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Concept « d’ethos ludique »

7. RECHERCHE DE STRATEGIES ASSOCIEES AUX JEUX SERIEUX

7.4. Concept « d’ethos ludique »

Dans la lignée de la rhétorique procédurale, nous identifions le concept « d’ethos ludique » de Genvo. Le chercheur explique que « le concept d’ethos, issu de la rhétorique classique,

désignait les traits de caractère que l’orateur devait montrer à l’auditoire pour donner de l’autorité à ce qu’il disait et garantir son discours. Jean-Jacques Boutaud (2008) précise que si l’ethos renvoie au travail de l’énonciateur pour construire son monde propre et le faire partager, il faut aussi prendre en compte, dans le cadre des technologies de l’information et de la communication, qu’il s’agit de construire un univers où l’utilisateur peut se retrouver et évoluer en connivence. L’ethos serait alors à comprendre comme une notion porteuse d’un

système de valeurs. Dans notre cas, cela incite à analyser les valeurs conférées à l’activité ludique par un logiciel pour être actualisé comme jeu » (Genvo, 2012).

Pour appréhender le concept, Genvo rapproche « l’ethos ludique » de celui « d’affordance » tel que défini par Donald Norman. Ce dernier explique : « le concept d’affordance a été inventé

par le psychologue de la perception (James) Gibson pour désigner les propriétés actionnables entre le monde et un individu (personne ou animal). Pour Gibson, les affordances sont des relations. Elles existent naturellement et n’ont par conséquent pas à être visibles, connues, ou souhaitées » (Norman, 1999). Un exemple donné par Norman pour saisir la notion d’affordance

est celui de la poignée de porte. Celle-ci doit permettre, à tout utilisateur potentiel, par son aspect, sa forme, sa matière, de lui indiquer implicitement comment l’utiliser : une poignée droite et horizontale signifiera qu’il faut l’abaisser ou la relever, une poignée ronde qu’il faut la tourner, une poignée verticale en forme d’anse qu’il faut tirer dessus, une plaque remplaçant la poignée qu’il faut pousser dessus… (Norman, 1988). Cette approche qui consiste à donner à l’objet une forme qui convoque chez l’utilisateur un comportement spécifique, résume la notion d’affordance. Ainsi, de la même manière que l’on amène un(e) utilisateur(rice) à appréhender la façon de faire fonctionner une poignée de porte avec le concept d’ethos ludique, l’idée est de faire comprendre que l’artefact mis en présence est un jeu invitant d’une part « à faire

comme-si » et suggérant une certaine manière de jouer. Par exemple, en proposant des modes de

commande qui s’apparentent à un volant, l’idée est de faire comprendre que l’on devra conduire un véhicule dans le cadre du jeu.

Cependant, les représentations d’un jeu au cours de l’histoire ou du contexte peuvent évoluer. Cela induit un système de « conventions plus ou moins partagées par un groupe d’individus,

qui vont déterminer comment les règles d’un jeu sont appliquées dans des circonstances concrètes » (Genvo, 2014, p.132). Cette « convention » renvoie pour Genvo à la notion

« d’ethos ludique objectif » qui « modifie ou complète la structure de jeu avec certaines règles

spécifiques et un ensemble de valeurs, de connotations communes qui constituent une manière de voir le jeu » (ibid., p.131). En parallèle, Genvo recense la notion « d’ethos ludique subjectif »

et explique que « le caractère ludique d’une structure de jeu – et par extension les valeurs

attribuées à ce qui est ludique -, ne dépend pas uniquement de la jouabilité du système mais repose aussi sur la fiction développée dans ce système […] le co-fonctionnement entre la jouabilité du système de règles et son univers de fiction concourt à forger l’ethos ludique subjectif d’une structure de jeu donnée » (ibid., p.122). Une autre manière d’appréhender la

correspond à « une manière de dire le jeu » alors que le second serait « une manière de voir le

jeu » (ibid., p.131).

Maintenant que nous avons abordé ce concept d’ethos ludique, rappelons que Genvo l’a développé pour le jeu vidéo. Pouvons-nous l’étendre également aux jeux et éventuellement aux jouets analogiques ? Nous pensons que le système ESAR, que nous avons abordé précédemment (cf. 2.5.4.) est une piste à étudier car s’il classifie majoritairement des jeux et jouets analogiques, ce système a été appliqué à du jeu vidéo également.

