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La maison de La Marck : 1351-1496

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 57-63)

PREMIERE PARTIE – LA MENSE CAPITULAIRE

I. L’avouerie de Hesbaye

6. La maison de La Marck : 1351-1496

Yolande survécut à son mari Louis de Looz-Agimont et est encore mentionnée en 1377. Ils n‟eurent ensemble qu‟une seule fille, Marie de Looz-Agimont, qui transmit l‟avouerie de Hesbaye en épousant le chevalier Evrard de La Marck, frère de l‟évêque de Liège Englebert (1345-1364)212. Cette union était déjà accomplie le 30 janvier 1351, date à laquelle Evrard porte pour la première fois le titre d‟avoué de Hesbaye213. Par ce mariage, Evrard obtint également la seigneurie d‟Aigremont, dont il apparaîtra investi en 1370 et 1377. Toutefois, ce n‟est qu‟à la mort de la grand-mère de sa femme, l‟avoueresse douairière Alice de Hermalle, qu‟Evrard put jouir des revenus de l‟avouerie de Hesbaye, qu‟il releva officiellement avec ses dépendances le 4 mai 1356, à Seraing214.

Sur le plan militaire, nous constatons que l‟avoué Evrard participe à la campagne de 1361, au cours de laquelle l‟armée liégeoise s‟empare du comté de Looz. C‟est à lui que revient l‟honneur de planter l‟étendard de Saint-Lambert sur les murs de Stokkem215.

Le 8 juin 1377, Evrard II fait transport d‟une rente de 40 muids d‟épeautre sur plusieurs masures de Fexhe-le-Haut-Clocher, de 50 bonniers de bois et de haies sis à Aigremont et d‟un tiers de la dîme des vins d‟Awirs à Lambert de Goenes, écuyer, et à son épouse, Isabelle216. En 1384, à l‟occasion d‟un litige217, il est de nouveau question d‟Awirs et de deux moulins implantés à cet endroit, qui se trouvent dans la juridiction de l‟avoué de Hesbaye. L‟avoué n‟intervient pas directement dans cette affaire qui oppose plusieurs membres de la noblesse, parmi lesquels les mambours des seigneurs de Havré218, de Seraing-le-Château219 et de Warfusée, et les habitants de ces lieux. Les premiers exigent que les seconds soient soumis à la banalité des moulins. Cependant, par sentence des 7 août et 9 octobre, les maîtres, jurés et conseil de la Cité de Liège donnent raison aux habitants et les exemptent de toute obligation.

La date du décès d‟Evrard Ier demeure relativement incertaine. Le chroniqueur Pontus Heuterus220 rapporte qu‟il mourut en 1387. Cependant, un élément vient contredire cette affirmation : au mois de mai de l‟année suivante, les Liégeois entreprennent une expédition

212 Troisième fils d‟Englebert II, comte de la Marck, et de Mathilde, dame d‟Arenberg, Evrard est chanoine à Cologne et à Liège dès 1326 et prévôt de Munster entre 1335 et 1347. En 1354, il devient seigneur d‟Arenberg, dans l‟Eiffel.

213 J. DE CHESTRET DE HANEFFE, Histoire de la maison de La Marck, y compris les Clèves de la seconde race, Liège, 1898, p.95-96.

214 E.PONCELET, Les feudataires sous Englebert de la Marck…, op.cit., p.554.

215 Aujourd‟hui Dilsen-Stokkem, province de Limbourg, arrondissement de Tongres. RAOUL DE RIVO, Gesta pontificum leodiensium ab anno tertio Engleberti de Marcka usque ad Johannem a Bavaria, éd.

J. CHAPEAVILLE, Gesta pontificum leodiensium, t.3, Liège, 1616, p.10. A la mort de Thierry de Heinsberg (1361), son neveu et héritier, Godefroid d‟Alembroeck, prit possession du comté de Looz malgré l‟opposition des trois ordres. Dès lors, la guerre éclata et l‟évêque Englebert de La Marck s‟empara successivement de Bilsen et Hasselt. Stokkem capitula à son tour après 27 jours de siège. Cf. A. LE ROY, art. Englebert de La Marck, Biographie nationale, t.13, col.490-497. Concernant l‟histoire du comté de Looz, cf. essentiellement J.

