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Savoir conclure : sous la méthodologie, le chercheur

d) La langue maternelle comme étalon

Temps 2 : Travailler sur des données langagières

1) Pensez vous parler le cauchois ? (cochez la case qui correspond à votre réponse et ainsi de suite pour toutes les autres questions de cette étape)

3.12. Étudier un corpus d'interactions verbales : questionnement entre incertitudes et certitudes

3.12.3. Savoir conclure : sous la méthodologie, le chercheur

a) Retour en trois temps sur les interactions

L’autre n’est pas étanche à moi, c’est un moi / l’autre que je découvre dans les interac- tions d’un débat collectif. On a ainsi pu observer, dans l’analyse de nos données, les stratégies discursives, à la fois des individus et du groupe, pour faire des liens, éviter les coupures, faire des allers-retours, (r)établir ou inventer des continuités : l’avancée par ruptures, si elle est peut-être l’apanage de l’adolescence, n’est pas du tout une stra- tégie de jeune enfant. Les enfants construisent leur identité-altérité, non comme un stock mais comme un flux, un parcours.

Dans un second temps, nous voulons souligner qu’il n’y a pas de logique évidente dans le discours dialogué, ce qui explique qu’il résiste aux méthodologies toutes faites. Il fait plutôt appel à un système des mouvements discursifs, à user avec légèreté et modération. Dans notre cas, l’altérité que nous avons découverte et tenté de cerner est d’abord une posture, une démarche.

La troisième conclusion est qu’au-delà des objectifs linguistiques ou communication- nels, c’est bien un enjeu social que visent les interactions dans la classe ou à propos de la classe. Il s’agit, de la part de l’école, d’affirmer un premier choix fondamental, qui est celui du contact privilégié à l’autre par les mots et la parole, de la force des mots pour découvrir, comprendre et toucher l’autre : les mots contre la force, pourrait-on dire autrement. Nous souhaitons que cette dimension éthique des échanges, maitrisés et exigeants, en classe soit un des facteurs de leur développement pour que l’école par- ticipe à faire advenir ce sans quoi nous risquons de perdre notre humanité : en nous, le « regard de l’autre ». Il nous semble avoir montré que l’interaction est d’abord un dé-

147 Détaillé dans la synthèse écrite pour mon Habilitation à Diriger des Recherehes, Plurilinguisme, pratiques

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placement. Elle fait accéder au « concept » dont F. François dit aussi que c’est « une façon de se déplacer dans le déjà-dit, dans le discours de soi ou de l’autre. »148.

b) Sommes-nous encore dans la méthodologie ?

Notre étude de référence posait des problèmes intrinsèques de méthodologie « au car- ré » puisqu’il fallait récolter des indices de présence d’une altérité / identité en constitution chez les enfants, dans un matériau qui est lui-même fait d’échanges et donc de contacts avec l’autre. La méthodologie est peut-être avant tout l’expérimentation de valeurs, à l’œuvre, de la façon le plus rigoureuse possible, dans un objet donné. Et ce qui s’y construit, surtout et indéfiniment, c’est l’altérité / identité du chercheur. Nous nous référons encore une fois à F. François149 :

« (…) la place du « chercheur » : ne doit-on pas la considérer comme doublement dialogique ? D’une part par rapport aux discours des autres « scientifiques ». (…) D’autre part, qu’est-ce que comprendre ce que disent ces enfants, sinon reformuler ces discours ou, en tout cas, en reconstruire les entours ? (…) Certes, expliciter de l’implicite fait problème, ne peut renvoyer à une méthode « objective » comme celle qui construit une « syntaxe de l’enfant » (« objectivité » dont on peut assurément critiquer la fermeture et le caractère fictif, mais c’est une autre question). Mais comment faire autrement ? ».

Peut-on appeler cela une méthode ? Et encore plus une méthodologie ? Oui si on ad- met qu’une méthode est un chemin et une méthodologie la réflexion sur ce chemin, les deux étant fondées sur des principes théoriques qui confinent à l’affirmation de valeurs et priorités éminemment sociales. Parmi elles, nous placerons au premier plan un empirisme revendiqué : lire / relire / écouter / souligner / rapprocher, relier / faire apparaître des dessins souterrains, faire émerger des mots, expressions, repères qui aident l’édifice à se construire, repérer des formes discursives : listes, anaphores, etc., oui, tout cela constitue une méthode, un cheminement qui se répète et devient mo- dèle, chemin aisé peu à peu après avoir été défrichage à l’aveuglette. Mais sa légitimité vient davantage de son usage multiplié que d’une efficacité affirmée a priori. Une autre valeur affirmée est celle de l’insécurité : on pourrait dire en exagérant à peine qu’elle est le garant du bon travail, quoi qu’il en coûte.

Le chercheur est un ouvrier qui met les mains dans la pâte, peaufine ses outils en même temps qu’il façonne son objet de travail, et se façonne lui-même dans le même temps. Cette interaction permanente à trois pôles (chercheur / objet / outil) s’appuie sur l’importance à parts égales de ces trois pôles, elle réclame la révision permanente des outils de travail et par là même la modestie du chercheur.

148 Op. cit. p. 141.

149 Est-il besoin de dire notre admiration pour cet immense chercheur, pour qui le langage des enfants est

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Étudier des interactions n’est pas un objet innocent, c’est en soi déjà une expérience de l’altérité où le chercheur met à l’épreuve son identité, s’essaie à ses propres fron- tières.

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