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La prévalence de l’échelle locale dans la construction des connaissances agricoles dans la région centrale de la province de Santa Fe

Connaissance Agricole

3. La lente et difficile structuration d’un système d’appui technique aux agriculteurs

3.3. La prévalence de l’échelle locale dans la construction des connaissances agricoles dans la région centrale de la province de Santa Fe

Au centre de Santa Fe se répétait le « scenario général » déjà décrit pour la grande région pampéenne : des acteurs privés à la tête du changement technologique et peu de présence de l’Etat dans d’accompagnement de l’expansion agricole. Cependant, nous introduirons quelques précisions avec l’intention d’enrichir la caractérisation des acteurs préalables à la modernisation de l’agriculture, sur laquelle nous consacrons le chapitre suivant.

Donc, l’Etat Fédéral était présent dans la région dans deux domaines : la lutte contre les fléaux et la reproduction et l’approvisionnement des semences adaptées. Dans le premier cas, il y avait un représentant de la Défense Agricole (son bureau se situait dans la gare de train des villes les plus importantes) et dans le second cas, à travers une station expérimentale à Rafaela et une autre à Colonia Mascías, mais cette dernière plus occupée aux essais de la culture et l’amélioration génétique du riz, étant donné sa place proche de la rivière du Paraná.

59 Incluant, selon cet organisme et à cette époque, les actuelles provinces de Buenos Aires, Santa Fe, Entre Ríos, Cordoba et le Territoire de La Pampa (le Territoire était une administration dépendante de l’Etat Fédéral, une sorte d’étape préalable au statut de Province).

La station de Rafaela60 avait été créée en tant que station de génétique végétale en 1928, pour l’essai des variétés de blé ; et grâce à l’impulsion donnée par leur premier directeur (encadré n° 6). Elle est devenue une station expérimentale en 1936, s’intégrant ainsi dans la Direction Nationale des Stations Expérimentales en 1944. Au début elle s’est occupé de l’amélioration des variétés de blé, de lin, de maïs, de tournesol, d’avoine, de luzerne et d’autres plantes fourragères et en 1947, et elle a commencé à travailler sur la production de lait du fait du changement dans la production qu’a vécu la région.

L'État Provincial, à travers divers organismes qui ont changé de dénomination (Secrétariats et/ou Ministères), agissait dans la région à partir de la Station Expérimentale de Angel Gallardo (proche de la ville de Santa Fe), qui a eu un rôle important dans la production d'hybrides de maïs dans les années 1940. Il développait aussi des accords avec des consultants privées (en majorité pour la réalisation de diagnostics de situation) et certains travaux de caractérisation des sols avec la Faculté de Chimie de récent l’Université Nationale du Littoral (UNL, créée en 1919).

Encadré n° 6 : L’ingénieur agronome Giordano et la création d’une Station Expérimentale à Rafaela

Nous avons déjà parlé du programme d’amélioration du blé de Willian Backhouse. Celui-ci avait développé des essais dans différents points de la région du blé. Parmi les lieux choisis, dans la sous-région Nord du blé, se trouvaient San Jorge (province de Santa Fe) et Freyre, Las Varillas, Las Varas et Devoto dans la province de Cordoba.

L’ingénieur agronome Giordano est nommé en 1928, Directeur de la Station de Génétique Végétale de Devoto, qui était un champ loué de deux hectares. A ce moment-là, on se posait la question du déménagement de cette station dans la ville de San Francisco (35 km à l’Est). Mais, comme Giordano connaissait l'existence d'un domaine de propriété de l'État National à Rafaela, de 200 ha., (et distant 115 km de Devoto), qui avait été prêté au Gouvernement de la province de Santa Fe (où se développaient une exploitation avicole, des pépinières fruitières et forestières et la reproduction de semences de blé), il demande le remboursement de 4 ha., de cette propriété à l’Etat Fédéral, pour l'installation de la Station.

