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Quelques repères concernant l’analyse de contenu

Marielle Rispail, Philippe Blanchet

3. Les principales méthodes et leurs techniques de construction des

3.4. L’analyse de contenu : exemple d’une communication pédagogique médiée par ordinateur [synchrone]

3.4.1. Quelques repères concernant l’analyse de contenu

L’analyse de contenu est une méthodologie apparue aux États-Unis dans les années cinquante à partir de travaux en sciences sociales, notamment ceux de Berelson (1952). La définition qu’il en propose a été reprise par de nombreux chercheurs (Bar- din, 1977 ; Rourke et al., 2001) : « l’analyse de contenu est une technique de recherche pour la

description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de la communication ». Cette

méthodologie a, depuis, été appliquée à de nombreux domaines des sciences hu- maines, dont celui qui nous intéresse plus particulièrement, à savoir, la didactique des langues.

D’un point de vue pratique, il s’agit d’une technique reposant sur le principe de la clas- sification de documents en unités qui, une fois regroupées, forment des catégories. Les catégories pouvant être créées en amont du protocole de recherche, au moment de la revue de littérature sur le sujet, ou à partir d’un repérage dans le corpus. Lorsqu’elle est appliquée à des corpus d’échanges langagiers, l’analyse de contenu permet l’étude de la communication en tant que processus ou en tant que produit.

Pour illustrer les travaux effectués sur la communication en tant que processus, on peut se référer aux travaux du psychologue américain Bales (1950) qui concernent la communication en groupes restreints. Le modèle d’analyse, l’Interaction Process Analysis (IPA) proposé par ce chercheur met en évidence deux fonctions56 de la communica-

tion : l'une centrée sur la tâche (task area) et l'autre sur le relationnel (socio-emotional

area). Ce type de modèle est applicable à des corpus de communication pédagogique

en ligne synchrone ou asynchrone (Fahy 2005, Panchoo et Jaillet 2008) dans l'objectif de mettre en évidence la nature des processus de communication. Par exemple, Chou (2002) a utilisé l’IPA pour étudier la présence sociale dans des forums et des sessions de discussion synchrone. Son étude a montré que les interactions socio-affectives sont plus nombreuses dans la communication synchrone que dans celle asynchrone. D’autres chercheurs ont étudié à la fois la communication en tant que produit et pro- cessus. Ainsi, concernant la communication pédagogique, les chercheurs de l’équipe de Birmingham sont parmi les premiers à avoir utilisé l'analyse de contenu pour étu- dier le discours enseignant. Partant des travaux sur la pragmatique du discours (Austin, 1962 ; Searle, 1969), un de leurs objectifs a consisté à expliciter ce que font les ensei- gnants à partir de l'étude de ce qu’ils disent. Flanders (1970) a mis ainsi en évidence dix catégories d’actes pédagogiques, classés selon qu’ils soient des initiations ou des réponses57, pouvant avoir une influence sur le cours de l’interaction. Par la suite, en

56 Chacune de ces fonctions comporte deux pôles : pour la fonction Task area : attempted answers /

questions et pour la fontion Social-emotional : Positive Reactions / Negative Reactions.

57 Les catégories sont classées selon un critère d’initiative ou de réponse verbale. Les comportements

verbaux de l’enseignant mis en évidence sont classés en 10 catégories: Initiation : questionne (1), instruit (2), donne des directives (3) ; Réponse : accepte des sentiments (4), encourage (5), accepte ou utilise des idées de l’élève (6), critique ou justifie l’autorité (7). L’élève répond (8) ou prend la parole pour exprimer

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s’appuyant sur le modèle de Flanders, Sinclair et Coulthard (1975) ont développé leur propre modèle d’analyse de la communication en classe. Celui-ci est organisé en rangs hiérarchisés : la leçon, la transaction, l’échange, le mouvement, l’acte. Chaque rang (excepté le plus élevé) est un élément constitutif du rang de niveau supérieur dans la hiérarchie. Le rang « mouvement », par exemple, permet d’étudier de manière précise la structure des échanges. Les trois fonctions principales de ce rang sont : l’initiation, la réponse et le feedback. Le rang « acte » spécifie chaque acte de parole. Le modèle répertorie les vingt-deux actes pédagogiques les plus courants en classe. Ce type de grille d’analyse, initialement appliquée à des interactions de classe traditionnelle, est transférable à des interactions en ligne.

Avec l’apparition de nouveaux systèmes de communication, dans les années quatre vingt-dix, les dispositifs d’enseignement à distance se sont considérablement dévelop- pés. Dès lors, des recherches sur cette nouvelle forme de communication ont été menées et ont abouti à l’émergence de nouveaux modèles permettant l’analyse de la communication pédagogique en ligne. Par exemple, Henri (1992) propose un modèle d’analyse du contenu de la communication médiée par ordinateur (dorénavant CMO) permettant de comprendre le processus d’acquisition du savoir. Il est constitué de cinq catégories : la participation, l’interaction, la dimension sociale, la dimension cognitive et la dimension métacognitive. Cette dernière catégorie reste, selon certains chercheurs (Gunawardena et al., 1997), difficile à explorer à partir d’une analyse de contenu. Ces grilles d’analyse du contenu de la communication en ligne ont été établies à partir de corpus asynchrones (des forums pour la plupart). En synchronie, les chercheurs ayant appliqué l’analyse de contenu se sont plutôt tournés vers les grilles d’analyses de classes « traditionnelles » et les ont adaptées. Peuvent être cités les travaux de Pilkington (2004, 1999) qui a adapté la grille d’analyse de Sinclair et Coulthard pour l’étude de la CMO. Puis, dans le cadre de sa thèse, Ling (2006) applique le modèle de Pilkington à un corpus d’échanges par chat afin d’étudier l’impact de la CMO synchrone sur le processus d’apprentissage. Le modèle peut-être appliqué afin d’étudier à la fois le processus et le produit de la communication.

Les travaux évoqués jusqu’ici sont représentatifs de l’analyse de contenu en tant que technique de recherche descriptive. Mais à partir des années quatre vingt dix, Ahern, Peck, and Laycock (1992) ont eu recours à l’analyse de contenu dans le cadre de re- cherches expérimentales. Ils ont évalué l’impact du discours pédagogique de l’enseignant en ligne en contrôlant la variable « discours de l’enseignant ». De même, Quintin (2008) a mené une recherche expérimentale appliquant l’analyse de contenu à des interventions d’enseignants en ligne en contrôlant les variables comportementales de ces enseignants (socio-affectif, pédagogique et organisationnelle).

Nous venons d’exposer les principales recherches ayant utilisé l’analyse de contenu selon qu’elle s’intéresse au produit ou au processus de la communication et selon qu’elles soient de type descriptif ou expérimental. Dans la suite de ce chapitre, nous nous concentrerons sur l’analyse de contenu en tant qu’outil méthodologique

ses propres idées (9). Enfin, les silences (10) sont des moments également pris en compte dans ce modèle d’analyse.

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s’intégrant dans une démarche que nous qualifierons de type à la fois descriptif et naturaliste de la communication pédagogique en ligne. Par naturaliste, nous voulons dire que nous nous appuyons sur des données issues de situations d’enseignement/ apprentissage authentiques (c’est-à-dire déterminées par les objectifs pédagogiques de la formation et non par les recherches susceptibles d’être conduites en aval).

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