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Droits et revenus de l’avouerie

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 105-108)

DEUXIEME PARTIE – LA MENSE EPISCOPALE

III. Nivelle-sur-Meuse

4. Droits et revenus de l’avouerie

De par son appartenance à la mense épiscopale, l‟avouerie de Nivelle était relevée devant la Cour féodale de Liège. Outre la charge elle-même, le fief incluait une tour et une maison (dite du Voué) attestées à partir de 1345546. Celles-ci seront occupées par les avoués pendant toute la fin du Moyen Age et une bonne partie de l‟Epoque moderne. Un document de 1709 nous apporte d‟ailleurs quelques précisions quant à l‟agencement de ces bâtiments et de leurs dépendances : la tour, qualifiée de « grosse », était située devant la maison. Il y avait également un jardin clôturé d‟une superficie d‟un demi bonnier, situé au bord de la Meuse.

L‟avoué détenait en outre 8 bonniers de terres labourables ainsi que le verger et le pré dit Labroye, qui totalisaient ensemble environ 2 bonniers. C‟est au XVIIIe siècle, sous l‟avoué Jean-Jacques-Joseph de la Tour, que la résidence ancestrale sera abandonnée au profit d‟une maison de plaisance sise à Lixhe, en bord de Meuse547.

L‟avouerie et ses dépendances bénéficièrent certainement très tôt de privilèges fiscaux. Nous ignorons cependant ce qu‟il en était avant le début du XVIIIe siècle. A cette date, l‟ensemble des biens détenus par l‟avoué de Nivelle échappait à la dîme. Il était également exempt de

543 Il s‟agit d‟une section de l‟actuelle commune de Manhay, province de Luxembourg, arrondissement de Marche.

544 Ibidem, cf. notamment les p.136-138.

545 Il eut maille à partir avec le seigneur-gagiste de Nivelle concernant l‟extraction du sable dans la montagne entre Lanaye et Caster (1780) ainsi qu‟avec les chanoines de Saint-Paul au sujet de la prééminence sur l‟église paroissiale.

546 P.DELBRASSINE, op.cit., p.46, d‟après Cour féodale, 40, f°173.

547 Cette demeure avait été bâtie vers 1735 par le père de l‟avoué, Jean Remacle de la Tour, jurisconsulte et avocat, trésorier général des Etats du Pays de Liège et du comté de Looz et bourgmestre de la Cité.

cens, de tailles et d‟impôts, y compris ceux levés en temps de guerre. Par ailleurs, l‟avoué était dispensé de toutes les taxes et impôts personnels levés dans la seigneurie.

Les privilèges s‟étendaient également à une portion de la Meuse, appelée le Tribou. La documentation ne permet pas d‟en définir précisément les limites, mais il semble que le Tribou prenait fin à l‟endroit où commence la commune de Lanaye. Depuis la fin du XVIe siècle au moins, l‟avoué s‟y réservait le droit de pêche ainsi qu‟un droit d‟épave. Il en allait de même pour les amendes.

Dans le restant de son district, par contre, l‟avoué était contraint de partager. Ainsi, comme très souvent, il ne conservait qu‟un tiers des amendes, le restant étant réparti entre le prince-évêque et la Cour de Justice de Nivelle.

Dès le milieu du XIVe siècle, les banalités du four et de la brasserie de Nivelle furent rattachées à l‟avouerie. On constate ainsi que Louis Printe devait chaque année à l‟évêque de Liège 12 deniers et 2 chapons pour le four et 40 sous et 20 setiers d‟épeautre pour la brasserie548. Sous son successeur, Gérard Printe, il existait à Nivelle deux fours, dont l‟avoué détenait deux parts, de même que deux moulins banaux. L‟un d‟eux, celui de Castert, était partiellement détenu par l‟avoué à raison de deux parts (acte de relief du 21 juillet 1345).

Quant à l‟autre, il se trouvait à Emben, sur le Geer. En 1439 encore, les échevins de Liège précisèrent que l‟avoué était héritier de la banalité des moulins, ce qui l‟obligeait de les mettre à la disposition des surcéants549.

Toujours au XIVe siècle, l‟avoué de Nivelle était en possession de deux parts de la pêcherie de Lixhe et de deux parts d‟une rente de 130 chapons à Nivelle. Peut-être ces chapons comptaient-ils parmi les droits d‟avouerie dus par les habitants des lieux. En 1709, date à laquelle nous disposons d‟informations plus précises, le droit d‟avouerie était payé une fois l‟an, à la saint Etienne (26 décembre), sous peine d‟une amende de 7 sous. Il s‟élevait à 120 deniers (à 2 liards la pièce), à 80 sous (à 6 patards la pièce) de cens seigneuriaux et à 60 chapons. L‟avoué percevait de plus une rente foncière de 20 florins de Brabant, payable pour moitié à Noël et pour l‟autre à la saint Jean (24 juin).

