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DEUXIÈME CHAPITRE: CADRE CONCEPTUEL

1.4 Les savoirs disciplinaires, un savoir praxique vers un savoir scientifique

L’objet de notre recherche place le concept d’objectivation en rapport avec les savoirs disciplinaires issus de l’éducation et de l’art. Il faut se rappeler que l’expérience formatrice par l’art (Dewey, 2010; Fabre, 1994;Prescott, 2002, 2003) ouvre à l’intégration de savoirs multiples. En milieu universitaire dans les programmes disciplinaires en arts visuels, sont transmis les savoirs pratique et théorique intégrant les pratiques réflexive et critique. C’est à partir de la pratique artistique et de la pratique de la création que l’articulation entre le

savoir pratique (savoir pratique, technique, savoir-faire) et le savoir théorique (histoire de l’art, études des arts, théories de l’art, études interdisciplinaires, études transdisciplinaires) produit la praxis, le savoir praxique. C’est aussi en éducation, entre le savoir pratique et le savoir scientifique, que Van der Maren (2004) positionne le savoir praxique qui résulte de l’action et de la réflexion et le début d’une possible objectivation grâce à la construction d’un savoir dit intermédiaire, un savoir stratégique. De plus, dans le curriculum scolaire québécois, c’est aussi dans la discipline des arts selon Lenoir (1990), que s’intègrent toutes les dimensions des savoirs, savoir-faire et savoir-être, voire l’intégration des matières scolaires et l’ouverture à l’interdisciplinarité. Nous poursuivons l’investigation du concept d’objectivation dans ces rapports avec les savoirs à construire dans la présente situation éducative.

C’est bien entre le savoir scientifique et le savoir pratique introduit par Jacobi (1988), que Van der Maren (2004) poursuit l’idée de la pédagogie des cinq savoirs identifiés comme étant: le savoir scientifique, le savoir pratique, le savoir appliqué, le savoir praxique ou la praxis, et le savoir stratégique. Cette nomenclature des cinq savoirs de Van der Maren (2004) rejoint notre compréhension d’une progression des savoirs dans l’amorce d’une recherche scientifique. Elle permet d’entrevoir la possibilité d’une construction d’un savoir scientifique dans le contexte de formation liant l’éducation et la discipline des arts visuels. Le schéma 3 présente les cinq savoirs de Van der Maren (2004).

Le schéma 3 de Van der Maren (2004) distingue les savoirs en ces termes:

 Le savoir scientifique est «universel, généralisable et d’ordre quantitatif pour

expliquer la réalité d’une chose et la modéliser. Il est le fruit d’une recherche analytique rigoureuse s’effectuant à partir d’instruments de mesure construits autour de variables et de leurs relations» (p. 44);

 Le savoir pratique est «en rapport avec le contexte singulier et personnalisé d’une

réalité incluant l’individu et ses valeurs. D’ordre qualitatif, il évolue selon une vision syncrétique et systémique portée sur les composantes d’un milieu environnant conciliant les relations entre des actions et des signes perçus et non pas expliqués» (Ibid., p. 45);

 Le savoir appliqué est «la production de l’objet dans le suivi d’une recherche

exhaustive effectuée dans divers champs disciplinaires pour en extraire la logique d’enchaînement, les construits théoriques et un savoir cohérent. En ce sens, le savoir appliqué est une opérationnalisation du savoir scientifique» (Ibid.);

Le savoir praxique ou la praxis, «est réflexion sur le savoir pratique de l’artisan, les

savoirs d’un métier qui se transmettent de génération en génération et qui concernent plus souvent qu’autrement l’enseignement d’un métier et sa professionnalisation. Ici, la praxique réfléchit la pratique, et dans cette voie, demeure assez conservatrice» (Ibid., p. 46);

 Le savoir stratégique est “un savoir pour l’action”. Un savoir intermédiaire placé

entre le savoir appliqué et le savoir praxique, où le savoir stratégique permet d’utiliser le savoir appliqué dans la critique évolutive du savoir praxique» (Ibid.).

Toujours selon Van der Maren (2004), le savoir stratégique est le savoir “pour” l’éducation, qui doit composer avec un savoir appliqué et le savoir praxique. Il ajoute que «le savoir pour l’éducation se situe donc à l’imbrication de la conceptualisation du répertoire de signaux des acteurs avec l’actualisation du savoir appliqué dans une situation éducative concrète qui doit fonctionner» (Ibid., p. 49).

