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Les seigneurs de la Boverie (1413-1467)

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 190-196)

TROISIEME PARTIE – LES BONNES VILLES

9. Les seigneurs de la Boverie (1413-1467)

Le passé de ce nouvel avoué de Liège était d‟ailleurs des plus tumultueux. Fils de Jean Bouchard, chevalier et mayeur de Liège (1391-1392) et de Blanche de Montzée, il avait débuté la carrière des armes comme page ou écuyer, au service de Robert de Flandre, seigneur de Renaix1097 et de Beaufort-sur-Meuse1098. A la mort de ce dernier (1391), sa veuve, Isabelle de Melun, alors âgée de 50 ans, s‟éprit de Bertrand et envisagea d‟épouser le jeune écuyer, qui n‟avait que 26 ans. Ce projet suscita l‟indignation des parents de la veuve et le comte de Namur, de même que son frère, Jean, y apposèrent leur veto. L‟union fut néanmoins célébrée vers 1394 et il semble que, vers 1400, ils avaient déjà eu plusieurs enfants, ce malgré l‟âge avancé d‟Isabelle.

Vers 1399, Bertrand hérita des biens de son père décédé et s‟installa à Liège, au lieu-dit la Boverie. Lors des incidents de 1406, cette habitation fut pillée par les habitants d‟Amercoeur, avant d‟être détruite. Les biens du conseiller de Jean de Bavière furent séquestrés1099 et c‟est aux côtés de l‟élu qu‟il trouva refuge, à Maastricht. Mais, à partir du 19 novembre 1407, cette ville était assiégée par les opposants au prince. C‟est là que ses cinq enfants échappèrent miraculeusement à la mort, lorsqu‟une pierre de catapulte vint s‟abattre à l‟endroit même où ils jouaient1100. Après la bataille d‟Othée de 1408, Bertrand put réintégrer la Cité de Liège.

Son épouse Isabelle étant morte peu après1101, il se remaria (1415) avec Catherine de la Marche, dame d‟honneur de Marguerite de Bourgogne, comtesse de Hainaut, et chanoinesse de Sainte-Waudru à Mons. Sans doute la comtesse et Jean de Bavière n‟étaient-ils pas étrangers à cette union. C‟est également à cette époque que Bertrand fit l‟acquisition d‟une

1095 L.LAHAYE, Chartes de la Collégiale de Saint-Jean l’Evangéliste..., t.1, Bruxelles, 1921, p.299 & 395.

1096 Il s‟agit de l‟insurrection des Liégeois, suivie de la proclamation de la déchéance de Jean de Bavière et son remplacement par l‟élu Thierry de Perwez (26 septembre 1406). Cf. L. E. HALKIN, art. Jean de Bavière, op.cit.

1097 Province de Flandre orientale, arrondissement d‟Audenarde.

1098 Section de la ville de Huy, province de Liège, chef-lieu d‟arrondissement.

1099 Jean de Stavelot, Chronique, p.100 & 104. Cf. aussi S.BORMANS, Table analytique des matières contenues dans la chronique de Jean de Stavelot, p.17.

1100 Chronique du règne de Jean de Bavière, dans Chroniques liégeoises, éd. S.BALAU, t.1, Bruxelles, 1913, p.178.

1101 On notera que la mort d‟Isabelle fut suivie d‟un procès intenté par le beau-frère de Bertrand (3 mai 1417), le seigneur d‟Antoing, qui réclamait 1.300 piètres par an, en vertu des convenances de mariage. La procédure s‟éternisa car, après la mort de Bertrand, les enfants qu‟il avait eus d‟Isabelle étaient toujours en litige avec le seigneur d‟Antoing. Ils transigèrent finalement le 20 mars 1420 pour un montant de 24.000 florins. E.PONCELET, L’avouerie de la Cité..., op.cit., p.220.

série de biens immobiliers, à Liège et dans les environs : une maison dans le quartier de Saint-Servais, une vigne à Favechamps, le 11 juillet 14131102 et surtout, la fameuse maison du Petit-Torrent. C‟est d‟ailleurs dans le contrat portant sur cette vente que Bertrand apparaît pour la première fois comme avoué. Le 24 juillet 14161103, il y acquerra une autre habitation, joignant la précédente. Ces achats immobiliers attestent d‟une richesse non négligeable, de même que le rôle de banquier que Bertrand joua auprès du comte de Namur. Ainsi, le 10 novembre 1420, il prêta à Jean III de Dampierre 1.000 couronnes de France et reçut en engagère la terre de Beaufort1104.

