• Aucun résultat trouvé

L’avouerie de Hesbaye aux Temps modernes : 1496-1793

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 63-66)

PREMIERE PARTIE – LA MENSE CAPITULAIRE

I. L’avouerie de Hesbaye

7. L’avouerie de Hesbaye aux Temps modernes : 1496-1793

L‟histoire de l‟avouerie de Hesbaye ne connaît pas de véritable rupture au début de l‟Epoque moderne. Jusqu‟à la seconde moitié du XVIIe siècle, l‟office demeure effectivement aux mains de l‟aristocratie militaire. Dans un premier temps259, ce sont d‟ailleurs les La Marck, déjà en place depuis les deux derniers siècles du Moyen Age, qui conservent la charge. A la mort d‟Evrard III (1496), celle-ci revient à son neveu, Jean, fils aîné de Guillaume, le

« sanglier des Ardennes ». En 1518260, cependant, l‟avouerie est récupérée par les héritiers directs d‟Evrard III, ses fils Evrard IV et Robert Ier. Sans progéniture, Evrard IV ne fut en fonctions que quatre jours261 avant de résigner au profit de Robert Ier. Il demeura par contre avoué de la Cité de Liège262. Aussi, sa mort en 1531, d‟une chute de cheval, aboutira-t-elle à la réunion des deux avoueries dans le chef de Robert. Après le décès de ce dernier, en 1542, c‟est son petit-fils, Robert III qui lui succéda263. Il mourut à son tour en octobre 1544.

L‟héritage passa alors en ligne féminine : revenant tout d‟abord aux deux sœurs cadettes du défunt, Marie et Mathilde, il échut finalement à l‟aînée, Marguerite de La Marck (1527-1599).

Cette dernière apporta l‟avouerie en dot à Jean de Ligne, baron de Barbençon, qu‟elle épousa le 18 octobre 1547264.

Plus encore que les derniers La Marck, les de Barbençon comptaient en leur sein plusieurs grands militaires. C‟est d‟ailleurs au combat que mourut Jean de Ligne, tué le 23 mai 1568 à la bataille d‟Heiligerlee265, où il commandait l‟armée espagnole en tant que gouverneur de

257 L.ABRY, op.cit., p.13.

258 DE CHESTRET DE HANEFFE, op.cit., p.120.

259 Concernant cette période, on signalera l‟existence d‟un travail consacré à l‟épiscopat de Jean de Hornes, qu‟il convient néanmoins de consulter avec prudence : P. CAPE, Contribution à l’histoire du prince-évêque de Liège Jean de Hornes (1482-1505), mémoire de Licence, Liège, 2004.

260 S.BORMANS, Seigneuries féodales..., op.cit., p.16-17. E.PONCELET, L’avouerie de la Cité..., op.cit., p.244.

261 Ce qui ne l‟empêchera pas de se faire intituler avoué de Hesbaye sur son épitaphe.

262 DE CHESTRET, op.cit., p.122-125.

263 Son fils, Robert II, était mort prématurément le 30 avril 1536.

264DE CHESTRET, op.cit., p.132-133.

265 Actuellement Pays-Bas, province de Groningue. Le 23 mai 1568, Jean de Ligne, au service du roi d‟Espagne, y engagea imprudemment les troupes du comte Louis de Nassau. Il y trouva la mort et l‟armée espagnole fut totalement défaite, laissant 1.500 à 2.000 hommes sur le terrain. Cf. notamment P.HARSIN, Etudes critiques..., t.3, Liège, 1959, p.205.

Frise. De même, son fils Robert fut-il capitaine d‟hommes d‟armes et colonel d‟infanterie au service du roi d‟Espagne, ainsi que capitaine des archers des archiducs Albert et Isabelle266. A vrai dire, Robert de Ligne ne succéda pas directement à son père. Etant encore mineur à la mort de ce dernier267, il n‟hérita que d‟une partie de l‟héritage familial, tandis que l‟autre, qui comprenait notamment l‟avouerie de Hesbaye, était relevée par sa mère.

