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Les associés face à la faillite ou à la liquidation judiciaire

LE TRAITEMENT DES DÉFAILLANCES D’ENTREPRISES PAR LE LÉGISLATEUR

Section 1 – Les justiciables du droit de la faillite

C) Les associés face à la faillite ou à la liquidation judiciaire

La faillite ou la liquidation judiciaire des sociétés soulèvent la question de la situation des associés et notamment la question de savoir si la faillite de la société entraîne celle de l’ensemble des associés. Il est nécessaire de distinguer les associés en nom collectif ou d’un commandité, les commanditaires et les actionnaires. La loi opère ainsi une distinction d’une part, entre un associé en nom collectif et un associé en commandite et, d’autre part, entre les commanditaires et les actionnaires.

Pour le premier groupe d’associés, la faillite de la société se répercute sur l’associé personne physique et sur l’ensemble de ses biens propres. En effet, l’associé est présumé être commerçant et, en tant que tel, il est tenu solidairement responsable du passif de la société et censé payer les dettes de la société si celle-ci n’est pas en mesure de le faire. Il est tenu indéfiniment par les engagements de la personne morale. Certains auteurs estiment que les dettes sociales sont les dettes de chacun des associés276 et que, si l’associé n’est pas en mesure de les payer, il est à son tour en état de cessation de paiement277 et, « dans ce cas, il peut demander à bénéficier des dispositions de la loi de 4 mars 1889 sur la liquidation judiciaire»278. Les scellés seront apposés non seulement au siège de la société mais aussi au domicile de chacun des associés solidaires279. Les conditions de la faillite sont donc réunies en la personne de l’associé. La liquidation judiciaire demandée pour la société entraîne

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Ch. Lyon-Caen et L. Renault, Manuel de Droit Commercial, op. cit., p. 963.

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Trib. de com. la Seine, 18 avril 1890. Journal des faillites, 1891, art. 1294, p. 330. Les prescriptions de la loi des faillites sont applicables en cas de liquidation judiciaire quand il n’y est pas formellement dérogé. En conséquence, la loi du 4 mars 1889 étant muette sur la situation juridique de l’associé en nom collectif d’une société en liquidation judiciaire, il faut admettre, par analogie, avec la jurisprudence de la législation des faillites, que la mise en liquidation judiciaire de cette Société entraîne celle des associés personnellement. (Loi du 4 mars 1889, art. 24).

278 Cour de Paris, 21 mai 1890, 2e Ch., Journal des faillites, 1890, art 1286, p. 299. 279

également la liquidation judiciaire des associés. La décision qui a prononcé la faillite de la société au siège social sera l’objet d’une déclaration de jugement commun vis-à-vis de chaque associé respectivement280. Vont donc s’ouvrir autant de faillites parallèles qu’il y a d’associés responsables, et ce indépendamment de la faillite sociale. Chaque associé sera par conséquent atteint individuellement.

Les créanciers sociaux peuvent intervenir dans chacune des faillites des associés. Dans la faillite sociale, ils seront seuls à produire leurs créances. Dans la faillite de chacun des associés, ils auront à subir le concours des créanciers personnels de celui-ci ainsi que plusieurs vérifications de créances, plusieurs assemblées de concordat et accepter des dividendes de taux différents. La faillite pourra se conclure par voie d’union et de vente des biens à l’égard de la personne morale, tandis que tel ou tel associé obtiendra peut-être un traité le remettant à la tête de son patrimoine281. Selon la doctrine, qui se fonde sur un arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 mai 1890282, l’indivisibilité de régime n’existe pas entre la société et l’associé : un associé d’une société en nom collectif poursuivie en déclaration de faillite peut invoquer personnellement le bénéfice de la liquidation judiciaire.

Ainsi, la société en nom collectif Bouyer et Cie, ayant pour associé M. Bouyer et M. Poulot, est déclarée en faillite. Appel du jugement déclaratif est formé et la cour d’appel est saisie de deux requêtes demandant la conversion de la faillite en liquidation judiciaire. La première est présentée par M. Bouyer au nom de la société, la seconde, par M. Poulot, qui apportait, en son nom personnel, son concours aux affaires de son beau-père. La cour d’appel de Paris considère que M. Poulot, bien que n’ayant participé que peu de temps aux affaires de l’entreprise, a été entraîné malgré lui dans le désastre de la société. Ainsi, sa responsabilité est donc moins fortement engagée et il se trouve dans une situation de fait qui lui permet d’invoquer le bénéfice de la liquidation judiciaire, introduite dans la loi en faveur du débiteur malheureux. En revanche, la cour d’appel rejette la demande introduite aux mêmes fins par M. Bouyer, au nom de la société283.

Pour un commanditaire ou un actionnaire, la faillite ou la liquidation judiciaire n’atteint pas leur personne. En effet, l’associé, qu’il soit commanditaire ou actionnaire, n’est pas commerçant, à moins qu’il ne s’immisce dans la gestion de la société, ce qui lui est

280 Ch. Lyon-Caen et L. Renault, Manuel de Droit Commercial, 1910, op. cit., p. 999. 281

Ibid., « S’il s’agit d’une liquidation judiciaire, quand la part prise par chacun des associés à la gestion de la société n’a pas été la même, le bénéfice de cette liquidation peut être accordé à l’un des membres, sans l’être soit à l’autre membre plus coupable, soit à la société elle-même. »

282 Cour de Paris, 21 mai 1890, 2e Ch., Journal des faillites, op. cit., p. 299. 283

interdit par les dispositions des articles 27 et 28 du code de commerce. En conséquence, il n’est tenu des dettes en souffrance que jusqu’à concurrence de son apport et, s’il adéjà libéré sa part du capital, les créanciers de la société ne peuvent rien exiger d’autre. En revanche, s’il n’apas libéré sa part du capital, le complément lui sera réclamé par le syndic, agissant à cet effet soit du chef des créanciers, soit du chef de la société elle-même. En cas de refus de paiement, c’est par la voie d’exécution reconnue en droit civil – c’est-à-dire par les saisies – que le syndic recouvrera la créance. Par conséquent, s’il ne s’immisce pas dans la gestion de la société, un commanditaire ou un actionnaire ne peut être déclaré en faillite au titre des dettes de cette activité284 que s’il exerce un commerce indépendant de la société.

Il ressort de cette partie de l’étude consacrée aux justiciables du droit de la faillite que le législateur perpétue l’exclusion des non-commerçants du bénéfice du droit de la faillite en dépit des réformes successives en la matière.

Ainsi, les justiciables du droit de la faillite, qu’ils soient des personnes morales ou des personnes physiques, sont les commerçants et les sociétés commerciales. Ils seront mis en faillite lorsqu’ils présentent des preuves objectives de leur cessation des paiements par la matérialisation de leur situation.

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