Entre-temps, Jean de Bavière avait abdiqué (1418) et avait été remplacé par Jean de Heinsberg (1419-1455) sur le trône de saint Lambert. Malgré sa forte implication auprès de l‟ancien évêque, ce changement de règne ne signifia pas la disgrâce pour notre avoué. Il ne jouit certes plus de la même influence auprès de Jean de Heinsberg, mais il conserva sa charge. De toute manière, il semble qu‟il n‟ait pas tardé à trouver un nouveau protecteur, cette fois en la personne du duc de Brabant, Jean IV1105. Sa fidélité au duc se retrouvera récompensée le 6 août 1424, date à laquelle Bertrand fut nommé châtelain d‟Ath par le duc, en tant que comte de Hainaut. Cet aboutissement était remarquable pour un homme comme Bertrand, qui n‟avait jamais dépassé le rang modeste d‟écuyer. Il ne profita toutefois guère longtemps de sa nouvelle fonction, car il mourut à peine un an plus tard, le 5 juillet 14251106. Ce décès ne causa à vrai dire pas de problème de succession. C‟est semble-t-il l‟aîné des enfants encore en vie de Bertrand et d‟Isabelle de Melun, Jean de la Boverie, qui accéda à l‟avouerie. Né vers 1394, il était déjà seigneur de Viane1107 en Flandre lors de son entrée en fonctions ou relief, en date du 2 juillet 14261108. Par la suite, nous le rencontrons mentionné comme avoué de Liège en 1430, 1432, 1437, 1439 et 14401109. Toutefois, dans l‟ensemble, nous disposons d‟assez peu d‟informations, notamment parce qu‟il ne résidait pas à Liège. En effet, Jean de la Boverie avait établi sa résidence dans la région hutoise, au lieu-dit alle Vacheresse, sur l‟actuelle commune de Ben-Ahin1110. Son influence dans les affaires de la Cité semble de ce fait avoir été faible, du moins comparativement à son père.

Jean de la Boverie n‟était pas pour autant absent de la scène politique. Il accéda à la charge de bailli de Condroz et semble avoir mené un train de vie quasiment seigneurial. La richesse matérielle dont témoigne son testament, sur lequel nous reviendrons bientôt, s‟avère en tout cas loin d‟être négligeable. Sa vie conjugale fut par contre moins heureuse : son mariage avec Mahaut de Creilinke, d‟origine hollandaise, se révéla être un échec. L‟épousée ne lui donna pas d‟héritier et Jean de la Boverie entretint une liaison avec Julienne Lastrier, fille d‟un ancien voisin du quartier de Petit-Torrent. Leur relation prit entre-temps une tournure

1102 Les deux biens en question furent relevés devant la cour jurée de Sainte-Croix. Cf. E. PONCELET, Sainte-Croix, t.1, n°1305, p.431.

1103 J.G.SCHOONBROODT, Chartes du Val Saint Lambert..., op.cit., n°951.

1104 C. PIOT, Chartes des comtes de Namur, p.400.

1105 Lui-même lié à la parentèle de Jean de Bavière, puisqu‟il avait épousé sa nièce, Jacqueline, comtesse de Hainaut, le 10 mars 1418.

1106 E. PONCELET, L’avouerie de la Cité..., op.cit., p.221-222.

1107 Section de la commune de Grammont, province de Flandre-Orientale, arrondissement d‟Alost.

1108 E.PONCELET, Ibidem, p.220, d‟après Haute avouerie de Hesbaye, reliefs, reg. I, fol. 108.

1109 JEAN DE STAVELOT, Chronique, p.271 Ŕ E.PONCELET, Ibidem, d‟après Echevins de Liège, œuvres, reg. 7, fol.

166 et 188 ; reg. 10, fol. 73 v° Ŕ J.DARIS, Notices sur les églises..., op.cit., t.12, p.147.

1110 Province de Liège, arrondissement de Huy. On notera qu‟il y existe encore aujourd‟hui une ferme de la Vacheresse, bâtie dans la première moitié du XVIIe siècle (n°15, chaussée de Dinant). Peut-être est-ce à cet emplacement que se trouvait autrefois le domicile de Jean de la Boverie. Cf. Le patrimoine monumental de la Belgique, vol.15, Liège, 1990, p.275-276.

adultère, du fait du mariage de Julienne avec un certain Jaspar. Elle ne s‟en poursuivit pas moins et Julienne donna finalement naissance à deux filles, Jeanne et Evelette.

