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Les sports se sont développés et installés à différentes périodes dans des lieux divers et se sont propagés en utilisant de multiples canaux de diffusion. Le processus de diffusion appliqué au sport, mérite une attention particulière car il nous permet d’avoir une meilleure compréhension de son développement et de ses localisations. D’un point de vue étymologique, la diffusion correspond à « tous les déplacements d’innovations qui cherchent à se répandre de manière homogène dans un

système et tendent à faire passer celui-ci d’un état d’équilibre à un autre. Dans les sciences sociales, la notion de diffusion est souvent associée à celle de changement dans la mesure où l’introduction de pratiques innovantes modifie la dynamique des systèmes dans lesquels elle opère.

Jaccoud C., Pedrazzini Y. (dir), Glisser dans la ville. Les politiques sportives à l’épreuve des sports de rue, Neuchâtel, Centre International d’Etude du Sport, 1998.

61 Le Caro Y., Les loisirs en espace agricole. L’expérience d’un espace partagé, Presses Universitaires de Rennes, Coll.

« Géographie sociale », 2007.

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Guibert S., L’univers du surf et stratégies politiques en Aquitaine, Paris, L’Harmattan, 2006.

63 Augustin J-P, « La diversification territoriale des activités sportives », L'Année sociologique, Vol.52, n°2, 2002,

p. 417-435.

64 Nous précisons dès maintenant que cette recherche ne s’articule pas autour d’une analyse comparative entre les

associations sportives urbaines et les associations sportives rurales mais bien que nous situerons l’intégralité de notre réflexion au sein du territoire rural.

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La diffusion correspond alors à la transmission et à l’adoption graduelle dans le temps et dans l’espace de l’innovation65. » Cette transmission s’opère généralement sous trois formes : soit par

contagion, lorsque le nombre de personnes qui adoptent l’innovation augmente, soit par expansion, lorsque des centres sont touchés permettant une nouvelle contagion rejoignant la première, soit par relocalisation, lorsque les personnes ayant déjà adopté l’innovation migrent vers d’autres lieux ou d’autres aires culturelles66. Cette définition globale du concept de diffusion peut très bien être appliquée aux sports lorsque l’on parle d’une diffusion des pratiques sportives des centres urbains vers les campagnes. Nous pouvons éclairer l’expansion des sports à partir des foyers émetteurs par la théorie de la diffusion, dans la mesure où, en utilisant les canaux variés de transmission, ils se propagent par effet de mimétisme ou de migration67. Le géographe Hägerstrand a ouvert la recherche à la modélisation en mettant en évidence l’existence de régularités dans le processus étudié. Il distingue quatre étapes successives.

La première est celle de l’amorce de la diffusion à partir des centres qui ont produit l’innovation, la deuxième est celle de l’expansion, puis vient celle de la condensation et enfin celle de la saturation68. Appliquée au sport, la diffusion est simple et à la manière d’une tâche d’encre dont les auréoles gagneraient progressivement en surface. « Au cours de son développement, le

phénomène sportif touche des communes nouvelles. Schématiquement, il diffuse des villes où sont repérées les implantations les plus anciennes vers les campagnes. (…).Au cours de sa croissance, le phénomène sportif couvre progressivement l’ensemble de l’espace régional, ne délaissant que quelques zones marginales. Son développement suit les principales voies de communication (chemin de fer, ligne d’autocar) et touche les communes, non pas de loin en loin, mais par ordre d’importance : les centres relais de l’espace de réseau (villes moyennes à vocation essentiellement industrielle et commerciale) les premiers, les villages centres (communes rurales où domine le commerce non quotidien et une activité mono industrielle) ensuite et des communes rurales (communes à vocation agricole, où domine le commerce quotidien et un artisanat d’intérêt local) enfin.69 » Nous pouvons donc bien parler de diffusion spatiale du sport, de la ville vers la campagne. Après une phase d’introduction de l’innovation dans les principales villes, l’expansion se généralise dans le monde rural. Le rôle des villes et des régions urbanisées semble décisif dans ce processus, dans la mesure où c’est à partir des centres urbains que les règles ont été définies et que la diffusion s’est effectuée. Mais ce schéma doit être complété par la prise en compte de processus divers. Dans certains cas, on assiste à une diffusion sans ordre à partir des marges plus que des centres. Dans le cas des sports collectifs, le processus emblématique d’identification communautaire fondé sur le club, le stade et la communauté locale paraît fondamental, alors que, dans le cas des sports

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Saint Julien T., « Diffusion spatiale », Encyclopédie de géographie, Paris, Economica, 1992, p.577-598.

