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Jeux et jeux sérieux, des circuits de récompense différenciés

6. JEU, PLAISIR ET MOTIVATION

6.8. Jeux et jeux sérieux, des circuits de récompense différenciés

Nous avions évoqué le fait de répondre à trois sous-questions associées à cette question sur l’emploi du jeu en situation formelle : s’agit-il de susciter auprès des utilisateurs du plaisir ? de la motivation ? ou les deux à la fois ?

En passant en revue les notions de « Plaisir » et de « Motivation » nous savons à présent qu’elles sont liées. Si pour Winnicott « Jouer c’est faire », la mise en action réclame cependant une motivation suffisante pour s’engager dans l’activité de jeu. Nous appréhendons donc le fait que la motivation concerne aussi bien le fait de s’inscrire dans du jeu dédié au seul divertissement que du jeu sérieux. Dans les deux cas, la signature du circuit de la récompense sera activée dès que des apprentissages seront recensés. Pour autant, nous pouvons définir une distinction dans les autres items qui activent le circuit de la récompense selon l’approche exposée par Reeve :

- « bien être » que nous pouvons associer plutôt aux jeux de divertissement d’une part, - « production d’efforts orientée vers un but » que nous pouvons associer plutôt aux jeux sérieux d’autre part.

Les écrits de Stolovitch et Thiagarajan corroborent cette approche : « Les jeux sont

généralement joués pour le plaisir. Les jeux pédagogiques, contrairement aux jeux récréatifs, sous-tendent un but d'apprentissage » (Stolovitch et Thiagarajan, 1980, p.12)74

. Les deux auteurs comparent ainsi les objectifs d’un jeu récréatif (Bingo) et d’un jeu pédagogique (Tool

Box). Les deux jeux sont similaires. Il s’agit dans le cas du Bingo de jouer avec des nombres

alors dans le cas du jeu Tool Box, les nombres sont remplacés par des outils de bricolage. Pour autant pour les deux auteurs ces deux jeux se distinguent au niveau de leurs objectifs par le fait que le premier à une visée « récréative » alors que le second se destine à permettre aux joueur(se)s d’apprendre à associer des noms d’outils à leurs représentations graphiques (cf. Figure 14, « 6. objective »).

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Figure 14 : Comparatif entre un jeu récréatif et éducatif selon Stolovitch et Thiagarajan

Notons que la « production d’efforts orientée vers un but » peut englober l’idée d’un apprentissage en lien avec des connaissances ou des savoirs, mais pas uniquement. Si nous reprenons les trois fonctions utilitaires que nous avons recensé dans le cadre du jeu sérieux nous identifions « permettre la collecte de données » (cf. 2.2.). Cette fonction n’est pas exclusivement en lien avec un apprentissage et peut également faire appel au stock de connaissances ou de savoirs de l’utilisateur(rice). C’est ce que l’on retrouve dans le cadre de jeux de type quiz où l’on mobilise ainsi les connaissances des joueur(se)s mis en présence. On se situe dans ce cas plutôt sur le plan de l’évaluation ou de la productivité75

.

Concernant le « bien être » pourquoi ne pas le positionner au niveau du jeu sérieux ? Si nous reprenons le modèle de Blanchard (cf. Figure 7) lorsque nous convoquons du jeu dans le cadre

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Bien entendu, rien n’interdit de recenser ou d’associer des apprentissages avec cette fonction liée à la collecte de données, comme lorsque l’on se positionne en situation d’évaluation formative par exemple. Le fait de participer à un quiz permet également de renforcer ses propres connaissances ou d’apprendre des réponses lors des corrections. Nous retrouvons ici les apprentissages « tacites », « fortuits » ou « autodirigés » de Daniel Schugurensky (Schugurensky, 2007) en lien avec des situations informelles.

du travail ou en situation formelle, la finalité visée n’est pas le « bien être », mais une visée utilitaire comme la productivité par exemple. En outre, si la finalité de convoquer du jeu en situation formelle était le « bien être », quelle distinction pourrions-nous établir entre travail et loisir ? Maintenant, nous recensons dans le monde du travail des « coachs du bonheur » qui convoquent la notion de « bien être ». Cependant comme le précisent certains programmes ou blogs, la démarche est en lien « avec un projet ou un objectif »76

voire la productivité en entreprise77. Ainsi, dans le monde du travail, le « bien être » constitue un moyen et non une finalité. Ce parallèle permet de la sorte d’établir que pour du jeu sérieux, le « bien être » constitue le cas échéant un moyen mais que la visée principale reste utilitaire. Cela s’applique également dans le cadre de la santé. Un(e) patient(e) qui emploie du Serious Game pourra viser du « bien être », mais in fine, c’est pour qu’il ou elle puisse recouvrer la santé ou maintenir son capital et de ce fait pouvoir garder sa place au sein de la société, qu’elle soit de nature active ou non.

Cela nous permet donc de confirmer des desseins différents pour le jeu qui se destine au secteur du divertissement (cadre du loisir / situation informelle) et pour le jeu sérieux qui vise des marchés qui s’écartent de celui du seul divertissement (cadre du travail / situation formelle) :

Le jeu est conçu pour être source de plaisir de type « bien être » en s’inscrivant dans le seul divertissement, alors que le jeu sérieux est conçu pour mobiliser la motivation et s’inscrit dans l’utilitaire avec le plaisir de type « production d’efforts orientée vers un but ». Mais dans tous les cas, nous savons à présent que le plaisir en lien avec l’apprentissage est de mise.

De ce fait, pour répondre à la question de Brougère et aux propos de Kellner, nous percevons à ce stade que la mise en tension évoquée pouvant faire disparaître soit l’objectif ou bien le fun voire le jeu constitue finalement dans l’idée de passer du plaisir de jouer au plaisir d’atteindre l’objectif. Il n’y a donc pas réellement superposition ou mise en tension dans la mesure où il s’agit de passer d’un état à un autre. Selon nous, cela n’exclut pas pour autant l’idée d’allers et retours entre ces deux états durant l’activité.

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file:///Users/jalvarez/Desktop/1189programmeformationPDB.pdf (consulté le 27 août 2019)

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https://www.coachdubonheur.com/contactez-le-coach/tags-coaching-du-bonheur/productivit%C3%A9.html (consulté le 27 août 2019)

A présent, si nous identifions des circuits de récompense différenciés pour les jeux s’utilisant dans le cadre du loisir et ceux s’utilisant en situation informelle, qu’en est-il des leviers motivationnels ? Retrouvons-nous les mêmes approches ?