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Du poil au crâne de Thersite : λάχνη

B. Thersite, entre « inquiétante étrangeté » et rire

1. Sauvagerie et menace du désordre, de la dysharmonie : Thersite vs Ulysse

Loin de l’apparence haute et droite, bien proportionnée et musclée, mais aussi chevelue du héros, le corps de Thersite, à la fois bancroche et boiteux, les épaules voûtées et le crâne dégarni, est profondément marqué par le déséquilibre et l’asymétrie. Plus précisément, son aspect physique, incarnation de la laideur et de la difformité, constitue la négation d’une idée essentielle en Grèce antique : préserver en toutes choses l’ordre et l’harmonie171, d’où procède la beauté. De manière générale pour les Grecs, tout doit être à la bonne place et, pour la vie civique, en accord avec le groupe, la communauté ainsi qu’avec les règles qui en régissent l’organisation172.

Dans la langue grecque, c’est le substantif κόσμος qui permet de dire la notion d’ordre : un examen attentif de l’épisode qui met en scène Thersite indique que ce mot intéresse le per-sonnage sur plusieurs plans. Le champ sémantique du terme κόσμος, sur lequel nous aurons à revenir, s’avère particulièrement étendu. Le sens initial retenu par les dictionnaires est ainsi

169. F. Yche-Fontanel, art. cit., p. 66-72 ; de même, pour W. G. Thalmann, art. cit., p. 24.

170. L’expression employée en titre est celle de J.-P. Vernant, La mort dans les yeux, Paris, Hachette Littératures, 1998, p. 32.

171. J. de Romilly, La grandeur de l’homme au siècle de Périclès, Paris, Éditions de Fallois, 2010, p. 10. 172. V. Lostoriat Delabroise, art. cit., p. 54.

« ordre, bon ordre » 173, les notices renvoyant par là aux premières attestations homériques du substantif.

C’est tout d’abord par la négative que se définissent les emplois de ce nom dans les poèmes épiques : en effet, les épopées homériques disent en premier lieu ce qui n’est pas en accord avec l’ordre harmonieux des choses. La formule μάψ, ἀτὰρ οὐ κατὰ κόσμον, « inutilement et sans suivre d’ordre/de règle » , qui apparaît, on va le voir, avec Thersite, concerne aussi le comportement d’Arès qui a massacré des Achéens ou celui d’Agamemnon et Ménélas au moment où ils convoquent une assemblée à une heure inappropriée174; la tournure simplifiée οὐ κατὰ κόσμονs’applique pour sa part au sort réservé aux dieux qui iront contre la volonté de Zeus en aidant les Troyens, ainsi qu’à l’attitude d’Hector qui a pris les armes de Patrocle en dépit des règles du combat, ou encore aux paroles d’Euryale qui se moque d’Ulysse175.

Les domaines dans lesquels apparaît le mot sont plus variés lorsque sa valeur est posi-tive : le rangement des armes, la position des chars près des fossés, ou le chant de Démodocos évoquant le sort des Achéens176 ont en commun le tour (εὖ) κατὰ κόσμον, « en bon ordre, convenablement » 177; le positionnement des marins, chacun à son banc, et la disposition des haches dans l’épreuve de l’arc178reposent respectivement sur l’emploi du datif adverbial κόσμῳ(« en ordre » ) et de l’adverbe εὐκόσμως (« en bon ordre » ), alors que le κοσμήτωρ est, pour sa part, « celui qui a disposé, ordonné en rangeant » des guerriers179. La description de la bossette de mors ouvragée et la construction du cheval de bois180font intervenir le substan-tif seul, tandis que pour l’organisation des soldats en armes, en particulier dans le catalogue des vaisseaux et des combattants au chant II de l’Iliade181, pour l’usage de certaines armes, la disposition d’un repas, des ustensiles ou bien encore d’une salle182, c’est au verbe κόσμειν (« mettre en ordre, préparer, organiser, orner » ), composé ou non, que l’aède fait appel.

