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L’avouerie de Liège au milieu du XIV e siècle : droits et devoirs

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 185-188)

TROISIEME PARTIE – LES BONNES VILLES

6. L’avouerie de Liège au milieu du XIV e siècle : droits et devoirs

Avant d‟envisager la suite des événements, arrêtons-nous un instant sur l‟aspect institutionnel de l‟avouerie de la Cité. Jusqu‟à présent, nos sources concernant les prérogatives et les

1075 CSL, t.3, n°MCCXXXIX, p.566.

1076 A.VERKOOREN, Inventaire des chartes et cartulaires des duchés de Brabant et de Limbourg et des pays d’Outre-Meuse, t.2, Bruxelles, 1911, p.134.

1077 Aujourd‟hui Dilsen-Stokkem, province de Limbourg, arrondissement de Maaseik.

1078 Ibidem, p.135.

1079 L’avouerie de la Cité…, op.cit., p.207.

revenus attachés à la charge d‟avoué de Liège se limitaient pour l‟essentiel à des records de droits. Vers le milieu du XIVe siècle, la documentation devient plus abondante, grâce notamment au Patron de la Temporalité, œuvre du célèbre chroniqueur hesbignon Jacques de Hemricourt1080. Les divers droits et privilèges reconnus à l‟avoué par les records du siècle précédent s‟y trouvent confirmés, mais nous y trouvons en outre des détails jusqu‟ici ignorés ainsi qu‟une preuve de la modification de certains aspects de l‟institution, particulièrement en ce qui concerne l‟entrée en fonctions de notre avoué1081.

Nous avons déjà évoqué précédemment la lieutenance d‟avouerie qui s‟était sans doute mise en place du temps des châtelains de Beaumont, incapables de résider en permanence à Liège du fait de l‟éloignement de leurs terres patrimoniales. Tout porte à croire que la situation n‟évolua guère sous leurs successeurs : les comtes de Looz puis le duc de Brabant ne furent sans doute guère plus présents dans la Cité. Il est dès lors fort probable que l‟avoué n‟intervenait plus personnellement dans la majorité des affaires de justice dès le commencement du XIVe siècle1082. D‟où l‟importance accrue du lieutenant d‟avouerie. Celui-ci était nommé par l‟avoué lui-même, auquel il devait prêter serment. Il le remplaçait partout où sa présence était requise et intervenait dans les accords conclus à la suite de meurtres, de rapts, etc., sur lesquels l‟avoué percevait une part. Par contre, il lui était interdit de siéger auprès des échevins lorsqu‟ils tenaient conseil ou rencharge, ni lorsqu‟ils se réunissaient pour boire ou se divertir au Destroit1083.

Vers la même époque, nous constatons l‟existence d‟un autre délégué, le clerc de l‟avoué.

Comme son nom l‟indique, il était nommé par l‟avoué et devait lui prêter serment, à l‟instar du lieutenant, mais, contrairement à ce dernier, ses fonctions se trouvaient plus limitées : sa tâche unique consistait à veiller au respect des droits de son maître. De Hemricourt souligne le fait qu‟il lui était interdit d‟accéder aux documents du Destroit ainsi qu‟aux comptes des honoraires. En matière de revenus, il jouissait d‟un statut similaire à celui du clerc des échevins ou du clerc du mayeur. La Cité de Liège ne comptait donc pas moins de trois clercs différents, ce qui sembla causer des problèmes d‟administration. De ce fait, vers 1330, un accord fut conclu et on décida de la suppression du clerc spécial de l‟avoué. Désormais, celui-ci désignerait le clerc des échevins comme son délégué personnel. Ce dernier voyait dès lors ses émoluments doublés et il percevrait en plus, sur la bourse de l‟avoué, une pension annuelle de 5 vieux écus payables à la saint Remi (1er octobre)1084.

Depuis le XIIIe siècle au moins, l‟avoué tirait une partie de ses revenus des activités commerciales de la Cité. Nous avons ainsi vu qu‟il procédait aux perquisitions effectuées à la recherche des mauvais vins. A l‟époque de Hemricourt, ces visites de contrôle lui rapportaient 8 deniers liégeois, à l‟instar des échevins. Si les vins contrôlés étaient pourris, ils étaient jetés,

1080 Le Patron de la Temporalité est un ouvrage inestimable pour l‟histoire des institutions liégeoises.

Commencé vers 1360, date à laquelle Jacques de Hemricourt (né en 1333) remplace son père comme secrétaire des échevins, il est publié en 1399. Du fait des connaissances juridiques approfondies de son auteur, il jouit dès cette époque d‟une grande renommée, au point d‟être fréquemment consulté par les tribunaux. A. JOURNEZ, art.

Hemricourt (Jacques de), Biographie nationale, t.9, Bruxelles, 1886-1887, col. 35-43.

1081 Les droits de l‟avoué de Liège font l‟objet du chapitre 10, §109-121. Cf. J. DE HEMRICOURT, Œuvres, éd. C.

DE BORMAN, A.BAYOT et E.PONCELET, t.3, Bruxelles, 1931, p. 111-117.

