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D EFINITION DE L ’ ETHNOGRAPHIE

Selon Badot, et alii (2009), l’ethnographie est une « méthode d’enquête qui utilise en

priorité des entretiens informels avec des informateurs privilégiés et des observations in situ, plutôt participantes, consignées dans un carnet de terrain » (Badot et alii

2009, p. 95). L’ethnographie est donc un outil mais elle est surtout, comme le rappelle Wolcott, une manière d’aborder des faits culturels. S’adonner à l’ethnographie, c’est

« regarder et donner du sens au comportement social humain en termes de modelage

socio-culturel » (Wolcott, 1995, p. 83). Pour reprendre les termes de Belk (1995, p.

56), elle renvoie à la « nouvelle perspective » utilisée en recherche sur le comportement du consommateur (Heisley et Levy, 1991 ; Wallendorf et Belk 1987) et s’oppose aux méthodes positivistes utilisées dans l’« ancienne perspective », telles que les expérimentations et les enquêtes par questionnaire.

Tableau 10: Anciennes et nouvelles perspectives dans la recherche sur le comportement du consommateur (Belk 1995)

Ancienne perspective Nouvelle perspective Positiviste Expérimentations/enquêtes Quantitative Théorie a priori Economique/Psychologique Non-Positiviste Ethnographies Qualitative Théorie émergente Sociologique/Ethnologique Micro/Managériale

Centrée sur l’achat

Emphase mise sur les cognitions Américain

Macro/Culturelle

Centrées sur la consommation Emphase mise sur les émotions Multiculturelle

L’ethnographie permet d’aborder la consommation dans une perspective macrosociale, centrée sur la culture. Des chercheurs britanniques tels que Daniel Miller et Colin Campbell ont développé des recherches sur la consommation et la distribution en utilisant des outils empruntés aux sciences sociales. Ces recherches ont été encouragées par les Cultural Studies. Hoggart a notamment initié un engouement pour la culture populaire. Dans son ouvrage intitulé The Uses of Literacy (1957), il analyse le style de vie des classes populaires anglaises sur la base d’une recherche ethnographique. Plus tard, Miller et Campbell ouvrent la voie vers des recherches en comportement du consommateur et s’intéressent plus particulièrement aux comportements de shopping dans le commerce moderne. Ces approches macrosociales sont centrées sur la compréhension des formes de socialité et du rôle de

l’imaginaire dans le vécu quotidien des consommateurs (Badot, et alii, 2009).

Au niveau microsocial, les courants de l’Interpretive Consumer Research et de la

Consumer Culture Theory (Arnould et Thompson, 2005 ; Özçağlar-Toulouse et Cova 2010) ont emprunté des méthodes des sciences sociales, dont l’ethnographie, pour approfondir la compréhension de la consommation. Les recherches effectuées produisent une vue riche sur les dimensions sociales, culturelles et symboliques de la consommation (Badot et alii, 2009). Elles s’articulent autour de problématiques centrales en marketing allant du comportement du consommateur (Schouten et McAlexander, 1995; Wallendorf et Arnould, 1988; Wallendorf et Arnould, 1991; Arnould et Price, 2006; Cova et Pace, 2006) à l’activité commerciale dans les points de vente (Badot, 2006; Peñaloza, 1999; Peñaloza et Gilly, 1999).

Trois approches principales s’offrent au chercheur en ethnographie : la traditionnelle intégration ethnographique et deux approches plus récentes, à savoir la narration intégrative et les cas ethnographiques (Baszanger et Dodier, 1997).

L’intégration ethnographique se base sur le supposé suivant : les séquences d’observation ethnographique s’intègrent les unes aux autres grâce à la relation commune qu’elles partagent avec un même ensemble culturel. La culture sert alors d’outil pour interpréter les comportements des individus (Geertz, 1973). L’ethnographie intégrative propose une « totalisation monographique », c’est à dire une intégration des différentes séquences d’observation en un seul cadre de référence global (Baszanger et Dodier, 1997).

La narration intégrative est une approche hyper-réflexive centrée sur le chercheur et le dialogue entre la culture de celui-ci et la culture de la population étudiée. Le contexte

est vu comme le point de départ d’une histoire individuelle et la culture est alors un outil parmi d’autres pour conférer des significations aux activités des individus. Selon cette approche, des cas individuels doivent être collectés mais aucune généralisation ne peut en découler.

Dans la méthode des cas ethnographiques - ethnographic casebook -, le chercheur accumule une série de cas individuels dans l’objectif de produire un inventaire des différentes situations possibles. Diverses comparaisons sont effectuées. Bien que le chercheur puisse privilégier des terrains lui permettant de procéder à des études approfondies de phénomènes, il ne sera pas surpris de découvrir un terrain plus disparate qu’il ne l’avait pensé au commencement de sa recherche.

Nous aspirons, à trouver une référence globale pour notre recherche. En nous intéressant au groupe particulier des femmes casablancaises, nous postulons qu’elles partagent un même ensemble de valeurs et de croyances, et donc une même culture. L’intégration ethnographique qui est la perspective traditionnelle s’annonce donc comme l’approche à privilégier.

Dans le domaine du comportement du consommateur, des auteurs ont développé des approches spécifiques, comme l’ethnographie orientée marché (Arnould et Wallendorf, 1994) ou l’ethnomarketing en France (Desjeux 1990). Les travaux de Eric Arnould et Dominique Desjeux ont nourri la perspective de l’ethnologie de la consommation.

L’ethnographie orientée marché « cherche à clarifier les manières par lesquelles la

comportements et expériences des individus » (Arnould et Wallendorf, 1994, p. 485).

Le contexte y est donc un élément central. Il couvre une variété de conditions partant du niveau macro jusqu’au niveau microscopique. L’ethnographie orientée marché s’approche de l’ethnomarketing développé en France (Desjeux, 1990). Ces deux démarches utilisent les techniques de collecte de données de l’ethnographie. Mais l’ethnographie orientée marché privilégie l’angle culturel à la vision interactionniste (Özçağlar-Toulouse et Cova, 2008). Nous avons adopté une démarche ethnographique orientée marché telle que décrite par Arnould et Wallendorf (1994) car nous privilégions la culture de la consommation à la seule consommation. Nous utiliserons le terme plus simple d’ethnographie dans la suite du présent document.

L’ethnographie se caractérise par l’immersion prolongée du chercheur dans le contexte de la recherche. Le chercheur y occupe une place centrale et il sera le principal instrument de la recherche (Sanday, 1979). Une réflexion à son sujet s’impose donc.