Dans les épopées homériques, il existe « un kosmos du chant et des paroles, comme il y a un kosmos des armes, des chars » 183, du comportement des êtres, mais aussi de leur

appa-173. DELG, s. v. κόσμος ; LSJ, s. v. κόσμος : « order » . 174. Homère, Iliade, V, 579 ; Odyssée, III, 138.

175. Homère, Iliade, VIII, 12 ; Iliade, XVII, 205 ; Odyssée, VIII, 179. 176. Homère, Iliade, X, 472 ; Iliade, XI, 48 et XII, 85 ; Odyssée, VIII, 489.

177. LSJ, s. v. κόσμος ; M. Casevitz, « À la recherche du Kosmos. Là tout n’est qu’ordre et beauté » , Le monde, Le temps de la réflexion, 10, Société Psychanalytique de Paris, BSF, 1989, p. 97-119, en part. p. 98.

178. Homère, Odyssée, XIII, 77 ; Odyssée, XXI, 123.

179. Homère, Iliade, I, 16 et 375, III, 236 ; Odyssée, XVIII, 152. 180. Homère, Iliade, IV, 145 ; Odyssée, VIII, 492.

181. Homère, Iliade, II, 126, 476, 554, 655, 704, 727 et 806 ; III, 1 ; XI, 51 ; XIV, 379 et 388 et Odyssée, IX, 157. 182. Homère, Iliade, IV, 118 ; Odyssée, VII, 13 et 232 ; Odyssée, XXII, 457.

rence. De fait, le terme revêt le sens de parure dans la scène de toilette d’Héra, au chant XIV de l’Iliade, où il désigne les apprêts harmonieux et splendides dont la déesse s’est ornée. Dès les poèmes épiques, le terme κόσμος entretient donc des affinités étroites avec le domaine de l’apparence, notamment capillaire : dans la cas de la déesse, le mot renvoie non seulement aux ornements dont elle embellit son corps mais aussi à sa coiffure soigneuse, tout en suggérant l’ordre harmonieux qui y préside et la beauté qui en émane.

Le substantif κόσμος s’applique directement à Thersite à deux reprises, et ce, par la négative : il s’agit alors de dénoncer un discours ou des actes contraires à « l’ordre normal » , « sans égard au bon ordre » 184. Sont tout d’abord ἄκοσμα les nombreuses paroles (ἔπεα πολ-λά) qu’il connaît pour blâmer les chefs185, paroles qui sont donc « inconvenantes parce que désordonnées » 186; puis, l’expression μάψ, ἀτὰρ οὐ κατὰ κόσμον (« au hasard et sans suivre d’ordre » ) utilisée pour Arès décimant les Achéens ou bien pour l’assemblée organisée à une heure indue, concerne cette fois l’attitude agressive et injurieuse de Thersite lorsqu’il tance Agamemnon187. Son discours est placé sous le signe du blâme dont il fait un usage désor-donné188; l’un des adjectifs caractérisant le personnage relève directement de ce domaine : le superlatif αἴσχιστος, « le plus vil » , appartient en effet à la famille du nom αἶσχος (« honte, ignominie » ), qui « désigne conventionnellement la bassesse de la poésie de blâme » 189, mais qui peut évoquer aussi la difformité, la laideur190.

Dans l’économie du récit, la peinture de ses anomalies physiques, et en particulier le poil rare de son crâne, suit directement l’évocation du désordre qui préside à ses paroles et à son comportement, l’enchaînement descriptif suggérant ainsi que son aspect corporel est lui aussi ἄκοσμος, οὐ κατὰ κόσμον, « en désordre » , c’est-à-dire en inadéquation avec l’aspect ha-bituel des guerriers. Ce même enchaînement descriptif annonce « la corrélation intime et l’in-fluence réciproque » entre le somatique et le psychique191que formalisent et développent les

184. M. Casevitz, « À la recherche du Kosmos » , art. cit., p. 97-98. L’auteur établit un bilan exhaustif des emplois du substantif et de ses dérivés.

185. Homère, Iliade, II, 213. 186. M. Casevitz, art. cit., p. 99. 187. Homère, Iliade, II, 214.

188. C. Jouanno, art. cit, p. 185 : comme le souligne l’auteur, le vocabulaire du blâme abonde dans le passage qui met Thersite en scène.