BAERTEN, Het graafschap Loon, op.cit.

216 S. BORMANS, Seigneuries féodales, op.cit., p.16.

217 E.FAIRON,Régestes de la cité de Liège, t.1, Liège, 1933, n°539, p.499-501.

218 Province de Hainaut, arrondissement de Mons.

219 Province de Liège, arrondissement de Huy.

220 Pontus Heuterus (Heviter) est un chroniqueur hollandais né à Delft en 1535. Il fut notamment l‟auteur d‟une histoire latine des ducs de Bourgogne (Res Burgundicae) qui parut en 1583. Cf. DE CHESTRET, Histoire de la Maison de La Marck, op.cit., p.96 d‟après Res Burgundicae, p.224. Cf. également P.BONENFANT, Philippe le Bon, sa politique, son action, Bibliothèque du Moyen Age, vol. 9, Bruxelles, 1996, p.3

contre le duc de Juliers, durant laquelle le commandement aurait été exercé par l‟avoué Evrard221. Deux possibilités s‟offrent à nous : ou bien notre avoué était encore en vie à ce moment, ou bien il s‟agissait de son fils homonyme, Evrard II.

Sans pouvoir trancher cette question de manière définitive, nous penchons pour la première solution, dans la mesure où, dix ans plus tard, lorsque Evrard II portera l‟étendard lors d‟une nouvelle campagne contre le duc de Juliers, il agira en qualité de mambour de sa mère et ne sera pas qualifié d‟avoué, mais simplement de « fils du seigneur Evrard »222.

La veuve d‟Evrard Ier, Marie de Looz, demeurait effectivement en possession de l‟avouerie et ne permettait pas à ses fils, Jean et Evrard, d‟en faire relief, ce qui engendra des difficultés.

Les deux frères contestaient cette position et prétendaient, au contraire, que la charge leur était dévolue par décès de leur père. De ce fait, le litige fut porté devant la cour féodale de Liège qui rendit sa sentence le 4 novembre 1392223, au château de Huy, en présence de l‟élu Jean de Bavière.

Il fut décrété que Marie demeurerait investie du fief de l‟avouerie jusqu‟à la fin de sa vie, pour autant qu‟elle fournisse un mambour afin de le desservir. Toutefois, les deux frères persistèrent dans leurs revendications, affirmant avoir droit à au moins une partie du fief, à savoir la moitié ou le tiers en fonction de ce que la cour déciderait. La loi de l‟époque prévoyait ainsi que les enfants devaient jouir du tiers de l‟héritage, sans toutefois être forcément investis d‟une charge, en l‟occurrence celle d‟avoué224. La situation était cependant plus complexe : Marie de Looz soutenait en effet que divers biens et héritages avaient jadis été assignés à Jean, par convention passée du vivant de son époux. Son fils ne pourrait dès lors prétendre à rien d‟autre, à condition qu‟elle apporte la preuve de l‟existence de cette convention.

Les choses resteront donc inchangées et les événements ultérieurs nous confirment qu‟Evrard fut mambour de sa mère jusqu‟en 1398 au moins (cf. supra) et, très vraisemblablement, jusqu‟au décès de cette dernière, survenu le 25 septembre 1410. Marie de Looz sera inhumée en la collégiale Sainte-Croix à Liège225, sous le clocher226. Son épitaphe est parvenue jusqu‟à nous, grâce à la transcription du héraut d‟armes Jacques le Fort, mais comporte une erreur de chronologie. On y lit en effet la date de 1400, car le chiffre romain X fait défaut227. Sa messe anniversaire, pour laquelle elle fit don de quatre muids d‟épeautre, est également fixée au 25 septembre dans l‟obituaire de Sainte-Croix228.