La formation en arts visuels permet plusieurs modes d’apprentissage, mais aussi l’accès à de nombreux savoirs. Selon Lenoir (1990, 1991), dans le contexte d’intégration des matières scolaires au primaire, la perspective interdisciplinaire intègre les apprentissages et les savoirs selon l’interaction des trois sous-ensembles suivants: 1) savoir- production de la réalité; 2) savoir-expression de la réalité; 3) savoir-relation avec la réalité. Dans ce contexte, les arts favorisent l’articulation entre ces trois savoirs. Il s’agit d’interactions réelles pour la construction de la réalité entre le savoir (savoir conceptuel), le savoir-faire (développement des habiletés) et le savoir-être (attitudes et comportements). Le schéma 4 ci-après de Lenoir (1990) actualisé par (Gosselin, Lenoir et Hassani, 2005), regroupe les disciplines scolaires en quatre ensembles étroitement interreliés, établis selon trois modes de rapport à la réalité et formant une structuration curriculaire à branches interreliées. Les arts correspondent à un ensemble constitué des disciplines artistiques ayant pour objet à la fois la production, l’expression de la réalité et la mise en relation avec celles-ci.

Schéma 4: Structure curriculaire à branches interreliées selon Gosselin, Lenoir et Hassani (2005)

Le schéma 4 s’inscrit dans une perspective interdisciplinaire où les arts accordent à tous les niveaux de formation – en passant de l’école primaire jusqu’à la formation universitaire – la place au développement des trois savoirs, tels: les savoirs, les savoir-être et les savoir-faire. Cette considération de la pratique de l’art, en tant que concept intégrateur de divers savoirs dans la perspective interdisciplinaire, est fortement observée dans les programmes de formation par l’art en milieu universitaire.

Dans une autre perspective, la construction des savoirs dans une démarche d’apprentissage qui fait sens, arrive de la psychologie culturelle, branche de la psychologie cognitive. Il s’agit d’un courant de la pensée interprétative (Bruner, 1991) qui donne une nouvelle orientation à la psychologie de l’apprentissage, et «dont l’objet d’étude est de comprendre comment l’homme construit ses significations» (p. 72). Selon Barth (1993), la perspective néo-constructiviste de l’apprentissage voit ce concept comme «le produit d’un processus de construction sociale» (p. 80) et nécessite les relations entre l’homme, l’environnement social et les divers savoirs.

Cette dimension relationnelle se rapproche du concept de médiation et doit être considérée dans le positionnement du concept d’objectivation. Dans la didactique des arts visuels, l’apprentissage, soit l’apprendre selon Gaillot (1997), c’est «acquérir une compétence, c’est construire des représentations et développer des comportements afin de pouvoir se rendre présente l’idée d’un objet de pensée ou afin de pouvoir agir sur les objets sur lesquels l’apprentissage a porté» (p. 13). Cet apprentissage nécessite une relation directe avec l’artiste professionnel enseignant. Il faut comprendre que le rapport au savoir dans le domaine des arts visuels «est tributaire du sensible, et donc de la mise en place d’un climat relationnel très spécifique» (Ibid., p. 17).

Ces quelques références autour de la construction des savoirs multiples qu’engagent la formation par l’art et la distinction avec la formation en art, démontrent la complexité d’objectiver en matière d’art, mais également la complexité de son enseignement.

Le concept d’objectivation opère dans cette voie de fonctionnement, d’application et d’opérationnalisation entre les savoirs pratique, praxique, stratégique et appliqué, intégrant le savoir-savoir, le savoir-faire et le savoir-être dans une situation éducative. À partir de construits fondamentaux dits cognitifs, peut s’édifier un savoir scientifique et ainsi amorcer une recherche à caractère scientifique (Lenoir, 1991; Van der Maren, 2004). Plus spécifiquement pour notre recherche visant l’objectivation du concept de démarche artistique, il est approprié de penser que le savoir pratique et le savoir praxique (ou la praxis) déjà acquis, servent à élaborer un savoir de type stratégique dans la voie de rapprochement des savoirs appliqués et scientifiques. Cette appréhension de la recherche scientifique, voire le processus d’objectivation, n’est pas familier à la recherche-création et est davantage utilisé dans la recherche en éducation. Ce rapprochement se veut dialectique pour l’objet de notre recherche, et se doit de rencontrer les fondements de la connaissance. Pour mieux saisir les composantes d’un processus d’objectivation développées dans ce chapitre, il est projeté de modéliser l’objectivation de notre démarche de recherche.

1.5 Un design opératoire, la modélisation et la triangulation

La représentation du processus d’objectivation contenant les construits à travers une modélisation rencontre le design opératoire très connu qu’est celui de la triangulation de Le Moigne (1977), la modélisation de l’objet par triangulation (Cf. figure 1), déjà introduite.

La modélisation est de plus en plus utilisée dans la recherche scientifique pour objectiver la recherche en éducation, les pratiques d’enseignement et regrouper les construits qui les structurent. Cependant, selon Bru (2002a), face à la recherche scientifique qui tente de théoriser et en amont de figer les pratiques, il faut veiller à «travailler à la construction de modèles de la pratique susceptibles de fournir un cadre de lecture des pratiques enseignantes» (p. 68) et ainsi travailler, selon Lenoir et Vanhulle (2006), «[…] dans une visée heuristique la production d’une théorie de la pratique enseignante» (p. 210). Schutz (1987), renforce l’importance de modéliser l’action pour l’avancement de la recherche scientifique en éducation. C’est valable selon Bru (1998, 2002), et repris par

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