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Le champ dit de la « didactique des langues et des cultures » n’est pas de nature fonciè- rement épistémologique, mais il correspond à un ensemble des domaines d’intervention sociaux, ceux de l’enseignement des langues, sous toutes ses formes, et des politiques linguistiques éducatives que celui-ci met en œuvre. Nous ne discuterons pas cette dénomination, lourde de conséquences théoriques mais nous nous borne- rons à constater que, pour ce qui concerne l’espace francophone, ce champ est né d’une « didactique du français langue étrangère », puis « didactique du français langue étrangère et langue seconde », réflexion sur l’enseignement du français, destinée à en accompagner la diffusion à l’étranger et à améliorer la qualité et l’efficacité de son en- seignement, comme langue étrangère, seconde ou de scolarisation. Ce statut, désormais ancré dans des institutions nationales et internationales, dont des instances universitaires d’enseignement et de recherche, est spécifique, comparé à d’autres formes prises par préoccupations comparables pour d’autres langues dans d’autres espaces géopolitiques (comme en attestent sa dénomination : applied linguistics pour l’anglais, glottodidattica pour l’italien...). Il constitue le socle sociologique des connais- sances qui s’y élaborent, lesquelles doivent aussi être rapportées à leurs conditions de production strictement méthodologiques et, plus largement, épistémologiques.

On se propose d’attirer l’attention des jeunes chercheurs sur la nature différenciée des savoirs produits et impliqués dans et par la didactique des langues et des cultures et sur leur nécessaire articulation davantage que sur leurs modalités internes d’élaboration (voir contribution de D. de Robillard dans ce même chapitre)29. On rappellera que

cette diversité a pour origine celle des objets construits dans ce champ social, qui n’en a pas réduit la complexité (voir contribution de Ph. Blanchet, ci-dessus)30, en particu-

lier avec l’institution (récente) en objet de recherche des cultures/contextes/situations d’enseignement-apprentissage. On mettra en évidence une autre diversité, celle des

28 Les termes suivants sont définis dans l’index notionnel et factuel : savoirs banalisés, savoirs d’expertise,

savoirs divulgués, savoirs ordinaires, savoirs savants.

29 Voir contribution : Les vicissitudes et tribulations de « Comprendre » : un enjeu en didactique des

langues et cultures ? (Didier de Robillard).

32 | Contextualiser les savoirs

savoirs circulant dans ce champ où n’interviennent pas que des savoirs acadé- miques/universitaires/savants mais aussi des représentations sociales ordinaires et des savoirs d’expertise, qui se croisent et se métissent et ce dans des relations qu’il importe de clarifier pour chaque recherche entreprise. La perspective contextualisante adoptée ici n’est plus alors de nature géopolitique ou culturelle mais méta-épistémologique, en quelque sorte, puisqu’elle vise à clarifier la variabilité et les relations entre les formes de la connaissance produites ou convoquées en didactique des langues et des cultures.

3.1. Diversité des objets et des méthodes de recherche

On a souvent souligné le caractère composite de ce champ, représenté comme un centre entouré d’un ensemble d’intersections avec d’autres disciplines instituées épis- témologiquement : linguistique, psycholinguistique et psychologie sociale, anthropologie, histoire, sciences de l’éducation, sciences politiques... Un tel schéma traduit le fait qu’il convient d’analyser, selon différentes perspectives, les facteurs qui surplombent l’agir professoral et qui modèlent comportements, habitus et attentes de tous les participants impliqués dans l’enseignement/apprentissage. Cela renvoie aussi au fait que « l’objet-langue » à enseigner n’est pas donné mais à construire en fonction de critères culturels/contextuels et de descriptions de référence situées en amont des programmes et autres orientations. Le cœur de cet espace est celui des activités et tâches d’enseignement des langues et des cultures, des pratiques de classe et des maté- riels d’enseignement qui les informent, des interactions verbales qui s’y déploient, des méthodologies d’enseignement qui y sont convoquées. Les méthodes de recherche des zones d’intersection relèvent des disciplines connexes31 (par exemple, l’analyse du dis-

cours pour les enseignements des disciplines autres en français), celles concernant l’enseignement/apprentissage à proprement parler sont potentiellement plus spéci- fiques et souvent à créer : par ex., quel cadre théorique pour que les analyses de manuels d’enseignement de langues soient autre chose que des relevés de contenus plus ou moins évaluatifs ?

À partir cette multiplicité de savoirs, appliqués ou impliqués selon les phases de l’évolution de la didactique des langues et des cultures, se sont construits des objets de recherche divers, essentiellement caractérisés par la nature des données : celles-ci peu- vent être des textes officiels, des programmes, des manuels d’enseignement des programmes de formation initiale ou continue des enseignants, des histoires de vie langagière, des interactions de classe enregistrées, des verbalisations d’apprenants (échangées, par exemple, durant des activités de compréhension écrite à accomplir par paires), des témoignages d’enseignants (par exemple sur l’insécurité linguistique ; voir Roussi, 2009). Ce peuvent être des productions d’apprenants : orales ou écrites, spon- tanées ou élicitées par des tests des examens, en classe ou en champ libre, en interaction avec des natifs ou non...

La nature des données mais aussi celle de leur mode de collecte ou de production, de sériation ou de constitution en corpus précontraignent le choix d’une méthodologie

Jean-Claude Beacco |33

destinée à les « exploiter ». Celles-ci, comme on l’a relevé à maintes reprises, sont déjà établies dans d’autres champs disciplinaires et sont mises à contribution dans les champ de la didactique des langue et des cultures : D. Nunan (1992), par exemple, examine les formes et les conditions d’emploi dans ce champ des démarches expéri- mentales (par exemple de type psychométrique), ethnographiques, par enquête, questionnaire, entretien ou échantillon, par analyse des interactions (par exemple, des interactions enfants-adultes, en milieu interculturel, dans le cadre théorique de l’analyse de conversation ou de l’analyse de discours comparative...). De son côté, et dans une optique comparable, J.-M. Van Der Maren (1999) expose les différentes mé- thodologies susceptibles d’être utilisées en pédagogie, en les classifiant par objectifs, selon qu’elles ont une visée évaluative (à des fins de décision ou d’amélioration), qu’elles empruntent la forme de la recherche-action, de la recherche-développement ou de l’amélioration de ses propres capacités (dite recherche ontogénétique, p. 123 et sui- vantes).

On s’emploie régulièrement à articuler ces objets et démarches disjoints, dont l’universitarisation de la didactique du français langue étrangère a accentué le caractère monographique et sectoriel, en modèles. Ces modélisations du domaine social de l’enseignement-apprentissage des langues cherchent à rétablir des transversalités entre les différentes tendances de la didactique (identifiées32 par Halté, 2001 : 16) qui na-

vigue entre des pôles technologiste (prééminence donnée à la transposition du savoir savant en savoir scolaire), psychopédagogiste (on privilégie les déterminants externes comme la psychologie ou la sociologie des apprenants), sociodidactiste (articulations forte des pratiques scolaires aux pratiques sociales, avec focalisation sur les pratiques langagières) ou encore praxéologiste (perspective interventionniste).

3. 2. Contextualisation des objets et des méthodes de

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