221 Il semble que cette campagne ait duré 9 jours, du 6 mai, date à laquelle les troupes quittèrent Liège avec à leur tête l‟avoué porte-étendard, au 15 mai 1388. Cf. JEAN D‟OUTREMEUSE, Chronique abrégée, éd. S. BALAU &

E. FAIRON, Chroniques liégeoises, t.2, Bruxelles, 1931, p.222.

222 Ibidem, p.234. Cette campagne consista en l‟invasion des terres de Guillaume, duc de Gueldre et de Juliers, en juin-juillet 1398. Cf. DE CHESTRET, op.cit., p.100.

223 Acté édité par DE CHESTRET DE HANEFFE, op.cit., pièce justificative n°1, p.311-312.

224 ...selonc loy ly dis enfans devoent avoir le tirche part ens biens et hiretaige devantdits sans porteir vesture...

225 E. TANDEL, Les communes luxembourgeoises, t.6, Bruxelles, 1980, p.16.

226 L.ABRY,Les seigneurs d’Aigremont..., op.cit., p.12.

227 Chy gist, ensevelye...dame Madame Marie de Loez, dame de Limay et de Nueffcasteau en...haute vouere(se) de Hessebain, jadit feme...monsignour Evrard elle Marche, chevalier, laquelle trespassat l’an XIIIIc, le XXV jour de septembre. Pryes Dieu que il ayt merchi de l’asme d’elle. DE CHESTRET,op.cit., p.97.

228 Commemoratio nobilis domine Marie de Los domine de Lymay et de Novo castro advocatricis Hasbanie nec non nobilis viri domini Ludovici de Los patris eius et domine Yolente de Lemborg matris sue, pro quorum anniversariis habemus quatuor modios speltae in granario. DE CHESTRET,Ibidem.

Evrard II, qui porte le titre de seigneur de Neufchâteau depuis 1395, peut enfin accéder à la charge tant convoitée le 14 décembre 1410, date à laquelle il relève l‟avouerie de Hesbaye, par décès de sa mère229.

Entre-temps, Evrard avait épousé Marie, fille de Guillaume de Braquemont, seigneur de Sedan230 et de Florenville231, lieutenant général du duc d‟Orléans en son pays de Luxembourg, et de Marie de Campremy. Le choix de ce parti n‟était certainement pas dû au hasard. Notre avoué était effectivement acquis à la cause de Louis d‟Orléans depuis déjà plusieurs années : il lui avait prêté hommage dès 1400, avant de se mettre entièrement à son service en 1405.

Peu après son accession à l‟avouerie de Hesbaye, il réussit à accroître son patrimoine à Lummen, en faisant l‟acquisition auprès de Thomas, seigneur de Diest, de la partie de cette terre tenue en gage du duc de Brabant (11 novembre 1411)232.

Marie de Braquemont mourut en 1415. Assez rapidement, Evrard se remaria avec la fille aînée et héritière du comte de Rochefort, Agnès (avant le 19 novembre 1418)233. Suite à la résignation de Jean de Bavière (1418), l‟avoué Evrard devint également mambour de l‟évêché de Liège, fonction qu‟il occupa une nouvelle fois l‟année suivante, lors du décès de Jean de Walenrode234.

Progressivement, Evrard II abandonna une partie de son patrimoine au profit de son fils aîné, Jean. Ainsi en alla-t-il de Lummen, Peer et Seraing-le-Château235, dont Jean fit relief le 14 décembre 1425, de la seigneurie de Sedan (vers 1435) et de l‟avouerie de Hesbaye. Le 19 juin 1437, cette dernière était déjà aux mains de Jean, qui s‟intitule haut avoué de Hesbaye dans un acte ratifiant la vente de Seraing-le-Château à Jean, seigneur de Dongelberg236.

Evrard II meurt trois ans plus tard, le 14 octobre 1440. Son épouse, Agnès, ne lui survit que quelques mois, disparaissant à son tour le 22 mars 1441. Elle est inhumée dans son comté natal, en l‟église Saint-Rémi, près de Rochefort237.

Etant donnée la rareté relative de la documentation, l‟histoire de l‟avouerie de Hesbaye sous Jean de La Marck demeure assez obscure. Elle ne semble en tout cas pas avoir été marquée par des événements d‟importance capitale.