7.5. « Ethos ludique » et système ESAR

En 2010, Rolande Filon qui dirige actuellement le projet ESAR, s’est prêtée au jeu de classifier avec ses six facettes le titre vidéoludique LEGO Batman (LEGO WarnerBros Interactive, 2008) sur notre base de données Gameclassification (cf. 2.4.3.). Après quelques itérations, la classification du jeu LEGO Batman se présente comme exposé dans le Tableau 7 (Alvarez, Libessart et Haudegond, 2014).

Facettes Critères

A - Types de Jeu

A-403 Jeu de circuit A-404 Jeu d'adresse A-412 Jeu de règles virtuel

B - Habiletés Cognitives B-308 Différenciation spatiale B-309 Association d'idées B-310 Raisonnement intuitif C - Habiletés Fonctionnelles C-302 Discrimination visuelle C-311 Coordination œil-main C-315 Orientation spatiale D - Activités Sociales D-103 Jeu individuel et compétitif D-104 Jeu individuel et coopératif

E - Habiletés Langagières E-305 Décodage de phrases E-306 Décodage de messages F - Conduites Affectives F-402 Reconnaissance sociale

Tableau 7 : Classification du jeu LEGO Batman avec le système ESAR

La manière dont Rolande Filon classifie ce jeu vidéo se destinant au seul divertissement nous a semblé plutôt subjective. En effet, aucun système de correction ou de vérification par les pairs n’est proposé dans son approche classificatoire. De ce fait, seul son avis fait foi.

Pour démontrer l’approche subjective qu’implique l’emploi du système ESAR, nous pouvons nous baser sur un sondage que nous avons mené en novembre 2018 et février 2019 auprès d’une cinquantaine d’enseignant(e)s et d’étudiant(e)s sur les sites des ESPE de Lille et d’Arras lorsque nous avons organisé les journées d’études « Jeux numériques sans écran (ou presque) » avec Anne Midenet, Romain Deledicq, Nathalie Meirland, et moi-même (Midenet et al., 2019). Pour ces deux sites, nous avons proposé le même atelier basé sur une démonstration de robot pédagogie ainsi que sur l’emploi du même robot plancher, à savoir le jouet Blue Bot (TTS, 2016) dont l’utilisation s’inscrit dans le même scénario de jeu sérieux79. A l’issue de l’atelier, les participant(e)s sont convié(e)s à coller une gommette sur une feuille A3 représentant un radar qui, comme l’illustre la Figure 15, s’inspire du système ESAR. Il s’agit donc de positionner la gommette sur l’habileté qui semble la plus à même d’être travaillée auprès des apprenants avec le jeu sérieux présenté. Le radar propose les items suivants : « Conduites affectives », « Habiletés sociales », « Habiletés langagières », « Habiletés cognitives » et « Habiletés fonctionnelles » qui correspondent aux différentes facettes du système ESAR (cf. 2.5.4.). Nous avons également ajouté les possibilités suivantes : « Autres habiletés », « Concerne tout ! » et « Rien de mobilisable en classe ».

A l’issue des deux journées organisées, nous avons récupéré les radars. La Figure 16 montre les résultats obtenus sur les deux sites. Nous pouvons constater que les radars présentent pour les deux sites des résultats différents. En outre au sein du site de Lille (cf. Figure 16, radar de gauche), les gommettes ne convergent pas sur une habileté en particulier. Ainsi, chaque personne recensée perçoit les utilisations possibles du jeu sérieux bâti autour de Blue Bot de manière personnelle, donc subjective. Cela s’explique notamment par le fait que les personnes mises en présence dispensent des enseignements dans des disciplines différentes : mathématiques, langues, histoire-géographie, arts plastiques… A cela se rajoute le fait que ce qui fait sens est propre à chacun d’entre nous comme abordé précédemment (cf. 1.3.) avec les écrits de Leleu-Merviel : « le sens ne peut être conçu que contextuellement et culturellement.

Ces acquis antérieurs, appris, mémorisés et engrangés en mémoire, vont contribuer à moduler un point de vue strictement individuel et chaque fois différent. Par conséquent […] un même réel peut supporter des regards différents » (Leleu-Merviel, 2017, p.209). Chaque personne

présente a donc vécu l’expérience de l’atelier à façon. La manière dont chacun pense pouvoir mobiliser un même jeu sérieux diffère donc selon les personnes mises en présence.

