• Aucun résultat trouvé

Serious Game Design

4. APPROCHES POUR CONCEVOIR DU JEU SERIEUX

4.2. Serious Game Design

Contrairement à l’approche du Serious Gaming, le Serious Game Design consiste à créer un Serious Game ex nihilo. C’est-à-dire sans détourner ou modifier a postériori un jeu existant qu’il soit analogique, numérique ou hybride (cf. 1.1.). Le vocable « Serious Game Design » concatène « Serious Game » et « Game Design ». Si nous avons abordé ce que représente le Serious Game précédemment, nous n’avons pour l’instant qu’exposé très succinctement la notion de « Game Design » en abordant sa traduction française « conception de jeu » (cf. 1.1.4.) et en présentant les « éléments de jeux » ou « Atomes » de Brathwaite et Schreiber (cf. 2.5.1.). Il faut donc préciser la chose.

Salen et Zimmerman définissent le « Game Design » comme étant « le processus par lequel un

jeu » (Salen et Zimmerman, 2003, p.80)52

. Comme nous l’explique Djaouti, cette définition ne précise pas la nature exacte de ce « processus ». Cela peut éventuellement s’expliquer par la diversité des pratiques se rapportant à la conception de jeux (Djaouti, 2011, p.42). Les méthodes de conception sont en effet propres à chaque créateur. Ainsi nous pouvons effectivement identifier différents modèles comme par exemple ceux des « Primary Schemas » de Salen et Zimmerman (Salen et Zimmerman, 2003), « MDA » (Hunicke, Leblanc et Zubek, 2004), celui de Cook (Cook, 2007), « Game Layers » de Tajè (Tajè, 2007), « Game Elements » de Järvinen (Järvinen, 2008) et les « Lenses » de Schell (Schell, 2008)… Bien entendu, cette liste n’est pas exhaustive.

Ces différents modèles proposent d’explorer l’aspect artefact du jeu au travers des règles, des objectifs, des mécaniques de jeu, de l’interface, de la thématique et le contexte d’utilisation du jeu. Ils peuvent également explorer les émotions, les sensations, l’engagement, les expériences qu’ils cherchent à faire vivre aux joueurs lorsqu’ils jouent aux jeux mis en présence… Tous ces modèles témoignent d’un nombre important de paramètres liant artefact de jeu et joueur(se). Par exemple, le modèle de Schell recense une centaine d’items, appelés « Lenses » (ibid., p.17). Cependant l’intention principale est de faire comprendre à l’utilisateur comment jouer au jeu proposé et de s’y adonner.

Pour notre exploration en lien avec le Serious Game Design, nous devons donc regarder du côté des auteurs qui visent à étudier comment associer des fonctions utilitaires. De tels jeux peuvent porter différentes appellations comme « Serious Game » (jeu sérieux) que nous étudions, mais également « Persuasive Games » (jeux persuasifs) ou encore « Expressive Games » (jeux expressifs) selon Gabrielle Trépanier-Jobin (Trépanier-Jobin, 2016).

Plusieurs chercheurs ont ainsi proposé des modèles de création de tels jeux à l’instar de ceux recensés par Lamyae Bennis et Said Benhlima : LG Marfisi-Schottman, DODDEL, EMERGO,

KTM Advance et DICE (Bennis et Benhlima, 2015) ou encore ceux rapportés par Mathieu

Vermeulen : MISA, Conceptual Framework for Serious Game (SGCF), les 6 facettes du jeu

sérieux ou encore DICE (Vermeulen, 2018, pp.31-33).

Le modèle DICE de Djaouti, que l’on retrouve à deux reprises dans ces exemples, est intéressant à étudier car il se base sur une structure récurrente qui a été identifiée dans une dizaine de

52

Traduction de Djaouti (Djaouti, 2011, p.42) : « Game design is the process by which a game designer creates a game, to

modèles différents visant à concevoir des Serious Games, à l’instar de Marfisi-Schottman et

KTM Advance (Djaouti, 2011, p.104). Le modèle DICE se structure en quatre grandes étapes :

« - Définir : spécification du contenu sérieux qui devra être transmis à travers le jeu (objectifs

pédagogiques, listes de connaissances à transmettre, message publicitaire…).

- Imaginer : à partir du contenu sérieux, le créateur invente un concept de jeu. Cette étape va

généralement de pair avec l’emploi d’outils théoriques.

