• Aucun résultat trouvé

LES AMÉNAGEMENTS PAR LA JURISPRUDENCE DU DROIT DE LA FAILLITE

Section 2 – L’innovation jurisprudentielle en matière de procédure collective

B) Les dispositions de 1870 et

Goguet précise qu’en 1878, un comité composé de négociants de Paris, après avoir consulté les chambres syndicales, les chambres et les tribunaux de commerce sur les modifications à apporter à la loi de 1838, publia toutes leurs réponses en les coordonnant450. Il ajoute qu’à la même époque, M. Desseaux proposait au Parlement de créer parallèlement à la faillite, au profit des commerçants malheureux mais honnêtes, une procédure spéciale dite

concordat amiable. Il regrette que ce projet n’ait même pas été examiné par la Chambre des

députés451. Par ailleurs, le décret du 7 septembre 1870 ainsi que les trois lois des 22 avril, 9 septembre, 19 décembre 1871, dites les trois transitoires, ont été adoptés pour régler les cessations des paiements intervenues notamment entre le 10 juillet 1870 jusqu’aux 13 mars 1872.

Des liquidations judiciaires ont été prononcées sous l’empire de ces lois. Elles ont donné lieu à des controverses que la cour d’appel de Lyon a tranchées dans deux arrêts. Ainsi, la cour d’appel de Lyon452 a décidé que l’arrangement amiable prévu par l’article 2 de la loi du 22 avril 1871 n’était pas un concordat proprement dit. En conséquence, il ne lie ni les créanciers opposants, ni même les créanciers qui l’ont consenti. Il ne produit d’autre effet que celui d’autoriser le tribunal à substituer à l’état de faillite l’état de liquidation judiciaire. C’est pourquoi, il ne peut, en cas de pluralité de débiteurs unis collectivement en liquidation,

449

Trib. de com de la Seine, 18 septembre 1848, D., 1848, II, p. 101.

450 R. Goguet, op. cit., p. 138 et s. Voir aussi Chambre de commerce de Toulouse, Projet de Loi sur les Faillites,

séance du 30 novembre 1885, Toulouse, 1885.

451 R. Goguet, op. cit., p. 138 et s. 452

ni autoriser l’un d’eux à procéder seul avec le concours du syndic à la vente des immeubles communs, ni autoriser cette vente en dehors des formalités prévues par les articles 572 et 573 du code commerce. En effet, ces deux articles supposent le dessaisissement du débiteur et décident que la vente des immeubles ne pourra être poursuivie que par le syndic de la faillite, alors que la cour d’appel de Lyon avait décidé, dans un autre arrêt, en date du 25 juillet 1889, que la loi transitoire du 22 avril 1871, dont le but était de faciliter les concordats amiables, n’a point opéré le dessaisissement du débiteur453. Elle l’a laissé, au contraire, procéder lui- même à sa liquidation, sous les deux seules conditions d’agir concurremment avec les syndics régulièrement nommés et de ne point créer de nouvelles dettes. Elle a estimé dès lors qu’était régulière et inattaquable l’aliénation des immeubles d’une société commerciale, faite amiablement sous l’empire de cette loi, par le syndic nommé et le liquidateur de cette société. Cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi formé par les sieurs Roche frères, contre un arrêt de cour d’appel de Lyon, en date du 25 juillet 1889, rendu au profit de la liquidation Girerd, Nicolas et Compagnie. La Cour de cassation, par son arrêt de rejet du pourvoi, en date du 29 juin 1891, confirme l’arrêt de la cour d’appel au motif que la loi de 1871 conserve au débiteur l’administration de ses affaires et le charge de procéder à leur liquidation, ce qui comprend la vente des immeubles. Ainsi, le régime d’exception créé par la loi de 1871 suppose que les articles 572 et 573 du code de commerce ne sont pas applicables au concordat signé pendant la période d’application des mesures d’exception.

Par ailleurs, des liquidations ont été prononcées en 1873 et 1874 alors que les mesures prises par le législateur n’étaient plus en vigueur. Pour faire cesser ces abus, le Garde des sceaux dut rappeler tous les tribunaux consulaires à l’observation de la loi. Au mois d’août 1876 une circulaire leur fut adressée par l’intermédiaire des procureurs généraux454. Goguet donne l’exemple d’une affaire pour illustrer les abus de cette pratique. Un entrepreneur de l’exposition de Lyon, qui avait été mis en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon, le 8 mai 1873, fut poursuivi à Paris, devant le tribunal de commerce de la Seine, par d’autres créanciers qui demandèrent sa mise en faillite. Le tribunal de la Seine455 décida que la mise en liquidation ordonnée par le tribunal de commerce de Lyon, en violation des articles 437 et 438, n’empêchait pas la mise en faillite de l’entrepreneur. Les liquidations,

453 Ibid., p. 466. Journal des faillites–Table Générale 1882-1894, p. 277: « Le concordat amiable obtenu sous

l’empire de certaines loi transitoires ne donne pas lieu à l’application des règles de la faillite concernant le dessaisissement. »

454 R. Goguet, op. cit., p. 138 et s.

455 Trib. de com. de la Seine, 18 avril 1877, Gazette des tribunaux, numéro du 22 avril 1877, cité par R.

mesures provisoires à l’origine, sont devenues définitives pour le tribunal de commerce de Lyon.

§ 2- Les procédures collectives contra legem mises en place par la pratique lyonnaise

Avant même l’adoption par le législateur du terme liquidation judiciaire, en 1889, il existait au XIXe siècle une pratique de liquidation amiable − également nommée concordat amiable − dont l’objectif était d’apurer le passif du débiteur sans recourir à la procédure de faillite. Elle était jugée longue et coûteuse et les conséquences qu’elle entraînait étaient assimilées à des sanctions auxquelles le commerçant failli de bonne foi devait échapper456. Par ailleurs, certains tribunaux s’inspiraient de la procédure de faillite pour mettre en place une procédure collective de liquidation des débiteurs civils déconfits. La pratique a donc développé une double procédure parallèle. La première, en matière civile, avec la nomination de séquestre judiciaire (A) et la seconde, en matière commerciale, avec la nomination d’un liquidateur judiciaire (B).

Outline

Documents relatifs