79

Figure 15 : Radar proposé pour évaluer l’atelier Blue Bot lors des journées

« Jeux numériques sans écran (ou presque) » (ESPE Lille, Novembre 2018 et ESPE Arras, Février 2019)

Par conséquent, il en est certainement de même pour Filon qui en faisant usage du système ESAR pour classifier LEGO Batman va nécessairement en donner une approche subjective. Le Tableau 7 représente son point de vue en fonction de ce qui lui a fait sens lorsqu’elle a joué avec LEGO Batman. Les éléments du Tableau 7 ne peuvent donc être considérés comme étant objectifs. En outre, les résultats que nous avons obtenus sur le site ESPE d’Arras (cf. Figure 16, radar de droite), à savoir qu’une majorité de personnes ont positionné leur gommette au niveau de « Concerne tout ! », fait penser qu’il est fort probable que c’est une tendance que nous pourrions vérifier avec l’ensemble de tous les jeux et jouets mobilisés dans le cadre d’une activité de jeu sérieux. En effet, par notre caractère unique et la somme de nos expériences, il est fort probable que l’ensemble des activités de jeux sérieux imaginées puissent in fine recouvrir l’ensemble des facettes du système ESAR.

Pour illustrer l’idée, prenons un simple yoyo. Vous pouvez en premier lieu travailler l’aspect sensori-moteur en utilisant le jouet de manière conventionnelle mais aussi proposer des variantes : jouer en fermant les yeux ou jouer en prenant une position acrobatique ou faire un maximum de figures avec le fil dans un temps donné…

Figure 16 : Retours collectés pour l’atelier Blue Bot sur les sites ESPE de Lille (28/11/18) et d’Arras (27/02/19)

Tous ces aspects sont en lien avec l’habileté fonctionnelle. Si vous donnez les instructions en langues étrangères ou demandez aux personnes de raconter une histoire avec le yoyo, vous convoquez les habiletés langagières. Vous pouvez ensuite proposer de déployer le fil du yoyo et de vous en servir pour dessiner des figures (triangle, carré, chiffres…) en fonction d’énigmes posées, ce qui convoque des habiletés cognitives. En demandant à différentes personnes de se relayer pour jouer au yoyo ou en leur proposant de collaborer de sorte que plusieurs yoyos puissent servir à construire une œuvre collective, vous faites travailler des habiletés sociales. Vous pouvez aussi demander à ce que des yoyos de différentes couleurs représentent des membres d’une famille et inviter à ce que l’on prenne soin des yoyos durant une période donnée. Vous pouvez de la sorte convoquer des conduites affectives.

Nous percevons à travers l’exemple du yoyo qu’avec un même artefact, toutes les facettes du système ESAR peuvent être convoquées. Cela confirme les écrits de Genvo lorsqu’il explique que le Play intègre le Game à la manière de poupées russes (Genvo, 2014, p.204). En effet, par le fait de jouer (Play), il est ainsi possible de faire des utilisations multiples et d’opérer des catachrèses (cf. 4.1.1.) avec un même artefact de type jeu (Game) ou jouet (Toy). Tout cela

vient de ce fait questionner le principe même de vouloir classifier des artefacts de jeux et jouets au regard d’habiletés spécifiques qu’ils pourraient faire travailler chez leurs utilisateurs. Cela semble en effet une affaire vaine si, au final, toutes les habiletés peuvent être travaillées quels que soient les jeux et jouets mis en présence.

Cependant, c’est là que la notion d’ethos ludique peut nous expliquer la chose. D’un côté l’ethos ludique subjectif sous-tend l’idée que les jeux et les jouets présentent une affordance. Ainsi, le yoyo par la forme qui lui est donnée, un rond de bois autour duquel est enroulé une ficelle, donne une propension à dérouler ce fil. Il s’agit là de l’ethos ludique subjectif. En parallèle, tous les exemples que nous avons cités précédemment sur les usages possibles du yoyo peuvent être associés à la notion d’ethos ludique objectif. Il s’agit en effet dans un cadre donné de rechercher d’autres instrumentalisations de l’artefact et qui doivent auprès d’un groupe organisé faire l’objet d’une utilisation commune, par exemple, en situation formelle pour viser un objectif utilitaire. Par conséquent, lorsque Filon classifie le jeu LEGO Batman (cf. Tableau 7), elle suggère finalement un ethos ludique objectif.

