué par la doctrine en raison de son besoin impératif d’être développé et encadré par des lois car dans le cas contraire, le système n’est plus efficace. Cristina Izquierdo critique ce système qui a été adopté par l’Espagne ainsi : « … la

Constitution espagnole a choisi un système de liste positive de matières qui nécessitent une autorisation parlementaire (articles 93 et 94.1 CE)…La Constitution ne précise rien de plus. Son article 74 .2 consacre la procédure pour l’autorisation des traités prévus dans l’article 94.1 et renvoie à la procédure d’adoption des lois organiques les traités prévus à l’article 93 (article 81 de la CE). Le système établi était un esquisse et avait logiquement besoin d’un développement législatif »312. Pour lever toute ambigüité et permettre une application efficace des normes constitutionnelles à ce sujet, le Pérou a adopté une loi sur le perfectionnement des traités N°. 26647 de 1996. L’Equateur n’a pas légiféré pour développer les normes constitutionnelles sur les modalités de l’intervention parlementaire dans le processus de formation des traités.

Si le système de listes positives est critiqué, le système de listes négatives l’est davantage. En effet, la formule choisie pour adopter ce système dans le corps constitutionnel est si large et confus que la frontière entre les traités nécessitant une procédure solennelle et ceux qui n’en ont pas besoin est laissé à l’appréciation de l’exécutif qui semblerait être le seul à pouvoir à trancher sur la question.

311 FERNANDEZ MALDONADO Guillermi, “Los tratados internacionales y el sistema de fuentes de derecho en el Peru”. Derecho, N° 43-44, diciembre 1989 -Diciembre 1990, p 344.

312 IZQUIERDO Cristina, “Intervención parlamentaria en la celebración de tratados internacionales en España. Revista electrónica de estudios internacionales, 2002. www.reei.org

191 En Amérique du Sud, le système de listes négatives a été choisi par le Venezuela et le Chili. La Constitution Vénézuélienne dispose, d’une façon générale, dans son article 187 : « L’Assemblée

Nationale est compétente pour : 18. Approuver par la loi les traités ou les conventions internationales que l’exécutif national négocie, sauf les exceptions consacrées dans cette Constitution ». Ces exceptions sont énumérées à l’article 154 qui dispose: « Les traités conclus par la République doivent être approuvés par l’Assemblée Nationale avant leur ratification et par le Président ou la Présidente de la République, à l’exception des traités qui ont pour objectif d’exécuter ou de perfectionner des obligations préexistantes, les traités qui portent sur l’application de principes expressément reconnus par la Constitution, les traités qui portent sur l’exécution des actes ordinaires dans les relations internationales ou les traités qui portent sur l’exercice des facultés que la loi attribue expressément à l’exécutif national ».

Ce choix de renforcer la compétence de l’exécutif en matière de traités est un héritage constitutionnel. En effet, le Président de la République a toujours eu constitutionnellement parlant une compétence quasi exclusive en matière de traités : « … à partir de cette constitution (1830) et

jusqu’à la Constitution de 1881 la conclusion des traités fut du ressort exclusif du Président de la République… à partir de la Constitution de 1881 et jusqu’à la Constitution de 1891 et 1893 fut octroyée au Conseil du gouvernement ou au Conseil Fédéral, la compétence d’émettre son avis sur les traités à signer par le Président sans que celui-ci soit obligatoire pour le Président de la République… Dans les Constitutions de 1936,1947 et 1953, la compétence du Président de la République pour conclure des traités devait être exercée en Conseil des Ministres »313

La Constitution Chilienne prévoit dans son article 54 : « les attributions du congrès sont : 1°

approuver ou désapprouver les traités internationaux que le Président de la République présente avant leur ratification…Les mesures que le Président de la République adopte ou les accords qu’il concluait pour l’accomplissement d’un traité en vigueur ne requerront pas de nouvelle approbation du congrès, à moins qu’il s’agisse de matières législatives». Le quatrième paragraphe

du même article prévoit que : « les traités conclus par le Président de la République en exercice

de ses attributions réglementaires n’auront pas besoin de l’approbation du congrès ».

313 ALTUNA GARCIA Ismenia, “ La convención de Viena sobre tratados y su aplicabilidad en Venezuela”. Tesis de grado. Universidad Rafael Urdaneta, Facultad de ciencias políticas, administrativas y sociales escuela de derecho. Maracaibo, abril del 2004. P. 60.

192 La Constitution Bolivienne n’est quant à elle pas très claire sur le système adopté. L’article 172 établit comme une des attributions du Président de la République la « souscription des traités

internationaux » sans mentionner si l’intervention parlementaire est indispensable puis, dans son

article 158, précise : « les attributions de l’Assemble Législative Plurinationale sont : 14.

Ratifier314 les traités internationaux conclus par l’exécutif, dans les formes établies par cette Constitution ».

En réalité, c’est la loi sur la conclusion des traités du 18 septembre 2013 qui va éclaircir la situation. En effet, en analysant le chapitre III portant sur « les traités solennels et les traités simplifiés » nous comprenons que la Bolivie a choisi de développer les deux articles constitutionnels en implémentant un double système de listes. En effet, d’une part, une liste positive détaillant les traités qui nécessitent l’approbation législative, est établie à l’article 8 de la loi de conclusion des traités : « des traités solennels pourront être conclus dans les matières suivantes : a. Droit

communautaire, b. Droits de l’Homme, c. questions limitrophes, d. intégration monétaire, e. intégration économique structurelle, f. cession de compétences institutionnelles à des organismes internationaux ou supranationaux, dans le cadre des processus d’intégration, g. accords à caractère économique et commercial et les autres matières en conformité avec la Constitution politique de l’Etat et les normes en vigueur ».

Le système de liste négative est prévu à l’article 10 de cette même loi, reprenant quasiment les termes de l’article 104 de la Constitution Péruvienne de 1979, ainsi, en excluant une intervention législative en Bolivie: « les traités qui portent sur les compétences exclusives de l’organe exécutif

et qui compte tenu leur matière n’ont pas besoin d’une ratification de l’organe législatif ».

B. Une intervention parlementaire conditionnée à une pratique constitutionnelle

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