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79 En référence au fermier américain

2. La structuration d’un SRICA sous le leadership de la politique, la recherche et l’extensión publique-privée au Centre de la province de Santa Fe

2.4. La naissance de la Faculté

L'actuelle Faculté des Sciences Agraires de l'Université Nationale du Littoral (FCA-UNL) a été fondée en 1961 sous le nom de Faculté d’Agronomie et Vétérinaire d'Esperanza (FAVE). Au début, elle dépendait de l'Université Catholique de Santa Fe et elle a été créée dans les installations du

112 La notion de « brèche technologique » est utilisée pour se référer à la différence entre le potentiel de productivité associé à l'incorporation de technologie disponible et la réalité productive d'un certain produit ou dans un certain secteur.

Collège San José113 par un groupe de religieux de la Congrégation du Verbe Divin, parmi lesquels le Révérend Père Luis Kreder.

Après des débuts difficiles (encadré n° 12), la Fa culté déménage en 1971 dans un bâtiment propre. En 1973, elle passe sous la dépendance de l'État Fédéral à travers son incorporation à l'UNL. Pendant les périodes militaires a eu des autorités désignées par le pouvoir centrale. Le retour de la démocratie permet la régularisation de son activité à partir de 1986. Comment l’exprime un entretien réalisé para Galazzi (2004 ; p : 177) « Nous nous n’avons vécu une période avec un fonctionnement

collégial depuis nos origines et jusqu´au 1983 … à partir de 1986 cette Faculté a eu un Doyen élu, un Conseil Directif… ». C’est à ce moment qu’elle tente d’exécuter les trois fonctions spécifiques de l'université en Argentine : la formation professionnelle, la recherche et l'extensión.

Encadré nº 12 : Les débuts de la Faculté

Le Révérend Kreder, qui avait été professeur au Collège San José, rentre à Esperanza fin 1959 avec la charge de Recteur de cette institution. Il revient après de 12 ans de mission aux Philippines, pays où il a pratiqué différentes activités d’enseignement et de formation professionnelle en agriculture. Possédant une personnalité forte, et motivé pour « former des hommes de science pour

le développement de la région », il promeut la formation d'une Faculté Agronomie et Vétérinaire à Esperanza.

Ce prêtre soutenait que la ville d'Esperanza présentait une atmosphère propice, puisque les gens souhaitaient et soutenaient l'initiative de créer une École d'Agriculture114, initiative qui, étant donné les oscillations de la politique argentine, n'était jamais arrivée à se concrétiser. En outre, le surgissement de la Loi Nationale d'Enseignement Privé (Loi 14 557 de 1958), qui permettait à la volonté privée la création d'instituts particuliers y compris d’universités (cf. la création de l'Université Catholique de Santa Fe115, à 40 km de distance), lui donnait le cadre nécessaire.

En 1961, lorsque débutent les activités de la Faculté, celle-ci était une toute nouveauté. C’était la cinquième faculté d'Agronomie (ou de Sciences Agraires) et la quatrième de Sciences Vétérinaires du pays, après celles de l'Université de Buenos Aires (UBA), l'Université Nationale de La Plata (UNLP), l'Université Nationale du Nord-Est (UNNE à Corrientes), toutes dépendantes de l'État Fédéral ; et de la toute nouvelle Faculté d'Agronomie (1961) de l'Université Catholique de Mar del Plata (aujourd'hui Université Nationale de Mar del Plata).

113 Le Collège San José a été fondé 1890 par des prêtres allemands appartenant à la Congrégation du Verbe Divin, ceux-là même qui se sont installés à Esperanza pour s'occuper des familles de langue allemande. Aux débuts de la Faculté, le collège avait derrière lui plus de 70 années de fonctionnement, et donc de formation d’étudiants aux niveaux primaire et secondaire. Sa reconnaissance au niveau régional était importante (Romano, 2008).

114 C‘était une des conclusions « du Premier Congrès Agricole de la République » tenu à Esperanza en 1892 :

« pouvoir disposer d’une École d'Agriculture capable d'enseigner aux fils des colons, de manière pratique, la science et la technique de la campagne » (Romano, 2008 ; p : 23).

Ses débuts n'ont pas été faciles. Il fallait faire face à des difficultés dans trois domaines : d'abord, le manque de locaux propres imposait de donner les cours dans les installations du Collège San José, aux horaires où les salles étaient libres. Il a en outre fallu improviser des laboratoires et des résidences pour étudiants, jusqu'à ce que dix ans plus tard un bâtiment propre soit mis à disposition grâce à une importante subvention reçue de l'« Entwicklungshilfe », organisme du Gouvernement allemand d'aide aux pays où il existait des personnes parlant l’allemand, et à une importante aide de la communauté locale.