Lorsque Jean de la Boverie testa, le 12 septembre 14601111, sa maîtresse et ses deux filles naturelles se virent attribuer une part considérable de l‟héritage. En fait, la principale bénéficiaire fut Evelette : l‟avoué lui légua ses harnais d‟armes se trouvant dans l‟hôtel de Fallais à Huy, son meilleur cheval, ses meubles et ses bijoux conservés à la Vacheresse. Il en alla de même de ses biens seigneuriaux de Havelange1112, de sa maison, des fiefs, des alleux, etc. Un autre legs considérable eut lieu au profit de la chapelle de Saint-Léonard1113 de la Vacheresse, qui hérita d‟une table d‟autel enrichie de joyaux et de reliques. Quant à l‟épouse légitime, Mahaut de Crelinke, elle se trouvait pratiquement ignorée, devant se contenter des quelques « miettes » qui subsistaient de l‟héritage : une rente d‟un florin et d‟un muid d‟épeautre à percevoir sur les propriétés de la Boverie.

Visiblement soucieux de perpétuer sa mémoire, l‟avoué chargea par ailleurs son demi-frère Jean le Ruitte de faire tailler et peindre son effigie dans l‟église de Hal1114, devant l‟image de Notre-Dame. L‟avoué de Liège devait y figurer avec toutes ses armes.

De notre point de vue, la clause la plus intéressante de ce testament est bien entendu celle concernant l‟avouerie de la Cité. Compte tenu de l‟absence d‟héritiers directs et légitimes, l‟office est légué à son demi-frère Jean, à condition qu‟il accepte de payer ses dettes après son décès. Celles-ci s‟élevant à 200 mailles du Rhin, on ne pouvait exclure un refus de l‟intéressé, aussi Jean de la Boverie prit-il les devants en prévoyant dans ce cas la transmission de l‟avouerie au damoiseau Jean de Wezemale, seigneur de Westerlo1115 et de Fallais1116. S‟il refusait à son tour, c‟est le chevalier Baudouin de Humières, dit le Liégeois, souverain bailli du comté de Namur, qui hériterait de l‟office. Enfin, dans le pire des cas, si ce Baudouin refusait d‟hériter de ce « cadeau empoisonné », la charge irait en dernier lieu à Dieu et à saint Lambert.

Toutes ces précautions s‟avérèrent inutiles. Lorsque Jean de la Boverie mourut, peu de temps après, l‟avouerie échut à son demi-frère, Jean le Ruitte. La transmission ne s‟effectua toutefois pas sans heurts. En effet, lors de son entrée en fonctions, qui eut lieu le 9 octobre 1460, le nouvel avoué rencontra des protestations de la part de la cour échevinale, du fait des droits éventuels des tiers. Il s‟agissait sans doute d‟une allusion aux héritiers possibles que Jean de la Boverie avait énumérés dans son testament. Ses dernières volontés ne tardèrent d‟ailleurs pas à être contestées. A l‟origine du litige, les bienfaits dont le défunt avait comblé les Lastrier, ce qui déplaisait visiblement à Jean le Ruitte et à son frère, Bertrand.

Surnommé depuis sa jeunesse le Ruitte, c‟est-à-dire le cavalier1117, Jean II de la Boverie était présent sur la scène liégeoise avant même son accession à l‟avouerie. Il apparaît dans la

1111 Analyse et édition partielle par E.PONCELET, L’avouerie de la Cité..., op.cit., p.228-229, d‟après Echevins de Liège, convenances et testaments, 1459-1465, fol. 97.

1112 Province de Namur, arrondissement de Dinant.

1113 Cette chapelle, de même que le lieu-dit la Vacheresse, étaient situés dans l‟actuel village de Saint-Léonard, faisant partie de la commune de Ben-Ahin. Il existe aujourd‟hui une église paroissiale dédiée à ce même saint.

Elle fut bâtie en style néo-roman en 1868. Cf. Patrimoine monumental..., Ibidem.

1114 Province de Brabant flamand, arrondissement de Hal-Vilvorde.

1115 Province d‟Anvers, arrondissement de Turnhout.

1116 Section de la commune de Braives, province de Liège, arrondissement de Waremme.

1117 Il s‟agit d‟une adaptation du mot flamand ruiter, « cavalier ». En langue romane, le terme évolua en rutte, ruste qui désignait un caractère rude, violent, vaillant. Cf. E. PONCELET, L’avouerie de la Cité..., op.cit., p.230.

documentation à partir du 8 mars 14551118, date à laquelle il assiste à la prestation de serment de Louis de la Marck comme prévôt de Bouillon. Elu maître de la cité en 1455-1456 aux côtés d‟Amel de Velroux, c‟est en cette qualité qu‟on le retrouve aux côtés de Louis de Bourbon, lors de sa joyeuse entrée à Liège, le 13 juillet 14561119. Jean le Ruitte sera une nouvelle fois élu bourgmestre en 1460.

