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DEUXIÈME CHAPITRE: CADRE CONCEPTUEL

Y. L.S Travail d’atelier principalement axé sur l’installation, du formalisme au narratif métaphorique, caractéristique intérêt pour les rapports entre le mur et le sol, entre le tableau et une ou des

2.2.5 Des pratiques réflexives innovatrices d’artistes professionnels chercheurs

La pratique réflexive et la théorisation à partir de pratiques artistiques par des artistes professeurs et chercheurs, alimentent notre démarche de recherche. Les données suivantes sont livrées et sont considérées en regard de l’avancement de l’objectivation du concept de démarche artistique.

L’artiste chercheure Paillé (2004), déjà introduite, auteure de Livre Livre La démarche de création dans la suite d’une thèse de doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM, est une source de savoirs multiples très pertinents pour notre recherche. En raison d’une centration sur sa démarche artistique, cette recherche monopolise le travail de la création à travers la production réelle de Livre-livre. La recherche sémiotico-poïétique s’appuie sur les modèles du travail de la création d’Anzieu (1981), Gosselin (1991) et de

Valéry (1957). Par une analyse comparée de ces modèles, jointe à son expérience personnelle d’artiste en arts visuels, elle formule un nouveau modèle de la démarche de création révélant les trois phases déjà introduites suivantes: capacité d’interception, capacité d’intervention et capacité d’extériorisation. Des paramètres inédits sont relevés autour de l’expérience de “l’œuvre en train de se faire”. Cette recherche est une source de références et d’une grande révélation du pas à pas de sa démarche artistique ancrée dans le travail de la création et le développement de capacités.

Laurier et Gosselin (2004), chercheurs et auteurs, développent avec des étudiantes et étudiants de maîtrise en arts visuels, à partir d’une pratique artistique, une méthodologie de recherche. Dans plusieurs domaines, dont sociologie, psychologie, sciences sociales et de l’éducation, les étudiantes et les étudiants prennent conscience de la pratique professionnelle comme «lieu de développement de connaissances sur la pratique et les théories émergeant de la pratique» (Ibid., p. 174). La théorisation de l’action est déjà amorcée dans ces domaines; ce qui est aussi vérifiable dans le domaine des arts. Les auteurs expliquent le fait que «les perspectives méthodologiques donnent notamment préséance à des modes pour la recherche esthétique (théorisation en lien avec les oeuvres d’art) plutôt qu’à des modes pour la recherche poïétique (théorisation en lien avec les pratiques artistiques» (Ibid.). Laurier et Gosselin (2004) introduisent des directions qui permettent de s’orienter et de préciser des processus de recherche plus spécifiques en termes d’opérations. Ils proposent cinq modes généraux, dont «les quatre premiers relèvent plus directement de l’autopoïétique et peuvent être associés par conséquent à la théorisation-en-action. Bien qu’opérant à partir du terrain de la pratique artistique, le cinquième mode nous semble d’une nature différente» (Ibid., p. 175).

«Le premier mode, consiste à focaliser principalement sur la pratique de création artistique pour la connaître, pour en extraire un savoir. Il n’est donc pas prioritairement question ici de lire sa pratique à travers un cadre théorique, mais plutôt d’en construire la théorie.» (Ibid., p. 176)

Le second mode, selon Laurier et Gosselin (2004), se rapporte au modèle de la thèse de Paillé (2002):

Voisin du premier, consiste à lire sa pratique à la lumière de théories sur la création artistique et sur le processus créateur. Dans ce mode de recherche, les théories du processus créateur participent généralement à l’élaboration d’un cadre théorique. Ce qui démarquerait ce deuxième mode du premier serait le recours relativement important à des théories existantes dans la construction du savoir recherché. (p. 196)

Le troisième mode consiste

à se centrer plus spécifiquement sur l’oeuvre elle-même plus que sur sa démarche de praticien; il s’agit alors, pour ainsi dire, de suivre la genèse à la trace. […] Lors que le premier mode de recherche amène à parler du praticien et de sa dynamique de création, le troisième mode fait de l’œuvre et de son histoire l’objet principal du discours. (Ibid., p. 176)

Le quatrième mode, la thèse de Boisseau (2002), va en ce sens. Selon Laurier et Gosselin (2004), ce mode «tire partie des réflexions et des pensées que le praticien- chercheur entretient tout au long de sa démarche et qui se nourrissent de diverses sources et notamment de théories de toutes sortes» (p. 177). Ici,

le processus de recherche consiste donc principalement à réfléchir en pratique artistique en laissant intervenir dans la réflexion des théories de toutes sortes stimulant à la fois le travail de création et la réflexion; dans le temps, ces théories finissent par former un cadre à travers lequel la démarche ou ce qui en résulte peuvent être interprétés. (Ibid.)

Le cinquième mode de recherche en pratique artistique ne va pas dans le sens d’une autopoïétique ou d’un théorisation-en-action. En effet,

le terrain de la pratique représente pour plusieurs artistes un lieu de réflexion où tous les sujets peuvent être objets de pensée. […] Pour la démarquer des autres modes, disons que tout comme le théoricien-en- action et comme l’autopoïéticien, le chercheur tire également parti de son immersion dans une pratique; toutefois l’objet de son étude n’est pas la pratique elle-même ni ce qui en résulte. Il s’agit d’un objet d’une tout autre nature, objet intéressant le plus souvent les champs de la philosophie, de la sociologie ou de la psychanalyse. (Ibid., p. 177- 178)

De plus, Laurier et Gosselin (2004) proposent deux paramètres de développement pour la recherche en pratique artistique. Le premier paramètre est «lié à la nature constructiviste du travail du praticien en création artistique» (Ibid., p. 179). Paramètre intéressant puisqu’il parle de méthodologies de recherche qui comportent une importante élaboration de représentation ou de modélisation, voire l’approche systémique selon Le Moigne (1977). Le deuxième paramètre est lié à la nature heuristique de la pratique artistique. «La pratique artistique est particulière et se démarque des autres pratiques en raison de l’importante place qu’elle donne aux processus subjectifs expérientiels de la pensée» (Ibid., p. 180). À ce sujet, il y a concensus dans les théories traitant du processus de création artistique (Anzieu, 1981; Gosselin, Potvin, Gingras et Murphey, 1998; Kris, 1952;Noy, 1979). Ces paramètres sont à retenir pour notre recherche.