Deuxièmement, le manque d'enseignants compétents dans la région et le carence d'ingénieurs agronomes et de vétérinaires, ont fait que à leurs débuts les chaires étaient occupées par des chimistes, des médecins, des pharmaciens, des géologues, des professeurs de biologie, etc. Ainsi nombre d’entre eux n'étaient pas des professeurs universitaires, mais des professionnels qui développaient diverses tâches dans des organismes publics ou des entreprises de la région. Pour cette raison, quelques classes étaient effectuées de nuit ou les samedis. Les services de professeurs « prêtés » par l’UBA et l’UNNE ont aussi été mobilisés, ceux-ci faisaient plus de cinq cents kilomètres pour donner leurs cours. Ainsi, beaucoup des premiers étudiants ayant terminé leurs études ont été intégrés comme enseignants.

En troisième lieu, les pénuries économiques ont posé de lourds problèmes de fonctionnement. La création d'une faculté de type technique était une entreprise qui dépassait les possibilités de la Congrégation du Verbe Divin et de la communauté locale, ce qui a conduit à son étatisation en 1973. Les dettes contractées envers les professeurs (bien que certains travaillaient de façon bénévole) et les fournisseurs (notamment d’intrants pour le fonctionnement des laboratoires) et le manque de matériel pour les activités pratiques et la bibliothèque, sont des aspects qui ont fortement marqué les premières années de l’institution.

Toutefois, ces difficultés étaient contrebalancées par l’engagement du Révérend Kreder et de ses collaborateurs, qui était communiqué aux étudiants et conduisait tout ce monde à accepter de grands efforts. Les premiers diplômés116 ont ainsi été félicités pour leur niveau académique par l'Académie Nationale des Sciences Agronomiques de l’époque.

Quant à la formation de médecine vétérinaire, c’est l’organisation de ses cliniques dont les mérites ont été vantés. Comme le commente son concepteur, le Dr. Horacio Alberto Cursack qui avait effectué des études de doctorat aux Etats-Unis : « Entre Dieu, Kreder (qui avait vu comme

fonctionnaient les Universités et les Écoles d'enseignement agricole aux Philippines), l'expérience américaine, les étudiants enthousiastes et mon amertume de n’avoir vu aucune vache dans la Faculté de Buenos Aires [FV-UBA] pendant toutes mes études… je me suis dit alors : ‘notre faculté doit avoir les pieds sur terre'… et nous y arriverons… . Ceci n'est pas un auto- éloge, ce peut être vérifié… pendant mon travail à l'IICA [Institut Interaméricain de Coopération pour l’Agriculture] on

116 La Loi Nº 14 557/1958, dans son décret réglementaire 631/1962, établissait que les étudiants sortis d'universités privées devaient passer un examen d'habilitation. Le jury examinateur était intégré par trois membres : le premier issu de l'État Fédéral, un autre du corps professionnel et un autre de l'Université dont dépendait la faculté d’où étaient sortis les professionnels. Le jury était désigné par le Ministère de l'Éducation et de la Justice de la Nation.

m’a confié une étude, 10 à 15 ans après avoir démarré les cliniques à la FAVE… c’était un travail pour l'Institut Latino-américain des Sciences Agricoles pour lequel j’ai pu rendre visite à toutes les facultés de Sciences Vétérinaires du Chili, de l'Argentine, de l'Uruguay, du Paraguay et du Brésil… j'ai rendu visite dans ce pays à 22 écoles de Sciences Vétérinaires, et j’ai pu constater que notre faculté avait une approche plus pratique » (Romano, 2008 ; p : 131).

Une autre caractéristique de la FAVE, est qu’elle a été la première en Argentine à disposer d’une Chaire de Sociologie Agricole (dans ses deux formations), basée sur des cours qui étaient d’ailleurs donnés au départ par un Avocat.

2.4.1. La formation professionnelle : tâche principale des débuts de la Faculté

La formation professionnelle a été la dimension privilégiée de la Faculté au cours de sa première étape, étant donné son objectif primordial ainsi que sa précarité initiale.

