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Le renforcement de l’exercice des droits des créanciers

LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES CRÉANCIERS PAR LA RÉFORME DE

Section 1 – La garantie des droits des créanciers

B) Le renforcement de l’exercice des droits des créanciers

La collectivité des créanciers bénéficie de l’exigibilité des créances à terme (a) et d’une hypothèque légale en qualité de masse (b).

a) L’exigibilité des créances à terme

Deux articles, l’un dans le code civil – l’article 1188 −, l’autre dans le code de commerce – l’article 444 − prévoient l’exigibilité des créances à terme. Le code civil dispose, dans son article 1188, que « le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite ». L’article 444 du code de commerce confirme cette disposition : « Le jugement déclaratif rend exigibles, à l’égard du failli, les dettes passives non échues ». En outre, l’article 8 de la loi de 1889 prévoit l’exigibilité des créances à terme dans le cadre de la liquidation judiciaire. Ainsi, le jugement de faillite ou de liquidation judiciaire supprime le terme bénéficiant aux engagements du débiteur ; en revanche, la créance à terme du failli envers un tiers ne bénéficie pas de l’exigibilité immédiate. Le délai initialement prévu subsiste660.

Le législateur met en place l’exigibilité des créances à terme car le créancier qui possède de telles créances doit devenir un créancier qui ne dispose pas d’un privilège et recevoir un dividende immédiat, en même temps que les autres. S’il n’en était pas ainsi, il faudrait mettre ce dividende en réserve et prolonger inutilement la durée de la liquidation. De plus, le terme est un témoignage de confiance. Or, le débiteur a failli et ne peut en conséquence bénéficier ni d’un crédit ni d’un délai. L’article 444 du code de commerce, d’après lequel le jugement déclaratif de faillite rend exigibles à l’égard du failli les créances non échues, est applicable aux créances hypothécaires comme aux créances chirographaires.

Ainsi, dans l’affaire opposant Souvaneau à Dupuis, Souvaneau demande la déchéance du terme par suite de la faillite de son débiteur Dupuis661. Il se prévaut de l’article 444 du code de commerce, qui dispose que le jugement déclaratif de faillite rend exigibles les dettes passives non échues. Cet article ne distinguant pas entre les créanciers hypothécaires et les créanciers chirographaires, le demandeur sollicite la déchéance du terme de sa créance

660 Ch. Lyon-Caen et L. Renault, Traité de droit commercial, 4e Edition, Tome 7, op. cit., p. 272 et s. 661

hypothécaire. La cour d’appel de Lyon considère que l’article 444 du code de commerce ne fait que reproduire l’article 1188 du code civil, qui prononce que le débiteur failli ne peut réclamer le bénéfice du terme. Ces deux articles ne distinguent pas entre les créanciers hypothécaires et chirographaires. La cour d’appel de Lyon estime en conséquence que la créance hypothécaire de Souvaneau contre Dupuis est devenue exigible et que Souvaneau n’est pas tenu de faire vérifier ni d’affirmer sa créance avant de commencer les poursuites expropriatrices des immeubles qui composent son gage.

La suspension du bénéfice du terme ou l’exigibilité immédiate des créances est une protection supplémentaire accordée par le législateur aux créanciers. C’est une disposition qui complète celles prévues par l’interdiction des poursuites individuelles et la cessation du cours des intérêts. D’autre part, en rendant les dettes exigibles, la loi les admet pour leur montant nominal et accorde enfin à la masse une hypothèque légale en garantie de ses droits.

b) L’hypothèque légale de la masse

Les articles 490 alinéa 3 et 517 du code de commerce ainsi que l’article 4 alinéa 1 de la loi de 1889 confèrent à la masse des créanciers une hypothèque légale sur les immeubles du failli, qu’ils aient été acquis antérieurement ou postérieurement à la procédure de faillite662. L’hypothèque légale est le corollaire du dessaisissement. Elle existe aussi bien en matière de faillite qu’en matière de liquidation judiciaire. Sa validité est soumise à deux inscriptions au bureau des hypothèques de la situation des immeubles. Le syndic doit procéder aux inscriptions, en premier lieu après sa nomination, puis – en application des articles 490 alinéa 3 et 517 du code de commerce – lorsque le concordat éventuel est homologué663. En cas de défaut de transcription du jugement d’homologation du concordat, les créanciers concordataires ne peuvent se prévaloir de l’inscription prise au nom de la masse – en vertu de l’article 490 du code de commerce – à l’encontre du créancier qui, postérieurement au concordat, a pris inscription d’hypothèque judiciaire sur les immeubles du débiteur664. Cependant, la doctrine s’interroge sur l’éventuelle obligation du syndic à

662 Ch. Lyon-Caen et L. Renault, Traité de droit commercial, op. cit., p. 299 et s. 663 E.E. Thaller, Traité élémentaire de droit commercial, 3e édition, op. cit., p. 951 et s. 664

