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Les premiers avoués : Guillaume de Ciney (1096-1140), Eustache de Chiny (1139-1146) et les de Pré (1146-1189)

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 170-173)

TROISIEME PARTIE – LES BONNES VILLES

1. Les premiers avoués : Guillaume de Ciney (1096-1140), Eustache de Chiny (1139-1146) et les de Pré (1146-1189)

Restait pour Otbert à donner un avoué à la Cité de Liège. Son choix se porta apparemment sur un membre fidèle de l‟entourage épiscopal, Guillaume de Ciney, qui appartenait à la noblesse.

Un Guillaume apparaît intitulé pour la première fois advocatus Leodii lors d‟une donation à l‟abbaye de Saint-Jacques, qui eut lieu entre 1101 et 1106994. Nous le rencontrons encore comme tel en 1111, dans un faux diplôme au profit de l‟abbaye de Saint-Laurent995. Il est cependant permis de penser que son accession à l‟avouerie était légèrement antérieure. Ainsi, un Guillaume est qualifié d‟advocatus dès l‟an 1096996 et il apparaîtra à cinq reprises jusqu‟en 1130997. Il est important de souligner que l‟avoué Guillaume n‟est jamais intitulé de Ciney

991 Le roi des Romains ayant décidé d‟attaquer Liège où son père, l‟empereur déchu Henri IV, était réfugié, l‟évêque Otbert envoya pour le stopper ses chevaliers, mais aussi les milices urbaines qui tendirent une embuscade aux impériaux, le 22 mars 1106. La victoire remportée par les Liégeois mit fin à la tentative d‟invasion. Cf. C. GAIER, Art militaire et armement au pays de Liège, Liège autour de l‟an mil..., op.cit., p.74.

992 J.L. KUPPER, Ibidem, p.109-110.

993 Nous renvoyons le lecteur à notre chapitre sur l‟avouerie de Hesbaye, dans ce même travail.

994 J. STIENNON, Etude sur le chartrier et le domaine de l’abbaye de Saint-Jacques de Liège (1015-1209), Paris, 1951, p. 124-125 & 169.

995 M. MARECHAL-LAUMONT, La formation du domaine de l’abbaye de Saint-Laurent de Liège (1034-1187), mém. Licence., ULg, 1970-1971, p.68-70.

996 M. GYSSELING et A.C.F. KOCH, Diplomata belgica ante annum millesimum centesimum scripta, t.1, 1950, n°236, p.393-394. Ce premier document où est mentionné notre avoué mérite quelques observations. Il s‟agit d‟une donation per manum advocati, dont nous retrouverons plusieurs exemples par la suite. Dans cette procédure, l‟avoué sert d‟intermédiaire légal, devenant le protecteur du bien cédé à l‟Eglise. Tandis que la majeure partie des donations per manum concerneront des établissements proprement liégeois, donc situés dans le territoire juridictionnel de l‟avoué, l‟acte de 1096 constitue un cas particulier dans la mesure où il concerne Notre-Dame de Maastricht, établissement auquel l‟évêque Otbert concéda deux moulins de la mense épiscopale pour rembourser une dette contractée auprès du seigneur Gosuin de Heinsberg. L‟intérêt de confier ces biens à la protection de l‟avoué était assez évident : Guillaume étant le feudataire de l‟évêque, les moulins demeuraient partiellement sous son autorité. Tout en renonçant à la propriété, Otbert demeurait en quelque sorte le haut avoué de son bien.

997 En 1099, dans un acte d‟Otbert, cf. E. SCHOOLMEESTERS, Documents concernant l’église et le village d’Ouffet, Analectes..., t.17, n°I, p.72-73 ; en 1106, toujours dans un acte d‟Otbert, cf. S.BORMANS, E.

SCHOOLMEESTERS, Cartulaire de N.D. à Huy..., B.C.R.H., 4e série, t.1, 1873, n°V, p.103-106 ; en 1124, dans un

dans aucun des documents concernant l‟avouerie de la Cité de Liège. Nous devons cette identification à J.L. Kupper qui a mis en évidence les similitudes frappantes existant entre notre avoué et le noble Guillaume de Ciney998 : mis à part l‟homonymie, il appartient à la noblesse, comme notre avoué, et occupe une place de choix dans l‟entourage épiscopal, apparaissant régulièrement dans différentes chartes à partir de 1097 et surtout entre 1124 et 1139. De plus, tout comme dans le cas de l‟avoué, le fils aîné de Guillaume de Ciney se nomme Thierry. Enfin, élément peut-être encore plus probant, Guillaume de Ciney est cité dans les listes de témoins juste après l‟avoué de l‟Eglise de Liège (ou de Saint-Lambert), place traditionnellement réservée à l‟avoué de la Cité. La dernière mention de Guillaume, avoué de Liège, remonte à 1130. Toutefois, si l‟on admet qu‟il s‟agit bien de Guillaume de Ciney, il exerça probablement ses fonctions jusqu‟à sa mort, survenue aux environs de 1139.