La grande majorité des étudiants provenaient des provinces de Santa Fe, Entre Ríos, Córdoba et Chaco. Du fait de la création de facultés semblables à Córdoba (Université Nationale de Córdoba et Université Catholique de Córdoba, toutes deux en 1966), à Rosario (aujourd'hui localisée à Zaballa, Université Nationale de Rosario en 1967) et Oro Verde (Université Nationale d’Entre Rios en 1974), son aire d’influence a été limitée géographiquement. Ce qui a souvent joué en sa faveur sont les caractéristiques propres de la petite ville d'Esperanza (actuellement de 40 000 habitants) car beaucoup de parents la trouvaient plus rassurante pour accueillir leurs enfants en formation que les grandes villes des autres facultés. Les étudiants actuels proviennent du Centre et du Nord de Santa Fe et de l'Est de Córdoba et dans une moindre mesure du Sud-Est de Santiago del Estero, du Chaco et de l’Est de Entre Ríos. Ils sont généralement des fils de producteurs agricoles et/ou de professionnels liés au secteur agricole, et donc avec un lien fort avec le milieu agricole, où ils pensent exercer leur profession.

Dans la figure n° 19, on peut observer l’évolution du nombre de diplômés (par année de graduation) de cette faculté depuis ses débuts jusqu’à février 2011, soit un totale de 1594.

Nombre d’anciens étudiants sont devenus enseignants dans les différentes chaires de la Faculté, car il était nécessaire de former un corps de professeurs locaux, ou au moins régionaux, ayant une formation agronomique. De ces premières promotions, souligne l’un de nos interviewés, ancien étudiant et actuel professeur : « à part AM, il n'y a aucun enseignant qui a suivi des études de

master ou doctorat, ils ont été maintenus comme des professeurs formés dans l’institution… il était rare de faire des masters ou des doctorats à cette époque et la recherche [en tant qu’activité dans la Faculté] n'existait pas » (Entretien nº 32).

Pour ce qui est des masters, au cours de l'année 1987, l'INTA propose à la Faculté la réalisation d'un « Master en Extensión Agricole » (nous traduisons). La raison est que, bien qu'à cette époque il n'y ait pas dans l’institution un groupe de travail effectuant des recherches en la matière, la

faculté comptait toutefois des personnes reconnues par leur expérience de terrain117. Mais aussi, comme l’explique l'actuel directeur du Master : « un groupe dans l’INTA, chargé de la formation des

ressources humaines, voulait remettre à flot le vieux Master d’Extensión de INTA Castelar … et quand ils eurent connaissance de ce que faisait la province de Santa Fe avec le Conseil de Technologie, CODETEA, avec la densité institutionnelle caractéristique de cette Province, ils décidèrent que la Faculté serait le meilleur nid pour ce Master »118.

Figure nº 19 : Evolution du nombre des diplômés sortis de la Faculté de Sciences Agraires Nombre des Diplomés Ingénieurs Agronomes de la Faculté de Sc. Agraires

(jusqu'à février 2011) 0 10 20 30 40 50 60 70 80 196619681970 19721974 197619781980 19821984 198619881990 19921994 199619982000 20022004 200620082010 Années de graduation N º

Source: donnés de la FCA-UNL

Au cours du processus de planification du Master, l’un de nos interviewés, qui a été un acteur important dans sa mise en place (Entretien nº 32) se rappelle que deux modèles étaient discutés : celui que procurait initialement l’INTA et celui que proposaient les enseignants de la Faculté (et aussi quelques fonctionnaires du Ministère). L'INTA prétendait « former ses extensionistas avec plutôt un

profil de conseiller d’exploitation, un connaisseur des cultures régionales, avec une importante formation en administration rurale et un peu en dynamique de groupes… ». Tandis que le groupe de la Faculté « comprenait différemment l'extensión, une extensión liée nettement au développement, à

la formation informelle du producteur agricole et même des professionnels de l’activité, une extensión, non plus liée au travail de l’extensionista vers le producteur, mais par le biais de ses organisations ou par le biais de ses conseillers, un extensionista à l’échelle régionale, non à l'échelle de l’exploitation ».

117 Parmi eux, notre interviewé nº 5, qui a été le Directeur de l’Extension de la province de Santa Fe entre 1967 et 1980.

Dans les premières éditions du Master, qui se développaient à l'EEA INTA de Rafaela, les enseignements ont partagé les deux visions de l'extensión, tandis que, selon nos informateurs, ils ont progressivement favorisé la seconde. Comme nous verrons dans le point 2.6., la seconde vision était basée sur une construction régionale de plus de dix années.

2.4.2. La recherche : vers la résolution des problèmes productifs régionaux

Le premier projet de recherche apparaît en 1974 avec l'insertion de la Faculté dans l'UNL et répondant à une demande régionale : « L’étude des facteurs qui affectent la production et

l'industrialisation du lait dans le bassin laitier de Santa Fe » (nous traduisons). Un projet porté par des enseignants des formations d’ingénierie agronomique et de médecine vétérinaire, qui à ce moment-là, appartenaient à la même faculté119, et qui, dans leur majorité, partageaient la même activité professionnelle, car ils étaient enseignants à mi-temps.

