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Les acteurs privés leaders du changement technique de l’Argentine agro-exportatrice Selon les sources consultées, les grands changements technologiques (autrement dit les

Connaissance Agricole

3. La lente et difficile structuration d’un système d’appui technique aux agriculteurs

3.1. Les acteurs privés leaders du changement technique de l’Argentine agro-exportatrice Selon les sources consultées, les grands changements technologiques (autrement dit les

systèmes d’objets techniques introduit dans l’espace) de l'époque « agro-exportatrice » ont été, dans les grandes cultures, l'incorporation de machines et de semences améliorées ; tandis que dans l’élevage il s’agissait de la réfrigération, l'introduction des races anglaises et des prairies artificielles. Grace à l'abondance de terres, qui permettait la jachère, et l'utilisation d'engrais animal à travers la rotation avec le bétail, ce modèle a pu être dominant, au moins, jusqu'à la décennie 1930.

Voyons d’abord le cas des grandes cultures. Le rôle des machines a été central dans l'expansion de la surface agricole et ceci sous l’impulsion du secteur privé. Pendant la grande immigration, les dirigeants et gouvernants ont rendu possible l'incorporation de machines de technologie moderne développée dans des pays plus avancés : moissonneuses, batteuses et égraineuses de maïs américaines, moissonneuses-lieuses combinées australiennes54. Vers 1878, sont apparues les premières entreprises de fabrication nationale, la majorité fabriquées dans des ateliers de réparation. L’une des entreprises les plus importantes a été la Schneider Hnos (à Esperanza, cœur de notre région d’étude et première colonie agricole officielle). En 1904 cet établissement construisait annuellement 3000 charrues doubles, 2000 herses et 1000 semoirs de lin et blé. Aujourd’hui 30 000 charrues sont construites par an par cette entreprise.

Selon Barsky et Gelman (2001 ;p :182-184) les auteurs divergent sur l’évaluation de la capacité technique des immigrants. Quelques-uns affirment qu’ils ont produit un mouvement technologique plus accéléré encore que celui vérifié à la même époque dans des pays comme l'Australie, le Canada, l'Afrique du Sud ou la Nouvelle Zélande. Ces immigrés, à partir de l'observation des machines disponibles au niveau international et de leurs expériences directe dans la production, adaptaient et développaient des outils qui ont été à l'origine des ateliers et des fabriques actuelles, dans les villages et villes de la campagne, et qui jusqu'à aujourd'hui caractérisent le centre et le sud de la province de Santa Fe (les villes de San Vicente, Las Parejas, Armstrong et Las Rosas, etc ; plus de détails dans le Chapitre III).

Par contre, d'autres auteurs prétendent que du fait que ces immigrants étaient, dans leurs pays d'origine, de petits agriculteurs, et qu'ils étaient conservateurs et analphabètes, les nouvelles techniques de l'agriculture scientifique ne les intéressaient pas, ce qui les amenait à travailler le sol avec des techniques simples : ils labouraient superficiellement la terre, ils gardaient comme semence les grains les moins beaux, ils ne faisaient pas à ces derniers des traitements de conservation, ils ensemençaient de grandes surfaces de façon incorrecte en utilisant seulement la main d'œuvre familiale, ils empilaient de manière inadaptée les récoltes de céréales dans des sacs à l'air libre, ce qui produisait de grandes pertes en cas de pluie.

Cependant, les documents existants permettent d'affirmer que, bien que le processus de mise en production de l’espace ait été hétérogène, le modèle technologique général de la grande culture pampéenne est progressivement devenu homogène : les agriculteurs ont acquis une habileté à chaque fois plus grande dans la manipulation des machines (qui étaient l'élément le plus significatif du modèle technologique de l’époque).

54 Moissonneuses de la marque Cyrus McCormick, inventées aux Etats-Unis en 1831. Les registres des premières introductions montrent qu’elles ont été pour la zone de Chivilcoy en 1854 (province de Buenos Aires) et vers 1870 on calcule qu'il y en avait environ 2 000 distribuées entre la province de Buenos Aires et de Santa Fe (Barsky et Gelman, 2001 ; p : 178). Le maïs était récolté à la main, et entre 1894 et 1900 sont introduites 14 000 égraineuses d'origine américaine. Quelques 10 000 moissonneuses-lieuses combinées (qui coupaient, battaient et mettaient en sac) d'origine australienne (McKay) ont été introduites jusqu'à la Première Guerre Mondiale. Celles-ci ont diminué les coûts, ont amélioré l'efficience de la tâche mais ont augmenté la dépendance des agriculteurs envers les contratistas. (Barsky et Gelman, 2001; p : 181/182).

