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Renaissance de l’avouerie et influence des La Marck (1477-1493) La mort inopinée de Charles le Téméraire devant Nancy (5 janvier 1477) et l‟avènement au

Dans le document LES AVOUERIES DES ÉGLISES LIÉGEOISES XI (Page 197-200)

TROISIEME PARTIE – LES BONNES VILLES

11. Renaissance de l’avouerie et influence des La Marck (1477-1493) La mort inopinée de Charles le Téméraire devant Nancy (5 janvier 1477) et l‟avènement au

trône de sa fille unique, Marie, marqua la résurrection des institutions et des privilèges liégeois. La renonciation de Marie de Bourgogne aux droits de ses prédécesseurs sur le pays de Liège (19 mars 1477)1140 permettait d‟escompter un rétablissement de l‟avouerie.

Toutefois, dans la pratique, la situation s‟avéra plus complexe, du fait du mariage de Marie avec Maximilien de Habsbourg, célébré le 18 août de la même année. En effet, Maximilien ne tarda pas à revendiquer l‟avouerie souveraine qu‟exerçait son défunt beau-père de même que la rente qui y était attachée. Les Liégeois, à peine rétablis dans leurs libertés, ne se laissèrent pas intimider et s‟en tinrent à l‟acte du 19 mars, de sorte qu‟il en résulta un litige qui allait durer de nombreuses années.

Dans un premier temps, des délégués de Maximilien et de Louis de Bourbon se réunirent à Louvain, le 27 octobre 1477, en vue de régler ce contentieux. Il fut décidé de s‟en remettre à l‟arbitrage du pape et du collège cardinalice. On est en droit de douter de l‟efficacité de ces mesures car la question demeurait toujours en suspens en 1483. En effet, le 10 avril de cette même année, lors du traité conclu à Huy avec les Liégeois, l‟archiduc Maximilien continuait d‟exiger la reconnaissance à son profit et au profit de son fils, Philippe, des rentes allouées à Charles le Téméraire (33.000 livres par an) et, implicitement, de leur droit d‟avouerie.

Pendant ce temps, sur le terrain, on constate le maintien du système bourguignon. C‟est ainsi que l‟office de lieutenant dans l‟avouerie de Liège est confié à Philippe de Clèves, capitaine général de Brabant. On le retrouvera encore en cette qualité le 26 avril 1486. Puis, s‟étant brouillé avec Maximilien (1488), il sera remplacé par Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres1141, qui exercera la châtellenie de Huy, en plus de la lieutenance de l‟avouerie1142. C‟est également en 1486 que le rétablissement de l‟avouerie de la Cité est dûment attesté.

Cela signifie-t-il qu‟il n‟y eut pas d‟avoué entre 1477 et cette date ? Il est délicat d‟apporter une réponse définitive.

1138 P. HARSIN, La principauté de Liège..., op.cit., t.1, p.32-33.

1139 C. DE BORMAN, Echevins…, op.cit., t.2, p.41-43.

1140 S.BORMANS, Ordonnances…, op.cit., t.1, p.659. Cf. aussi CSL, t.5, n°3091, p.202-203.

1141 Province de Hainaut, arrondissement d‟Ath.

1142 CSL, t.5, n°3244, p.228. Acte du 27 mars 1490.

A priori, l‟existence de l‟avouerie souveraine n‟excluait pas automatiquement celle d‟un avoué urbain à Liège. Nous en avons d‟ailleurs trouvé l‟illustration à la fin du règne de Philippe le Bon. La suppression de l‟avouerie de la Cité en 1467 avait en fait résulté des mesures punitives de Charles le Téméraire et non d‟une concurrence des deux institutions. Il n‟empêche, il est permis de douter du rétablissement immédiat de la charge à la mort du Téméraire.

En effet, ce n‟est qu‟en 14861143 que l‟avoué de Liège ressurgit dans les sources, soit près de dix ans après le rétablissement des institutions liégeoises. Bien que malaisée à expliquer, cette réapparition tardive pourrait s‟expliquer par les orientations politiques de Jean II de la Boverie. Nous avons vu précédemment que notre avoué avait renoué les contacts avec Louis de Bourbon durant les années qui suivirent le sac de Liège. Ce rapprochement lui avait permis d‟être rétabli dans son siège échevinal dès le 24 mai 1477. Toutefois, assez rapidement, Jean le Ruitte va se rapprocher des La Marck, ennemis mortels de Louis de Bourbon. Ce revirement résulte-t-il simplement d‟une brouille avec le prince ? Ou bien Jean de la Boverie, voyant ses ambitions insatisfaites, préféra-t-il se tourner vers ce puissant lignage dont l‟influence se faisait alors grandissante ? Quoi qu‟il en soit, dans un premier temps, cette prise de position lui fut préjudiciable : c‟est sans doute pour cette raison qu‟il fut contraint d‟abandonner son poste d‟échevin dès 1480. Il n‟est pas exclu que l‟avouerie lui ait échappé pour la même raison. Une chose semble cependant certaine : on ne lui désigna pas de remplaçant comme avoué, du moins les sources n‟en font-elles pas état.