1082 E. PONCELET, L’avouerie de la Cité..., op.cit., p.118.

1083 Le siège de la Souveraine justice de Liège était établi dans une maison sise sur le Marché, qui n‟était séparée de l‟Hôtel de Ville que par un passage étroit, un destroit, d‟où son nom (C. DE BORMAN, Echevins, op.cit., t.1, p19). A noter qu‟en moyen français, le terme destroit peut également désigner l‟étendue d‟une juridiction, le droit de contraindre, de punir et d‟amender, le pouvoir judiciaire. Cf. Dictionnaire du Moyen Français (DMF), op.cit. (http://www.atilf.fr/blmf).

1084 J. DE HEMRICOURT, Oeuvres, op.cit., t.3, p. CDXLIII.

mais, dans ce cas, l‟avoué pouvait en conserver les tonneaux. Il avait par ailleurs droit au tiers des amendes pour tous les délits relatifs à la vente du vin. Egalement présent lors du contrôle des aunes, poids et mesures, l‟avoué de la Cité recevait à cette occasion 7 deniers liégeois.

Enfin, comme le mayeur, il percevait 16 deniers liégeois lors du pesage du pain et de la visite du blanc braixhe. Cette somme correspondait au double de celle attribuée aux échevins.

A ces divers émoluments, il convenait bien sûr d‟ajouter la part perçue sur toutes les amendes valant au moins 7 sous de Liège, dont le prorata demeurait inchangé. L‟avoué n‟avait par contre aucun droit sur les amendes concernant la draperie. On mentionnera également les quelques bouteilles de vin, les gâteaux et les quatre paires de gants que l‟avoué recevait chaque année, tout comme les échevins. Il convient cependant de signaler que ces présents n‟en étaient pas vraiment, car les frais occasionnés étaient prélevés sur les revenus mêmes de l‟avouerie.

Il est d‟ailleurs important de noter que tous les émoluments issus de son office n‟étaient pas conservés par l‟avoué de la Cité. Sa fonction impliquait toute une série de devoirs, généralement liés à diverses réjouissances annuelles. Ainsi devait-il assumer le tiers des frais du banquet offert aux échevins le mercredi des Cendres. Il en allait de même lors de certaines fêtes, au nombre d‟une dizaine par an. Ici encore, le tiers de la livraison de vin incombait à l‟avoué, vin qui était destiné au mayeur, aux échevins, aux clercs, chambellans et membres du conseil échevinal, mais aussi à l‟avoué lui-même. Enfin, toujours dans ce registre, on mentionnera la contribution financière de l‟avoué pour les gants qui étaient offerts au mayeur et à ses collaborateurs lors des quatre grandes fêtes religieuses de Pâques, de la Pentecôte, de la Toussaint et de Noël.

C‟est également au XIVe siècle qu‟il devient possible de mesurer l‟étendue du ressort de l‟avouerie. Dans les grandes lignes, celui-ci correspond au territoire de la commune de Liège, qui porte le nom de franchise. L‟avoué de Liège étend aussi sa juridiction à la partie de Vottem sise dans la franchise, à savoir pour l‟essentiel le domaine du chapitre de Saint-Lambert à Vivegnis. Si Poncelet n‟exclut pas que le village de Vottem proprement dit, situé hors de la franchise, ait également fait partie du ressort de l‟avouerie de Liège, il s‟avère relativement délicat de trancher, faute d‟élément probant dans les sources.

Enfin, comme nous l‟avons dit, le Patron de la Temporalité témoigne d‟un changement notable quant à l‟entrée en fonctions de l‟avoué. En l‟absence de description, nous ignorons quel aspect revêtait cette cérémonie au cours des premiers siècles de l‟institution. De Hemricourt se contente de noter qu‟elle s‟accompagnait d‟une livraison de vin aux échevins par l‟avoué. Cette coutume fut supprimée lors de la mise en place d‟un nouveau cérémonial d‟entrée en charge, le relief, qu‟il ne faut en aucun cas confondre avec le relief de fief traditionnel. En effet, nous avons vu que l‟avouerie est un alleu depuis déjà un bon siècle et aucun changement ne survient dans ce domaine. En fait, le terme relief désigne une déclaration, à laquelle l‟avoué doit souscrire lors de son entrée en fonctions. Elle a pour but de garantir la nature allodiale et l‟immunité du bien et de constituer un titre de propriété, que celui-ci pourra faire valoir en cas de contestation. Comme auparavant, l‟intronisation de l‟avoué s‟accompagne de l‟obligation d‟offrir un présent, en l‟occurrence deux pièces de drap permettant de confectionner un vêtement pour le mayeur, pour les échevins et pour le lieutenant d‟avouerie. Il semble que la mise en place du relief eut lieu lors de la contestation qui suivit la mort de l‟avoué Louis de Diepenbeek, successeur de Thierry de Heinsberg, soit aux environs de 1354.

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