Dès lors, il fallut attendre le décès de Marguerite pour qu‟il relève l‟avouerie de Hesbaye ainsi que la seigneurie d‟Aigremont, le 8 juin 1599268. Entre autres faits notables survenus du temps de Marguerite de La Marck, on mentionnera l‟érection de la seigneurie d‟Aigremont en comté d‟Empire, le 24 novembre 1590, sur décision de l‟Empereur Rodolphe II (1576-1612)269. Robert de Ligne mourut le 2 mars 1614. Le patrimoine familial échut tout d‟abord à sa veuve, Claudine de Salm. Son fils Albert ne tarderait toutefois pas à être investi des charges d‟avoué de Hesbaye et de la Cité de Liège : nous l‟en trouvons revêtu dès le 8 mai 1616, au moment de son mariage avec Anne Marie Claire de Dave270.

Menant grand train de vie, Albert de Ligne connut l‟endettement, de sorte qu‟il fut progressivement contraint de se défaire de la majeure partie du patrimoine familial. Le 21 février 1657, faute de paiement d‟une rente, le comté d‟Aigremont revint à un chanoine-chantre de Saint-Denis, Julio de Nuvolara. Par la suite, le bien fut saisi et, au terme de longs démêlés juridiques, il échut au jurisconsulte Mathias de Graty. Entre-temps, Albert de Ligne s‟était exilé à Madrid : c‟est là qu‟il mourrait en avril 1674271.

Avec Mathias de Graty, jurisconsulte et bourgmestre de la Cité de Liège272, nous entrons dans la deuxième phase de l‟histoire moderne de l‟avouerie de Hesbaye, marquée par le passage de l‟office aux mains de la noblesse de robe, puis du clergé. Au cours de la décennie 1660, la ruine des de Ligne-Barbençon permit à de Graty de réunir non seulement l‟avouerie, mais aussi les fiefs les plus importants qui y étaient associées, à savoir Aigremont-Awirs et Fexhe-le-Haut-Clocher. Il ne tarderait cependant pas à connaître lui aussi des difficultés, probablement d‟ordre politique, de sorte qu‟une nouvelle saisie fut décrétée le 1er février 1680273. Débuta une période extrêmement complexe, au cours de laquelle se mit notamment

266 L.P. GACHARD, art. Barbançon (Albert de Ligne, prince de), Biographie nationale, t.1, 1866, col. 686-697.

267 Robert était né le 11 novembre 1564. Dernier né de la famille, il avait un frère, Charles d‟Arenberg, qui épousa Anne de Croy le 4 janvier 1587.

268 S. BORMANS, op.cit., p.18.

269 E. POSWICK, Documents inédits sur la haute avouerie de Hesbaye, B.I.A.L., t.11, p.196.

270 S. BORMANS, Ibidem.

271 E. PONCELET, op.cit., p.249.

272 Né dans la première moitié du XVIIe siècle, fils d‟un bourgmestre de Maastricht, Mathias de Graty exerce également la fonction de bourgmestre, à Liège, à trois reprises, en 1665, 1672 et 1684. Avocat à la cour de Liège, publiciste, diplomate, il est de plus conseiller et trésorier général de Maximilien-Henri de Bavière. Il meurt après 1685. De Graty tirait sa fortune de ses terres et de ses charges, mais aussi des revenus du négoce. Il dirigeait ainsi la compagnie des fontaines de la Cité de Liège et possédait de grands intérêts dans l‟industrie houillère. Cf. A. LE ROY, art. Graty (Mathias de), Biographie nationale, t.2, col. 241-244. C. DE BORMAN, Echevins..., op.cit., t.2, p.472-473. ; J. LEJEUNE, Religion, morale et capitalisme dans la société liégeoise du XVIIe siècle, R.B.P.H., t.22, 1943, p.140-141.