- Créer : un prototype est réalisé pour tester la pertinence de ce concept de jeu. Cette étape est

généralement appuyée par l’utilisation d’outils techniques.

- Evaluer : le prototype est évalué auprès d’un public cible. Les critères d’évaluation varient

selon les projets, mais, pour la plupart des Serious Games, la transmission effective du contenu défini lors de la première phase sera généralement mesurée » (Djaouti, 2011, p.103).

Les trois dernières étapes du modèle DICE forment un cycle itératif qui peut être répété jusqu’à ce que l’évaluation du Serious Game soit satisfaisante pour son concepteur. Nous faisons ainsi face à un processus itératif, de type AGILE, où chaque boucle correspond à une itération. (Alvarez et al., 2019). Selon Djaouti, le processus de conception d’un Serious Game se distingue de celui d’un jeu par la présence de l’étape « Définir ». Il distingue de ce fait deux modèles : le premier appelé « ICE », sans l’étape « Définir », dédié à la conception de jeu, et « DICE » dédié à celle du Serious Game (Djaouti, 2011, p.105). L’étape « Définir » est en lien avec le contenu utilitaire. Il s’agit donc de positionner durant cette étape les fonctions utilitaires que nous avons recensées précédemment : diffuser un message, dispenser un entraînement et permettre la collecte de données (cf. 2.2.). Le chercheur précise également : « que la conception

d’un Serious Game est rarement un travail solitaire, et implique donc le recours à des documents permettant aux différents acteurs de communiquer. » Djaouti évoque comme

supports le « devis de conception » ainsi que « des documents similaires au Game Design

Document » que l’on retrouve dans l’industrie vidéoludique (ibid.). Ces écrits convergent avec

ceux de Sébastien Genvo : « Concevoir un jeu comporte donc une dimension fondamentalement

communicationnelle, il implique de comprendre les modalités de transmission d’une « signification partagée » de jeu, ce dernier revêtant des conceptions, significations, connotations et formes différentes selon les personnes, les peuples, les époques » (Genvo, 2014,

p.10).

Le “Serious Game Design” consiste donc à concevoir ex nihilo un artefact de type Serious Game de nature numérique ou non et visant un marché qui s’écarte de celui du seul

divertissement. Nous avons vu que le modèle DICE est un processus itératif en quatre étapes : Définir, Imaginer, Créer et Evaluer. Parmi ces quatre étapes, seule la partie « Définir », visant à associer des fonctions utilitaires, permet de distinguer le processus de conception d’un Serious Game de celui d’un jeu dédié au marché du seul divertissement, ce dernier étant conçu via du Game Design sur la base du modèle ICE (Imaginer, Concevoir et Evaluer) (Djaouti, 2011, p.66).

Poursuivons à présent avec une autre approche, celle de la Gamification.

4.3. Gamification

Pour Deterding, Dixon, Khaled et Nacke « la gamification est l’usage d’éléments de game

design dans des contextes non ludiques » (Deterding et al., 2014). Les auteurs

précisent l’emploi des différents mots dans cette définition : « - L’usage (plutôt que l’extension)

- d’éléments (plutôt que de jeux à part entière)

- de design (plutôt que de technologies fondées sur le jeu ou d’autres pratiques

liées au jeu)

- caractéristiques des games (plutôt que du play ou playfulness)

- dans des contextes non ludiques (quel que soit le but spécifique de leur

utilisation, le contexte, ou le média qui les met en œuvre) » (ibid.).

Et complètent : « Les jeux et les serious games peuvent tous deux être différenciés de la

gamification en ce que les premiers forment des ensembles, alors que la seconde emprunte des éléments à ces ensembles » (ibid.).

Les quatre chercheurs produisent sur cette base une figure selon deux axes : « Totalité – Éléments » d’une part et « Gaming – Playing » d’autre part. Le premier axe permet de considérer si l’artefact constitue un ensemble ou non. Le second définit si nous nous situons du côté du ludus que les auteurs rapprochent du vocable « Gaming » ou bien de la paidia que les auteurs associent au « Playing »53

. Les quatre cadrans définis de la sorte permettent de situer les Serious Games et les jeux (Gaming + Totalité), les jouets (Playing + Totalité), la gamification que l’on peut également désigner par du « Gameful design » (Gaming + Éléments) et enfin du « Playful design » (Playing + Éléments). Selon John Ferrara, le vocable « Playful