66 Augustin J-P., Bourdeau P., Ravenel L., Géographie des sports en France, op.cit., p.39. 67 Augustin J-P, Sport, géographie et aménagements, Paris, Nathan, 1995.

68 Hägerstrand T., Innovation diffusion as a spatial process, Chicago, Chicago University Press, 1953, in Augustin J-P.,

Bourdeau P., Ravenel L., Géographie des sports en France, op.cit., p.39.

34 individuels de loisir, un processus symbolique d’individuation territoriale, fondé sur la diversité des modalités de pratique et des agrégations sociales éphémères, est à l’œuvre. Cette dynamique est favorisée par les complémentarités et les concurrences spatiales entre les sports si bien que dans de nombreuses communes rurales, par exemple, la présence d’un club de football ne permet pas l’apparition d’une autre discipline par manque de sportifs potentiels. La quantité de population disponible est encore un élément déterminant pour justifier la complémentarité ou la concurrence.

Parallèlement, la Fédération Nationale du Sport en Milieu Rural (FNSMR) contribue au développement et à la diffusion des activités sportives sur l’ensemble du territoire et notamment en milieu rural. L’une de ses principales missions demeure le maintien d’un lien social fort et durable en permettant aux ruraux d’avoir accès à des pratiques diversifiées et de qualité. Dans cette logique d’accessibilité des pratiques sportives au plus grand nombre, et dans une perspective de développement, la FNSMR mène des actions de terrain en affirmant une vision du sport qui se conçoit comme un moyen d’échanges autour des valeurs de convivialité, de respect de l’autre et de la règle sportive70.

Cette diffusion des pratiques sportives entraîne une structuration territoriale par la répartition et l’implantation de certaines activités. La répartition spatiale des sports peut être analysée comme la marque d’une variation des rapports sociaux sur le territoire. Quelques régions connaissent différentes affinités entre des types de sports et des groupes sociaux. Autrement dit, nous assistons à une territorialisation des pratiques sportives avec le développement et la diffusion de pratiques typiques régionales. Bien évidemment, les ressources géographiques disponibles sur les espaces entraînent la diffusion de certaines pratiques, notamment de pleine nature : le ski à la montagne, le surf dans le sud ouest. « Les institutions sportives et les équipements ont largement accompagné ces

transferts et, du centre à la périphérie, le sport participe à l’insertion des populations et à la territorialisation des nouveaux espaces périphériques. Dans le même temps, l’accentuation des déplacements quotidiens ou de fin de semaine s’inscrit dans une relative dé sédentarisation des populations, amenant la création d’espaces d’aventures qui utilisent la nature comme support d’activités et particulièrement les espaces maritimes et de montagnes proches des villes71 ». Le sport en général, peut alors être analysé comme relevant d’un processus de territorialisation de l’espace géographique. Comme le souligne Jean Paul Callède, « le sport agit véritablement comme

un opérateur, comme un médiateur socio-culturel, convertissant l’espace en territoire. Encore faut- il qu’une dynamique fédérale, impulsée par des agents convaincus, permettent de réaliser cette (ré)habilitation culturelle de l’espace.72 » Rappelons que ce double processus bénéficie aussi, des différentes ressources issues des politiques publiques évoquées précédemment.

70 « L’observatoire des comités sportifs du mouvement rural », Rural Sport, FNSMR, n°28 hors série, octobre 2006. 71 Augustin J-P., Sport, géographie et aménagement, op.cit., p.103.

72 Callède J-P., « La pelote basque comme trait culturel d’une « Europe du sud » ?, Sud-Ouest Européen, Revue

Géographique des Pyrénnées et du Sud-Ouest, Presses universitaires du Mirail, n°13 « Territoires et pratiques sportives », mars 2002, p.41-49.