En effet, dès l‟année suivante, c‟est son fils Thierry d‟Argenteau qui souscrit les chartes épiscopales aux côtés de son cadet, également nommé Guillaume de Ciney.

A ce moment, il ne semble pas exister de transmission héréditaire de la charge d‟avoué, car aucun des deux fils de Guillaume ne l‟exercera jamais. C‟est donc fort probablement l‟évêque qui décida de celui qui occuperait la charge vacante. Le trône épiscopal de Saint-Lambert est alors occupé par Albéron de Chiny (1135-1145). Usant de son influence, le prélat était parvenu à ce que son frère, Eustache, épouse la fille de Wiger (mort avant 1139) et devienne ainsi avoué de Hesbaye999. En toute logique, il était tentant pour Albéron de profiter de cette vacance de l‟avouerie de Liège et d‟y placer également son frère. En plus de satisfaire les ambitions de sa parentèle, c‟était une manière de garantir sa sécurité. Nous ignorons comment l‟évêque procéda exactement, mais il est certain qu‟Eustache de Chiny se vit attribuer des prérogatives normalement réservées à un avoué urbain. Ainsi, deux ans plus tard, lors du siège de Bouillon, Eustache est chargé du commandement des milices liégeoises1000. Il s‟agit probablement d‟un fait nouveau, sinon le chroniqueur n‟aurait sans doute pas pris la peine de le mentionner. En admettant que ce commandement ait jusqu‟à présent été exercé par l‟avoué de Liège, il y aurait donc transfert d‟une partie de ses prérogatives au profit de l‟avoué de Hesbaye. Par ailleurs, pendant tout le restant de l‟épiscopat d‟Albéron, nous ne rencontrons pas d‟avoué de Liège. De là à envisager une fusion des deux charges au profit d‟Eustache de Chiny, il n‟y aurait qu‟un pas à franchir.

Pour autant qu‟elle ait eu lieu, cette réunion des deux avoueries fut relativement éphémère. En 1145, Albéron de Chiny décédait et c‟est son adversaire, Henri II de Leez (1145-1164), qui montait sur le trône de Saint-Lambert. Il est probable que le nouvel évêque se soit empressé d‟écarter Eustache des affaires liégeoises, du fait de sa parenté avec Albéron, mais aussi de son ambition qui s‟était manifestée au grand jour dans diverses usurpations au détriment des abbayes de Saint-Laurent et de Stavelot. L‟avouerie de Hesbaye n‟en demeura pas moins aux mains d‟Eustache de Chiny et ses successeurs conserveront les fonctions militaires acquises à Bouillon jusqu‟au XVe siècle.

acte d‟Albéron I, cf. L. LAHAYE, Chartes de Saint-Jean..., t.1, n°10, p.6 (document perdu) ; en 1126, dans un autre acte du même Albéron, cf. J.HALKIN, Albéron Ier..., B.S.A.H.D.L., t.8, 1894, n°7, p.351-352 ; en 1130, dans un acte d‟Alexandre Ier, cf. Cartulaire de N.D. à Huy..., op.cit., n°VIII, p.112-115. On notera que dans deux de ces documents (1099 et 1106), l‟avoué Guillaume figure aux côtés de l‟avoué de Hesbaye, Renier, qu‟il suit immédiatement dans la liste de témoins.

998 L’avouerie de la cité..., op.cit., p.99-100.

999 J.L.KUPPER, Liège et l’Eglise impériale, op.cit., p.301. Cf. aussi le chapitre consacré à l‟avouerie de Hesbaye au début de ce travail.

1000 Triumphus sancti Lamberti de castro Bollonio, éd. W. ARNDT, MGH, SS, t.20, Stuttgart, 1868, p.508. Cf.

aussi J.L. KUPPER, L’avouerie de la cité..., p.101.

Henri de Leez aspirait très certainement à ce que l‟avouerie de Liège soit aux mains d‟un personnage modeste, docile et facilement contrôlable, si possible d‟extraction modeste. Aussi porta-t-il son choix sur un membre de sa familia, Wéry de Pré, qui apparaît pour la première fois comme advocatus Leodiensis dans un transfert de biens au profit de l‟abbaye de Saint-Jacques en 11461001. Wéry de Pré était un ministerialis et devait donc tout à l‟évêque, qui pouvait mieux le « brider » en cas de besoin1002.