53

Au regard des écrits de Frasca et du Tableau 1, nous pourrions également nommer un tel axe « Game » et « Play », surtout que le gérondif « Playing » semble très peu usité et que celui de « Gaming » renvoie plutôt à la pratique du jeu vidéo ou des

design » se rapporte à l’idée de rapprocher expérience utilisateur (UX) et game design (Ferrara, 2012, p.5). Notons que pour établir le Tableau 1 nous avions une interrogation lors de la traduction de « Playful design » par « conception ludique ». Il s’agissait soit d’une « conception amusante » ou bien d’une « conception à visée amusante ». Il manquait donc un nom auquel associer l’adjectif « ludique » ou « amusant » dans ce concept de « Playful design » (cf. 1.1.4.). A la lumière des écrits de Ferrara, nous pouvons à présent favoriser l’idée d’une conception destinée à faire éprouver de l’amusement et modifier cette traduction par : « conception d’expérience ludique ». Le vocable « expérience » provenant de la notion « d’expérience utilisateur ».

Les quatre cadrans ainsi obtenus par Deterding, Dixon, Khaled et Nacke sont illustrés par la Figure 9.

Figure 9 : « La gamification sur les axes playing/gaming et éléments/ensemble » (Deterding et al., 2014)

La Figure 9 semble mettre en regard des éléments de différentes natures, en l’occurrence des artefacts (jeux, Serious Games, jouets) avec des processus (Gameful design et Playful design). C’est ce que nous confirme Sylvain Haudegond : « Ce qui distingue la gamification du Serious

game, c’est que la gamification est un processus » (Haudegond, 2012). Cependant, la Figure 9

pourrait faire penser que prendre des éléments de l’ensemble « Jeu ou Serious Game » qui représentent des artefacts pourrait nous conduire à de la Gamification, soit un processus. Or, la définition de la gamification évoque l’idée d’emprunter au « Game Design » de tels éléments.

Pour comprendre la Figure 9, il convient sans doute de lire « (Serious) Game Design » à la place de « (Serious) Game » ainsi que « Play design » à la place de « Jouet ». Précisons cependant que concevoir un jouet n’a rien à voir avec l’idée de concevoir une activité de jeu. Il y a peut-être là des précisions à apporter de la part des auteurs pour savoir si l’on parle plutôt de « Play design » (design d’activité de jeu) ou bien de « Toy design » (conception de jouet). A moins que cela ne sous-tende une autre notion qui nous échappe à ce stade ? Mis en relation de la sorte, l’ensemble des cadrans présentent désormais des éléments de mêmes natures, à savoir, des processus de conception (design).

Se pose alors une autre question : si nous avons abordé avec Brathwaite et Schreiber ce que peuvent représenter des « éléments de jeu ou de game design », quels sont concrètement les « éléments de game design » convoqués dans le cadre de la gamification ? Sur ce plan, les quatre auteurs distinguent cinq niveaux d’éléments de game design qui sont consignés dans le Tableau 5.

Niveau Description Exemple

Patrons de conception d’interfaces de jeu

Des éléments de design numérique courants et reconnus et des solutions de design adaptées à un problème connu dans un contexte donné, y compris des

solutions prototypiques

Badge, classement, niveau

Patrons de game design et mécanismes

La reprise courante des éléments de design d’un jeu qui concernent le gameplay

Contrainte de temps, ressources limitées, tours de jeu

Principes et heuristique du design

Des principes d’évaluation pour aborder un problème de design ou analyser une solution de design donnée

Jouer régulièrement, objectifs précis, diversité de styles de jeu

Modèles du game design

Modèles conceptuels des composants des jeux ou de l’expérience de jeu

MDA (Mechanics, Dynamics, Aesthetics); challenge, fantasy,

curiosity; game design atoms; CEGE (Core Elements of the Gaming Experience) Méthodes

du game design

Pratiques et procédés spécifiques du game design

Test des jeux, design centré sur le play, game design responsable

Tableau 5 : « Niveaux des éléments de game design » (Deterding et al., 2014)

Ainsi, la Gamification vient puiser différents éléments de jeu que l’on reconnaît dans l’approche exposée par Brathwaite et Schreiber comme les « Mechanics » ou les « Game Views » pour les « Patrons ». Mais nous pouvons aussi recenser d’autres items qui dépassent ce cadre, puisqu’il

mais qui au final semble entrer en conflit avec le concept établi par les quatre auteurs eux-mêmes qui ont précisé : « de design (plutôt que de technologies fondées sur le jeu ou d’autres

pratiques liées au jeu) ». Si le périmètre est bien positionné dans le cadre du design, les trois

dernières lignes du Tableau 5 semblent s’inscrire en cohérence. Mais pourquoi dans ce cas convoquer des « Patrons » qui représente « des technologies fondées sur le jeu » ? On retrouve de nouveau cette dichotomie entre des éléments de jeu et design.