Trib. civ. de Grenoble, 25 novembre 1901, Journal des faillites, 1902, op. cit., p. 136 : « Le défaut de transcription du jugement d’homologation du concordat ne permet pas aux créanciers concordataires de se prévaloir de l’inscription prise au nom de la masse en vertu de l’article 490 du code de commerce à l’encontre du créancier qui, postérieurement au concordat, a pris inscription d’hypothèque judiciaire sur les immeubles du débiteur. Par suite, ces créanciers, ou le syndic qui les représente après résolution du concordat et déclaration de

prendre, en cas de concordat par abandon d’actif, l’inscription hypothécaire de l’article 517 du code de commerce pour la conservation des droits de la masse665. Il existe également une controverse pour déterminer si l’hypothèque de la masse est une hypothèque légale ou judiciaire666. Ainsi :

« Quelle que soit sa nature, il est certain que l’hypothèque constitue la garantie collective de tous les créanciers, connus ou inconnus lors de son inscription. C’est à la masse que l’hypothèque est conférée, et la masse se compose de tous les créanciers, aussi bien de ceux portés au bilan et qui ont pris part à la procédure de vérification que de ceux qui ne révèlent leur existence que plus tard, en faisant reconnaître en justice leur qualité de créanciers »667.

Une fois prononcée la clôture de la faillite, lorsque le débiteur a été remis à la direction de ses affaires par un concordat, l’hypothèque permet à la masse de continuer à bénéficier d’une protection. Le dessaisissement ayant cessé, le débiteur recouvre le droit d’administrer ses biens et, du fait de la reprise de son activité, la masse est garantie contre les dettes à venir du débiteur. En cas de nouvelle(s) défaillance(s) de la part du débiteur, les créanciers concordataires primeront sur les créanciers subséquents pour les immeubles déjà existants au temps de la première faillite. L’hypothèque légale leur permettra de bénéficier d’un droit de préférence. C’est pourquoi la deuxième inscription prévue par la loi − de loin la plus importante des deux −, doit mentionner le jugement d’homologation, en vertu de l’article 517 du code de commerce. Il est toujours possible aux créanciers de renoncer à l’hypothèque au moment du concordat668.

Thaller apprécie que l’hypothèque légale présente un intérêt certain en cas de poursuite de l’activité du failli après l’homologation d’un concordat mais regrette qu’elle ne présente qu’un faible intérêt pendant la procédure de la faillite. Selon lui, il s’agit d’un complément de publicité donné au dessaisissement par une inscription sur les immeubles. Le syndic y procède sous sa seule responsabilité. Une négligence de la part du syndic quant à la nouvelle faillite, ne sont pas fondés à contester la collocation du créancier ainsi inscrit dans l’ordre ouvert pour la distribution du prix des immeubles, dès lors que le jugement en vertu duquel l’inscription a été prise est intervenu avant la seconde cessation de paiements à une époque non suspecte et constituait un droit acquis au moment de l’inscription (Com. 490-517). »

665

A. Defert, « Correspondance », Journal des faillites, 1895, op. cit., p. 474 et s.

666 A. Defert, Journal des faillites, 1895, op. cit., p. 240. 667 Ibid.

668 E.E. Thaller, Traité élémentaire de droit commercial, 3e édition, op. cit., p. 951 et s. Voir aussi : Ch. Lyon-

réalisation de l’inscription et de sa publicité a pour conséquence que certaines personnes qui ont traité avec le débiteur en matière immobilière ignorent la faillite. Mais il n’existe aucune autre sanction, puisque le dessaisissement produit son effet au regard de tous au moment du jugement déclaratif. Créant un droit réel sur les différentes valeurs de son gage, l’hypothèque légale n’est rien d’autre que la conséquence logique du dessaisissement669. A contrario certains soutiennent que, grâce au dessaisissement, la masse acquiert un droit réel sur les immeubles à partir de l’inscription de l’hypothèque alors qu’elle n’était qu’un tiers ordinaire, ce qui lui confère une garantie supplémentaire. En conséquence, selon les dispositions de l’article 3 de la loi du 23 mars 1855, la vente d’un immeuble réalisée par le débiteur antérieurement à sa faillite et non transcrite par l’acheteur ne pourra lui être opposée670.

Corollaire du dessaisissement du débiteur, l’hypothèque légale existe aussi bien en matière de faillite qu’en matière de liquidation judiciaire. Elle renforce ainsi les droits des créanciers sur les biens immeubles du débiteur et la primauté de l’intérêt collectif, qui connaît néanmoins une exception lorsque des privilèges s’opposent à elle. Ainsi, les créanciers qui ont recours à une hypothèque ou à un privilège pour garantir leurs droits ne subissent qu’une limitation relative et continuent d’exercer leurs privilèges et hypothèques.

§ 2 – L’exercice des droits des créanciers privilégiés et hypothécaires pendant la procédure collective

L’ouverture d’une procédure collective a des répercussions sur l’exercice des droits de poursuite. La limitation de l’exercice des droits des créanciers privilégiés et hypothécaires n’est que relative (A) alors que le jugement déclaratif de faillite (ou de liquidation judiciaire) engendre l’arrêt du cours des inscriptions de privilèges ou d’hypothèques (B).

669 E.E. Thaller, Traité élémentaire de droit commercial, 3e édition, op. cit., p. 951 et s. 670

A) La limitation relative de certains droits privilèges et hypothèques pendant

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