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Les sanctions politiques à l’encontre du failli ou du liquidé

L’ATTENUATION DES RIGUEURS DE LA LOI À L’ÉGARD DU DÉBITEUR PAR LA RÉFORME DE

Section 2 – Les effets civils et commerciaux des sanctions personnelles à l’encontre du débiteur

B) Les sanctions politiques à l’encontre du failli ou du liquidé

Il convient de distinguer les sanctions politiques qui frappent le débiteur selon qu’il est en faillite ou bien en liquidation judiciaire.

1°) Les sanctions politiques en cas de faillite

La faillite entache l’honneur du failli617. Sa crédibilité en tant que commerçant est mise à mal. Son échec commercial est une preuve que la société ne peut pas lui accorder sa confiance en tant qu’acteur économique. Par conséquent, même si son emprisonnement n’est pas systématique, le législateur et l’opinion publique estiment qu’il doit subir des

sanctions618. Tout en restant en liberté, le failli subit un grand nombre de restrictions de ses droits civiques. Il perd sa qualité d’électeur et de personne éligible. Avec la Constitution de l’An VIII, toujours en vigueur à la fin du XIXe siècle, il est suspendu de ses droits de citoyen et cette suspension ne cesse que par la procédure de la réhabilitation, après remboursement intégral de l’ancien passif : « Jusqu’à une réhabilitation éventuelle, le failli n’est plus temporairement ni électeur ni éligible dans un vote ou pour une fonction représentative quelconque, qu’elle soit politique, municipale ou professionnelle » 619.

Cette suspension s’étendait à l’origine aux héritiers immédiats du failli. Depuis 1848, la suspension des droits civiques du failli est personnelle. Toutefois, la privation de droits qui en résulte survit à la faillite elle-même. Elle ne cesse que par la procédure de la réhabilitation, après remboursement intégral de l’ancien passif.

Bailly établit la liste des droits dont le failli est privé620 : l’accès à la Chambre des députés, au Sénat, au conseil général ou municipal lui est refusé. Il est rayé des listes électorales et ne peut être ni électeur ni juge aux tribunaux de commerce, aux chambres de commerce ou aux conseils de prud’hommes ; il ne peut être investi d’aucune charge publique, d’aucun poste administratif ou judiciaire et d’aucun office ministériel ; il ne peut être juré en cour d’assises, ni témoin instrumentaire dans les actes publics, sauf pour

617 Ch. Lyon-Caen et L. Renault, Manuel de Droit Commercial, 3e édition, op. cit., p. 922 et s.

618 Trib. de com. de Lyon, 13 août 1888, Arch. dép. Rhône, Sauf-conduit, p. n° 127, 6 up 1/2311, Demoiselle

Kapps. Ch. Lyon-Caen et L. Renault, Manuel de Droit Commercial, 3e édition, op. cit., p. 923.

619

déclaration à l’état-civil. L’accès à la Bourse lui est interdit et il est privé du droit d’escompte auprès de la Banque de France. En outre, il perd le droit de porter les insignes de la légion d’honneur, ainsi que de la médaille militaire.

Selon Thaller, ce « stimulant donné à l’amour propre du commerçant » depuis la clôture de sa faillite n’agit plus comme il agissait autrefois. L’abandon du suffrage censitaire en est la cause. La bourgeoisie, qui est la classe sociale du commerce, tient moins à exercer ses droits de citoyen en prenant part au suffrage universel qu’elle n’y tenait à l’époque où les conditions du suffrage censitaire limitaient l’électorat et l’éligibilité à des catégories relativement restreintes. Cela explique le faible nombre de demandes de réhabilitation : seulement 24 demandes en 1895 pour 1508 faillites ouvertes. Par ailleurs, les interdictions dont le failli est l’objet ne l’empêchent pas d’occuper une fonction d’administrateur dans une société par actions, dans la mesure où l’exercice de cette fonction ne se rattache pas au statut politique.

2°) Les sanctions politiques en cas de liquidation judiciaire

Dans le cas de la liquidation judiciaire, les déchéances sont moindres. Bailly établit la liste des droits dont le débiteur bénéficiant de la liquidation judiciaire est privé. L’éligibilité politique et professionnelle lui est refusée et il ne peut être nommé à aucune fonction élective. S’il exerce une fonction de cette nature, il est réputé démissionnaire. En conséquence, il ne peut être élu aux tribunaux ou chambres de commerce, aux prud’hommes, aux assemblées municipales, départementales ou nationales. En revanche, il est maintenu sur les listes électorales ou fondé à se pourvoir contre une mesure de radiation dont il aurait été victime ; il peut exercer un emploi dans la fonction publique ; il peut être valablement juré et témoin dans les actes et conserve le droit de porter la Légion d’honneur.

Par ailleurs, tout comme en matière de faillite, la réhabilitation est nécessaire en matière de liquidation judiciaire et la demande en réhabilitation obéit aux mêmes conditions. Le failli qui a acquitté entièrement ses dettes et qui n’est pas considéré comme indigne621 par

620

E. Bailly, « La loi du 4 mars sur la liquidation judiciaire », Annales de droit commercial français, étranger et

international, tome 3, 1889, p. 56 et s.