273 Suite à la publication de Relation de la légation vers son Altesse (1679), de Graty fut sommé par la justice de fournir des éclaircissements. Il refusa de comparaître et fit dès lors l‟objet de poursuites. Si l‟on ignore la suite de cette affaire, on pourrait supposer que la saisie opérée quelques mois plus tard s‟inscrit parmi les sanctions infligées au récalcitrant. La carrière de Mathias de Graty n‟en fut pas pour autant compromise. Quelques années plus tard, en août 1684, Maximilien de Bavière était rétabli grâce à l‟intervention des troupes françaises et, en novembre de la même année, de Graty devenait une troisième fois bourgmestre. Avec le baron de Scharmberg, il était d‟ailleurs le premier bourgmestre à ne pas tenir son mandat de l‟élection populaire : il devait ainsi sa charge à un règlement édicté par le prince-évêque Maximilien de Bavière le 29 novembre 1684. Cf. A.LE ROY, op.cit.

en place une sorte de « co-seigneurie » à Aigremont, dont pas moins de six feudataires furent mis en possession le 5 décembre 1684. Aigremont et l‟avouerie de Hesbaye changèrent encore plusieurs fois de mains au cours des décennies suivantes. Seule leur vente à Mathias de Clercx274, chanoine et écolâtre de la cathédrale de Liège assura un retour à la stabilité. Ce dernier parvint en effet à reconstituer presque intégralement le patrimoine des anciens avoués de Hesbaye, à l‟exception d‟une partie d‟Aigremont qui fut saisie en 1716 et attribuée à un nommé Théodore de Honrath, contre lequel il était en procès.

Mathias de Clercx laissa un héritage remarquable à la postérité en faisant rebâtir le château d‟Aigremont. Lorsqu‟il entra en possession de l‟avouerie de Hesbaye, il ne devait pas rester grand-chose de la forteresse médiévale qui, pour rappel, avait été rasée du temps de Guillaume de la Marck, avant d‟être reconstruite et finalement démantelée. Il y avait certes un édifice plus récent, bâti sous Evrard IV de La Marck275, mais, mal entretenu, il ne devait pas s‟avérer fort confortable. Dès lors, les efforts de Mathias de Clercx, homme cultivé et passionné de beaux arts276, visèrent à la construction d‟un ensemble somptueux toujours visible aujourd‟hui277. En septembre 1717, après seulement deux ans, la majeure partie du gros œuvre était terminée. Il s‟agissait d‟un délai remarquablement court pour un chantier de cette ampleur. Les travaux ne furent cependant véritablement achevés qu‟en 1725. La décennie 1730-1740 fut quant à elle consacrée aux détails de finition. On notera au passage que de Clercx manifestait un grand intérêt pour l‟architecture : il avait dressé lui-même les plans du château et organisa personnellement les achats de matériaux.

Notre « chanoine-avoué » décéda le 12 août 1744 à l‟âge de 83 ans. Son corps fut transporté en barque à Liège et inhumé dans la cathédrale Saint-Lambert, devant l‟autel de sainte Anne,

Concernant le contexte général, on verra B. DEMOULIN, J.-L. KUPPER, Histoire de la principauté de Liège : de l’an mille à la Révolution, Toulouse, 2002, p.169-170.

274 Mathias de Clercx est le treizième et dernier enfant de Matthys de Clercx et Marie de Stembier, de riches négociants en tissus. Baptisé le 7 novembre 1660, il devient chanoine tréfoncier en 1687 et cumule, au cours des années qui suivent, une série impressionnante de bénéfices ecclésiastiques. Il accède ainsi à la dignité de grand écolâtre en 1694, est prévôt de la collégiale Saint-Pierre entre 1702 et 1715, est fait archidiacre de Condroz en 1707 et prévôt de Fosses en 1715. Par ailleurs, il devient membre du Conseil ordinaire en 1708. Cf. P.COLMAN

& B. LHOIST-COLMAN, Le château d’Aigremont, Construction, aménagement, remaniements, Bulletin de la Commission royale des monuments et des sites, t.5, 1975-1976, p.117 ; J. DE THEUX, Chapitre de St.Lambert..., t.3, Bruxelles, 1871, p.353-354. Cf. aussi A. DUBOIS, Le chapitre cathédral..., op.cit., p.95.

