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DEUXIÈME CHAPITRE: CADRE CONCEPTUEL

Y. L.S Travail d’atelier principalement axé sur l’installation, du formalisme au narratif métaphorique, caractéristique intérêt pour les rapports entre le mur et le sol, entre le tableau et une ou des

2.3 L’apport de la didactique des arts visuels et la capacité articuler

2.3.6 L’écart, le coefficient artistique, l’obvie et l’obtus

Le phénomène du fait artistique, sa compréhension et son objectivation, prennent une très grande importance dans la reconduction des objectifs de formation, des pratiques d’enseignement et d’apprentissage en milieu universitaire en arts visuels. En ce sens, la systématisation d’indicateurs potentiels caractérisant le concept de démarche artistique visée par notre démarche de recherche, est innovatrice et correspond à une investigation prometteuse pour le champ disciplinaire des arts visuels. Dans cet élan d’investigation du fait artistique en situation éducative sont développés les concepts de coefficient artistique, d’obvie et d’obtus, qui questionnent l’écart entre ce qui est artistique et ce qui ne l’est pas.

La pratique d’enseignement en milieu de formation universitaire en arts visuels favorise l’accès au fait artistique et sa conscientisation dans la dynamique action et réflexion des pratiques artistiques, qui selon Roux (1999),

ouvre à des démarches d’exploration, provoque des “résolutions singulières” et suscite l’expression personnelle. Toutes ces opérations constituent la condition d’émergence favorisant l’accès à l’artistique. Enseigner l’artistique revient à mettre en œuvre et en évidence les conditions de son apparition, en sollicitant chez les élèves des attitudes de surpassement, de pensée divergente, d’écoute du hasard, d’utilisation de l’émergence, de risque, associées à des situations de rupture, de ratage, d’accident, de détournement, d’écart, de blocage, d’inattendu, de hors-norme. (p. 145)

Et pour préciser la saisie du fait artistique dans l’écart entre une intention initiale et un produit final, pour Gaillot (1997),

l’artistique est à saisir dans les légers glissements […] la réactivation décalée, […] autrement dit encore ce qui fait “jeu”, au sens cette fois d’introduire un espace pour le mouvoir, dans la machine de nos repères culturels. L’expérience analysée de ces écarts […] permet

l’accès de plain-pied aux démarches artistiques situées sur des vecteurs voisins. (p. 109)

Pour Chiron (1997), «l’écart est l’aune à laquelle se mesure le coefficient “d’artistique” du travail des élèves» (p. 185). C’est dans le regard sur les œuvres vues dans des expositions, des musées, des ateliers d’artistes, etc., que le statut se confirme artistique dans les rapports au questionnement que suscitent les œuvres et la pratique des élèves. Elle ajoute que «cette pratique est artistique si elle est le lieu d’émergence des questions, un lieu de surgissement, d’exploration. D’où l’importance accordée aux errances de la démarche, le rôle dévolu à l’erreur, au hasard, à l’accident, à l’imprévisible» (Ibid.).

Selon Roux (1999), le concept d’écart est un concept clé qui «est ici à la fois moyen, objet et finalité de cette approche: c’est par la pratique de l’écart (exploitation de l’erreur, mise à profit de l’inattendu et du hasard…) qu’on peut en observer et analyser les effets, réfléchir au sens éventuel des situations et des conduites singulières ou non conformes» (p. 178).

D’autre part, le concept d’écart (Barthes, 1982; Cauquelin, 1998; Chiron, 1997; Gaillot, 1997; Roux, 1999) est cité par de nombreux auteurs dans le rapprochement avec le fait artistique et le coefficient artistique, qui s’avèrent des indicateurs potentiels clés dans l’objectivation du concept de démarche artistique. Rendre opératoire ce regard sur l’écart et la validation d’un coefficient artistique retracée dans l’élaboration d’un projet de création particulièrement entre l’intention initiale et le produit final, nous intéresse dans la présente recherche.