Si nous mettons de côté cette interrogation, quelle est finalement la finalité de la Gamification ? Les auteurs nous l’expliquent : « Sous l’appellation « gamification », cette idée engendre un

intense débat public ainsi que de nombreuses applications allant de la productivité à la finance, en passant par la santé, l’éducation et le développement durable, jusqu’aux médias de l’information et du divertissement » (Deterding et al., 2014).

Les marchés visés embrassent tout un ensemble de marchés qui s’écartent du seul divertissement. C’est précisément l’une des trois caractéristiques que nous avons associées au Serious Game pour le différencier du jeu dédié au seul divertissement (cf. 2.6.3.).

De ce fait, en prenant quelques éléments issus du game design, s’écarte-t-on réellement de ce qui pourrait s’apparenter à la réalisation d’un jeu ou bien d’un Serious Game in fine ?

Les auteurs expliquent : « Récapitulons : alors que les serious games remplissent toutes les

conditions nécessaires et suffisantes pour être des jeux, les applications gamifiées n’empruntent aux jeux que quelques éléments de design. Dans la perspective du designer, ce qui distingue la gamification des jeux « normaux » visant à divertir et des serious games réside dans le fait qu’elle se construit avec l’intention de développer un système qui inclut des éléments des jeux et non un jeu à part entière. Du point de vue de l’utilisateur, de tels systèmes comportant des éléments de design issus des jeux peuvent alors être investis et vécus comme de « vrais jeux », comme des expériences de type gameful ou playful ou autres – cette instabilité ou cette ouverture constituant ce qui les différencie des « vrais jeux » pour les utilisateurs » (ibid.).

Avec de tels propos, la frontière séparant un artefact gamifié du Serious Game semble tenir au niveau de l’appréciation du(de la) concepteur(rice). Cela rejoint notre postulat évoqué précédemment, stipulant qu’il convenait de se référer au(à la) concepteur(rice) d’une application pour savoir si nous étions en présence d’un jeu ou d’un serious game (cf. 2.6.2.). Rien n’empêche donc un(e) concepteur(rice) de décréter qu’il(elle) a conçu un artefact gamifié plutôt qu’un Serious Game. Cependant l’inverse est aussi valable. Rien n’empêche un(e) concepteur(rice) d’utiliser l’approche de la gamification pour décréter au final avoir conçu un Serious Game.

Sébastien Allain, qui a cherché à différencier les deux objets, en vient à la conclusion suivante : « Alors que les deux dispositifs (Gamification et Serious Game) sont régulièrement confondus

par les commanditaires, on aurait pu penser à un abus de langage si davantage d’arguments théoriques les distinguaient » et de rajouter : « L’imbroglio des dispositifs semble total et seul l’argument de la temporalité (temps superposé ou non) peut encore résister » (Allain, 2017).

La difficulté à établir cette frontière est également évoquée par les quatre chercheurs : « Naturellement, la frontière entre un jeu et un artefact avec des éléments de jeu peut souvent

être brouillée – Foursquare54 est-il un jeu ou une application gamifiée ? Pour compliquer les choses, cette frontière est empirique, subjective et socialement construite » (Deterding et al.,

2014). Il est également intéressant de noter qu’Allain ne compare pas la gamification à du jeu, mais à du Serious game. Allain va jusqu’à présenter dans ses écrits des « enchâssements » entre la gamification et le Serious game. (Allain, 2017). De leur côté, les écrits de Deterding, Dixon, Khaled et Nacke ou bien encore de Haudegond, mettent également en comparaison le Serious game avec la gamification. La frontière entre Serious Game et artefact gamifié semble donc extrêmement poreuse.