Entendu de la sorte, puisque le système ESAR en a fait de même avec les jeux et jouets analogiques, nous pouvons donc en déduire que la notion d’ethos ludique peut être étendue à tous types de jeux et jouets qu’ils soient numériques, analogiques ou hybrides.

Maintenant que nous avons appréhendé ce concept d’ethos ludique, quelles stratégies pouvons-nous associer au concept d’ethos ludique ?

7.6. « Ethos ludique » et stratégies

La notion d’ethos ludique objectif nous semble être déterminante dans le cadre d’une approche comme le Serious diverting que nous avons abordé précédemment (cf. 4.1.1.). En effet, avec l’exemple du yoyo, nous percevons bien cette idée de détourner un artefact de jeu ou jouet existant. Ainsi, lorsque nous proposons une activité de jeu sérieux basée sur un jeu existant, l’approche consiste précisément à fixer de nouvelles règles pour mener les utilisateur(rice)s vers des objectifs utilitaires. Jouer sur l’ethos ludique objectif offre donc une nouvelle façon de « voir le jeu » dans un contexte qui s’inscrit dans une situation formelle. Ce constat nous permet de la sorte d’aborder le Serious diverting comme pouvant correspondre à une stratégie interprétative visant à faire « adopter au joueur le bon frame interprétatif » comme l’expose Genvo. La question sous-jacente est cependant de se demander dans quelle mesure l’aspect subjectif de l’ethos ludique ne vient pas interférer sur l’adoption par le(a) joueur(se) du « frame » interprétatif à adopter. Si de prime abord une telle mise en tension peut sembler

correspondre à un obstacle pouvant fragiliser une telle stratégie, il est intéressant de noter que certains titres vidéoludiques existants recensent au sein de l’ethos ludique subjectif des contradictions entre leurs Mechanics et l’univers fictionnel proposé en guise de thème. Genvo nous explique que : « c’est par exemple le cas du jeu de rôle post-apocalyptique Fallout 2

(Interplay, 1998), où l’accomplissement du personnage passe par un système d’accumulation de ressources (points d’expérience, argent, etc.) mais dont le message développé par l’univers fictionnel dresse une critique acerbe du capitalisme, du libéralisme économique et de la société américaine, désignée comme principale responsable d’un désastre pour l’humanité » (ibid.,

122).

Sur le plan pédagogique, le « conflit cognitif » représente précisément une approche consistant à composer avec de telles contradictions pour susciter de la motivation chez les apprenants comme nous l’expose Benoît Raucent : « essayer de trouver quel est l’obstacle, chez chaque

personne ou groupe de personnes, ainsi que la mise en situation adéquate. C’est du théâtre ! Et le tout doit générer un conflit cognitif. C’est ce qui crée la motivation. C’est ce qui crée le sens » (Raucent dans Alvarez, 2007, p.157). Dans cette citation, la notion de « théâtre » peut

être rapprochée de « l’univers fictionnel » évoquée par Genvo. Quant à « l’obstacle », cela peut renvoyer aux Mechanics d’un jeu au sens d’un challenge à relever. Précisons ce que représente concrètement la notion de conflit cognitif selon Raucent : « Le conflit cognitif c’est de dire :

« Pourquoi est-ce que je pense que c’est juste alors que c’est faux ? ». Par exemple […] « Pour un enfant de 5 ans qui pèse tant de kilos et qui saisit une poignée de porte, après qu’une personne chargée d’électricité statique l’ait touché, risque-t-il l’électrocution ? » On se dit, que pour soi, ce n’est pas grave. Mais, pour un bébé qu’en est-il ? Ça crée un conflit cognitif. Bien entendu, l’électricité statique n’a pas de puissance. Ce n’est donc pas dangereux. Mais pour pouvoir répondre à la question, les étudiants vont devoir étudier la matière en allant lire différents livres, etc… Et ils vont échanger là-dessus. Parce qu’ils sont interpelés : « Pour moi, je sais que ce n’est pas dangereux de toucher une porte. Mais pour un bébé ? Si on me pose la question, c’est peut-être parce que c’est vrai dans certains cas ? » […] Donc c’est ça. Il faut trouver le truc, qui va donner l’envie d’en savoir plus » (ibid., p.158). Nous notons à travers

cet exemple qu’en se rapportant à la notion de motivation selon Malone, c’est le levier de la curiosité qui est ici convoqué.