L’artiste chercheur et auteur Boisseau (2002), a un entretien avec Paquin (1998), théoricienne de l’art, sur son activité artistique. Il lui décrit l’activité artistique d’une façon quasi similaire à l’idée que nous avons de la démarche artistique, comme déjà cité précédemment.

L’artiste chercheure Prescott (2002), déjà introduite, auteure de Le complexe d’Ulysse, signifiance et micropolitique dans la pratique de l’art, dans la suite d’une thèse de doctorat en études et pratiques des arts à l’UQAM (2003), voit dans l’artiste un “sujet multidimensionnel”. Dans le cadre d’un modèle compréhensif et le développement de sa méthode dite artistique, elle tente de démontrer que la pratique artistique en art actuel rejoint l’expérience de l’art, des points de vue du travail interne de la création et du travail en périphérique, voire la responsabilité sociale. La chercheure pose une réflexion du pas à pas sur sa pratique artistique qu’est la peinture, et dévoile la démarche artistique qui poursuit une voie vers la transdisciplinarité. La poïétique, la philosophie, l’éthique, l’esthétique, les sciences politiques, l’histoire de l’art, l’anthropologie, la sociologie de la culture, les études littéraires, et plus particulièrement les études grecques, sont parmi les liens explorés par son imaginaire. Prescott (2002) démontre que l’art est une réelle «pratique transversale et un lieu d’intégration des savoirs» (p. 8). La distanciation prise face

à son travail permet de mettre à jour les valeurs artistiques, les affects qui investissent la signifiance de ses œuvres. Cette dernière parle de micropolitique de l’artiste, qui concerne tous les choix à faire durant le travail de la création et ceux qui seront faits pour que l’oeuvre existe socialement. À la question «comment un artiste se construit», elle répond que c’est dans l’articulation entre la pratique et théorie au moyen de l’œuvre que cela se réalise. C’est avec le temps que l’artiste élabore un système de construits plastiques et cognitifs. Sa quête d’identité, qu’elle soit individuelle ou collective, la rend ouverte aux autres. Pour cette artiste chercheure, «en se rendant disponible à la totalité de l’expérience du vivre contemporain, en l’appréhendant de manière immédiate et intuitive et en cherchant à le comprendre, l’artiste se montre tout simplement plus lucide» (Ibid., p. 105).

Le Projet Vasari “Du critère” où “l’authenticité” est le premier critère de l’art, fascicule réalisé par Doucet et Larocque (2004), artistes professeurs et chercheurs, membres du Bureau des regroupements des artistes visuels de l’Ontario (BRAVO), pose des indicateurs du concept de démarche artistique en lien avec l’expression artistique. Pour ces auteurs, «la démarche artistique permet à l’artiste de verbaliser le pourquoi et le comment de son expression artistique» (Ibid., p. 2). Ils précisent ainsi le concept de démarche artistique en ces mots:

Aux gens de comprendre le processus et les étapes par lesquels passe l’artiste pour trouver son inspiration et son expression artistique. Elle attire le spectateur et l’aide à comprendre le processus créateur de l’artiste et permet aux gens de mieux l’apprécier. La démarche peut permettre au spectateur de comprendre pourquoi certains sujets, moyens d’expression, techniques ou messages captent l’artiste. Elle permet aussi de devenir un outil de marketing. (Ibid.).

En première étape, la question “que voit-on?” est posée. En deuxième étape, on remarque l’évolution artistique par le sujet, la composition, les matériaux, le message, les pistes visuelles de l’évolution de l’artiste, les avantages d’une démarche artistique, l’histoire de l’art à la recherche du critère et le critère d’authenticité dans la production artistique. Ce dernier critère est défini en ces termes: «l’œuvre authentique est une œuvre qui exprime soit les émotions, les préoccupations, la vision du sujet de l’artiste et non celui

des autres» (Ibid., p. 3). Et dans cette voie, l’authenticité, «c’est d’abord peindre sa vision du monde sans se laisser influencer par les autres» (Ibid., p. 4).

Ces pratiques réflexives et théorisantes d’artistes chercheurs et pour certains professeures et professeurs ou enseignantes et enseignants, sont des références qui nourrissent les divers savoirs de la praxis en arts visuels dans une centration sur la démarche artistique et le développement même d’un savoir stratégique. L’approche poïétique, voire même autopoïétique, les guide à partir de leur expérience personnelle à l’instauration de nouveaux modèles de la démarche de création. Pour eux, la théorisation de l’action emprunte divers modes de recherche qui s’appuient au départ sur la pratique artistique. Les paramètres de nature constructiviste et de nature heuristique, marquent les démarches de recherche. L’expérience artistique de la production est enfin comprise comme la somme de l’expérience esthétique et de l’expérience poïétique. Et ces mêmes auteurs confirment que l’artiste aujourd’hui se construit dans l’articulation entre la pratique, la théorie, la réflexion et la critique. La recherche critique s’installe dans le regard porté sur le champ des arts visuels, dynamique qui rejoint l’objet de notre propre démarche de recherche et l’objectivation du concept de démarche artistique.

2.2.6 Les indicateurs retenus de l’apport du milieu professionnel artistique

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