Le règne chaotique de Louis de Bourbon (1456-1482) constitue une période fort intéressante dans l‟histoire de l‟avouerie de Liège, essentiellement parce que son titulaire va se trouver impliqué sur le devant de la scène politique. Par ailleurs, on constate une extension notable de ses prérogatives qui résulte toutefois moins des ambitions de notre avoué que des circonstances exceptionnelles prévalant à Liège à l‟époque.

Tandis que Louis de Bourbon s‟attirait les foudres des Liégeois par sa politique impopulaire, un parti d‟opposition vit le jour, dont l‟avoué de la Cité devint un des membres les plus influents. Sa carrière ne s‟en trouva nullement compromise et ce rôle de chef de file se traduisit par sa participation à plusieurs ambassades envoyées au royaume de France par les Liégeois, qui recherchaient un allié contre leur prince honni. La première eut lieu en 1458 auprès de Charles VII. Le monarque accueillit le délégué liégeois avec beaucoup de prévenance et procéda à son adoubement1120. Une autre ambassade fut envoyée ultérieurement, mais il semble qu‟elle avorta du fait de la mort toute récente de Charles VII (22 juillet 1461). Quant à la troisième, elle la suivit de peu et c‟est à cette occasion que Jean le Ruitte rencontra Louis XI1121.

L‟implication de l‟avoué dans la lutte contre le prince prit une tournure plus marquée à partir de 1459, lorsque Louis de Bourbon tenta d‟infléchir les autorités urbaines par la contrainte. Le prince-évêque de Liège disposait en effet du droit d‟interrompre le cours de la justice, en retirant la verge de justice au grand mayeur, le privant ainsi de son pouvoir et lui interdisant de siéger avec les échevins. Cela revenait à paralyser un rouage essentiel des institutions urbaines. C‟est ce que fit Louis de Bourbon. Les autorités de la Cité refusèrent néanmoins de s‟incliner et menacèrent de contre-attaquer en s‟adressant à l‟avoué. Nous ne disposons pas à l‟époque de texte prévoyant un tel cas, mais il est vrai que le recours à l‟avoué était prévu en cas de déni de justice1122. Cependant le prince rétablit la justice dès le 18 janvier 14601123 et les choses en restèrent donc là, du moins pour cette fois. Car Louis de Bourbon ne renonça

En allemand, une forme semblable, Reiter, signifie également « cavalier » et est à l‟origine du terme français

« reître » qui désignera notamment les cavaliers allemands mercenaires au service de la France à la fin du Moyen Age et au début des Temps modernes (XVe-XVIe siècles). Cf. Trésor de la langue française informatisé, CNRSŔ Université de Nancy (http://atilf.atilf.fr/tlf.htm).

1118 P. F.X. DE RAM, Documents relatifs aux troubles du Pays de Liège, sous les princes-évêques Louis de Bourbon et Jean de Horne, 1455-1505, Bruxelles, 1844, p.410.

1119 Ibidem, p.418.

1120 G.KURTH, La Cité de Liège, t.2, Bruxelles-Liège, 1909-1910, p.156.

1121 Sans doute s‟agit-il de l‟ambassade de 1461 destinée à complimenter le nouveau roi de France. On soulignera que figurait parmi les députés de l‟Etat noble Conrard de Bombaye, trois fois bourgmestre de Liège et avoué de Huy (depuis 1422) et de Liers. A l‟instar de Jean de la Boverie, Conrard fut fait chevalier des mains du roi. Cf. les chapitres sur les avoueries de Huy et de Liers dans ce même travail.

1122 L‟avoué de Liège devait défendre non seulement les citains de Liège, mais aussi leurs échevins, au cas où, par exemple, le roi, l‟évêque ou d‟autres seigneurs voudraient leur dénier justice ou les distraire de leur juge naturel. Cf. C. DE BORMAN, Echevins, t.1, p.451.

1123 Le rôle joué par le duc de Bourgogne, Philippe le Bon (1419-1467), s‟avéra essentiel. Par l‟intermédiaire de son conseil, il suggéra un arbitrage de preud‟hommes du pays. Il fit également pression sur son neveu pour qu‟il rétablisse la justice dans la Cité de Liège. Cf. J.LEJEUNE, Liège et Bourgogne : avant-propos et introduction historique, Liège, 1968, p.59-60.

pas à ce moyen de pression sur ses sujets. Une nouvelle suspension de la justice fut ainsi décrétée entre mai 1462 et mai 1463. En plus de compromettre le bon déroulement des affaires de la Cité, cette mesure posait de sérieux problèmes quant à l‟application des peines.