La lignée des de Pré n‟était pas une nouvelle venue dans l‟entourage épiscopal. Le père de Wéry, Lambert de Pré, occupait déjà d‟importantes fonctions auliques, puisqu‟il fut le sénéchal de l‟évêque vers 1083-1112. Wéry suivit ses traces, occupant lui-même la fonction de sénéchal jusque vers 1159 et la cumulant donc avec celle d‟avoué de la Cité. Son frère, Annelin, apparaîtra lui aussi revêtu du titre de dapifer à trois reprises entre 1112 et 11301003. Wéry épousa une certaine Hawide qui fut vraisemblablement la mère de ses 3 fils dont l‟aîné, Lambert, apparaît aux côtés de son père lors du transfert de 1146. Cet acte de donation constitue d‟ailleurs le seul document relatif à l‟avoué de Liège pour cette époque. Nos informations s‟en trouvent dès lors fort limitées. Tout au plus savons-nous encore que Wéry et sa parentèle exercèrent une certaine influence dans la paroisse de Saint-Nicolas en Outre-Meuse1004 dont l‟église fut apparemment fondée par l‟avoué ou par un de ses ancêtres. Dans ses dernières volontés, qui datent des environs de 1159, Wéry décida, conjointement avec son épouse, de la donner aux Prémontrés de Cornillon1005. Ses nièces, Ode et Béatrice, firent de même et cédèrent les droits qu‟elles possédaient dans la paroisse1006.

A la mort de Wéry, l‟avouerie de Liège passa à son fils cadet, Thierry, car l‟aîné, Lambert, était probablement mort entre-temps (~1156)1007. Quant au deuxième cadet, Wéry, il succéda à son père comme sénéchal.

Avec Thierry de Preit, c‟est donc un second ministerialis qui accède à l‟avouerie de la Cité de Liège. Sa première mention comme avoué se trouverait dans l‟acte de l‟évêque Raoul de Zähringen (1167-1191) confirmant la donation effectuée par son père au profit de Cornillon.

Peut-être ce document non daté remonte-t-il à la fin de la décennie 1160. Après quoi, durant les années 1170-1180, nous rencontrons régulièrement l‟avoué Thierry dans toute une série d‟actes1008. Il est intéressant de noter que trois d‟entre eux concernent l‟établissement

1001 J.STIENNON, op.cit., n°6, p.442-443.

1002 J.L.KUPPER, L’avouerie de la cité..., p.111.

1003 L‟office de sénéchal sera occupé par des membres de la famille de Pré jusqu‟au milieu du XIVe siècle. Cf.

notamment J.L.KUPPER, Liège et l’Eglise impériale, op.cit., p.235. E.PONCELET, Les sénéchaux de l’évêché de Liège, B.S.A.H.D.L., t.11, 1897, p.315-330.

1004 On notera que c‟est également dans les prairies d‟Outre-Meuse que pâturait le cheptel destiné à la table épiscopale, dont le sénéchal était vraisemblablement le responsable. Cf. J.L. KUPPER, Liège et l’Eglise impériale, p.235, n.127.

1005 T. GOBERT, Les rues de Liège anciennes et modernes, Liège, s.d., t.2, p.582.

1006 Edité par J. DARIS, Notice historique sur l’abbaye de Beaurepart à Liège, B.I.A.L., t.9, 1868, p.339. L‟auteur situe ce testament non daté aux environs de 1159. Il fut en tout cas rédigé sous Henri de Leez (1145-1164) et nous est connu par une confirmation ultérieure, sous Raoul de Zähringen (1167-1191). Les droits sur la paroisse étaient répartis de la manière suivante : l‟avoué Wéry et son épouse en possédaient trois parts, tandis que la quatrième part restante était partagée entre ses deux nièces, Ode et Béatrice, et le fils de cette dernière, Hellin.

Les de Pré ne conservaient sur les revenus de l‟église qu‟une rente annuelle de 6 sous et 1 livre de cire, que la mère et le fils, c‟est-à-dire Hawide et Thierry, continueraient à percevoir de leur vivant.

1007 E. PONCELET, L’avouerie de la Cité de Liège, B.S.A.H.D.L., t.23, Liège, 1931, p.186.

1008 Cf. notamment la confirmation de la donation de Herstal à l‟Eglise de Liège, le 29 septembre 1171 dans CSL, t.1, n°LIII, p.89 ; une charte de Raoul de Zähringen de 1174 dans le cartulaire de N.D. à Tongres, éd. J.

DARIS, B.I.A.L., t.16, 1881, 325-326 ; la charte de privilèges accordés aux habitants de Brusthem par le comte

religieux de Cornillon1009. En 1187, Thierry fut impliqué dans un arbitrage au sujet de l‟église de Glons, faisant suite au décès du curé de la paroisse et à la nomination simultanée de deux titulaires1010. Deux ans plus tard, nous le rencontrons une dernière fois dans une donation per manum au profit de la collégiale Saint-Paul1011.

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