Aux côtés du « Serious Game » et des « Persuasive Games » (jeux persuasifs), nous avons entrevu que Trépanier-Jobin recense également des « Expressive Games » (jeux expressifs) (cf. 4.2.). Poursuivons donc notre recensement de stratégies avec les jeux qualifiés

7.7. « Jeux expressifs »

Selon Esteban Giner, c’est Sébastien Genvo qui aurait proposé le concept de « jeux expressifs ». Giner explique le concept qui : « permet de regrouper les jeux vidéo dont l’objectif est la

transmission d’émotions sans imposer un discours ou une vision. Ainsi, contrairement aux Persuasive Games de Ian Bogost, les Expressive Games sont seulement là pour vous partager des émotions sans chercher à convaincre ou persuader le joueur. Ils ne vous disent pas s’il y a une bonne façon de penser ou tout simplement s’il y a une bonne façon de vivre une expérience. Ils sont là et c’est après au joueur uniquement de s’installer confortablement dans une posture réflexive » (Giner, 2016). Pour expliquer l’approche, Giner s’appuie, par exemple, sur le jeu

indépendant Lieve Oma80

réalisé par Florian Veltman et qui « vous met dans la peau d’un jeune

enfant qui part à la cueillette aux champignons avec sa grand-mère ». Ce titre « permet de ressentir ce qu’a vécu Florian Veltman à un moment particulier de sa vie : le divorce de ses parents et la période de transition qui a suivi » (ibid.). Ainsi pour Genvo, un jeu expressif

permettrait d’exprimer « une problématique sociale, psychologique, etc. » et en parallèle offrirait « au joueur de s’exprimer sur celle-ci » (Genvo, 2012).

Explorons l’analyse du jeu Lieve Oma par Giner pour comprendre comment se traduit concrètement l’expression au travers de son gameplay : « Tout d’abord, il est particulièrement

intéressant de noter comment le gameplay du jeu est focalisé sur la Grand Mère et non sur l’avatar du joueur. Ainsi, plutôt que de centrer le cadre de l’action sur notre personnage, le jeu centre notre attention sur la grand-mère et c’est véritablement en s’éloignant que le jeu recadrera la caméra sur le personnage du joueur. Cependant, ce recadrage n’intervient qu’au tout dernier moment, lorsque l’on est le plus éloigné. Ici, implicitement, l’objectif est de nous faire comprendre que nous en tant que joueur, nous devons concentrer notre attention sur cette “Oma” » (Giner, 2016). De ce fait, l’approche mobilisée semble être celle du « Game Views » (vues du jeu proposées au joueur) si l’on se réfère aux éléments de Brathwaite et

Schreiber.

Puis, Giner précise : « Un autre mécanisme s’ajoute à cela pour venir renforcer ce sentiment.

Le jeu nous permet de courir. Cependant dès que nous sommes trop loin de notre grand-mère, nous ne pouvons plus que marcher. Ici, le jeu nous oblige à évoluer en fonction d’un certain périmètre dont le centre est “Oma” » et d’ajouter : « un dernier mécanisme s’ajoute pour nous faire comprendre que nous sommes un enfant. Lorsque nous marchons tranquillement aux cotés

80

d’Oma, nous nous apercevons que celle-ci marche plus vite que nous. Nous devons donc nous remettre à courir par à-coup pour rester au même niveau. […] Ici, ce mécanisme est utilisé pour symboliser notre jeune âge : nous incarnons un enfant et le jeu nous rappelle ce que c’est d’en être un marchant à coté d’un adulte grâce à cela » (ibid.). Ici, nous retrouvons l’élément « Avatar » au regard de l’enfant que l’on incarne mais également les Mechanics qui vont

contraindre le joueur. Cela n’est pas sans rappeler la notion de dispositif selon Agamben (cf. 1.4.) où l’on cherche précisément à contraindre. La contrainte étant double. D’abord le fait d’incarner un avatar imposé, celui de l’enfant, puis dans la manière de pouvoir se déplacer avec. Par cette approche, le jeu permet, comme dirait Bogost, l’expression d’un ressenti ou la