189. G. Nagy, op. cit., p. 305. L’auteur développe également une longue réflexion sur le lexique et la place du blâme dans l’intervention de Thersite : voir p. 305-310.

190. DELG, s. v. αἶσχος. Sur cette acception, Pierre Chantraine souligne qu’elle figure en prose attique, notamment chez Platon ; rien cependant ne permet d’affirmer que le mot ne véhicule pas, dès les poèmes homériques, de telles représentations, l’aède pouvant jouer sur le double sens : laideur des paroles de blâme, laideur physique de l’être. 191. A. Zucker, « La physiognomonie antique et le langage animal du corps » , Rursus [En ligne], 1, 2006, p. 1-20, en part. p. 3.

premiers traités de physiognomonie, datant semble-t-il du IV/IIIesiècle avant notre ère192: la laideur de Thersite apparaît comme l’« expression symbolique » de son infériorité morale193, une infériorité que matérialise sa chair et qui influe sur elle, un être aussi difforme et laid ne pouvant que receler un esprit déréglé et tenir des propos inadaptés, malséants. Monstrueux en raison de ses tares physiques, Thersite est donc aussi un « fauteur de troubles » en rai-son de rai-son discours194, et c’est par ces deux aspects que le personnage rejoint le domaine du sauvage, avec lequel il entretient des affinités certaines.

Sauvagerie inhérente à la monstruosité d’une part. Contre nature car à l’opposé de l’idéal de la kalokagathia qui domine l’épopée, l’apparence de Thersite, véritable insulte à l’idée même de beauté, rompt avec les normes grecques fondées sur la notion d’ordre, le bon ordre se révélant aussi bel ordre, et tend par là-même vers le sauvage : est en effet « "acosmique" et "laid" ce qui dérange et trouble le bon ordre » 195, l’ordre, paramètre essentiel de la civilisation, se situant à l’opposé de la sauvagerie196. Les poils crâniens du guerrier achéen, bancal et courbe comme le dieu monstrueux (πέλωρ) Héphaïstos, qui arbore ces mêmes poils sur sa poitrine lorsqu’il se trouve décrit devant sa forge, essoufflé et boiteux, essuyant la sueur ruisselant sur son visage et son corps197, ces mêmes poils que l’on retrouve dans le monde animal ou végétal, semblent ainsi dire, au même titre que leurs difformités, la part de sauvage qui réside en eux.

Sauvagerie émanant de ses paroles violentes et injurieuses d’autre part198. La viru-lence du personnage est à même de troubler l’εὐκοσμία, « bon ordre » , l’εὐνομία, « ordre bien réglé » 199qui préside habituellement à la vie des troupes, dont l’organisation repose sur le rôle des chefs, les κοσμήτορες, ceux qui ordonnent les guerriers. Parce qu’il perturbe, malmène la fonction et l’autorité du κοσμήτωρ qu’est Agamemnon, Thersite constitue donc une « me-nace contre l’ordre et l’harmonie » 200. La proximité que Thersite entretient avec le sauvage dans l’Iliade explique assurément les traits que revêt le personnage dans certains documents

192. Sur la question de la datation des premiers traités, voir J. Wilgaux, « La physiognomonie antique » , art. cit., p. 186-188 ; A. Zucker, art. cit, p. 1.

193. C. Jouanno, art. cit., p. 184. 194. Ibid.

195. J. Soulillou, Le livre de l’ornement et de la guerre, Marseille, Éditions Parenthèses, 2003, p. 97. 196. J. Boëldieu-Trevet, « La sauvage en soi » , art. cit., p. 1.

