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Le sport, jusqu’à la fin des années 1990, n’est jamais apparu comme un service, et il n’a jamais été analysé comme tel. En effet, les travaux consacrés à l’analyse des services (leur évolution depuis les années 1960, leur répartition spatiale, leur aire d’influence…) ne traitent jamais du sport. Alors que dès 1963, le secrétaire d’Etat à la Jeunesse et au Sport le proclamait comme un service. L’accumulation d’anomalies et de changements à la fois endogènes (corruption, dopage, violence…) et exogènes (décentralisation et privatisation de l’offre sportive) conduit aujourd’hui à une mise en question de la notion de service public du sport telle qu’elle fut pensée et voulue par Maurice Herzog57 dans les années 1960.

En effet, au niveau législatif, avec la décentralisation, l’Etat français s’est en partie dégagé de ce secteur d’activité. Ce processus de désengagement datant des années 1980 marque le passage d’une politique d’un état social volontariste à des politiques territoriales. L’Etat délègue ainsi progressivement certaines missions, d’une part aux collectivités territoriales et d’autre part aux mouvements associatifs, notamment sportif. En matière de politique sportive, si l’Etat joue un rôle de coordination et de contrôle, ce sont davantage les collectivités territoriales qui ont actuellement une mission de mise en œuvre de la politique sportive. Mais en rapprochant la politique sportive des besoins de la population, la décentralisation a aussi permis une meilleure répartition des compétences. En matière de compétence obligatoire, les lois de la décentralisation (lois de 1982 et 1983) posent les principes généraux des transferts d’attribution de l’Etat aux communes, départements et régions58. Ainsi, les communes sont chargées de construire, gérer et entretenir les équipements sportifs communaux. Les départements ont en charge l’entretien des itinéraires de promenade, de randonnée, l’animation sportive cantonale et peuvent aider financièrement les communes pour la réalisation d’équipements sportifs. Bien que les régions n’aient aucune compétence propre prévue par les lois, le secteur sportif représente tout de même 2,19% de leur budget59 et son engagement ne cesse d’augmenter depuis 2000.

La loi Voynet du 25 juin 1999 sur l’orientation pour l’aménagement et le développement durable des territoires (LOADDT) a ouvert des pistes et souligné les ambitions régionales par la mise en place de schémas de services collectifs des sports (SSCS) et elle reconnaît un statut de service public au sport. Elle définit neuf schémas de services collectifs dont un consacré au sport qui organisent à l’horizon d’une vingtaine d’années, huit politiques publiques structurantes pour le développement des territoires. Ils déterminent l’organisation ainsi que les modalités d’accessibilité

57 Maurice Herzog, ancien résistant et alpiniste français, premier à avoir gravi une sommet de plus de 8000 mètres

(Anapurna le 3 juin 1950), fut Haut commissaire, puis Secrétaire d'État à la Jeunesse et aux Sports de 1958 à 1965. Il fut l'homme de confiance du Général de Gaulle afin de développer la pratique du sport pour former des champions qui seront les représentants d'une France forte en dehors des frontières. Il utilise ainsi le mythe de la pyramide coubertinienne : former des champions par la masse.

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Pour plus de précisions, voire : Bayeux P., Le sport et les collectivités territoriales, Paris, PUF, 1996.

31 des services concernés pour l’ensemble des territoires. La notion de service est reconnue au sport, autour de deux objectifs prioritaires :

- Elargir l’offre d’accueil, d’encadrement et d’accompagnement, de façon à ce que chacun, quel que soient son sexe, son âge, sa capacité et son lieu de vie, puisse accéder aux activités sportives, et les pratiquer de la manière la plus satisfaisante possible.

- Favoriser l’expression de la demande sociale, et y répondre à l’échelon territorial pertinent en renforçant la structuration des services et les synergies entre les acteurs. Par conséquent, le schéma doit être un instrument de cohérence et de mobilisation de tous les acteurs du sport, notamment autour du mouvement sportif, des collectivités locales et de l’Etat.