229DE CHESTRET, op.cit., p.100.

230 France, département des Ardennes, chef-lieu d‟arrondissement.

231 Province de Luxembourg, arrondissement de Virton.

232 A la condition toutefois que Thomas et ses héritiers puissent toujours la racheter moyennant une somme déterminée.

233 Tout comme Evrard, Agnès était farouchement opposée aux Bourguignons. C‟est plus que compréhensible lorsqu‟on sait que son père, Jean III de Rochefort, avait été exécuté au lendemain de la bataille d‟Othée (1408), sur décision de Jean de Bavière, allié du duc de Bourgogne. Après quoi elle avait été privée de ses droits à la succession pendant près d‟une décennie. Cf. J.LEJEUNE, Liège et Bourgogne..., op.cit., p.46. Nous renvoyons le lecteur au chapitre consacré à l‟avouerie de Dinant, plus en avant dans ce présent travail.

234 Jean de Walenrode, archevêque de Riga, chevalier de l‟Ordre teutonique et docteur en droit fut désigné comme successeur de Jean de Bavière par le pape Martin V en mai 1418. Il mourut à Alken le 28 mai 1419. Cf.

J.LEJEUNE, Ibid., p.38-39.

235 La seigneurie de Seraing-le-Château était entrée dans le patrimoine des La Marck par mariage, au début du XVe siècle. Cf. Communes de Belgique, op.cit., t.2, p.1365.

236 Ibidem, p.100-104 ; cf. pièce justificative n°3, p.316.

237 JEAN DE STAVELOT, Chronique..., p.445 et 447. Cf. également DE CHESTRET DE HANEFFE, ibidem, p.105, qui donne une transcription de l‟épitaphe d‟Agnès de Rochefort.

Outre quelques documents concernant des fiefs sis à Hemricourt, que nous aborderons lorsqu‟il sera question de la cour féodale de Hesbaye, les données sont effectivement fort pauvres. Nous rencontrons de temps à autre Jean en tant qu‟avoué de Hesbaye, comme par exemple en 1453, 1454 et en 1461, mais il s‟agit ici d‟actes concernant les seigneuries luxembourgeoises des La Marck238. Nous mentionnerons également au passage un relief de fief, concernant sans doute Aigremont, datant de l‟année 1464239.

De son épouse, Anne ou Agnès, fille du comte Robert de Vernembourg, dans l‟Eiffel, Jean eut au moins cinq fils, parmi lesquels deux futurs avoués de Hesbaye : Evrard, l‟aîné, et Guillaume. On citera trois autres fils, Robert Ier, seigneur de Sedan, Adolphe et Jean, futur archidiacre de Hainaut.

Premier membre du lignage des La Marck à porter le surnom de « sanglier des Ardennes »240, Jean occupe la charge d‟avoué de Hesbaye jusqu‟à sa mort. Nous apprenons ainsi, dans une lettre du 30 juillet 1461, qu‟il donna l‟avouerie et la seigneurie d‟Aigremont à son fils Guillaume, pour « l‟avancement » de son mariage avec Jeanne de Schoonhoven241. Toutefois, ce dernier ne pouvait en jouir qu‟après le décès de son père. Par ailleurs, une clause stipulait que le frère aîné de Guillaume, Evrard, ainsi que ses héritiers, auraient la possibilité de racheter ces deux biens, moyennant 5 000 florins d‟Allemagne242.

En 1466, nous constatons que Guillaume, refuse de porter l‟étendard de Saint-Lambert dans l‟armée liégeoise devant secourir Dinant243, sous prétexte que l‟honneur en revient à son père, l‟avoué de Hesbaye244. A vrai dire, depuis déjà un certain temps, le port de l‟étendard par l‟avoué de Hesbaye était tombé dans une relative désuétude. Ainsi la tâche avait-elle été confiée à d‟autres lors des batailles d‟Othée (1408) et de Montenaeken (1465)245. De même, lors de l‟affrontement de Chênée (1482), la bannière de Saint-Lambert se trouvera-t-elle dans le camp de l‟évêque dont l‟adversaire n‟était autre que l‟avoué de Hesbaye, Guillaume de La Marck (cf. infra). La bataille de Chênée constitue d‟ailleurs la dernière mention connue de l‟étendard de Saint-Lambert lors d‟opérations militaires.