197. Homère, Iliade, XVIII, 410-415.

198. W. G. Thalmann, art. cit., p. 15 : « Thersites’ disorderly speech » .

199. F. Gherchanoc, « Beauté, ordre et désordre vestimentaires féminins en Grèce ancienne » , Clio. Histoire, femmes et sociétés, 36, 2012, 19-42, en part. p. 30.

postérieurs au poème homérique. Suivant sans nul doute une scholie ancienne à l’Iliade ex-pliquant la très grande laideur de Thersite (αἴσχιστος) par sa proximité avec le singe (τοῦτο καὶ ἐπὶ πιθήκου)201, Platon et Lycophron évoquent respectivement dans la République et dans l’Alexandra « l’âme du bouffon Thersite entrant dans le corps d’un singe » (ψυχήν ... τὴν τοῦ γελωτοποιοῦ Θερσίτου πίθηκον ἐνδυομένην)202et le « fléau étolien à la forme de singe » (πιθηκό-μορφῳ ... Αἰττωλῷ φθόρῳ)203qu’un scholiaste de Lycophron identifie à Thersite, interprétation reprise par Eustathe de Thessalonique, érudit et ecclésiaste byzantin (XIIesiècle de notre ère), dans ses Commentaires sur l’Iliade d’Homère204. De même, on a proposé de reconnaître Thersite sous les traits d’une figure simiesque, nue et velue, jambes fléchies, crâne cynocéphale allongé, au poil rare, située sous l’une des anses horizontales de l’hydrie de Caeré E 696 conservée au Louvre205.

C’est que, si l’on se réfère à la définition qu’Aristote donne du singe, il y a en effet du simiesque dans la description iliadique de Thersite. Ce dernier, comme l’animal, présente en fait une « nature intermédiaire » (ἐπαμφοτερίζει τὴν φύσιν)206 : le corps du singe se situe entre l’homme et les quadrupèdes, tandis que celui de Thersite hésite entre humain et mons-trueux. Mieux, la position du corps de Thersite, jambes courbes, dos voûté, le rapproche de celle de l’animal, l’image du singe se prêtant d’ailleurs « idéalement » à la représentation de la difformité207. Le parallèle entre Thersite et le singe nous paraît éclairer le recours au sub-stantif λάχνη dans le portrait du personnage. Alors que d’autres termes existent dans la langue grecque pour désigner la chevelure ou la calvitie208, l’aède emploie un terme renvoyant non à des cheveux mais à du poil. L’hypothèse d’une tradition ancienne assimilant Thersite au singe209, fondée sur la récurrence de ce type de représentation, permet d’expliquer l’usage singulier du substantif : même si l’aède ne procède que par allusion, la description conjointe

201. H. Erbse, Scholia Graeca in Homeri Iliadem (scholia vetera), vol. 1-5, 7, Berlin, De Gruyter, 1969, II, 216a. 202. Platon, La République, X, 620 c.

203. Lycophron, Alexandra, 1000 ; le tour utilisé par Lycophron, sans mention du nom de Thersite, est en effet éclairé par la scholie : ὑπὸ Αἰτωλοῦ πιθήκειον μόρφωσιν ἔχοντος· λέγεται δὲ τοῦ Θερσίτου (E. Scheer, Lycophronis Alexandra, vol. 2. Berlin, Weidmann, 1958, scholie 1000, l. 3.)

204. Eustathe de Thessalonique, Commentaires sur l’Iliade d’Homère, volume 1, page 314, ligne 8 Valk : Λυκόφρων δὲ εἰδοποιήσας τὸ τοῦ Θερσίτου αἶσχος πιθηκόμορφον αὐτὸν ὠνόμασεν.

205. Voir figures 3 et 4. N. Plaoutine, « La représentation de Thersite par le peintre des hydries dites de Caeré et les sources littéraires qui ont inspiré cet artiste » , REG, LIII, 1940, p. 161-189, en part. p. 161-163 ; cet article est paru à titre posthume et l’interprétation de Plaoutine n’a jamais été approfondie. Voir également L. Spina, art. cit., p. 285.

206. Aristote, Histoire des animaux, 502a, 17.

207. K. Mackowiak, « Le singe miroir de l’homme ? Enjeux d’une confrontation en Grèce ancienne » , Revue de l’histoire des religions, 230 - 1, 2013, p. 5-36, en part. p. 14-15.

208. Voir supra, p. 53.

du poil crânien et des difformités physiques place bel et bien la silhouette de Thersite sous le signe de l’animalité, plus précisément du simiesque.