Face à ce constat, et pour également préciser que la Gamification est un processus et non un artefact au même titre que le Serious Game, nous nous sommes appropriés le concept en tâchant d’établir clairement le lien avec le Serious Game et la notion de conception comme suit : « La gamification ou ludification consiste – à l’inverse du serious game qui associe une visée

utilitaire à du jeu – à associer du jeu ou des mécaniques de jeu à des contextes ou objets qui en sont dépourvus à l’origine » (Alvarez, Djaouti et Rampnoux, 2016, p.41). Le processus de

gamification peut alors se lire à deux niveaux :

- À une échelle macro ou méso, le fait d’introduire un jeu, numérique ou non, utilitaire ou non, dans une situation formelle en lien avec une entreprise, une école, un hôpital…, est en soi un processus de gamification. En effet, cela consiste bien à associer du jeu ou des éléments de jeu dans un contexte qui en est dépourvu. Un exemple de gamification à ce niveau peut être illustré par Classcraft (Sanchez, Young et Jouneau-Sion, 2015). Cette application inspirée de l’univers de World of Warcraft (Blizzard, 2008), a été développée en 2011 par Shawn Young, professeur de sciences physiques à Sherbrooke. Dans Classcraft, les élèves sont regroupés en guildes dans

54

Initialement l’application Foursquare (Foursquare, 2009), pour smartphones et consoles de jeux portables, est un réseau social associant du micro-blogging et de la géolocalisation avec une approche ludique dans la mesure où les utilisateurs reçoivent des badges des autres utilisateurs en fonction des défis menés : https://cursus.edu/articles/3491/le-phenomene-foursquare-melanger-media-social-jeu-et-geolocalisation (consulté le 15 août 2019)

lesquelles ils incarnent des classes de personnages différents aux pouvoirs complémentaires (chevaliers, soigneurs, mages…). L’enseignant, qui joue le rôle de maître du jeu, attribue ou retire des points en fonction des comportements et des résultats scolaires qui ne font pas partie du jeu en tant que tels mais qui y ont été associés (les critères de gain ou perte de points sont définis par l’enseignant). Aider un camarade, participer, poser une question pertinente peut apporter des points à un élève ou à son équipe. Il en perdra et pénalisera les membres de sa guilde si, par exemple, il arrive en retard au cours. La collaboration entre élèves est de la sorte vivement encouragée. Cet exemple suggère que la gamification est susceptible d’accroître la motivation des apprenants en reprenant des logiques familières du jeu de rôle, de renforcer les logiques collaboratives et surtout de valoriser les attitudes positives tout en permettant de réguler les comportements perturbateurs (ibid., pp.41-42). L’exemple de Classcraft, nous amène à une activité mêlant du jeu et des visées utilitaires dans une situation formelle. Cela représente du Serious Play.

- A l’échelle micro, l’approche est la même mais l’ingénierie diffère. Comment associer du jeu ou des éléments de jeu à un objet utilitaire comme une cafetière ? une paire de lunettes ? une voiture ? une ressource pédagogique ?... Une approche inspirée du Tableau 5 pourrait être d’associer un système de badges ou de scores à ces objets ou dispositifs utilitaires. Par exemple, pour certaines voitures, le fait d’adopter une conduite éco-citoyenne, respectueuse de l’environnement permettra de faire pousser des fleurs virtuelles sur le tableau de bord du véhicule. Au contraire, adopter une conduite agressive détruira les fleurs… Pour certains véhicules hybrides, une mise en réseau permet de mettre en concurrence différents conducteurs sur leur capacité à faire le plus de kilomètres possibles avec un même plein de carburant. (Alvarez et al. 2019, pp.266-267). Ce système de classement se retrouve également dans le Tableau 5. Ces différentes transformations d’objets nous amènent en bout de course à obtenir selon les cas du Serious Game, si l’artefact est en mesure de fixer et évaluer des objectifs ou bien des Serious Toys (Jouets sérieux).

Ainsi, que nous soyons à une échelle macro, méso ou micro, de tels processus de gamification nous permettent d’obtenir une concaténation entre aspects utilitaires et aspects ludiques, ce qui peut tout à fait engendrer un Serious Game. Bien entendu, nous gardons à l’esprit que c’est uniquement le concepteur qui peut déclarer avoir conçu un artefact gamifié ou un Serious Game. En revanche, pour les utilisateurs et les commanditaires selon Allain, les artefacts semblent se confondre.

4.4. Dégamification

Le processus de « dégamification » ou « ungamification » en anglais, tel que nous l’avons proposé dans le cadre de nos travaux s’oppose à celui de gamification dans le sens où il s’agit