238 E.TANDEL, Communes luxembourgeoises, t.3, p.680-681 ; t.4, p.327.

239 L.ABRY, op.cit., p.12.

240 J. DE CHESTRET DE HANEFFE, Guillaume de la Marck n’est pas le sanglier d’Ardenne, Bruxelles, 1908 Ŕ C. GAIER, A propos d’un anniversaire : la valeur militaire du « sanglier des Ardennes », Armes et combats dans l‟univers médiéval, t.2, p.138.

241 L‟union fut célébrée entre cette date et 1463.

242 DE CHESTRET DE HANEFFE, Histoire de la maison de La Marck..., p.309.

243 Dinant fut assiégée par l‟armée bourguignonne à compter du 18 août 1466. Ses habitants implorèrent l‟intervention des Liégeois qui, dans un premier temps, restèrent sourds à leurs appels. Ils pensaient que la ville, bien fortifiée, serait à même de tenir un siège et craignaient d‟affronter une nouvelle fois les Bourguignons.

Finalement, des émeutes ayant éclaté en faveur d‟une intervention militaire, l‟armée liégeoise se mit en marche, mais elle n‟osa engager le combat. Le 25 août, Dinant capitulait et était livrée au pillage. Cf. J. LEJEUNE, op.cit., p.70.

244 ADRIEN D‟OUDENBOSCH, dans Amplissima collectio..., t.4, col. 1294.

245 A Othée, le rôle de porte-étendard incomba à Henri de Salm ; à Montenaeken, au seigneur de Berlo. A noter que, dans ce dernier cas, cette situation contraire à la coutume fut justifiée par l‟absence de « ceux à qui il appartenait de le faire » (Et fuit dominus de Bierlo ad portandum standerium quod ille dixit non esse officii sui, sed quia illi ad quos pertinebat non essent praesentes...). Cette allégation est relativement curieuse dans la mesure où, jusqu‟à présent, le port de l‟étendard était confié à une seule personne, l‟avoué de Hesbaye. On signalera également que l‟étendard fut lacéré pendant la bataille de Montenaeken. Cf. C. GODEFROID, op.cit., p.396-397 et n.111-112 ; Chronique du règne de Jean de Bavière, éd. S.BALAU, Chroniques liégeoises..., op.cit., t.1, p.197 ; C.GAIER, Art et organisation militaires, op.cit., p.312-320 et 339-342.

En 1468, Jean est encore mentionné comme haut avoué de Hesbaye, prévôt de Bastogne et de Marche246. Il décède en 1470247.

Guillaume de la Marck, fils et successeur de Jean comme avoué de Hesbaye, est une des figures le plus emblématiques de l‟histoire liégeoise dans la seconde moitié du XVe siècle.

Aventurier et chef de guerre sans scrupules, changeant de camp selon ses propres intérêts, il est associé aux tragiques événements que connut la principauté de Liège à cette époque. Tour à tour ennemi puis allié des Bourguignons, il s‟inscrira dans la lignée de ceux qui, depuis Dodon au VIIIe siècle, n‟ont pas reculé devant le crime sacrilège : l‟assassinat de l‟évêque.

Guillaume tuera ainsi Louis de Bourbon à Chênée en 1482, peut-être de sa propre main248. Surnommé « la barbe », en raison de son long appendice pileux, ainsi que « sanglier des Ardennes », Guillaume de La Marck fera preuve d‟une témérité et d‟une férocité peu communes, qui lui vaudront d‟entrer dans la légende, notamment à travers le roman de Walter Scott, Quentin Durward (1823). Nous ne reviendrons pas davantage sur ces événements bien connus et nous renvoyons dès lors le lecteur aux ouvrages faisant l‟état de la question249. La succession de Guillaume à l‟avouerie, vers 1470, mérite quelque réflexion, dans la mesure où elle survient après les sanglants événements de 1467-1468 et la dure punition infligée par Charles le Téméraire aux Liégeois. Parmi les sanctions imposées par le duc de Bourgogne, on remarque effectivement l‟abolition de toutes les avoueries particulières : désormais, les souverains bourguignons seront reconnus « gouverneurs et avoués souverains, héréditaires, généraux et particuliers des églises, des villes et pays de Liège et de Looz »250.