Or, dès l’âge archaïque, le singe (πίθηκος), certes proche de l’humain mais inférieur à lui en raison de sa nature mixte et incertaine, allie vilenie, ridicule210 et sauvagerie. Ainsi, dans son poème Sur les femmes, Sémonide d’Amorgos (VIIesiècle avant notre ère) associe la caté-gorie de femmes née d’une guenon (τὴν δ’ ἐκ πιθήκου) à une laideur non seulement physique, le lexique étant alors comparable à celui de l’aède (αἴσχιστα μὲν πρόσωπα), mais également morale : ce type féminin constitue un « très grand mal » (μέγιστον ... κακόν)211. De même, plusieurs fables ésopiques (VII-VIesiècle avant notre ère) mettent en scène le singe oscillant entre sotte folie (Le renard et le singe élu roi, Le singe et les pêcheurs), mensonge et vanité (Le renard et le singe disputant de leur noblesse, Le singe et le dauphin)212. L’animal tend également pour les Grecs vers le sauvage. C’est du moins en termes de sauvagerie qu’au IIesiècle avant notre ère, le géographe Agatharchidès de Cnide considère le pithecos213, en particulier cyno-céphale : pour l’auteur, le singe cynocyno-céphale est en effet ἄγριος, « vivant à l’état sauvage » 214. Sans doute ce type de jugement est-il ancré dans des représentations bien antérieures aux écrits d’Agatharchidès. L’assimilation de Thersite au singe, que semble trahir le terme λάχνη dans l’épisode iliadique, reflète et matérialise donc la dimension sauvage du personnage.

Le rapport que le récit homérique tisse donc entre le personnage de Thersite et les notions de sauvagerie et d’ordre explique sans doute le sort que lui réserve Ulysse. Dans un univers où l’irruption du sauvage constitue une mise en péril de l’« ordre civilisé » 215, c’est au héros qu’incombe en règle générale la tâche d’en juguler les effets216. Il n’est ainsi pas anodin que celui des héros qui se dresse contre les paroles ἄκοσμα et le comportement οὐ κατὰ κόσμονde Thersite soit le roi d’Ithaque, alors que les critiques de Thersite ne le vise pas directement. Durant le long voyage de retour vers sa cité que relate l’Odyssée, Ulysse est en effet régulièrement confronté au sauvage monstrueux, en la figure de Polyphème par exemple, cyclope gigantesque et anthropophage217, ou bien encore de Scylla, « monstre affreux » (πέλωρ

210. K. Mackowiak, art. cit., p. 8 ; C. Jouanno, art. cit, p. 189. 211. Sémonide d’Amorgos, Sur les femmes, VII, 71-82 West. 212. Voir Ésope, Fables, respectivement 38 et 304, 39 et 305. 213. Agatharchidès de Cnide, De la mer Érythrée, 74, 1-3. 214. Sur ce point, voir K. Mackowiak, art. cit., p. 9. 215. J. Boëldieu-Trevet, art. cit., p. 1.

216. A. Petrilli, « Une vision du héros grec : aspects de l’homme, aspects de l’animal » , Camenae, 4, 2008, p. 1-19, en part. p. 3 et 10.

κακόν)218. L’opposition entre Ulysse et Thersite semble sur ce point faire écho au rôle du héros dans l’Odyssée219. Il ne semble pas non plus hasardeux que le châtiment infligé par Ulysse prenne la forme d’un coup assené à l’aide du sceptre d’Agamemnon220: symbole d’autorité et de pouvoir, le sceptre constitue sans nul doute aussi le signe de l’ordre civilisé, dans la mesure où il est l’emblème de figures incarnant loi et organisation, tels les juges, les chefs militaires ou bien encore les prêtres. Le sceptre, instrument de la peine appliquée à Thersite, semble ainsi symboliser le caractère essentiel du κόσμος et de l’εὐνομία : dans les mains d’Ulysse, héros civilisateur221, il permet de remettre Thersite à la « bonne place » 222, de veiller au bon ordre face à l’intrusion d’une figure empreinte d’une sauvagerie menaçante.