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S YNTHESE ET TRANSITION VERS LA DEUXIEME PARTIE

Le chapitre 1 de la revue de la littérature a présenté le shopping et ses deux dimensions, une dimension récréationnelle et une dimension utilitaire. La première dimension est source de sensations positives comme le plaisir et renvoie par exemple à l’achat de vêtements. Un exemple type de shopping utilitaire est celui des courses ordinaires qui sont perçues comme autant de corvées. Des auteurs ont montré que le shopping pouvait être considéré comme une activité ludique s’il était relativement libéré de contraintes. Dans le cas opposé, le shopping peut être une activité stressante. Certaines acheteuses éprouvent notamment un stress lorsqu’elles font l’approvisionnement de leur foyer. En effet, les courses ordinaires sont une activité délicate dans le sens où les acheteuses ne sont pas toujours libres de leurs choix mais elles portent pourtant la responsabilité de l’achat, sont soumises à des impulsions et ne parviennent pas toujours à maintenir la situation sous contrôle. Les courses ordinaires font partie du quotidien de la femme occidentale et participent à la définition de son rôle au sein de la famille. Elles représentent en ce sens un domaine riche de significations symboliques. Les courses ordinaires renvoient à deux conceptions différentes. La première est la conception des courses corvées, la seconde est celle du sacrifice soutenue par Miller (1998a). Comme d’autres activités de la vie quotidienne, les courses ordinaires regorgent de richesses symboliques. Mais elles sont aussi une activité analytiquement complexe qui nécessite la maîtrise d’un ensemble de compétences. Ces dernières sont de plus souvent dénigrées pour des raisons idéologiques, bien qu’elles jouent un rôle central dans l’acte d’achat.

Mais, dans certains contextes culturels non occidentaux, l’approvisionnement du foyer est traditionnellement assuré par les hommes. Cette répartition des rôles entre

les genres est largement répandue dans les contextes arabo-musulmans. Des travaux récents montrent que la femme arabo-musulmane est plus présente sur les marchés, mais ces recherches sont peu nombreuses et elles ne permettent pas une compréhension approfondie des mutations.

La revue de la littérature sur le shopping a permis de mettre en lumière l’intérêt de travailler sur les courses ordinaires et a soulevé la question des compétences nécessaires pour faire des courses ordinaires. Le chapitre 2 permet une approche en profondeur de la notion de ressources et de compétences du consommateur grâce aux apports de la sociologie, de la psychologie, des sciences de l’éducation et du comportement du consommateur. Pour la suite de ce travail de recherche, nous avons défini les compétences du consommateur comme la mobilisation de ressources dans une situation donnée, soulignant ainsi, le lien entre les compétences et le contexte. La socialisation permet une approche longitudinale de l’apprentissage de la consommation et du shopping plus particulièrement. La littérature sur le consommateur fonctionnellement illettré souligne que l’acheteur fonctionnellement illettré est un individu non dénué de ressources mais qui ne dispose pas toujours des compétences requises par la situation de consommation.

Le chapitre 2 se limite cependant aux compétences du consommateur dans un pays développé et ne permet pas de répondre à la question du consommateur compétent dans un pays en développement qui se voit soudainement confronté aux courses dans un supermarché ; une situation à laquelle il n’a a priori pas été préparé.

Le chapitre 3 apporte quelques éléments de réponse. Nous avons utilisé le cadre théorique de l’acculturation et de la globalisation pour comprendre comment un

consommateur parvenait à faire ses courses dans un environnement moderne de consommation quand il n’a pas été socialisé à une telle activité. L’acculturation de consommateur montre à quel point les ressources du migrant sont importantes pour faciliter son processus d’adaptation à la culture hôte. Les recherches soulignent la difficulté et les expériences douloureuses liées à un tel processus. Mais la perspective vise le long terme et ne répond pas précisément à la question des mécanismes utilisés et des ressources mobilisées lors des premiers contacts avec le commerce moderne. D’autre part, la globalisation rappelle que les phénomènes observés dans les pays en développement ne sont pas l’exacte réplique du vécu dans les pays les plus développés. Des formes locales de schémas de consommation se construisent avec l’arrivée de la culture globale de consommation. Or, les recherches menées jusqu’à présent dans les pays en développement sont principalement centrées sur la modernisation de l’appareil de distribution. Mais dans leur ensemble, ces travaux paraissent avoir négligé l’approche expérientielle des courses dans le commerce moderne dans un pays en développement.

La question qui s’est construite au cours de la revue de littérature demeure ouverte : Comment le consommateur fait-il face au commerce moderne lorsqu’il est soudainement confronté à celui-ci ? Pour répondre, nous avons fait le choix de nous tourner vers le consommateur marocain. Depuis 1990, le marché marocain fait l’expérience d’une modernisation de son appareil commercial. Ce processus s’est accéléré avec l’introduction du concept de supermarché en 2002. Aujourd’hui, le consommateur marocain urbain se voit exposé à une nouvelle forme de commerce pour laquelle il n’avait pas été socialisé au cours de son enfance. Notre recherche s’attache à répondre à la question suivante :

Quels sont les mécanismes utilisés par l’acheteur marocain urbain pour faire ses courses dans un supermarché ?

La posture épistémologique et la démarche méthodologique que nous avons adoptées pour cette recherche font l’objet de la deuxième partie de ce document.