En ce qui concerne les devoirs liés à la charge d‟avoué, l‟énumération sera relativement courte. En effet, en tout et pour tout, l‟avoué de Nivelle n‟était astreint qu‟à deux obligations essentielles. Le devoir féodal qui le contraignait à rejoindre en cas de besoin l‟armée épiscopale, accompagné de ses hommes de fief. Ce rôle militaire lui imposait également de commander les milices de Nivelle et de Brust550. La seconde obligation concernait les sentences criminelles. Ainsi, jusqu‟à la fin de l‟Ancien Régime, notre avoué dut assumer le dernier coup d’épée, c‟est-à-dire l‟exécution des condamnés.

Si les sources médiévales n‟ont pas conservé la trace d‟une intervention de l‟avoué de Nivelle dans le domaine judiciaire, nous en trouvons une illustration lors d‟une affaire survenue en 1715. Un jeune homme, Dirick Lina, avait blessé un certain Laurent Jockin delle Naye à plaie ouverte au moyen d‟un couteau à pointe. De ce fait, sur décision de l‟avoué Charles-François de Liboy et de son officier, Simon Desart551, il dut comparaître devant la Cour de Justice, le 1er juillet à 7 heures du matin. Son père et mambour, Godefroid Lina, l‟accompagnait. Tous

548 P.J.DEBOUXHTAY, op.cit., p.116.

549 Ibidem, p.118.

550 Village situé en face de Nivelle, sur la rive droite de la Meuse.

551 En plus d‟être officier de l‟avoué, Desart exerçait la charge de mayeur de la Cour foncière de l‟avouerie.

deux se virent infliger une amende de 50 florins d‟or, dont la tierce partie reviendrait à l‟avoué. Quant au jeune Dirick, il fut en plus condamné à la mutilation du poing droit552. 5. La cour foncière de l’avouerie

L‟avouerie de Nivelle n‟était pas la seule à posséder une cour foncière, loin s‟en faut.

Toutefois, grâce à la relative richesse de la documentation, il nous est possible d‟envisager son fonctionnement de manière plus précise que pour d‟autres avoueries.

Egalement nommée cour des tenants, la Cour foncière de Nivelle apparaît pour la première fois en 1394, date à laquelle l‟avoué Louis II Printe la présidait en qualité de maire. Nous la retrouvons ensuite régulièrement tout au cours du XVe siècle, avec 5 mentions entre 1423 et 1499553.

A l‟instar de la cour de justice, la cour foncière était composée d‟un mayeur, d‟un greffier, de sept échevins, mais aussi des tenants et d‟un sergent. Les tenants ou hommes de fiefs constituent la raison même de l‟existence de cette cour. En effet, du fait de leur nature féodale, les biens de l‟avouerie de Nivelle étaient soustraits à la juridiction civile de la cour de justice. Dès lors, la cour foncière s‟apparentait à une véritable cour féodale propre à l‟avoué.

Cette similitude se retrouvait d‟ailleurs dans son fonctionnement : comme devant la Cour féodale de Liège, par exemple, les vassaux de l‟avoué devaient procéder au relief de leurs biens. Au XVIIIe siècle encore, le relief était exigé de tous les nouveaux tenanciers, que ce soit par succession, transport ou saisie.

Il est question d‟hommes de fief de l‟avoué de Nivelle dès le XIIIe siècle, soit bien avant qu‟une cour foncière ne soit attestée dans les sources. Cinq d‟entre eux résidaient à Nivelle et trois autres à Lixhe. Ces derniers détenaient chacun une tour : une à Loën et deux à Lixhe même, dont la tour dite de Liextembourg. Le propriétaire de celle-ci était alors un écuyer (armiger)554. Plus tard, en 1314, cette tour qualifiée de « maison de pierre » ainsi qu‟un jardin et 3 bonniers de terre échut à Guillaume, fils du chevalier Eustache de Nivelle et neveu de l‟avoué Léon III555. Dans le courant du XVe siècle, le fief de Liextembourg rapportait aux avoués divers revenus en cens et en chapons. Ceux-ci échurent à Amel et Jean de Beaumont au décès de leur père, second époux de Jeanne Printe. Par la suite, en 1485, c‟est le nouvel avoué, Jacquemin du Bois, qui fut mis en leur possession556. La tour de Liextembourg continua d‟être assujettie au paiement d‟un cens au profit de l‟avoué jusqu‟à la fin de l‟Ancien Régime. Pour preuve, en 1709, elle rapportait encore 24 sous, 10 deniers et 18 chapons ½557.

552 D‟après un rôle de la Cour de Justice de Nivelle édité par P.J.DEBOUXHTAY, op.cit., p.135.

553 P.DELBRASSINE, op.cit., p.47.

554 CSL, t.2, p.77, n.3.

555 E.PONCELET, Fiefs sous Adolphe de la Marck..., op.cit., p.130.

556 P.J.DEBOUXHTAY, op.cit., p.119.

557 Il s‟agit d‟une déclaration faite par Charles-François-Rossius de Liboy, le 30 mars 1709, lors de sa comparution devant la Cour féodale. Elle renferme les noms d‟un certain nombre de feudataires de l‟époque, ainsi que les impôts et rentes dus par eux à l‟avoué. Cf. P.J. DEBOUXHTAY &DUBOIS, op.cit., p.130-133.

IV. Malines

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 105-108)