Le second aspect de ce modèle a été la diffusion de semences améliorées, promue par l'appareil commercial55 et les Etats Provinciaux et National. Ces gouvernements achetaient périodiquement des semences de blé et de luzerne à l'extérieur, pour faire face à la chute des rendements par l’absence de renouvellement de celles-ci. Ils promouvaient aussi leur traitement préalable par du sulfate de cuivre et leur diffusion dans les régions.

Parmi les difficultés qui se présentaient pour cette agriculture, les auteurs consultés soulignent les sécheresses, les forts vents et la grêle. Face à cette dernière un vaste système d'assurance avait été mis en place promu par les fermiers. Parmi les fléaux, le principal était les successives invasions de sauterelles56. Toutefois le bas niveau technologique (de contrôle des broussailles, la prévention des maladies et le travail du sol) et un système de stockage et de transport des récoltes inadaptés, étaient compensés par la grande fertilité des sols, leur récente mise en production, et la rotation fréquente des cultures et avec le bétail.

En ce qui concerne l’élevage bovin, les grands progrès dans la production et le traitement de la viande ont été exclusivement le résultat d’initiatives privées. Au rôle de la Société Rurale Argentine (SRA), des journaux agricoles, des agronomes et vétérinaires d’origine étrangers, des éleveurs qui effectuaient des voyages fréquents dans d'autres pays pour connaître les techniques avancées, se sont ajoutés l'importation de semences de luzerne et d’autres pâturages et l’amélioration génétique à partir de l’incorporation des races pures de bovins.

Quel a été le rôle de l’Etat au cours de cette époque ? En 1872, s’est créé le Département d'Agriculture à l’échelle nationale, avec peu de ressources, il a été placé successivement dans divers Ministères jusqu'en 1899, date qui a été créé le Ministère de l'Agriculture. Celui-ci a eu, à partir de 1905, une direction stable et des moyens suffisants. Ses actions les plus importantes ont été l’approvisionnement en semences (importées au début, puis nationales grâce au développement des Stations de Génétique Végétale à différents points du pays) et la lutte contre les ravageurs (sauterelles) à travers la Direction de Défense Agricole (celle-ci ayant des bureaux dans les gares de train des principales villes).

Cette quasi absence de l’Etat dans l’expansion des grandes cultures, est expliquée par Barsky et Gelman (2001 ; p.187), par le rôle qu’avait le secteur des éleveurs57 dans le contrôle du Gouvernement National. Ainsi, la question technologique liée à l’agriculture n'a pas eu la force sociale nécessaire pour produire des réponses significatives comme la création des organismes publics avec des ressources suffisantes. Mais aussi, parce que les résultats des progrès agricoles ont surpris, tant les locaux que les étrangers, et le rythme soutenu de la croissance de la richesse (quoique mal distribuée) n’incitaient pas à réviser le modèle.

55 Le secteur privé, à travers les « almacenes de ramos generales », résolvait la diffusion de semences améliorées, comme aussi la provision de machines, des rechanges et des matériels agricoles. Ces vendeurs conseillaient aux agriculteurs sur leur utilisation, s’en constituaient en des acteurs clé de transmission des connaissances.

56 On peut citer qu’en 1897, une invasion de sauterelles avait couvert 147 000 000 ha, soit 47% de la surface totale du pays (Barsky et Gelman, 2001 ; p : 186).

En ce qui concerne la formation des ressources humaines (formation agricole aux niveaux du primaire, secondaire et des études supérieures) il n’y a pas de précédents à l’échelle du centre de Santa Fe. Au début du XXème siècle il existait dans le pays six écoles primaires d’enseignement agricole : à Las Delicias (Entre Rios), à Tucumán, à San Juan, à Bell Ville (Cordoba), à Bella Vista (Corrientes) et à Posadas (Misiones) ; trois écoles secondaires : l’une dans la ville de Cordoba, créée en 1899, qui avait pour objet plutôt la formation des administrateurs d’estancias que celle des agriculteurs ; une à Casilda en 1901 (Sud de la Province de Santa Fe) et une autre de Vitiviniculture à Mendoza (1897).

Au niveau des études supérieures, dans la Province de Buenos Aires, s’est ouverte à Santa Catalina, une Ecole d’Agronomie et d’Etudes Vétérinaires en 1874. Celle-ci a eu un début difficile et a donné lieu à la première promotion d’ingénieurs agronomes en 1888, et s’est transformée ensuite en Faculté dans l'Université de La Plata (UNLP), en 1906. Quelques années après, dans la ville de Buenos Aires, en 1904, a été créé l'Institut Supérieur Agronomique et Vétérinaire, qui a été postérieurement transformé en Faculté de l'Université de Buenos Aires (UBA). Ces facultés, avec le Centre National d'Ingénieurs Agronomes, l'Académie d'Agronomie et de Sciences Vétérinaires et des scientifiques reconnus et des professionnels d'origine allemande, française et italienne ont contribué conjointement aux progrès de l'agronomie argentine.

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