L’agronome allègue deux motifs principaux : d'abord économique, puisque cet emplacement serait plus bénéfique pour l'État en évitant les frais de loyer et deuxièmement de type technique, puisqu'il permettrait de plus grandes possibilités de travail vu « qu’à cette époque l'exploitation des grandes

cultures à Rafaela avec du blé, du lin et du maïs était plus diversifiée qu’à San Francisco, où prédominait le blé » (Villar, 1978 ; p :1).

Une fois la Station de Génétique Végétale s’installée à Rafaela, Giordano œuvre pour agrandir les champs expérimentaux (en demandant la restitution à l’Etat Provincial) et expose la nécessité de créer une station expérimentale, avec des ressources humaines et matérielles adéquates à leur

60 Cette Station de Rafaela a eu différents noms tout au long de son histoire. De 1928 à 1931, elle était une station de génétique végétale ; depuis cette date jusqu'en 1936, une station de phytotechnie et ensuite jusqu'à la création de l'INTA en 1956, une station expérimentale.

mission. Il écrit un riche rapport aux législateurs nationaux, où il souligne comme problèmes immédiats « l’amélioration des aptitudes sanitaires, de la qualité industrielle et aptitudes culturelles en

blé, lin et maïs en étendant l'actuel programme de travaux en réalisation » et comme problèmes immédiats « effectuer des études et produire une documentation des cultures du futur comme le soja,

le chanvre et le millet. Egalement il propose le développement des activités intensives comme la fruiticulture, vu les problèmes qu'entraînera la subdivision de la terre dans la région » (Giordano, 1935)

Il justifie ses demandes en remarquant que la région centrale de Santa Fe, berceau de la colonisation et le développement agricole du pays, a été l’une de plus oubliées de l'action officielle et privée dans la réalisation d'études agronomiques sérieuses pour l'amélioration de l'économie agricole. Aussi, il caractérise les problèmes du développement technique et du manque d’attention, de ces vastes espaces, en exprimant que « dans la précarité et l'insuffisance de moyens, qui à tout

moment caractérise l'expérimentation agricole dans notre pays, nous voyons que des zones d'exploitation plus récentes ont été pourvues par la Nation, les Provinces ou par les particuliers d'Instituts de recherche […] tandis que pour la vaste zone de centaines de milliers de kilomètres carrés, qui est étendue depuis le centre de la province de Buenos Aires jusqu'au Sud de la Forêt Chaqueña, et de la Rivière du fleuve Paraná jusqu'au centre de Cordoba, on compte après 80 années d'exploitation agricole une seule station expérimentale stable à Pergamino ».

De plus son rapport nous donne une idée de son environnement et les ressources disponibles pendant les années ‘ 30 : « des agriculteurs progressistes sont arrivés à cette station, à la recherche

de données techniques pour développer la culture de chanvre… comme seul élément, nous leur avons fourni des données bibliographiques produites à l'étranger et nous leur avons décrit quelques travaux réalisés dans le pays, mais dans des lieux éloignés » et comme conclusion il affirme: « qu'en

grandes cultures, les véritables apports sont ceux qui sont obtenus dans l'enseignement qui donnent des observations effectuées dans chaque région ».

À partir des diverses sources consultées, nous pouvons imaginer le processus de construction de la connaissance agricole de la manière suivante : l'existence de savoirs importés, mis à l’épreuve dans un nouveau environnement et peu intégrés à la connaissance locale, reconstruit de façon presque continue par « essai et erreur ». Ces connaissances étaient de façon prépondérante créés à l'échelle locale : autrement dit dans le circuit constitué par l’exploitation, l’ensemble des exploitations voisines, le village et jusqu’à la ville où était située la gare de train, « l’almacén de ramos generales » et l’office de la Défense Agricole (figure nº 9).

Elles étaient plutôt basées sur la capacité d'observation des agriculteurs et l’échange entre voisins (nous pouvons aussi penser à une circulation plus fluide entre immigrants d'une même origine) et nourrit par les récits des contratistas de machines et les travailleurs saisonniers, qui en leur caractère de migrants (les premiers limités à l'échelle locale/régionale et les seconds plus mobiles,

soit régionalement, soit au niveau national et international) avaient l'occasion d'observer d'autres réalités et de raconter des expériences qui pouvaient réveiller la curiosité des agriculteurs.