275 Il s‟agit sans aucun doute de la maison et de la forteresse bâties « à la gothique » dont parle le généalogiste Louis Abry (op.cit., p.17), au XVIIe siècle. Grâce à une étude dendrochronologique, nous savons que les charpentes du château d‟Aigremont datent de 1529-1530. La construction du nouvel édifice sous Mathias de Clercx eut lieu sur l‟emplacement même du château du XVIe siècle, ce qui entraîna, entre autres, un remploi des charpentes.

276 Notons que l‟un des frères de Mathias, Lambert Clercx était également un grand amateur de beaux arts. Cf. à ce sujet B. LHOIST-COLMAN, Les goûts de Lambert Clercx, liégeois de Paris sous Louis XIV, en matière d’ameublement, Liège, 1972.

277 Edifié en briques et en calcaire, le château comporte une façade principale comptant sept travées sur deux niveaux et recouverte d‟un toit en bâtières d‟ardoises. Les trois travées centrales sont couronnées d‟un fronton triangulaire orné d‟une horloge. Sur la façade arrière apparaissent les armes des de Clercx. Le château d‟Aigremont est également remarquable par sa riche décoration intérieure. A l‟ouest se situe une aile comprenant les communs tandis qu‟une chapelle, dédiée à saint Mathias, occupe l‟angle sud-ouest de la cour. Enfin, on mentionnera les jardins à la française, à l‟est, ainsi que deux fontaines, dédiées respectivement à Neptune et à Diane, dans la cour d‟honneur. Cf. également Le patrimoine monumental..., op.cit., t.8, p.298. A noter que durant la décennie 1730-1740, Mathias de Clercx reçut Pierre Lambert de Saumery. Celui-ci décrit plus tard le château dans son œuvre, les Délices du pays de Liège (op.cit., t.1, 1742, p.352-356) tandis que deux vues étaient réalisées par le dessinateur spadois Remacle Leloup.

où réposait déjà son frère, le tréfoncier Michel278. Le château et la seigneurie d‟Aigremont, ainsi que l‟avouerie de Hesbaye revinrent à son petit-neveu, Jean Guillaume Joseph de Clercx.

N‟ayant alors que 16 ans, le jeune homme demeura un temps sous la tutelle de sa mère, Marie Lambertine de Fassin, qui releva les fiefs en son nom. La seigneurie de Fexhe-le-Haut-Clocher, par contre, échut à un autre neveu et héritier, le chanoine Jean-Mathieu de Saroléa279. Des difficultés ne tarderaient pas à surgir puisque de Saroléa, considérant à juste titre le lien existant entre l‟avouerie de Hesbaye et la seigneurie de Fexhe, réclama la totalité de l‟héritage et intenta un procès à Marie Lambertine de Fassin. En décembre 1745, le litige se termina par un compromis suite auquel l‟avouerie de Hesbaye demeurait à Jean Guillaume de Clercx, tandis qu‟il renonçait à tous ses droits et biens dans la juridiction d‟Aigremont. Jean Guillaume demeura en fonctions jusqu‟à sa mort, à Spa, le 9 juillet 1779, à l‟âge de 51 ans280. Lui succéda son fils aîné, Jean Guillaume Lambert, né le 7 janvier 1760. D‟abord placé sous la tutelle de sa mère, Marguerite-Thérèse de Hayme, il fit relief de la charge d‟avoué après la mort de celle-ci, en juin 1784. Entre-temps, à l‟instar de son grand-oncle, il était devenu chanoine de la cathédrale Saint-Lambert281. Dernier avoué de Hesbaye, il conserva son office au-delà de la Révolution de 1789, comme l‟atteste son dernier relief en date du 18 octobre 1793282.

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 63-66)