A plus long terme, néanmoins, la stratégie « pro la Marck » allait se révéler payante. En 1482, Louis de Bourbon était éliminé et Guillaume de la Marck prenait les commandes de la principauté. Dans le même temps, Jean de la Boverie réintégrait son siège échevinal (25 juillet). Le sanglier d‟Ardenne demeura au pouvoir jusqu‟à sa capture, suivie de son exécution, en 1485. Or, c‟est précisément l‟année suivante que l‟avoué de Liège réapparaît dans les sources. Faut-il en déduire que Jean le Ruitte fut réinvesti du temps de Guillaume et grâce à son appui ?

C‟est possible, surtout que nous retrouvons une nouvelle fois les la Marck impliqués dans le rétablissement officiel de l‟avoué de Liège en 1488. A cette époque, c‟est Evrard de la Marck, frère de Guillaume, qui régnait en maître à Liège, après s‟être emparé du pouvoir en l‟absence de l‟évêque Jean de Hornes. Ce « putsch » eut lieu le 14 mars 1488. Douze jours plus tard, Jean le Ruitte se présentait devant les échevins, accompagné entre autres d‟Evrard en personne et de son neveu, Jean de la Marck, fils du sanglier. Non sans avoir hésité, les échevins lui donnèrent l‟investiture de l‟avouerie de Liège. Ils justifièrent leur hésitation par le serment que l‟avoué avait déjà prêté en 1460. D‟autant plus qu‟ils n‟étaient que quatre, ce qui leur paraissait insuffisant pour prendre une décision risquant de léser les intérêts d‟un tiers1144. De toute manière, ils n‟eurent probablement pas le choix : compte tenu de la personnalité d‟Evrard et du pouvoir quasi sans limites qu‟il s‟était arrogé, mieux valait obtempérer. C‟est ainsi que notre avoué prêta serment pour la deuxième fois.

En soutenant le rétablissement officiel de Jean le Ruitte dans l‟avouerie, Evrard de la Marck faisait échec aux prétentions du chapitre cathédral. Il est d‟ailleurs probable que les « intérêts d‟un tiers » dont il est question au moment de l‟investiture désignent implicitement les

1143 Copie d‟un acte concernant la collégiale Sainte-Croix et délivrée le 17 janvier 1486. Jean de la Boverie y figure entre autres en qualité d‟échevin d‟Herstal. Cf. E. PONCELET, Sainte-Croix..., op.cit., t.2, n°1937, p.79-80.

1144 Acte en date du 26 mars 1488. CSL, t.5, n°3231, p.227. Cf. aussi l‟édition complète dans C. DE BORMAN, Echevins..., t.2, p.559, pièce justificative n°VII.

chanoines de Saint-Lambert. Ceux-ci trouvaient une justification sérieuse à leurs revendications dans le testament de Jean Ier de la Boverie. Ainsi que nous l‟avons vu, le défunt avoué avait prévu le legs de la charge à Dieu et à saint Lambert en cas d‟absence de successeur acceptant de payer ses dettes. Or, Jean le Ruitte était certes devenu avoué, mais il n‟avait jamais remboursé les dettes en question. Les deux autres héritiers éventuels mentionnés dans le testament, à savoir Jean de Wesemael et Baudouin de Humières se trouvaient dans le même cas. Cependant, le moment était particulièrement mal choisi pour le chapitre : en l‟absence de l‟évêque et dans une ville livrée au pouvoir absolu d‟Evrard, les chanoines avaient peu de chances d‟obtenir gain de cause. Ils n‟abandonnèrent toutefois pas leurs prétentions et l‟on observe qu‟une copie du testament de Jean Ier de la Boverie fut déposée dans leurs archives le 23 mai 14891145.

