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La Deuxième Révolution Agricole et la consolidation d’un SRICA territorialisé et basé sur des agronomes de terrain au Centre de la province de Santa Fe

1.2. La diffusion territorialisée des technologies agricoles

1.2.3. Les semences améliorées

L'amélioration génétique des plantes cultivées tend à trois objectifs de base : l'augmentation des rendements, la résistance aux maladies et insectes nuisibles et l'amélioration de la qualité des produits.

Dans notre pays, les activités d'amélioration génétique végétale débutent au cours de la décennie 1920, sous la responsabilité de l'État. Mais, selon les auteurs analysés, l’importance de l'impact de ce facteur sur la productivité commence à être considérée vers 1960. Cet effort sur les semences redoublera au cours des décennies suivantes (Gutierrez, 1988 ; p : 177), quand l'étape de la mécanisation battra son plein (Obschatko et Piñeiro ; 1986 ; p : 23).

Les principales cultures réalisées dans notre région, du point de vue de la semence, sont des semences hybrides et des variétés. Les hybrides (maïs, sorgho et tournesol) sont les produits du croisement de lignes pures (deux, trois ou quatre lignes) de plantes allogames (fécondation ouverte). Dans ce cas seul le résultat du premier croisement (F1) possède un haut potentiel de rendement. Cette situation oblige les agriculteurs à acquérir ce type de semence tous les ans auprès de la firme créatrice.

Les variétés sont des plantes autogames (de fécondation fermée), autrement dit leur reproduction à la ferme ne porte pas atteinte à la qualité intrinsèque de la semence. C'est le cas du blé et du soja. Dans la production de semences de variétés il y a trois acteurs clefs: l’obtenteur (qui produit la semence de qualité et la vend sur le marché sous la dénomination « de semence originale »), le multiplicateur (qui multiplie la semence pourvue par l’obtenteur en assurant sa qualité et son identification, et qu’il commercialise en tant que « semence de première multiplication » ou « variété identifiée ») et l’agriculteur, qui peut aussi la multiplier dans sa ferme pour une utilisation

propre. Dans la multiplication de semences prennent part généralement des coopératives d’agriculteurs et de petites entreprises locales liées par des contrats avec les obtenteurs.

Pour revenir au cas des semences hybrides, l'adoption du maïs commence au cours de la décennie 1950 et se produit de manière très lente. Celle du sorgho grain a été plus rapide (au cours des années 1960) et ainsi que celle du tournesol (au cours des années 1970) puisque ces espèces ont profité de la capacité installée de production de semences et du fait que les agriculteurs connaissaient les avantages intrinsèques des semences hybrides. Mais cette plus grande rapidité de diffusion est aussi due, comme le mentionnent Obschatko et Piñeiro (1986 ; p : 26), au fait que « les

génotypes importés se sont plus facilement adaptés aux conditions locales, en diminuant le temps du processus de recherche et d’expérimentation ».

La participation du secteur public dans le développement d'hybrides (sous la responsabilité de l'INTA) a diminué au bénéfice du secteur privé. Cela coïncide dans le temps avec la période de transnationalisation du capital mentionné précédemment. Ainsi, la production de semences en Argentine est passée de plus en plus sous influence étrangère.

Le développement d'hybrides de maïs commence vers 1920 dans le secteur public. Les premiers registres débutent en 1945. La participation du secteur privé débute vers la fin de la décennie 1940, avec Cargill comme première filiale étrangère à s’installer en Argentine (dans la localité de Pergamino – province de Buenos Aires) tandis que s’organisent d’autres entreprises de capital national. Les deux secteurs, public et privé, partagent ce segment au cours des années 1950 et 1960, pendant que sont mises en place des politiques de promotion et de protection de l'activité privée.

Au cours de la décennie 1960, les principales entreprises nationales sont rachetées par

Dekald (qui place son principal centre de recherches à Pergamino - Carte nº 2, Introduction de cette thèse), Northrup King (avec son épicentre à Venado Tuerto –province de Santa Fe-) et Continental (avec des stations à Venado Tuerto et Murphy – province de Santa Fe également à Balcarce – province de Buenos Aires). Vers 1970 l'action du secteur public diminue et, en parallèle, le secteur privé de capital étranger se fortifie. Une décennie plus tard, l'industrie de semences hybrides réussi à approvisionner de manière satisfaisante les besoins nationaux et est hautement concentrée dans quatre entreprises multinationales (qui représentent à elles seules 80% du marché), tandis que le reste de la fourniture est couvert par des entreprises nationales.

L'État a favorisé l'activité privée à travers trois mécanismes : en déclarant d'utilité publique et de libre utilisation par les obtenteurs privés les matériaux obtenus par les organismes publics; en établissant, en 1959, le « pedigree fermé » pour les hybrides privés, à savoir, en permettant à l’obtenteur de ne pas déclarer ni de faire connaître la composition des hybrides qu’ils produit ; et en accordant aux obtenteurs d’importants avantages fiscaux73.