Les concepts obvie et obtus

Dans la même voie d’investigation du fait artistique, les concepts obvie et obtus abordent la difficulté de rendre par le langage, la description de l’œuvre et du sens artistique qui s’y dégage. Baxandall (1985, 1991),et plus particulièrement Barthes (1982),

indiquent que «le langage n’est pas très bien adapté pour rendre une image particulière. C’est un outil fait pour généraliser» (p. 29).

La lecture des contenus de l’œuvre d’art, selon Barthes (1982) reconnaît les trois niveaux de sens suivants:

Le premier est informatif: c’est celui de la “communication” qui lui permet de lire l’histoire dans ses particularités. Le second est symbolique, ou sens obvie: c’est celui de la signification, qui lui permet d’interpréter les signes iconiques proposés par l’image dans leur généralité. Un troisième sens, qu’il qualifie d’obtus, c’est celui de la “signifiance”, d’une saisie intuitive qui échappe au discours verbal: […] le sens obtus n’est pas situé structuralement, un sémantologue ne conviendra pas de son existence objective. (p. 54)

Ce troisième sens, l’obtus, selon Barthes (1982), est «l’acte fondateur du filmique» (p. 58). Roux (1999) précise «qu’il est le niveau privilégié où peut se saisir l’artistique» (p. 157), c’est-à-dire à être travaillé comme contenu majeur dans l’enseignement des arts plastiques. Cet obtus est ce qui pourrait expliquer le fait qu’un objet est artistique ou ne l’est pas, subitement, sans trop de réflexion mais plutôt comme une révélation de vérité sans compromis. En amont de ces trois niveaux de sens qui vont vers une reconnaissance non seulement du contenu de l’œuvre mais de l’idée de l’oeuvre, Barthes (1982) et McEvilley (1991) dans le suivi de Panofsky (1969), considèrent les œuvres mais aussi les démarches artistiques. De ces préoccupations, une typologie regroupe les contenus de divers domaines, voire formel, sémantique et artistique et, selon Roux (1999), forment la base de l’enseignement en arts plastiques comme suit:

Contenus formels: Tout ce qui a trait au “signifiant” de l’œuvre, à sa matérialité et à ce qui relève de son instauration dans le réel; les gestes du “métier” (mise en relation des outils, des matériaux et des supports), mais aussi ce que la “peau” de l’œuvre donne à voir sur le plan des éléments plastiques (dessin, forme, couleur, lumière, matière, etc.) et de leurs relations (mise en scène, construction, mouvement, espace, composition, proportions, tensions, etc.). C’est la dimension particulière de l’œuvre, qui n’appartient qu’à elle et en spécifie le “style”.

Contenus sémantiques: Tout ce qui a trait au “signifié” de l’œuvre, à ce qu’elle communique et signifie par ce qu’elle présente explicitement au spectateur (c’est-à-dire son sujet au sens large):

récits, représentations figuratives, symboliques et abstraites. C’est la dimension générale de l’œuvre, qui en fait message de portée universelle pouvant être communiqué et partagé.

Contenus “artistiques”: tout ce qui a trait au “sens” de l’œuvre, «ce qui dans l’apparence n’est pas apparence» (Adorno, 1989, p. 360) mais l’interprétation du mystère de l’œuvre. Ces contenus se constituent non plus dans un regard et une réflexion critique ou en référence à des données culturelles, mais dans le travail de l’imaginaire individuel et collectif. Ils renvoient en miroir des valeurs et des représentations, induisent des manières d’être et d’agir, des postures, des démarches et des comportements de type “artistique”. C’est la dimension “singulière” de l’œuvre, qui est liée à la relation unique entre une personne et l’énigme de l’oeuvre. (p. 158)

Le sens obtus est particulièrement intéressant pour approfondir le phénomène du fait artistique et cette inexplicable sensation du “oui c’est artistique et non ce ne l’est pas”, ou l’impression d’universalité, ou le sentiment d’un tout rencontrant l’artistique sans explication à donner.

Les concepts d’écart, de coefficient artistique, d’obvie et d’obtus, particulièrement dans l’appréciation critique de la typologie décrivant les divers contenus formels, sémantiques et artistiques sont retenus pour rendre opératoires les capacités retenues et les indicateurs potentiels vers l’objectivation du concept de démarche artistique.

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