Or, dans les faits, ce sont essentiellement les avoueries urbaines des bonnes villes qui feront les frais de cette mesure. L‟avouerie de Hesbaye ne semble pas avoir été supprimée, du moins dans un premier temps. Pourquoi ce sort distinct ? Aucun document ne nous apporte de réponse à la question. On soulignera toutefois le rôle joué par les La Marck et qui a peut-être influé dans ce domaine. Ainsi, Guillaume de La Marck, qui fut jusqu‟en 1467 un adversaire de Philippe le Bon, changea soudainement de camp et apporta son soutien au nouveau duc, Charles le Téméraire, qu‟il assista lors du sac de Liège, en 1468. A cette occasion, il sera fait chevalier de la main même du duc, le 27 octobre, en même temps que son frère Evrard III. On serait dès lors tenté de voir dans le maintien de cette avouerie un privilège accordé aux La Marck par le duc pour les récompenser et maintenir leur fidélité.

Quoiqu‟il en soit, le nouveau revirement de Guillaume, quelques années plus tard, le privera momentanément de la charge. Dès 1473, Guillaume liquide une partie du patrimoine familial, vendant Peer à Guy de Brimeu, sire de Humbercourt, et Lummen à Wolfart de Borssele, sire

246 E. TANDEL, op.cit., t.4, p.47.

247 DE CHESTRET DE HANEFFE, op.cit., p.111.

248 Lors du combat de Chênée, Louis de Bourbon se retrouva face à face avec Guillaume de La Marck. Jeté à bas de son cheval par plusieurs coups d‟épée, le prélat fut ensuite achevé malgré ses supplications. Si un certain nombre de sources, y compris étrangères, font état de la participation du « Sanglier des Ardennes » à ce meurtre, rien ne permet d‟affirmer avec certitude qu‟il tua l‟évêque de sa propre main. Par ailleurs, il n‟est pas exclu que la mort de Louis de Bourbon Ŕ qui désirait manifestement en découdre Ŕ résulta d‟une forme de combat singulier. Cf. P. HARSIN, Etudes critiques sur l’histoire de la principauté de Liège 1477-1795, t.1, Liège, 1957, p.90-91 et en particulier n.42.

249 Outre les deux ouvrages de J. DE CHESTRET DE HANEFFE et l‟article de C.GAIER précédemment cités, on consultera le mémoire de licence de O.VERSCHUEREN, Guillaume de la Marck, un condottiere dans le pays mosan à la fin du Moyen Age, Liège, 1993, ainsi que les p.69-80 de l‟ouvrage de P.HARSIN, Etudes critiques sur l’histoire de la principauté de Liège 1477-1795, t.1, Liège, 1957.

250 S.BORMANS, Recueil des ordonnances..., 1ère série, Bruxelles, 1878, p.623-624.

de Veere251. Vers la même époque, il effectue divers préparatifs et fait mettre son château d‟Aigremont en état de défense. La suite des événements est connue : pendant l‟absence de Charles le Téméraire, Guillaume assassine le vicaire général de l‟évêque, Richard Troncillon, à Saint-Trond. Ce meurtre le contraint cependant à l‟exil et, pendant plusieurs années,

de Veere251. Vers la même époque, il effectue divers préparatifs et fait mettre son château d‟Aigremont en état de défense. La suite des événements est connue : pendant l‟absence de Charles le Téméraire, Guillaume assassine le vicaire général de l‟évêque, Richard Troncillon, à Saint-Trond. Ce meurtre le contraint cependant à l‟exil et, pendant plusieurs années,

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