73 Entre 1962 et 1973, les obtenteurs de semences ont été exemptés du paiement de l'Impôt aux sur les bénéfices pour la vente de semences « originales ». Jusqu'en 1980, ils ont aussi été exemptés de l'impôt sur les ventes (actuellement Taxe sur la Valeur Ajoutée - TVA).

A partir de 1976, avec le changement de direction politique de l'État, les programmes d’amélioration génétique conduits par le secteur public sont arrêtés et beaucoup de spécialistes et d'ouvriers qualifiés passent au secteur privé.

Il est intéressant de remarquer que, bien que les obtenteurs d'hybrides aient des stations expérimentales installées dans divers points du pays, leurs centres de recherche et de technologie sont situés au cœur de la Pampa humide. La ville de Pergamino (province de Buenos Aires) devenant même « la Capitale Nationale de la Semence ». C’est que la majorité de la production de semences hybrides est adaptée aux conditions géographiques de cet espace, et que les régions marginales (comme par exemple notre région d'étude) ne disposent pas d’un grand éventail d'options au moment de choisir un type de semence.

La participation du secteur privé n'est pas aussi importante dans le cas des plantes autogames. Pour ce qui est du blé, une fois qu'a été disponible au niveau international le matériel génétique appelé « exotique, mexicain ou blés nains », les tâches d’amélioration génétique ont été conduites par l'INTA, à partir de 1960, en collaboration avec le CIMMYT74. Une décennie plus tard, l’INTA enregistre la première variété tout en s’occupant aussi de la reproduction de celle-ci, à travers une coopérative d’agriculteurs associés. Au début des années 1980, les variétés INTA couvraient 60% du marché.

Le secteur privé est composé de filiales étrangères d’entreprises multinationales et d’entreprises de capital national. Les premières entrent sur le marché en 1972, arrivant à couvrir 10% de la production, mais elles se retirent progressivement dans les années 1980. Les entreprises nationales étaient représentées principalement par deux firmes, toutes deux de structure familiale :

Buck75 et Klein, et situées toutes deux au cœur de la zone de production du blé de la province de Buenos Aires (localités La Dulce et Alberdi).

Dans le cas du soja, « l'innovation n'est pas une semence améliorée, mais une culture

améliorée » (Obschatko, 1986 ; p : 29). En effet, l'expansion de la culture de soja est le résultat du développement d'un paquet technologique76 qui inclut : de nouvelles variétés (et groupes de maturité), des innoculants, des herbicides, des pratiques de conduite, l’utilisation d’un matériel agricole spécifique, etc. En 1960, le secteur public débute la recherche, en particulier dans le domaine de la sélection de matériaux disponibles des Etats-Unis. Une décennie plus tard est créé la

74 Le Centre International d'Amélioration de Maïs et du Blé (CIMMYT), est un organisme international, sans but lucratif, qui se consacre à la recherche scientifique et à la formation en rapport avec les cultures de maïs et du blé. Ses origines remontent à un programme pilote, situé au Mexique en 1943, parrainé par le Gouvernement du Mexique et de la Fondation Rockefeller.

75 Au début des années 1980, cette entreprise disposait plus de 30% du marché national.

76 Pour produire un « paquet technologique » la recherche doit travailler sur la base d'un ensemble des pratiques articulées entre elles, et qui sont indivisiblement utilisées dans une culture, selon des cadres établis. Cette combinaison dans l'utilisation de technologies ne peut pas être changée sans invalider le résultat final. D'une part, la mise au point du paquet technologique exige une longue période de maturation et des ressources spécifiques. D’autre part, le paquet constitue une connaissance intangible, un savoir-faire, qui après sa diffusion est retourné domaine public. Par conséquent, comme il ne peut pas être breveté ni être monopolisé par un propriétaire particulier, l'intervention de l'État s'avère nécessaire. L'État socialise ses coûts et risques de production, en privatisant postérieurement au bénéfice des industries des intrants les profits de son utilisation en agriculture. (Conde Aguiar, cité par Alemany, 2003 ; p : 11).

« Commission Permanente pour la Promotion de la Culture de Soja » (nous traduisons), à laquelle participent des organismes du secteur public77 et des représentants de firmes de commercialisation et l'industrie privée. Cette Commission obtient une diffusion rapide du soja, tandis que parallèlement

« elle fait pression pour la mise en place de mesures publiques et privées » requises pour le développement de la culture : publications, réunions de diffusion, gestions des crédits promotionnels, contrôle des intrants et des semences, fixation de prix de base, diminution des taxes à l’exportation, modification de l’industrialisation des grains, etc. (Obschatko et al. 1986 ; p : 30).

Il faut aussi intégrer à l'« innovation » la « séquence blé-soja » (deux cultures au cours de la même année agricole), rendue possible par l'introduction de blés mexicains de cycle court et de la mise à point du paquet technique du soja. Outre l'INTA, la plupart des obtenteurs (au cours de notre période d'analyse) ont été des entreprises nationales, bien qu'aient aussi pris part au marché des filiales d'entreprises multinationales.

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