621 Article 612 : Les personnes condamnées pour vol, escroquerie ou abus de confiance sont considérées comme

la loi peut être réhabilité622. Il doit s’adresser par requête à la cour d’appel dans le ressort de laquelle il est domicilié. Tout créancier, payé ou non, peut faire opposition à la réhabilitation. C’est lorsqu’il a payé toutes ses dettes que la cour prononce la réhabilitation commerciale du failli623.

La cour d’appel de Pau, dans son arrêt du 19 avril 1853, estime que le failli qui ne se trouve plus débiteur que d’une succession dans laquelle il est intéressé ne peut être considéré comme ayant acquitté sa dette afin d’obtenir sa réhabilitation, au seul motif qu’il a offert de déduire sur sa part héréditaire la somme qu’il doit. Il faut que le paiement soit effectif. Ainsi, le sieur Cababes, commerçant en faillite, avait obtenu un concordat dans lequel la dame Lafont, sa belle-mère, s’était portée caution jusqu’à concurrence de 4 000 F., qu’elle avait payés aux créanciers. Suite au décès de la dame Lafont, le sieur Cababes devient débiteur et créancier de la succession. Ayant désintéressé tous les créanciers de la faillite et ayant proposé de retrancher les 4 000 F (payés pour lui) sur le montant de sa part de succession, il demande la réhabilitation. Mais un héritier de la dame Lafont fait opposition au motif que le sieur Cababes ne peut être considéré comme ayant acquitté sa dette envers la succession tant qu’il n’en a pas opéré le paiement effectif. La cour de Pau donne raison à l’héritier et rejette la demande en réhabilitation du sieur Cababes624.

Le failli qui bénéficie de la réhabilitation recouvre tous ses droits et celle-ci fait cesser ses incapacités. Il recouvre par conséquent l’administration de ses biens. Ainsi, un jugement du tribunal de commerce de Lyon, en date du 19 février 1836, a déclaré François Georges neveu en état de faillite et a considéré que cette faillite, en l’absence de concordat, est passée à l’état d’union. Depuis, François Georges neveu a désintéressé intégralement ses créanciers, aussi bien ceux qui avaient concouru à la faillite que ceux qui y étaient restés étrangers, et a reçu d’eux quittance libératoire et définitive, ainsi qu’il résulte d’un acte reçu par Maître Raymond, notaire à Caluire, en date du 6 août 1841. Le 10 août, François Georges neveu a assigné le syndic de sa faillite en rétractation du jugement qui avait déclaré cette faillite et en réintégration dans l’administration de ses biens. Mais, par jugement en date du 13 du même

622

Cour de Lyon, 1ère ch., 31 août 1841, La jurisprudence de la cour royale de Lyon, op. cit., : Dans une faillite déclarée sous l’empire de l’ancien code de commerce, les fonctions de syndics doivent cesser, et le failli doit reprendre la libre disposition de ses biens, lorsqu’il a payés ses créanciers, soit ceux qui avaient concouru aux opérations de faillite, soit ceux qui y étaient restés étrangers. Mais il n’y a pas lieu dans ce cas, de rétracter le jugement déclaratif de faillite, la qualité de failli et les incapacités spéciales qui en résultent ne pouvant être effacées que par la réhabilitation.

623 Cour de Lyon, 1ère ch., 31 août 1841, La jurisprudence de la cour royale de Lyon, op. cit., tome 20, année

1842,

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mois, le tribunal de commerce de Lyon a rejeté cette demande et a renvoyé François Georges neveu à se pourvoir en réhabilitation, en conformité avec la loi.

La cour d’appel de Lyon distingue la réhabilitation du recouvrement par le failli du droit d’administration de ses biens. Elle estime que c’est essentiellement dans l’intérêt des créanciers que l’administration, par le syndic, des biens du failli est confiée au syndic et qu’une telle administration de la part du syndic est sans but comme sans cause. Ainsi, il y a lieu à rendre à François Georges neveu l’administration de ses biens sans le soumettre au préalable à une procédure en réhabilitation. La cour d’appel de Lyon infirme donc le jugement dans la partie qui touche au refus de rendre au failli l’administration de ses biens avant que celui-ci n’ait obtenu sa réhabilitation.

La loi reconnait au débiteur défaillant la possibilité de bénéficier d’une procédure tendant à lui permettre de retrouver son honneur. Cependant, le nombre de réhabilités est minime au XIXe siècle en raison de la difficulté à remplir les conditions pour en bénéficier notamment celle qui consiste à désintéresser totalement les créanciers.

Outre des sanctions civiles, commerciales et politiques, le failli encourt des sanctions plus lourdes de conséquences, comme les sanctions pénales pour cause de banqueroute simple ou frauduleuse625.

625 H. Lévy-Bruhl, « La faillite dans notre ancien droit s’appliquait-elle aux non-commerçants ? », RHD, 1939,

§ 2 – Les sanctions pénales découlant de la procédure collective

Le débiteur encourt des sanctions pénales en cas de faillite pour banqueroute simple (A) ou frauduleuse (B).

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