35 Cette inégale diffusion et structuration territoriale des pratiques sportives a été largement abordée par les géographes. L’exemple du football, sport fédéré le plus pratiqué, montre bien une inégale répartition des licenciés participant pleinement à la différenciation nationale des sports73. Il paraît logique que, par simple effet de masse, les footballeurs soient plus nombreux dans les zones urbaines. Cette différenciation spatiale a pour conséquence le fait que dans les départements ruraux se pose le problème du maintien des clubs dans les campagnes et des stratégies à adopter comme les fusions, le redéploiement des terrains ou le regroupement des équipes74. A l’inverse, au sein d’espaces plus denses, les difficultés résident plutôt dans l’accueil des nouveaux adhérents et des capacités à répondre à une demande accrue. Bien que plus nombreux dans les villes, les footballeurs représentent une part importante des sportifs dans les zones rurales. Le passage d’une pratique élitiste à une pratique populaire de masse a permis de conquérir l’ensemble du territoire et notamment le monde rural, où la discipline s’est imposée comme une activité de loisir dominante représentant bien souvent l’une des seules activités. A l’échelle de la région de Franche Comté, les logiques de diffusion spatio-temporelles ont été analysées par Frédéric Grosjean. L’auteur explique « lorsque la population n’excède pas 200 habitants, la probabilité qu’un club se crée est très faible.

Leur existence dans les communes de très petite taille relève donc de faits exceptionnels. Au-delà de 200 habitants, la fréquence d’apparition croît régulièrement et rapidement pour atteindre 100 % pour les communes de plus de 5000 habitants75 ». Cette apparition précoce est le résultat d’une diffusion massive au sein de la population, qui se conjugue avec la simplicité des équipements à mettre en œuvre dans un monde rural où la place ne manque pas : un champ, quatre poteaux, un vestiaire et une douzaine de joueurs suffisent à la création d’une équipe. La diffusion de la pratique s’avère maximale dans les bourgs ruraux, premier degré de polarisation du monde rural. En dessous, le football se heurte aux difficultés matérielles à constituer une équipe ; au dessus, avec la concurrence des autres activités, qu’elles soient sportives ou non. Cette approche régionale peut se coupler d’une explication socio-historique avec notamment l’impact des patronages catholiques ou au contraire l’impact des garants d’une laïcisation de la société. Ainsi, dans ses travaux de thèse, Brice Tonini analyse les dynamiques spatiales des pratiques sportives au sein de la région des Pays de la Loire. Le football, le basket-ball et le rugby, trois disciplines présentes dès le début du XXème siècle sur le territoire national et régional, sont toutes trois implantées dans le paysage sportif local, avec des fortunes diverses. Il conclut dans sa thèse que « sous l’impulsion des patronages

catholiques, particulièrement présents dans l’Ouest, le football et le basket se sont essaimés dans la majorité des communes tandis que le rugby est demeuré cloisonné dans quelques bastions isolés. Malgré les succès sportifs de la plupart de ces clubs, au fil du temps, la quantité l’a emporté sur la

73 Augustin J-P., Bourdeau P., Ravenel L., Géographie des sports en France, op.cit., p.55.

74 Voir à ce propos : Grosjean F., Le football, un élément de structuration de l’espace franc-comtois, Thèse de

géographie, Université de Franche Comté, 2003.

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qualité et, au regard de la distribution sportive nationale, les Pays de la Loire sont devenus une terre de football et de basket.76 »

Nous pouvons donc bien parler de diffusion spatiale du sport sur l’ensemble du territoire, de la ville vers la campagne. L’implantation des équipements sportifs, sous couvert de l’institution sportive qui lui est relative, participe à la diffusion du sport sur l’ensemble du territoire. On comprend donc aisément pourquoi le mode de vie sportif, répandu à partir de cette diffusion, n’est pas implanté de la même manière sur tout le territoire lorsque l’on remarque de forts déficits en matière d’équipements sportifs dans des zones du rural profond notamment. Le champ sportif local constitue donc un espace de concurrences qui ont entre autres pour enjeu le monopole de l’imposition de la définition légitime du sport et son mode d’organisation. Cette concurrence est un facteur important du développement local d’un besoin socialement constitué de pratiques sportives et de tous les équipements et services.