En effet, depuis le XIIe siècle, c‟est le mayeur qui présidait aux exécutions capitales. Or, du fait des troubles et des multiples trahisons, plusieurs condamnations à mort furent ordonnées durant cette période. Ce fut notamment le cas en 1463, lors du jugement d‟un ancien membre très actif du parti révolutionnaire qui avait trahi sa cause et s‟était soumis à Louis de Bourbon.

Le 8 mai, la Cité réclama son exécution. Le mayeur refusa évidemment de déférer à cette réquisition, aussi décida-t-on de livrer le coupable à l‟avoué. Jean le Ruitte se trouvait ainsi chargé d‟une mission autrefois dévolue aux avoués, mais devenue peu courante en cette fin du Moyen Age, surtout dans le cas d‟une avouerie urbaine. On insistera sur le fait qu‟il s‟agit de la première trace d‟intervention de l‟avoué dans ce domaine depuis la création de la charge, près de quatre siècles auparavant.

Jean le Ruitte s‟acquitta donc de son devoir et présida à l‟exécution du coupable, dont le nom ne nous est malheureusement pas parvenu. Cependant, le déroulement en fut compromis par la maladresse du bourreau, qui dut s‟y reprendre à trois fois pour faire tomber la tête du malheureux condamné. Suite à cet incident et conformément à l‟usage de l‟époque, le bourreau, mais aussi l‟avoué furent punis d‟un certain nombre de coups de fouet1124.

L‟anecdote mise à part, cet événement est important car il prouve qu‟une partie des prérogatives du mayeur avaient été transmises provisoirement à l‟avoué. Par ailleurs, les échevins ne renonçaient pas à mettre leur menace de 1459-1460 à exécution, à savoir le recours à l‟avoué pour déni de justice. Ils parvinrent semble-t-il à infléchir une nouvelle fois le prince-évêque et la justice put reprendre son cours normal.

Ce n‟était que partie remise car, dès septembre 1464, le prince privait de nouveau le mayeur de ses prérogatives. Cette fois c‟en était trop : les dirigeants de la Cité se tournèrent vers l‟avoué et l‟invitèrent à convoquer les échevins en vue de rendre la justice. Jean le Ruitte se montra d‟abord réticent et essaya de faire revêtir cette décision d‟un semblant de légalité. Il posa ainsi comme condition l‟accord des 32 métiers. Le 11 janvier 1465, après plusieurs séances de négociations en la salle Saint-Michel, il fut décrété que, dorénavant, l‟avoué défendrait les citains en cas de déni de justice et qu‟il devrait alors convoquer les échevins en lieu et place du mayeur, mais aussi remplacer ce dernier dans les différentes fonctions qui lui incombent. Les échevins acceptèrent de siéger sur convocation de l‟avoué et la mesure entra immédiatement en application, le mayeur, Gilles de Huy, s‟étant vu interdire par le prince la reprise de l‟exercice normal de sa charge. L‟avoué prêta donc serment et se vit remettre la verge rouge, emblème de la justice1125.

L‟avoué fit dès lors office de « mayeur par intérim », ce pendant quelques mois. Peu après, la déchéance de Louis de Bourbon fut proclamée et Marc de Bade nommé comme mambour et régent1126. Lors de sa prestation de serment à la cathédrale, le 22 avril 14651127, ce dernier jura de ne jamais plus suspendre la loi et la justice et de se conformer à l‟avenir à la Paix de Fexhe et autres paix. Dans le cas contraire, l‟avoué de Liège devra remplacer le mayeur, convoquer les échevins et ceux-ci devront rendre la justice sur réquisitoire de l‟avoué. Le cas de figure

1124 C. DE BORMAN, Ibidem, p.281.

1125 E. FAIRON, Documents liégeois de 1458 à 1469, B.C.R.H., t.104, 1930, p.263-274.

1126 Cf. J.L.KUPPER, Marc de Bade au pays de Liège en 1465, Liège et Bourgogne : actes du colloque tenu à Liège les 28, 29 et 30 octobre 1968, Liège, 1972, p.55-80.

1127 J.G.SCHOONBROODT, Miscellanées, B.I.A.L., t.12, Liège, 1874, p.339-340.

exceptionnel qui venait de se produire se trouvait donc en quelque sorte institutionnalisé. Il fallut cependant attendre le 12 juin 1462 et la nomination d‟un nouveau mayeur, le chevalier

exceptionnel qui venait de se produire se trouvait donc en quelque sorte institutionnalisé. Il fallut cependant attendre le 12 juin 1462 et la nomination d‟un nouveau mayeur, le chevalier

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