Il est nécessaire en effet de préciser que jusqu’à la fin des années 1990, la majorité des professeurs, spécialement dans les chaires appliquées, partageaient l'enseignement universitaire (mi-temps) avec l'activité professionnelle. Cette caractéristique a été modifiée par les changements du système universitaire argentin au cours des quinze dernières années, qui a conduit à une plus grande spécialisation et par conséquent plus d‘enseignants à temps plein.

En ce qui concerne le groupe de production animale, celui-ci avait en outre à sa charge depuis 1966 « le service de contrôle laitier ». Ce dernier a eu une forte reconnaissance au niveau régional voire national pendant plus de 30 ans, constituant la principale image de la Faculté diffusée vers le milieu (ensuite, un ensemble d’institutions régionales ont centralisé ce service dans un nouveau dispositif : L’ALECOL, en 1997). La recherche effectuée par cette équipe a toujours répondu à des problématiques régionales, et pour le diagnostic les chercheurs s'appuyaient sur un important groupe de professionnels du milieu.

Vers le début des années 1980, commence la formation au niveau master ou doctorat des premiers enseignants120, ainsi que l’indique notre interviewé : « ces formations n’existaient pas,

jusqu'à ce qu’aient commencé à arriver les premiers diplômés…, il n'y avait pas de gens ayant une formation spécifique en méthode scientifique sur ce que nous étudions… il y avait bien quelques chercheurs du CONICET121 qui travaillait ici, mais ils n'étaient pas des agronomes… » (Entretien nº 32). À partir de 1984, le travail de recherche augmente grâce aux premières subventions122. Au cours de la décennie 1990, une trentaine de projets sont regroupés dans 5 à 6 axes de travail :

119 En 1999 se produit la séparation des facultés avec la création de : celle de Sciences Agraires (FCA) et celle de Sciences Vétérinaires (FCV). Elles partagent actuellement le même bâtiment, mais avec des administrations distinctes.

120 Dans le secteur de physiologie végétale, botanique, économie, administration rurale et sols (Entretien nº 32).

121 CONICET : Conseil National de Recherches Scientifiques et Techniques. C’est un organisme semblable au CNRS en France.

122 Après le retour de la démocratie ; l’UNL, en reprenant son autonomie, commence à développer une politique scientifique propre. Le dispositif mis en place en 1988 et qui perdure jusqu’à nos jours s’appelle « Cours d’Action pour la Recherche et le Développement » (CAI+D), nous traduisons.

production laitière, physiologie végétale avec orientation vers les cultures intensives (en vue de donner une réponse à la zone de production maraîchère autour de la ville de Santa Fe), sols avec un accent mis sur le processus de dégradation des sols, économie et administration rurale (développement de logiciels) et botanique. La majorité des travaux répondaient à des problématiques à l’échelle régionale et à l’échelle de l’exploitation (système productif).

2.4.3. L’extensión universitaire : la grande absente pendant cette période

La principale influence qu’exerce la Faculté dans le milieu, pendant cette période, se fait au travers de ses diplômés qui commencent à s’insérer dans le secteur agricole. Les premiers dans l'activité officielle : l'INTA, le Ministère et autres agences de l'État, relatives à la policier sanitaire ; par la suite dans les groupes CREA, dans les services d’extensión coopératifs et dans les groupes GAICO (plus de détail dans le point suivante, 2.5), vu le profil productifs régional dominant à ce moment-là (la production laitière). Ils sont devenus les premiers « agronomes de terrain » de notre région d’étude.

Les cours de formation continue étaient pratiquement inexistants, hormis des journées d’information ou de discussion. Selon ce que nous avons pu identifier dans les entretiens réalisés, deux types d’activités ont été mises en œuvre au cours de la décennie 1980. Tout d’abord la formation de conseillers des groupes GAICO sur la base d'une demande concrète : la maitrise de programmes de simulation123 pour la gestion de l'entreprise laitière, et en second lieu des informations sur la dégradation croissante des sols de la région à travers des journées de diffusion sur la conservation. Celles-ci, destinées tant aux professionnels (ingénieurs agronomes) qu’aux agriculteurs, ont eu lieu à Santa Fe mais aussi dans la province voisine de Córdoba.

De cette manière, le contact direct avec le milieu agricole, la production laitière en particulier, et la formation humaniste (bien que la faculté ne soit officiellement plus catholique, beaucoup de ses professeurs avaient été recrutés ou formés à l’époque où elle l’était) ont produit un profil caractéristique d’ingénieur agronome professionnel.

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