Restait évidemment le problème de l‟avouerie suprême revendiquée par Maximilien, dont Jean de Hornes hérita, faute d‟avoir été réglé par son prédécesseur. Peu après la mort de Guillaume de la Marck, à l‟occasion du traité de Gand conclu entre les archiducs et le nouvel évêque (22 juillet 1485)1146, celui-ci s‟engage à aider Maximilien, en qualité de duc de Brabant, à récupérer la rente fixée à l‟époque de Charles le Téméraire, de même que l‟avouerie du pays de Liège afin de jouir des droits et des profits attachés à cette charge. Etant donnée la prise de pouvoir d‟Evrard de la Marck et les difficultés que connut Jean de Hornes, la situation n‟évolua guère durant les années suivantes. Ce n‟est que le 26 septembre 1489, à l‟occasion de la paix de Tongres, que le dossier fut remis sur le tapis. Cette fois, les Liégeois partisans des la Marck reconnaissaient Maximilien et son fils comme vrais avoués et défenseurs des églises et pays de Liège, à l‟instar de Philippe le Bon et de ses prédécesseurs.

Sans doute à dessein, le traité mentionne que les véritables avoués héréditaires du pays de Liège étaient les ducs de Brabant, et ce depuis les origines. C‟est évidemment faux, puisqu‟il n‟y eut pas d‟avoué pour l‟ensemble du pays de Liège avant la période bourguignonne. Quant aux anciennes prétentions brabançonnes des XIIIe et XIVe siècles, elles concernaient pour l‟essentiel la seule avouerie de la Cité et ne présentaient souvent aucun caractère légal.

Comme jadis les grands ducs d‟Occident, Maximilien et son fils percevront une rente annuelle de 2.000 florins d‟or, payable en deux termes1147. En contrepartie, ils devront, en qualité d‟avoués, répondre à l‟appel du chapitre, de la Cité et du pays de Liège et leur porter assistance en cas de violences ou d‟oppressions1148.

Malgré cet accord, les choses étaient loin d‟être réglées. La question ressurgira ainsi une vingtaine d‟années plus tard, lorsque des délégués brabançons réclameront une nouvelle fois au nom de l‟archiduc l‟avouerie avec ses droits, émoluments et appartenances (1510-1511).

De même, le 20 février 1518, dans une apostille donnée à Valladolid, il est rappelé que l‟avouerie appartient au roi Ŕ Charles Quint Ŕ et que les Liégeois lui doivent à cet effet, depuis le temps de Philippe le Bon, une rente s‟élevant à 22.000 livres annuelles. Le document propose de l‟utiliser pour le paiement des pensions. Quant au surplus qui resterait, il serait partagé entre Erard de la Marck, son frère Robert et leurs parents puis retournerait ensuite au roi. Enfin, si la somme s‟averrait trop lourde à payer, un accord pourrait être conclu afin que le roi ne se trouve pas privé de sa haute avouerie et de la rente qui en dépend. Seule l‟alliance de la principauté de Liège avec les Pays-Bas espagnols sembla mettre un terme à ces prétentions au titre d‟avoué suprême, dont nous trouvons le dernier vestige le 7 septembre

1145 E. PONCELET, L’avouerie de la Cité, op.cit., p.239, d‟après Conclusions capitulaires, reg.112, fol. 132.

1146 P. HARSIN, Etudes critiques…, op.cit., annexe X, p.393-395.

1147 A la saint Jean-Baptiste (24 juin) et à Noël. Le premier paiement devait avoir lieu le 24 juin 1490.

1148 P. HARSIN, Ibidem, annexe XXII, p.418-421.

1537, lorsque le chancelier, les membres du conseil de Brabant et le prévôt de Saint-Jacques sur Coudenberg firent donner un nouveau vidimus de la charte de 1270.

Quoi qu‟il en soit, l‟impact de cet imbroglio politiquo-juridique fut apparemment minime sur le destin de l‟avouerie de la Cité. Réinvesti solennellement en 1488, réélu bourgmestre la même année, Jean II de la Boverie dit le Ruitte put exercer paisiblement ses fonctions jusqu‟à sa mort. Mentionné la dernière fois le 5 mai 1492 à l‟occasion de la paix de Donchéry1149, Jean le Ruitte mourut l‟année suivante. Il reçut sa sépulture aux Frères mineurs, conformément à ses dispositions testamentaires en date du 8 août 1484. Ses biens furent partagés entre les 3 enfants1150 qu‟il avait eu de Jeanne de Seraing, épousée le 23 décembre 1447. Le fils aîné, Adrien, reçut la terre et la seigneurie de Beaudignies et de Capelle, près du Quesnoy1151. Au départ, Jean le Ruitte s‟était réservé le droit de disposer à son gré de l‟avouerie de Liège, mais il n‟en usa pas. De sorte que celle-ci échut à Adrien (1515) et à sa mère, qui obtinrent respectivement la nue-propriété et l‟usufruit. Toutefois, ils ne conservèrent guère longtemps la charge et la vendirent la même année à Evrard de la Marck.

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