Les stockeurs de grains, qui étaient aussi les fournisseurs de semences et de machines, ainsi que le représentant de la Défense Agricole, étaient les vecteurs des innovations technologiques et des informations.

Nous pouvons supposer que la circulation de l'information n'était pas facile. Des centaines d'immigrants, de diverses nationalités (parlant chacun leur dialecte), interagissant avec des créoles, essayant de communiquer dans la langue castillane ; peu d'écoles rurales et les moyens de transport uniquement basés sur la traction animale, sauf le train, mais qui unissait des distances moyennes (schématiquement une gare tous les 20 kilomètres) ; un fort pourcentage d'analphabétisme (tant de la part de la population créole que des immigrants) et la presque inexistence de la radio (les premières transmissions en Argentine datent de 1920), fait penser seulement à deux moyens de transmission de la connaissance et de l'information : ce qui est oral et l’écrit ; et comme nous mentionnons déjà les difficultés liées l'analphabétisme et à différentes langues maternelles, fait que le milieu oral ait été largement privilégié.

Bien que cette scène ait changée au cours du XXème siècle, avec une forte augmentation de la vitesse des flux d'informations (l'apparition de la radio, l'automobile, la plus grande diffusion des moyens écrits61), nous ne croyons pas que jusqu'aux années 60 la construction de la connaissance dans notre région ait dépassé la sphère locale, sauf quelques flux par chaîne productive comme nous fait penser la formation d'un groupe des coopératives laitière comme SANCOR.

4. Conclusion

Nous avons vu comme les espaces centraux de la province de Santa Fe, durant un siècle de construction territoriale, sont devenus une région avec des caractéristiques sociales, productives et économiques propres. Cette région, malgré sa marginalité dans la grande région naturelle pampéenne en relation au climat et aux sols, a construit son histoire économique et productive en étroite relation avec celle et, en conséquence, ses acteurs ont mis à l’épreuve, le plus souvent, les mêmes connaissances agricoles réussies dans les meilleures terres de l’Argentine, parfois avec succès.

La maîtrise des nouveaux espaces productifs n’est pas été une tâche facile pour les immigrés : ils ont fait de beaucoup d’efforts et ils ont été conduits parfois à la faillite du fait de l’essai des nouvelles cultures. Par ailleurs, la majorité d’entre eux étaient analphabètes, sans autre ressource que leur force de travail et ils étaient exposés à manque de scrupules des commerçants et stockeurs. L’Etat, qu’il soit fédéral ou provincial, avec peu des ressources et sans grande réussite dans son organisation, à très peu accompagné avec des nouvelles connaissances techniques, et de base

61 La SRA avait des bulletins ; la revue Chacra (un magasine sectoriel) apparaît en 1930 ; durant les années ‘50 le Ministère de l'Agriculture de Santa Fe émettait un document technique en plus de 3000 exemplaires.

scientifique, la grande expansion de l’agriculture, au début, ou sa diversification productive par la suite.

De cette manière, dans un climat parfois incertain, quoique moins que les politiques gouvernementales caractéristiques de l’histoire argentine, les agriculteurs ont appris à partir de leur expérience que la diversification productive (des céréales, des oléagineux, de la viande et du lait, avec une forte autoconsommation) faite avec l’effort du travail familial et l’organisation commerciale coopérative, était la seule façon de survivre, et de réussir, dans la région centrale de Santa Fe.

Figure n° 9 : Esquisses d’un Système Régional d’Inf ormation et de Connaissance Agricole fortement structuré à l’échelle locale

Chemin de fer Almacén de ramos generales

Ville ou village Agriculteur/ Exploitation

Ville avec Station Experimantale Contratistas de tâches agricoles Office de Défense Agricole

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