L’intercommunalité sportive a été mise en place par la loi Chevènement du 12 juillet 1999 (renforcement et simplification de la coopération intercommunale). La coopération intercommunale n’est pas nouvelle mais il n’y avait auparavant aucune compétence obligatoire en matière de sport dans ce cadre juridique.

La loi du 6 juillet 2000, relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, va ensuite insister en faisant du sport un service public à travers une délégation de mission de service public de l’Etat vers le mouvement sportif. Elle présente le sport comme un élément important de l’éducation, de la culture, de la santé, de l’intégration et de la vie sociale : son développement et sa promotion sont déclarés d’intérêt général. Le mouvement sportif doit favoriser l’accès de toutes et de tous à la pratique des activités physiques et sportives. En France, les fédérations, délégataires de service public, fixent ainsi les règles des activités sportives, et elles ont en charge le développement de leur pratique. L’intervention de l’Etat dans la sphère sportive a pour conséquence de faire de l’Etat le titulaire d’un monopole en la matière, même si cela semble en contradiction avec l’histoire du mouvement sportif, né et développé en dehors de l’Etat. Le rôle des fédérations de chaque discipline sportive est donc d’organiser les compétitions par niveaux (les divisions) et de répartir les équipes de même niveau par groupes (les poules) sur l’ensemble du territoire ; quelles que soient les contrées les plus lointaines, et les espaces ruraux les plus profonds. Cette organisation hiérarchique du sport, de l’élite aux championnats départementaux permet de mettre en évidence des écarts de pratique entre la ville et la campagne. Le milieu rural se caractérise par une pratique de niveau modeste où les clubs disputent exclusivement des championnats départementaux et régionaux.

Outre cette dimension institutionnalisée du sport, une nouvelle dimension sportive apparaît avec l’émergence des pratiques auto-organisées se déroulant hors de l’institution fédérale. Celles-ci peuvent prendre place au sein des espaces urbains. Ces sports de rue se développent massivement en multipliant les modalités de pratiques et les significations60. Au sein des espaces ruraux,

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A ce propos, voir entre autres : Chantelat P., Fodimbi M., Camy J., Sports de la cité. Anthropologie de la jeunesse sportive, Paris, L'Harmattan, 1996. Vieille Marchiset G., Sports de rue et pouvoirs sportifs, Besançon, PUFC, 2003.

32 pratiqués en toute liberté, sans licence, sans calendrier ni règlement régis par des instances officielles, ces sports, notamment ceux dit « de pleine nature » constituent une potentialité de développement pour le milieu rural61. Dans son ouvrage sur le surf et les stratégies politiques mises en œuvre, Stéphane Guibert62 montre comment les élus locaux de villages du littoral du Sud Ouest se sont emparés de cette pratique à des fins économiques, médiatiques, touristiques et sociales. Le surf, la voile, la spéléologie, le cyclisme, la randonnée, le ski, etc. trouvent, dans leur propre milieu, une qualité de pratique qui fait défaut aux espaces urbains. La campagne peut alors s’ériger en espace d’offres de pratiques pour un public urbain et rural. « Au modèle de socialisation locale

fondé sur le recrutement de proximité et l’identification communautaire se substitue une territorialisation plus floue liée à la mobilité et à la promotion d’une société de consommation individuelle63 ». Les aménités locales des petites communes représentent, dans le contexte actuel d’un retour à l’environnement, des atouts à ne pas négliger. Les pratiques sportives rurales sont dynamiques et voient aujourd’hui l’arrivée de nouvelles possibilités de développement.

Le sport en milieu rural peut donc prendre différentes formes. Dans un souci de précision, nous signalons que nous ne tiendrons pas compte dans notre recherche des pratiques sportives auto-organisées au profit des pratiques associatives. L’ambition de la recherche est plutôt d’apporter de nouveaux éléments de réflexion à la sociologie du sport associatif. De plus, nous inscrivons notre analyse du sport associatif au sein d’un espace particulier : le rural64. Les résultats permettront de voir si cet espace d’implantation exerce une influence particulière sur le fonctionnement associatif sportif.